Introduction : Une inversion des valeurs ?
Le Philosophe mathématicien et logicien, Ludwig Josef Wittgenstein, dans son ouvrage, Tractatus logico-philosophicus, affirme que « La philosophie a pour but de rendre claires et de délimiter rigoureusement les pensées qui autrement, pour ainsi dire, sont troubles et floues » (Tel Gallimard, Paris 2001). En partant de ce principe, commençons par préciser le sens des concepts en jeu dans cette analyse. D’abord, selon Le Dictionnaire de la langue française d’Emile Littré, le terme « tolérance » dérive du latin « tolerare » signifiant supporter. De ce mot dérive « tolerantia », signifiant l’endurance, la patience, la résignation. Dès lors, et de façon ordinaire, on entend par tolérance l’action de supporter ou de ne pas interdire ce que l’on désapprouve chez autrui. En d’autres termes, on admet chez autrui une manière d’être ou de penser différente de la sienne. On peut aller même jusqu’à admettre la singularité de la liberté d’autrui. Or, par essence et par définition, toute liberté humaine est différente. Il ne peut en être autrement puisque chacun de nous un prototype génétique de l’Humanité, une unicité différente de tout autre, une singularité irréductible à aucune autre ; donc une manière authentique de s’approprier le sens de la liberté, de vivre sa liberté.
En vertu de sa définition même, le concept de tolérance a une connotation négative au sens où il exige de nous une attitude passive, contrainte même. Ainsi, accepter la religion d’autrui en tant qu’elle est, pour lui, l’expression d’une vérité transcendante, ne peut être appelé une conduite de tolérance. D’autant plus que je puis avoir moi-même une foi tout aussi transcendante, mais tout à fait différente de la sienne. Aussi, sous le mot de tolérance, qu’on a tendance de nos jours à ériger au rang d’une valeur suprême, oubliant ses origines religieuses, on entend souvent une conduite authentique et éminente qui consiste à permettre qu’autrui qu’il ait la liberté d’exprimer des opinions forcément différentes des siennes, voire à épouser la religion de son choix ou celui de celle qu’il héritée de la confession de ses parents. Dans cette perspective, la définition de la tolérance proposée par Edmond Goblot, dans son Le Vocabulaire philosophique, confère à cette notion un aspect plus positif puisqu’elle consisterait « non pas à renoncer à ses convictions ou à s’abstenir de les manifester, de les défendre ou de les répandre, mais à s’interdire tous les moyens violents, injurieux ou dolosifs ; en un mot, à proposer ses opinions sans chercher à les imposer » aux autres du moment qu’étant différents de moi, ils peuvent ne pas les partager.
Différents, certes, mais fondamentalement semblables
Une telle définition plus positive, plus large et moins contraignante moralement et psychologique se rapproche davantage du concept de respect. Celui-ci, selon le même dictionnaire, dérive du latin « respectus » qui signifie égard, considération. En d’autres termes, c’est le fait de prendre en considération autrui tel qu’il est, qu’il se conduit, qu’il pense ou qu’il croit. Prendre quelqu’un en considération revient, en dernier ressort, à reconnaître qu’il est l’incarnation, au même titre que soi-même, de la valeur de la valeur. Cette expression sous-entend qu’on ne peut relativiser cette valeur, d’une part, d’autre part, elle sert de norme première à toute autre valeur qu’on voudrait bien concéder aux choses par comparaison. Donc, si autrui inspire du respect du point de vue de l’éthique philosophique, cela revient à lui témoigner de la déférence, de l’estime et, pourquoi pas, de la révérence si autrui fait montre de grandeur morale, intellectuelle et se conduit ordinairement avec un sens aigu de l’équité. C’est en ce sens qu’on lui accorde une attention, quel qu’il soit physiquement – le fait d’être différent physiquement est inessentiel dès lors que c’est une attribution de notre nature biologique comme on naît roux, brun ou blond etc. -, en vertu de son humanité spirituelle. Il faut entendre par là qu’il vit son humanité avec autrui essentiellement sous l’angle des valeurs, hormis toute autre considération triviale. Sur ce piédestal de son humanité universalisée, il se moque des petitesses ordinaires, qui inclinent les individus à se détester, à se haïr, à se fuir, au mieux, à se tolérer seulement. Le respect a une connotation de vénération que l’on puisse témoigner à autrui – le prochain comme le lointain – par le sentiment d’élévation qu’il manifeste couramment vis-à-vis des autres êtres humains.
Nous disons, donc, que l’attitude philosophique première dont on doit faire preuve au milieu des êtres humains, tant que nous vivons, c’est le respect en tant que valeur qui nous permet de reconnaître, d’accepter au sens de comprendre, d’apprécier et de mettre en valeur les qualités et les droits d’autrui ; voire de consentir à coexister avec ses défauts puisque nul être humain n’en est exempt. Tel est le sens même de la maxime des nations qui pose : « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse ». Dès lors, comment comprendre, de nos jours, aussi troubles que les périodes précédentes de l’Humanité, on en est venu à élever la tolérance sur un piédestal quasi inaccessible ? A la considérer comme le sentiment humaniste le plus remarquable et, ainsi, à occulter la notion du respect ? Quel étrange destin de ces notions où l’on voit la négative supplanter la positive dans les pratiques et les pensées humaines contemporaines ?
I- La question de la tolérance dans la théologie judéo-chrétienne
Les maux dont souffre, en grande partie, l’humanité d’hier et d’aujourd’hui, comme les haines, l’intolérance, le dogmatisme et son obscurantisme, la violence, l’irrespect ordinaire d’autrui, l’incompréhension etc., sont le fait essentiel de deux « religions de conquête » telles que les qualifiait notre maître en théologie, le regretté Père Christian Duquoc[1], en l’occurrence, le Christianisme et l’Islam. Il est établi que le christianisme s’est édifié, comme institution de pouvoir temporel, sur un mensonge et une trahison. En effet, l’église chrétienne, assoiffée de pouvoir, a prétendu que « l’empereur Constantin 1er établit un acte de donation au pape Sylvestre 1er laissant la souveraineté de toute la partie occidentale de l’Empire romain au pape. Au XVe siècle, l’inauthenticité de ce document est révélée. En attendant, la papauté a régné »[2]. Cela se serait passé le 30 mars 317 de notre ère. C’était bel et bien un « faux et usage de faux ». Cette institution de pouvoir temporel a vidé le message du Jésus Christ de son essence spirituelle et de sa simplicité éthique. Le Christ, s’il revenait au monde, ne reconnaîtrait aucunement, dans la figure de cette Eglise, ce que les hommes ont fait de son message d’amour « aimes ton prochain comme toi-même » et de sa mission d’unir les peuples de la terre. Dès lors, au nom de cette loi christique, la première et l’ultime d’entre les lois divines, comment peut-on se dire chrétien si notre cœur est plein de haine des autres, si notre conscience est toute entière envahie par la détestation d’autrui ? L’intolérance à l’égard de tout être humain, quel qu’il soit est-elle humaine ? En ce sens, t à titre d’exemple, l’homosexuel est-il moins chrétien que l’hétérosexuel, du seul fait de sa préférence sexuelle ? Qui peut prétendre juger ainsi de la nature des choses au nom du Christ plein d’amour pour tout être humain ? Répétons sa loi fondamentale, claire évidente per se pour toute intelligence humaine : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
L’église catholique, entre autres branches du christianisme, ne peut condamner l’homosexualité comme elle l’a fait pendant des siècles en Europe, puisqu’elle-même produit des homosexuel(elle)s. Pourtant, elle s’est toujours permise d’agir de la sorte. D’abord, suivant les travaux d’Henri Maisonneuve[3] et de Laurent Albaret[4] sur l’Inquisition[5], parmi les motifs de condamnation des chrétiens au bûcher, sur les places publiques, figure entre autres, l’homosexualité. En effet, on comptait au nombre des raisons d’accusation le fait d’avoir craché sur la Croix, même si ce n’était pas réellement prouvé ; de donner des baisers indécents, d’avoir renoncé au Christ, d’avoir proféré des blasphèmes, commis des actes homosexuels. Concernant les religieux, on pouvait les accuser d’avoir cessé de célébrer la messe. Au nom de sa doctrine dont on ne voit pas où la sainteté, elle dut soumettre, pendant des siècles (du 12e siècle au XIX e siècle, suivant les pays les pays européens), des femmes accusées de sorcellerie ou d’impiété à la torture, puis livrées au bûcher. Les exécutions sommaires et massives (Protestants, Cathares, Albigeois etc.) étaient chose courante, comme si elle se nourrissait du sang de ses victimes, comme les dieux païens d’antan. Des Inquisiteurs comme Conrad de Marbourg, Robert le Bougre ou encore Nicolas Eymerich, l’inquisiteur général d’Aragon (Espagne) étaient, en fin de compte, des assassins, des meurtriers guidés par la passion du pouvoir temporel. Des représentants de l’église catholique, comme les Dominicains ou les Franciscains[6], les cisterciens et les Jésuites même ont été impitoyables à l’égard notamment des femmes pour le moindre écart de conduite par rapport à la morale de cette Eglise assoiffée de pouvoir temporel et dans le dédain total du spirituel[7].
A- L’absurdité de cette notion de tolérance dans les religions des Déesses-Mères
Une figure des Grandes Déesses Mères, Religion première de l’Humanité
L’Androgyne, sous sa figure féminine, ou suivant la définition que je lui ai donné, c’est-à-dire la totalité en tant qu’unité féconde de l’Etre, apparaît comme le commencement absolu, la divinité par excellence. A ce titre, on peut la considérer telle que la créatrice du cosmos qui se tient en son sein. Si on regarde l’androgyne, non pas sous sa dimension céleste, mais suivant la réalité simplement humaine, il génère, comme source, et nourrit ce que l’on a convenu d’appeler la civilisation : celle qui organise et porte à un niveau élevé le sentiment de l’humanité. Dès lors, on peut dire que les êtres humains de notre lointaine histoire étaient plus enclins naturellement à vénérer la figure féminine du divin. Qu’on la considérât telle que la Maîtresse céleste, la Souveraine des cieux ou la Reine de l’univers ; ou encore telle que la Grande Dame d’En-Haut, tout cela tenait à un phénomène essentiel : tout le monde pensait, au cours de ces âges, que le féminin détenait le secret de la fécondité et de la procréation. La relation entre féminin et masculin ne pouvait être autre chose qu’une source de plaisir. Le coït n’avait aucune part à l’engendrement. En ce sens, on pensait que seul le féminin pouvait se reproduire. C’est ce qui, plus tard, a forcément incliné le masculin à des interprétations arbitraires concernant les cultes du divin féminin.
Selon le masculin, et conformément à la mesure de ses préjugés anti-féminins, l’idée même d’une Déesse, qui serait Créatrice du cosmos et qui ordonnerait les phénomènes, ne serait rien d’autre qu’un vulgaire culte de la fertilité. Ceci n’est pas exclu du souci des premières religions ; cependant, celles-ci ne s’y réduisent pas. Que les cultes des divinités féminines fassent penser que ces dernières seraient maîtresses de la destinée de l’espèce humaine ; et qu’en outre, ces pratiques religieuses aient donné naissance à une caste de prophétesses, de guérisseuses, de combattantes courageuses, prêtes à affronter toutes sortes de dangers, voire de chasseresses, voilà ce qui paraît inconcevable aux yeux du petit masculin. Et pourtant, la religion du féminin-androgyne fut bien la première religion de l’espèce humaine, comme l’affirme, à juste titre, Jean Makale : « depuis près de quatre mille ans, nous vivons intellectuellement du moins, sous le joug d’une incroyable imposture : celle qui fait du soleil l’image symbolique d’une virilité créatrice et toute-puissante. Or, si l’on examine avec attention les données archéologiques les plus anciennes et qu’on les confronte avec les schémas mythologiques issues d’une mémoire collective qui n’oublie rien, on s’aperçoit que cette imposture est le résultat d’un bouleversement socioculturel, opéré à des dates variables selon les divers espaces géographiques, en fait un renversement de polarité où l’individu mâle a commencé à dominer la femme et à enfouir l’image de celle-ci au fond de son inconscient, avec toute la charge négative que cela pouvait entraîner. En un mot, cette imposture, qui est aussi une authentique escroquerie, n’est qu’une tentative de justification des sociétés patriarcales par l’affirmation gratuite de la supériorité de l’homme sur la femme, postulat indémontrable et qui est contredit aussi bien par les faits archéologiques que par l’analyse des traditions les plus anciennes de l’humanité».[8]
De façon générale, l’Histoire de l’Antiquité humaine nous révèlent, sans conteste, l’antériorité et la souveraineté des l’Androgyne-Féminin et l’émergence des premières humaines au féminin. Selon Jean Markale et Merlin Stone, la déification et les cultes de la divinité féminines sont, non seulement fort répandus chez tous les peuples de la haute antiquité sur la terre, mais aussi très anciens. Cette religion première a duré, si ce n’est plus de vingt-cinq mille ans, à partir du paléolithique supérieur, du moins sept mille ans. C’est en ce sens que Stone écrit : « d’après les découvertes archéologiques, l’Ancêtre Divine, que la plupart des auteurs surnomment la Déesse-Mère, était la divinité suprême de toutes les sociétés néolithiques et du début du chalcolithique, pour qui Elle représentait non seulement la reproduction de toute vie humaine, mais aussi la source de toutes les révoltes. C’est ce que supposait C. Dawson, lorsqu’il écrit en 1928 : « Les premières tentatives d’agriculture se sont déroulées autour des autels de la Déesse-Mère, qui furent autant de centres d’échanges économiques et sociaux que des lieux sacrés. C’est là qu’il faut chercher le germe des cités futures » [9] »[10] .
Effectivement, quand le monde était sous l’empire du féminin, le visage de la terre respirait l’amour de la vie. On y combattait Thanathos, effet de la volonté arbitraire d’un être humain. Ce monde portait des futurs pleins de potentialités infinies en répandant partout la paix. Et le féminin triomphant jouissait d’un statut infiniment meilleur, plus enviable que celui hérité du basculement du pouvoir entre les mains du masculin. Au cours de ces temps primordiaux du règne de l’Androgyne, l’amour était roi. Le slogan contemporain qui affirme « faites l’amour, pas la guerre » convient bien à une telle époque comme caractère essentiel. Hormis les préjugés du masculin, qui cache bien son jeu de sa passion pour l’activité sexuelle, ces temps primordiaux étaient consacrés aux cultes des déesses de la fertilité, à la religion de l’amour, non au sens christique et/ou évangélique de cette expression, mais au sens plénier de la jouissance de la vie, de la sexualité. La religion de la femme et/ou de l’amour, sous la figure de l’Androgyne triomphant, omniprésent et intemporel, c’était la vénération orgiaque de la nature sous toutes ses formes, sans jugement de valeur moral ou religieux. On en avait cure des valeurs érigées au-dessus de la tête de l’être humain ou inscrites dans sa conscience par les religions eunuques.
Dans ce contexte, puisqu’il n’est pas question d’une Vérité, une, universelle qui s’imposerait à tous et que, en conséquence, tous doivent suivre impérativement, la question de la tolérance n’a pas lieu d’être. En ce sens, le polythéisme traduit bien plus la liberté humaine que le monothéisme, figure d’une servitude morale et psychologique insidieuse. Il dessine la voie à suivre. Le refus n’est pas de mise ici, puisqu’il entraine l’ostracisme, le rejet, l’exclusion, voire la mort. Dans le polythéisme, chacun croit ce qui est en accord avec sa vie, ses intérêts, son éthique, le sens qu’il entend donner à son existence ici-bas, sans chercher à forcer les autres à adhérer à la même foi que lui, à croire au même dieu que lui. On retrouve, de nos jours, une telle attitude chez les Africains subsahariens. En effet, même les parents adoptent une foi donnée, il n’est pas rare que les enfants choisissent de pratiquer une autre religion, par exemple protestante par rapport à la catholique que leurs parents ont adoptée. Ceci s’explique par l’esprit même des religions traditionnelles que nous avons appelées naturelles dans nos travaux anthropologiques. Nous appelons « naturelles », toutes les religions, comme celles des peuples de l’Afrique subsaharienne, entre autres expressions religieuses fort répandues parmi les êtres humains, qui se fondent sur des croyances en la puissance souveraine de la Nature, impliquant la croyance en un Dieu suprême. Car celle-ci est naturelle et évidente et elle ne donne pas lieu à des questionnements. C’est cette nature qui est pourvoyeuse de diverses divinités ou entités suprasensibles et qui est l’unique cause de la manifestation des diverses formes de pouvoirs, comme les pratiques médicinales, les rituels divers et variés etc. Elles ne reconnaissent pas l’existence de livres sacrés révélés par un Dieu, puisque la révélation du divin se vit lors de circonstances communautaires particulières et par la médiation de prêtres élus ou initiés aux mystères. Elles n’imposent rien à autrui parce qu’elles ne suivent pas la logique fallacieuse qui consiste à prétendre détenir la vérité et à vouloir l’imposer aux autres par la persuasion ou même par la violence comme les croisades, les guerres de religion etc. En ce sens, elles ne sont guère conquérantes, ni mortifères à une échelle universelle.
Déesse Mère suivant une représentation égyptienne
B- L’erreur du judéo-christianisme sur la diversité de compréhension des textes dits révélés
Le monothéisme et son idée fixe d’une pensée orthodoxe de la lecture et l’interprétation des textes révélés est une calamité pour la liberté humaine dans les domaines des savoirs comme la philosophie, la science, la théologie même etc. Ainsi, qualifier une compréhension originale de ces textes d’hérésie suppose qu’on refuse de tenir compte du sens étymologique grec de ce terme. En effet, hérésie dérive du mot de l’ancien grec hairesis, qui signifie choix, opinion. Selon le Dictionnaire Larousse, l’hérésie est d’abord une « idée, théorie, pratique qui heurte les opinions communément admises ». Ensuite, avec le triomphe du catholicisme en Europe, celui-ci considère l’hérésie comme une « Doctrine, opinion émise au sein de l’Église catholique et condamnée par elle ». Enfin, sa traduction latine a jeté une connotation péjorative sur cette notion. Il s’agit, en effet, de sequi, de secutus suivre, qui a donné à secta, soit secte. Une autre étymologie fait dériver le mot secte du latin « secare », c’est-à-dire « couper. Dans cas, il s’agit d’un petit groupe qui se sépare d’un vaste ensemble religieux ou philosophique en provoquant une déchirure d’après une nouvelle interprétation ou compréhension des textes en vigueur. Dans le cadre d’une secte religieuse, on parlerait d’un ensemble de disciples qui suivent un maître dans sa doctrine fondée sur une révélation surnaturelle ou sur la découverte d’une vérité qu’il tient pour unique.
Toutefois, la définition qu’en donne Cicéron de la secte semble plus affirmative (In Œuvres Complètes –Trad. Jean-Pierre Charpentier- (Hachette, col. « Littérature latine », Paris 2013). Il entend par secte, une école de pensée dont les élèves suivent les enseignements d’un maître. Suivant cette définition, le terme paraît plutôt neutre, c’est-à-dire sans aucune nuance négative et sans blâme. C’est en ce sens que « Le Jardin d’Epicure » à Athènes, en retrait des troubles du monde pour cultiver le bonheur avec ses disciples, était considéré comme une secte. Cependant, en philosophie, on ne décide pas de la mort de quelqu’un parce qu’il professe une doctrine différente des mouvements de pensée dominants, tel le platonisme, l’Ecole de Milet etc. On ne manifeste pas non plus d’ostracisme à son égard. On s’affrontait à coups d’arguments, de rhétorique, de discussion. Autrement, on n’aurait pas hérité de l’Antiquité une telle richesse en matière de pensées différentes, défendant parfois des thèses contradictoires. En raison de cet esprit, par essence, sain de la Philosophie, de nos jours, l’Unesco a jugé nécessaire de proclamer la Journée Mondiale de la Philosophie en 2005. Lors de sa Conférence générale de cette Journée, elle a insisté sur le fait que « la philosophie est une discipline qui encourage la pensée critique et indépendante, à même d’œuvrer pour une meilleure compréhension du monde et promouvoir la tolérance et la paix »[11] entre les êtres humains. Cette journée a été célébré le 17 novembre 2016, date qui coïncide avec « la Journée internationale de la tolérance ». Car dans l’esprit philosophique, il y a nécessaire les principes du respect d’autrui, de la tolérance par rapport à ses choix de religion, de vie etc., et des droits de l’homme. On ne peut en dire autant de toute religion révélée.
Tel est le cas du christianisme. En effet, au cours de son histoire, l’Eglise chrétienne, entre autres emprunts à la philosophie, a dû renoncer à la doctrine biblique de la résurrection en faveur de la croyance païenne en l’immortalité de l’âme issue de l’orphisme, conceptualisée par Pythagore et par Platon en particulier. De même, l’Eglise imposa aux Chrétiens la croyance en l’immortalité de l’âme. Celle-ci fut officiellement proclamée, sous la forme d’un dogme, en 1513 au Concile de Latran V.
Dès lors, l’influence des religions dites païennes, comme l’orphisme, et la philosophie grecque ont eu un impact considérable sur la « secte juive » , selon l’expression de Porphyre de Tyr (234-305 ?), disciple de Plotin, devenue religion d’Etat sous Constantin Premier le Grand au IVe siècle après J-C. Et sa pratique a pu accéder au rang d’une raison universelle grâce à l’intelligence de deux Pères de l’Eglise : d’abord, Saint Augustin qui a « christianisé » la pensée de Platon en l’introduisant dans ses conceptions et ses théories religieuses ; ensuite, Saint Thomas d’Aquin, au Moyen-Age, « christianisa » à son tour la philosophie d’Aristote. Pour l’un comme pour l’autre, il s’agissait d’harmoniser le savoir, la foi chrétienne et la sagesse antique en érigeant au rang d’une théologie rationnelle[12] ce qui n’était que de l’ordre du sentiment, de la pratique, du rituel. Le dogme de l’immortalité de l’âme, sous l’angle de la pensée platonicienne, vise à mettre l’homme au-dessus des autres espèces vivantes. Seule l’espèce humaine, faite à l’image de Dieu, est douée de raison et de facultés éminentes.
Pourtant, c’est cette même religion chrétienne qui a jeté l’opprobre sur la notion de secte avec les premières controverses théologiques dont les plus célèbres tenants sont, entre autres, Justin de Naplouse, Irénée de Lyon, Saint Augustin. Les deux premiers ont écrit des textes contre les « hérésies » au IIe siècle de notre ère. Aidée au IV e siècle par des empereurs romains, par des mesures contre les hérétiques, l’Eglise chrétienne a voulu, ainsi, imposé sa volonté de monopole religieux en matière d’orthodoxie de la lecture et compréhension normale du sens des textes révélés. Ce faisant, elle a interdit à toute la chrétienté la liberté de formes de croyance ou d’opinion libre dans ces matières. Le monothéisme judéo-chrétien s’est grandement nourri de la rationalité philosophique (voir ci-dessus) pour créer la théologie qu’on peut définir comme l’étude rationnelle du Divin dont l’ambition a fini pour chercher à englober, voire à comprendre la philosophie comme « la servante de la théologie ». En ce sens, la théologie transcende la philosophie. Or, c’est par la théologie que cette Eglise s’est permise d’édicter des vérités supposées révélées ou objectives sur Dieu en les érigeant au rang de dogmes (opinions données à croire comme étant vraies, Dieu en trois personnes, la virginité de Marie etc.) Dès lors, tout croyant qui errait par rapport à ces dogmes et autres articles de foi était frappé d’excommunication ou anathème.
1) Jésus n’a-t-il pas commis une hérésie fondatrice d’une nouvelle religion par rapport à sa propre tradition juive ?
Un passage de l’évangile de Luc raconte un fait étonnant. Alors que Jésus était encore un enfant, il réussit à s’échapper à ses parents pour se réfugier dans le Temple de Jérusalem. Au bout de quelques jours, ses parents l’y trouvent au milieu des doctes de la Torah en train de débattre intelligemment avec ceux-ci comme s’il avait la science des textes bibliques lui étaient connaturelles. A ce sujet, Luc écrit : «Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents. Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher. C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ?
Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Luc 2, 41-52)[13]. Dans cette perspective, on pourrait tout à fait reconnaître qu’avant de prendre certaines distances avec des aspects de sa tradition d’origine, Jésus maîtrisait fort bien celle-ci. Et pourtant, devenu adulte, il professe un enseignement tout à fait différent de l’orthodoxie primo testamentaire. Ainsi, on sait que chez les Juifs, l’appartenance au peuple élu l’emporte sur toute conception théologique. Et l’appartenance à ce peuple n’est pas de l’ordre de l’héritage culturel, mais de l’hérédité biologique, en l’occurrence, le sang de la mère. Cette nécessité d’appartenance naturelle est doublée par une autre, la circoncision, acte initiateur de l’Alliance du peuple hébreu avec son Dieu, comme le dit le Livre de la Genèse (Gn 7-14) : « J’établirai mon alliance entre moi et toi, ainsi que tes descendants après toi, au fil des générations : ce sera une alliance perpétuelle en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de ta descendance après toi.
Je te donnerai à toi et à tes descendants après toi, le pays où tu séjournes en étranger, tout le pays de Canaan ; il sera leur propriété pour toujours et je serai leur Dieu.
Dieu dit à Abraham : « Quant à toi, tu garderas on alliance toi et des descendants après toi au fil des générations.
Voici quelle est mon alliance, celle que vous garderez entre moi et vous, ainsi que ta descendance après toi : tout garçon parmi vous sera circoncis.
Vous vous circoncirez et ce sera un signe d’alliance entre moi et vous.
A l’âge de 8 jours, tout garçon parmi vous sera circoncis, et ce à chacune de vos générations, qu’il soit né chez toi ou qu’il ait été acheté à un étranger, en dehors de ta descendance.
On devra circoncire celui qui est né chez toi et celui que tu as acheté. Mon alliance sera inscrite dans votre chair comme une alliance perpétuelle.
Un homme incirconcis, qui n’aura pas été circoncis dans son corps, sera exclu de ton peuple : il aura violé mon alliance[14] ».
Selon le témoignage de l’évangile de Luc (2, 21-39), Jésus lui-même été circoncis comme tous les enfants juifs : « Le huitième jour, auquel l’enfant doit être circoncis étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu’avait indiqué l’ange avant qu’il ne fut conçu dans le sein de sa mère ».
Or, le réel fondateur du Christianisme, d’après Nietzsche (In L’Antéchrist Idées/Gallimard), en l’occurrence, Paul de Tarse, Juif romain et confession hébraïque et Rabbin, quelques cinquante après la mort réelle ou supposée[15] de Jésus Christ à Jérusalem, a pris de sérieuses distances par rapport à l’orthodoxie de la tradition juive sur la question de l’appartenance aux tribus juives. En effet, le Nouveau Testament bannit la circoncision obligatoire en la remplaçant par le baptême. Selon Paul de Tarse, ce qui importe pour le chrétien, ce n’est pas tant la circoncision que la foi en Jésus. Dans deux textes, entre autres, il renverse les données en proposant une nouvelle lecture de textes primo testamentaire. Il vise, ainsi, à briser les carcans des traditions tribales juives en les remplaçant par une vision universaliste de la religion qu’il était en train de créer. En effet, il écrit : « L’homme n’est pas justifié par la pratique de la loi, mais seulement par la foi en Jésus-Christ […], car si la justice vient de la loi, c’est donc que le Christ est mort pour rien » (Ga 2:16, 21). Dès lors, il importe de prendre congé par rapport à la stricte obéissance à la loi ancienne/tribale pour que la nouvelle religion puisse s’adresser à tous les hommes : « Ce n’est point par l’intermédiaire d’une loi qu’agit la promesse faite à Abraham […] mais par le moyen de la justice de la foi » (Rm 4:13).
C’est pourquoi, lors du Concile de Jérusalem, Paul de Tarse n’eut pas de difficulté à convaincre les autres chefs des premières communautés chrétiennes que, désormais, on peut être baptisé sans avoir été circoncis au préalable (Act., 21, 18). En ce sens, la rupture avec les racines juives du christianisme est nettement opérée et son ouverture à l’universalité est, ainsi, dessinée par l’enseignement de Paul de Tarse lui-même, d’après les la teneur des textes suivants : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. » (Ga 3, 28).
Donc, l’Eglise ne représente plus seulement une communauté de croyants, mais elle devient essentiellement un corps mystique (Epit. 1, 23 ; Col 1, 24). Paul insiste davantage sur la foi, l’espérance que la seule loi ancienne. Mieux, à ses yeux, ce qui importe au plus haut point, et qui doit occuper une place fondamentale dans la vie d’un chrétien, c’est l’amour dont il peut faire preuve. D’autant plus que, sans ce sentiment sublime au cœur de tout être humain, toute recherche de vie intérieure, de spiritualité profonde ou de salut est comme vaine. Paul exprime bien ce message dans une très belle lettre adressée aux Corinthiens :
« Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. » (1 Co 13, 1-3).
La scission dans la vision du monde et la compréhension des textes bibliques sont donc claires : désormais, les chrétiens considèrent que l’Eglise est le corps vivant du Christ. Ce principe fondamental pose, par conséquent, que l’unité, dogmatique, de ce corps est principale. Toute errance ou hérésie par rapport à ce dogme ou à l’enseignement institutionnel de l’Eglise devient une atteinte à cette unité, comme est une césure opérée dans le corps du Christ. Finie la fidélité et la stricte application de la loi hébraïque, notamment par rapport à la circoncision qui est totalement abandonnée. Alors, on comprend les réactions très vives des Juifs par rapport aux Testaments et à la lecture, tout à fait, singulière qu’en donnent et Jésus et Paul de Tarse. Même un philosophe, comme Moïse Maïmonide, perdant toute maîtrise de soi, n’a pas manqué de prendre des positives très dures et condamnant sans concession Jésus dont l’ambition a consisté à vouloir non pas accomplir les Ecritures mais à les abolir. Dans le contexte du Moyen-âge ou les Juifs étaient entre le marteau et l’enclume, c’est-à-dire entre les persécutions des chrétiens et des musulmans les obligeant à se convertir pour avoir la paix, il est sollicité par un Rabin du Yémen pour donner son avis sur l’obligation faite aux Juifs du Yémen de convertir à l’Islam, Maïmonide rejette catégoriquement le christianisme et ses fondateurs. Ainsi, dans ses Epitres, notamment l’Epitre au Yémen[16], il écrit : « Le premier à avoir adopté ce plan [de détruire toute trace de la nation juive] a été Jésus le Nazaréen, que ses os soient réduits en poussière. Il était d’Israël, bien que son père fût non-juif et que sa mère seulement fût israélite. Le principe en notre main est : un non-juif venant sur une fille d’Israël, l’enfant est légitime. Cependant, on l’appelle exagérément bâtard. Il a incité les gens à croire qu’il était le prophète envoyé par Dieu pour clarifier les ambiguïtés dans la Torah, et qu’il était le Messie qui était prédit par chacun des prophètes. Il a interprété la Torah et ses préceptes de telle façon que cela conduisait à leur suppression totale, à l’abolition de tous les commandements et à la violation de tous les interdits. Les sages, que leur mémoire soit bénie, ayant été au courant de ses plans avant que sa réputation ne se répande parmi notre peuple, lui infligèrent une punition
Daniel avait déjà fait allusion à lui quand il présageait la déchéance d’un méchant et d’un hérétique parmi les Juifs qui tentera de détruire la Loi, se proclamera prophète, prétendra faire des miracles et affirmera être le Messie, comme il est écrit, « Et les fils sans loi parmi ton peuple se révolteront pour accomplir la vision, mais ils succomberont » (Daniel, 11-14) ».
Maïmonide considère Jésus, tout Juif qu’il était, comme un hérétique. C’est un illuminé, qui s’est proclamé Messie, sans avoir la reconnaissance des livres primo testamentaires. Se sentant libre par rapport aux devoirs du Judaïsme, il ou, plutôt, ses disciples ont opéré un syncrétisme judéo-chrétien qui lui semble une abomination. Une telle création ne peut se fonder que sur une tromperie puisqu’aucun texte primo testamentaire ne lui reconnaît ses pouvoirs de miracles comme étant l’œuvre de Dieu. C’est en ce sens qu’il s’emporte encore contre ce Jésus dans le même ouvrage : « Vous savez que les Chrétiens ont imputé faussement des pouvoirs merveilleux à Jésus le Nazaréen, que ses os soient réduits en poussière, tels que la résurrection des morts et d’autres miracles. Même si nous les avions admis en raison de leurs arguments, nous ne pouvions pas être convaincus par leurs raisonnements que Jésus est le Messie. Car nous pouvons apporter un millier de preuves des Écritures, qu’il ne peut pas l’être même de leur point de vue. En effet, qui désirerait s’attribuer injustement ce rang sans vouloir faire de lui-même un objet de dérision ? »
2) La violence et l’intolérance de l’église catholique
En appliquant, de façon implacable, le règne de la logique de la religion universelle comme l’unique vérité et, ce faisant, celle de la cruauté envers les femmes, entre autres nombreuses victimes de l’Inquisition, le christianisme a, de la sorte, cherché à les nier comme genre sexuel, à les plier au pouvoir du seul masculin et à celui de son Dieu comme genre.
Mais, au fond, qu’est-ce donc qu’une religion de ce genre ? Ce n’est rien d’autre qu’une institution de pouvoir temporel dont la finalité essentielle est la domination sur les consciences et leur soumission aux détenteurs des puissances religieuses. Elles y parviennent par la terreur et la volonté de la domestication de l’instinct sexuel. D’où les conduites paradoxales des Pères de l’Eglise. D’abord, quand les chrétiens étaient en situation d’infériorité, qu’ils étaient vigoureusement combattus, de tous côtés, certains pères de l’Eglise soutenaient des thèses de tolérance. Ce fut le cas de Tertullien (155-225). En effet, un siècle avant Constantin, à Carthage, il défendait la liberté religieuse comme un droit naturel. Dans son apologétique, il critiquait la haine envers les chrétiens de la part des magistrats et de l’empire romain lui-même à certains moments de son histoire. Selon lui, “au nom de quel droit les romains veulent-ils imposer leur religion” aux autres dont les chrétiens ? Un peu plus tard, Cyprien (200-258) réagit de la même manière à propos de cette volonté d’interdire le culte chrétien. Evêque de Carthage, il fut confronté à la persécution de l’empereur Dèce, puis de Valérien. Il fut donc un témoin privilégié de ce combat contre ceux qui veulent détruire sa religion et imposer la leur par la force. Quand Augustin (354-430) fut confronté aux mêmes problèmes de déviances théologiques ou d’intolérance religieuse, il s’opposa d’abord à l’idée de contrainte à l’égard de la doctrine de Donat[17]. La controverse avec ce groupe devint politique en raison de la violence des extrémistes donatistes entrainant de l’insécurité. Cependant, en 404, les évêques catholiques prirent la décision de s’opposer aux Donatistes « avec douceur dans un esprit de paix ». Malgré cette recherche d’apaisement, entre les uns et les autres, l’entente entre Catholiques et Donatistes fut impossible. Ceci a conduit Augustin à se poser une question d’ordre philosophique : « Fallait-il recourir à la force dans la controverse avec les Donatistes ? » (Lettre 105,2). A ce moment- là, Augustin n’était nullement favorable aux solutions qui prônaient la violence. Il justifia ainsi sa position : « On doit être libre de choisir sa religion ». Il fit preuve de cette même conduite éclairée à l’égard des Juifs : il n’eut aucun recours à la force en respectant leur liberté de culte. Cependant, comme on le verra un peu plus loin, Auguste changea de position quand son Eglise devint toute puissante dans l’empire romain. Car il fut amené à établir des nuances iniques : toute violence est légitime si c’est l’Eglise qui la pratique à l’égard des hérétiques, mais illégitime dans le cas contraire, puisqu’il écrit (Lettre 185,2) : « Pourquoi l’Eglise ne forcerait-elle pas ses fidèles perdus à [lui] revenir, si les fils perdus en ont forcé d’autres à se perdre ? »
A partir du Moyen-âge, l’église catholique étant devenue la Maîtresse par excellence de tous les pouvoirs, temporels et spirituels, de l’Europe, elle institua l’Inquisition moyen de lutte implacable contre toutes les dormes de déviance par rapport à ses propres dogmes. Ceci n’est pas étonnant pour peu qu’on s’intéresse aux travaux relatifs à l’Inquisition en France, comme sources de savoir rationnel sur les formes de cruauté dont l’espèce humaine, même sous de fallacieux prétextes. En effet, sous l’effet des tortures d’une cruauté innommable, les hérétiques, tels que les cathares, ou les personnes qualifiées de sorcières et/ou créatures démoniaques, étaient capables, entre autres prouesses ou phénomènes étranges du cerveau, de cracher des crapauds, des quantités de vers, de se manifester sous des formes répugnantes, de parler des langues inconnues, de provoquer des orages, voire de déplacer des objets dans l’espace. Même si ces êtres humains du Moyen-âge n’étaient différents de nous, il n’en demeure pas moins que les doctes de l’église attribuaient ces manifestations mystérieuses aux pouvoirs de Lucifer ou de Satan qu’ils avaient en partage. Selon eux, quand Satan est à l’oeuvre, tout devient possible, comme le vol (voyage dans l’espace) des sorcières sur les manches des balais etc… On peut trouver ses sources dans des ouvrages comme ceux de Jean-Louis Biget : Hérésie et inquisition dans le midi de la France (Picard, coll. “Les médiévistes français”, Paris 2007) ; et de Laurent Albaret : L’Inquisition, rempart de la foi ? (Gallimard, coll “Découvertes Gallimard/ Religions”, Paris 2006).
L’mage parle d’elle-même
Certes, au regard du catholicisme, la terreur de l’Inquisition, au Moyen-âge, a expurgé le christianisme d’un ensemble d’hérésies qui n’avaient rien à voir avec le christianisme comme tel. Puisque les fidèles ordinaires n’avaient pas accès à la lecture directe des textes révélés, les élites parmi le clergé pouvaient alors interprété les choses à leur guise. Certains d’entre eux n’ont pas hésité à opéré des syncrétismes entre l’Ancien et le Nouveau Testament de manière arbitraire. Cette liberté d’interprétation des textes les conduit à créer des sectes plus ou moins dangereuses les unes autant que les autres. Nous retiendrons, ici, deux exemples. D’abord, on connaît l’histoire des Carpocratiens par Irénée de Lyon[18], qui les considérait comme une hérésie dangereuse au regard de la doctrine professée par le catholicisme. Celle a été fondée par Carpocrate d’Alexandrie (première moitié du IIe siècle après J.C.). D’ailleurs, ses adeptes défendent des idées proches de celles des barbélognostiques – du nom de Barbélo, l’une des principales figures de la mythologie gnostique-. De manière générale, les tenants de cette secte s’adonnaient au culte phallique, c’est-à-dire à l’abandon des plaisirs des sens sans limites. Ces coutumes licencieuses ont profondément choqué la rigueur ascétique prônée par les défenseurs du catholicisme ; coutumes blasphématoires qui seraient héritées des religions païennes, notamment les religions des cultes des Grandes Déesses de l’Antiquité. On comprend alors qu’un Père de l’Eglise, comme Irénée de Lyon, se soit employé à combattre véhément de telles hérésies, en vertu même de leurs pratiques sexuelles permissives. C’est en ce sens qu’il l’écrit : « Ces gens, qui vivent dans la débauche et professent des doctrines impies, se servent du Nom comme d’un voile dont ils couvrent leur malice… Ils en sont venus à un tel degré d’aberration qu’ils affirment pouvoir commettre librement toutes les impiétés, tous les sacrilèges. Le bien et le mal, disent-ils, ne relèvent que d’opinions humaines. Et les âmes devront de toute façon, moyennant leur passage dans des corps successifs, expérimenter toutes les manières possibles de vivre et d’agir… Donc, d’après leurs propres écrits, il faut que leurs âmes expérimentent toutes les manières possibles de vivre, en sorte que, à leur sortie du corps, elles ne soient en reste de rien. » (In Contre les hérésies)
Ensuite, les Naassènes ou les Ophites, voire en termes vulgaires les Masc, étaient des adeptes des serpents flamboyants. Ils se considéraient comme les vrais chrétiens alors que l’Inquisition les regardait comme des hérétiques. En effet, le terme naas signifie serpent en hébreu ; d’où les naassènes. Ils constituaient un courant gnostique, mystique. Dès le début de la naissance du christianisme, ils avaient été combattus par des Pères de l’église comme hérétiques, tels que Irénée de Lyon, Hippolyte etc. Il semblerait qu’ils auraient quelque chose à voir avec certains courants du catharisme. Ils professaient que Dieu accoucha du penser, puis il s’unit au penser, son fils avec lequel il donna naissance à la première femme, en l’occurrence, l’Esprit-Saint. De cette première, il s’écoula une rosée qu’ils appelaient Sophie. Celle-ci prit corps en se précipitant dans les eaux. Sophie engendra un fils duquel naquirent six autres.
Mais, l’un d’eux, qu’ils appelaient Ialdabaoth, était par essence mauvais, puisque ce dernier a créé la terre avec tous les problèmes humains ou non, qui lui sont inhérents. Or, certains mouvements des Cathares identifiaient le Dieu de la Bible avec Satan en personne, puisque ce Dieu a créé la matière. C’est ce Dieu de la Bible que les Naassènes appellent Ialdabaoth. Ce qui diffère ces courants gnostiques tient au fait que ces derniers accordent une valeur absolument positive au serpent dès lors que celui-ci s’est rebellé contre le Dieu de la Bible. C’est pourquoi, les Naassènes n’étaient pas soumis à des interdits sévères relativement au corps, comme les religieux catholiques, même si ceux-ci ne les respectaient toujours de manière rigoureuse. Donc, ils ne refusaient pas les plaisirs du corps. En réalité n’est rien d’autre qu’une enveloppement qui n’a aucune valeur, mais un pur objet avec lequel on peut jouer à sa guise. Ce qui compte aux yeux de leur Dieu, c’est l’esprit. Autant négliger totalement le corps, qui n’est rien, et accorder tous les soins au seul esprit. Mais ils faisaient la différence entre l’esprit et l’âme. Celle-ci n’est pas non plus grand chose puisqu’elle fait lien avec le corps qui est une entrave. En revanche, l’esprit est la part de Dieu en l’être humain. C’est pourquoi aussi, certains d’entre eux n’hésitaient à meurtrir leur corps, objet sans valeur, pour magnifier, pour sublimer l’esprit.
On retrouve ici un écho lointain de la pensée de Platon dans le Phédon. En cet ouvrage, l’auteur n’hésite pas à dénigrer le corps comme un poids lourd qui nous empêche effectivement de se libérer de sa pesanteur pour accéder au m monde intelligible et, ainsi, penser par les seuls pouvoirs de la raison ou de l’esprit : « ce corps nous cause mille difficultés par la nécessité où nous sommes de le nourrir ; qu’avec cela des maladies surviennent, nous voilà entravés dans notre chasse au réel. II nous remplit d’amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte, d’innombrables sottises, si bien que, comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser. Guerres, dissensions, batailles, c’est le corps seul et ses appétits qui en sont cause ; car on ne fait la guerre que pour amasser des richesses et nous sommes forcés d’en amasser à cause du corps, dont le service nous tient en esclavage. La conséquence de tout cela, c’est que nous n’avons pas de loisir à consacrer à la philosophie. Mais le pire de tout, c’est que, même s’il nous laisse quelque loisir et que nous nous mettions à examiner quelque chose, il intervient sans cesse dans nos recherches, y jette le trouble et la confusion et nous paralyse au point qu’il nous rend incapables de discerner la vérité. Il nous est donc effectivement démontré que, si nous voulons jamais avoir une pure connaissance de quelque chose, il nous faut nous séparer de lui et regarder avec l’âme seule les choses en elles-mêmes »[19].
II- La tolérance en débat chez des philosophes modernes
Si l’on se réfère aux évangiles, le recours à la contrainte pour obliger les gens à embrasser une foi quelconque est contraire aux commandements des Ecritures. Jésus a suivi une voie pacifique dans son enseignement. De façon générale, c’est par la prédication, la l’enseignement de l’évidence de la vérité et l’exemple de la vie vertueuse que les chrétiens devraient convertir les gens à leur foi. Or, l’église dispose de peines spirituelles moins dures que la mort, pour sanctionner les hérétiques. Il s’agit de l’excommunication ou de l’anathème. Ces peines n’entraient guère ni punitions corporelles ni mise à mort des tous ceux qui refusent d’embrasser la doctrine religieuse chrétienne ou catholique, pour ce qui est des mouvements protestants. C’était, d’ailleurs, la voie prônée par Ambroise de Milan, Jean de Chrysostome (354-407), Athanase (295-373). C’est, pourtant, le camp de ceux qui prônent la violence qui finira par s’imposer dans la pratique de l’église chrétienne, suite à des interprétations pernicieuses de certains passages des évangiles. Nous l’avons précédemment, Augustin, Evêque d’Hippone (Afrique du Nord), au regard de sa très grande influence sur l’Eglise, sera une source inépuisable de la violence faite aux hérétiques. Dans sa Lettre à Boniface, rédigée en 415, il se fonde sur le principe suivant qui autorise l’Eglise à faire preuve de la force et de la violence pour obliger les hérétiques à réintégrer le sein de celle-ci : « Si nous voulons nous en tenir à la vérité, nous reconnaître que la persécution injuste est celle des impies contre l’Eglise du Christ, et que la persécution juste est celle de l’Eglise du Christ contre les impies (…). L’Eglise persécute par amour, les autres par haine… »[20] C’est ce que Joseph Leclerc appelle justement l’«augustinisme politique »[21]. On comprend qu’au Moyen-âge, des théologiens et philosophes chrétiens aient trouvé dans les thèses d’Augustin, la légitimation de la peine de mort que l’Eglise dont infliger aux hérétiques et tous ceux qu’elle considère comme des déviants par rapport à sa propre doctrine. C’est le cas de Thomas d’Aquin, qui soutient ouvertement l’une des toutes premières justifications de l’usage de la peine de mort. Dans son Commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard, ce théologien écrit : « les hérétiques peuvent être punis plus rigoureusement que ceux qui sont coupables de lèse-majesté ou qui fabriquent de la fausse monnaie ; la peine de mort est donc applicable »[22]. Ce dogmatisme de l’intolérance va conduire des philosophes à prendre position par rapport à l’attitude de l’Eglise dont l’une des lois fondamentales est l’amour du prochain. C’est, entre autres, John Locke, qui aborde ces questions dans le cadre de l’Eglise et de l’Etat, puis Pierre Bayle, qui va démontrer que la vérité authentique relève du sentiment et qu’aucune autorité extérieure à une conscience humaine ne peut contraindre celle-ci à épouser des opinions, une foi, une doctrine religieuse auxquelles elle n’adhère pas.
- A) John Locke (1632-1704) : La doctrine des finalités de l’Eglise et de l’Etat
Les arguments de Locke à propos de l’Etat et de l’Eglise sont, entre autres, de trois ordres que nous allons successivement analyser. En effet, dans son Essai sur la tolérance[23], John Locke expose trois idées principales essentielles, à savoir : d’abord, il faut distinguer les finalités spécifiques aux autorités religieuses et aux autorités politiques ; ensuite, le pouvoir politique doit respecter une tolérance absolue à l’égard des opinions ; enfin, la contrainte ne peur agir sur celles-ci, la faculté de penser, cela va de soi, échappant au pouvoir de la volonté.
1) Distinguer les fins de l’Eglise et de l’Etat
Etant donné que l’Eglise et l’Etat n’ont nullement les mêmes missions, Locke pose, d’emblée, les fondements d’une séparation radicale entre les deux Institutions. Selon lui, l’Etat est un contrat institué par les hommes dans le seul but de sauvegarder leurs intérêts temporels, c’est-à-dire dans la cité. En revanche, l’Eglise est une association volontaire créée pour rechercher des moyens du salut spirituel. Dès lors, cela se conçoit bien que le gouvernement civil n’ait, en aucune façon, à se soucier des problèmes du salut de l’âme des citoyens, comme il l’écrit justement : « le magistrat ne doit rien faire ni se préoccuper de rien en dehors de ce qui tend à garantir à ses sujets la paix civile ».
C’est ce qui conduit à faire une déduction, propre de la pensée de Machiavel, entre vertu morale et vertu civique, car « il est évident que si le magistrat ordonne la pratique des vertus, ce n’est pas parce qu’elles sont vertueuses et qu’elles obligent en conscience, ni parce qu’elles sont des devoirs que l’homme doit à Dieu, ni parce qu’elles sont la voie qu’il faut suivre pour obtenir sa grâce et sa faveur, mais seulement parce qu’elles sont avantageuses dans ses rapports avec ses semblables ». En ce sens, la détermination du bien et du mal, dans la vie sociale et/ou civile, ne renvoie pas à un ordre transcendant de commandements religieux ou moraux. En effet, dans le cadre des réalités civiles, on dirait : est bien ce qui contribue à la stabilité de l’ordre social et au bien commun. C’est pourquoi, la contrainte des lois et les sanctions ne sont légitimes qu’à la seule condition qu’elles assurent les libertés fondamentales de l’individu et qu’elles rendent effectifs les principes du droit naturel, comme la sécurité des personnes, la protection de la propriété etc. Ceux-ci s’imposent à l’Etat dès lors qu’ils ont leur fondement en Dieu. Dans la théorie de Locke, on remarque donc une tension entre l’autonomie de l’ordre civil et politique, qui a ses propres règles et la transcendance des principes du droit qu’il doit appliquer pour être légitime. En revanche, l’ordre religieux répond à d’autres principes tout à fait différents de ceux-ci, comme l’exigence de la foi en Dieu, l’obéissance, pour ce qui est de l’Eglise catholique, l’obéissance aux règles religieuses édictées par le Pape et la communauté des Evêques.
2) La tolérance à l’égard des opinions religieuses
Selon Locke, les croyances personnelles, qui n’ont aucune incidence sur les relations civiles, doivent faire l’objet d’une tolérance sans bornes de la part du pouvoir civil, c’est-à-dire de l’Etat. Car, écrit-il, « les opinions spéculatives et du culte divin possèdent un droit absolu et universel à la tolérance ». Toutefois, sur ce point, Locke apporte une restriction à ce principe de tolérance en légitimant la condamnation et la proscription des doctrines « absolument destructrices de la société » comme le catholicisme romain. En effet, le principe de la tolérance ne s’applique qu’à la condition d’être accepté par tous. Cela se conçoit dès lors que la règle de la réciprocité ne s’applique qu’à la condition d’être acceptée par tout le monde. D’autant plus que la règle de la réciprocité n’est pas une limite à l’université de ce principe, mais la condition même de son application à l’intérieur d’une société qui ne veut pas mettre en péril sa stabilité. C’est en ce sens que « les papistes ne doivent point jouir des bien faits de la tolérance parce que, lorsqu’ils détiennent le pouvoir, ils s’estiment tenus de la refuser à autrui ». Ainsi, s’accorde bien la position de Locke avec la fameuse phrase prononcée, plus tard, par Robespierre : « Il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».
Pour les philosophes de la politique et du droit politique, les principes de l’Eglise catholique, qui exigent une double obéissance des croyants, celle que les catholiques doivent au Pape, et celle de l’Etat dont ils sont originaires, posent un problème. En effet, cela relève d’une sorte d’absurdité que d’obéir à deux maîtres à la fois. Un philosophe comme Rousseau a trouvé une solution à ce cas épineux de la nécessité de la double obéissance des catholiques, en l’occurrence, la « Sainteté » des principes du contrat social qui l’emportent sur toute autre considération (In L’Emile ou de l’éducation, « Profession de foi du vicaire sovoyard »). Selon Rousseau, en effet, La religion civile vient compléter la religion naturelle. Pour garantir la moralité d’une société, il faut une religion civile propre aux citoyens et qui leur fasse aimer leurs devoirs. En fait, Rousseau conçoit trois type de religion : la religion historique du prêtre (Christianisme), la religion naturelle de l’homme (Déisme) et la religion du citoyen. Mais il élimine la religion du prêtre car elle ajoute l’autorité ecclésiastique à l’autorité civile ; ce qui constitue deux souverains. Rousseau reproche au christianisme de détacher les citoyens de l’Etat en ne donnant pas aux lois de l’Etat le même caractère religieux qu’à celles qu’il édicte. Enfin, cette religion prêche la servitude et la dépendance. A l’encontre du christianisme, les religions nationales, comme l’Islam en Iran, en Arabie Saoudite, ou le Bouddhisme en Birmanie, entre autres, fortifient l’amour des lois et celui de la patrie. Mais elles peuvent rendre le peuple sanguinaire en l’engageant dans des guerres religieuses. Aussi, avec la religion civile, Rousseau trouve un compromis : aux dogmes chrétiens (existence d’une Divinité, le bonheur des justes, le châtiment des méchants) elle ajoute les dogmes civiques (la sainteté du contrat social et des lois). Rousseau est persuadé qu’on ne peut être homme de bien sans religion.
3) L’impossibilité pour le pouvoir de gouverner les opinions
En dehors du respect que l’on doit aux convictions et opinions personnelles, selon Locke, il existe une raison fondamentale à la limitation du pouvoir de contrainte de l’Etat. En effet, les opinions, dès lors qu’elles sont inhérentes à la conscience des individus, ne peuvent être changées par le simple exercice de la force qui agit de l’extérieur. L’entendement de l’individu n’est pas soumis à la volonté, ni à sa propre volonté, ni même la volonté d’autrui. C’est en ce sens qu’il écrit : « or, qu’un homme soit incapable de commander à son propre entendement, ou de décider positivement aujourd’hui de l’opinion qu’il aura demain, c’est ce que démontrent à l’évidence l’expérience et la nature même de l’entendement ». En ce sens, le recours à la contrainte de la volonté sur notre esprit ne conduit qu’à l’hypocrisie, donc à une conduite extérieure malhonnête vis-à-vis de sa propre conscience. En conséquence, qu’« aucun homme ne doit être contraint de renoncer à son opinion, ou de consentir à l’opinion contraire, parce qu’une telle contrainte ne peut produire la réalité de l’effet en vue duquel elle a été mises en œuvre. Elle ne peut changer les esprits des hommes ; elle peut seulement les contraindre à être hypocrites ». Donc, selon Locke, la foi que Dieu ne réside pas dans l’accomplissement d’actions extérieures et une simple confession de bouche, mais « dans le choix intime et volontaire de l’esprit ».
- B) Pierre Bayle (1647-1706) : la question de l’opinion et de la subjectivité
Ce philosophe aborde la question de la tolérance, au moins, sous trois angles :
1) La réfutation de l’augustinisme politique
L’ouvrage dans lequel il traite spécifiquement de cette question a pour titre Commentaire philosophique sur les paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d’entrer » (J. Vrin, Paris 2014). Selon lui, Augustin fait une interprétation littérale de la parole de Jésus (« Contrains-les d’entrer »). La lecture d’Augustin légitime l’appel à la violence aveugle. Or, celui-ci contredit absolument tout l’enseignement des Ecritures. Comment comprendre que celui que le Nouveau Testament présente comme le Dieu de l’Amour puisse être compris par certains de ses plus éminents adeptes comme le Dieu de la guerre, de l’intolérance et de la violence ? Or, si nous partons du principe que la liberté d’opinion est inaliénable, dès lors qu’aucun autre être humain peut, de l’extérieur, entrer en notre esprit ou notre conscience pour nous empêcher de penser, d’opiner, la réfutation de Pierre Bayle qui consiste à démontrer l’inefficacité de l’usage de la contrainte sur la conscience est donc évidente. Car, écrit-il, « il est donc claire que la seule voie légitime d’inspirer la religion est de produire dans l’âme certains jugements, certains mouvements de volonté par rapport à Dieu. Or, comme les menaces, les prisons, les amendes, les exils et tous les coups de bâton, les supplices et généralement tout ce qui est connu sous la signification littérale de contrainte, ne peuvent pas former dans l’âme des jugements de volonté, par rapport à Dieu, qui constituent l’essence de la religion ; il est clair que cette voie là d’établir une religion est fausse, et par conséquent que Jésus Christ ne l’a pas commandée ». L’argument d’Augustin relève donc d’un raisonnement spécieux et trompeur. En effet, on ne peut se fonder sur la référence à un seul passage du Nouveau Testament pour établir que Jésus recommande la peine de mort, la violence à l’égard des hérétiques pour tâcher de les faire revenir dans le droit chemin, en l’occurrence, l’adhésion à la doctrine défendue l’Eglise catholique, puisque de celle-ci dont il s’agit.
2) L’obscurité de la raison et l’insuffisance de celle-ci dans le critère de la vérité
L’argument qu’on peut considérer comme des plus solides de Pierre Bayle réside dans le fait que la tolérance est nécessaire : cette nécessité repose sur le caractère fini de la connaissance humaine. Dans cette perspective, il nous est impossible de déterminer des critères absolus, voire incontestables de la vérité. Or, de manière générale, celle-ci ne se donne à nous que par un sentiment, le sentiment d’avoir raison. Et, comme l’avait établi Aristote à propos d’une autre notion, en l’occurrence, la conscience morale, le sentiment joue un rôle éminent dans l’adhésion à un acte moral. Certes, même si le sentiment moral n’est pas l’élément principal de la conscience, il n’en demeure pas moins qu’il en est le complément nécessaire. L’idée morale resterait inefficace sans l’émotion qui l’accompagne. C’est en ce sens qu’Aristote écrit : « l’idée doit se faire sentiment pour remuer la volonté » (Ethique à Nicomaque, Garnier Flammarion, Paris 2004). Dans le même sens, Pierre Bayle souligne que le sentiment intérieur tient lieu pour chaque sujet humain de critère et de règle absolus dans la détermination de ce qu’est le vrai pour lui. Plus précisément, il remarque que « la conscience et le sentiment intérieur que nous avons de vérité est à chacun la règle de ce qu’il doit croire et faire (…) » Dès lors, « la seule certitude que nous ayons que les actes qui nous paraissent honnêtes et agréables à Dieu doivent être pratiqués, est que nous sentons intérieurement dans notre conscience que nous devons les pratiquer ».
Cet auteur tire de cette thèse une nouvelle définition de l’orthodoxie et de la vérité, non pas à partir de critères objectifs et dogmatiques, mais à partir de la sincérité de la conscience au sens où « il suffit à chacun qu’il consulte sincèrement et de bonne foi les lumières que Dieu lui donne, et que suivant cela il s’attache à l’idée qui lui semble la plus raisonnable et la plus conforme à la volonté de Dieu. Il est moyennant cela orthodoxe à l’égard de Dieu ». Contrairement à la clarté de la « lumière naturelle » des scolastiques et, plus tard, de Descartes, à la confiance des facultés de connaissance de la raison intérieure, Pierre Bayle pense que la raison humaine est aveugle. Cette thèse fait penser à la manière dont Rousseau définit la conscience morale, qui est infiniment plus lumineuse et plus authentique que la raison elle-même. C’est dans le IV Livre de l’Emile ou de l’éducation, (« Profession de fol du vicaire savoyard »). Rousseau part du principe général suivant : « la justice de l’homme est de rendre à chacun ce qui lui appartient, et la justice de Dieu de demander compte à chacun de ce qu’il lui a donné ». C’est pourquoi, la conscience morale n’est pas de l’ordre de l’acquis, mais de l’inné. Selon Rousseau, il s’agit même d’un « instinct moral » ou « instinct divin » dès lors que la conscience morale est un « principe inné de justice et de vertu ». Puisqu’elle relève du « jugement intérieur », la conscience morale est la règle de nos actions. Quiconque suit rigoureusement sa conscience morale ne risque guère de se tromper dans ses conduites en toutes circonstances.
3) Le fondement subjectif de la sincérité
La sincérité succède à l’ordre des vérités révélées et des critères rationnels. Car dans l’ordre de la subjectivité il y a l’intention de la conscience. Néanmoins, il reconnaît que l’ordre de la subjectivité apparaît tellement éclaté qu’il ne nous reste plus que des apparences de vérité, des convictions subjectives, des croyances qui peuvent être toutes également vraies suivant leur sentiment immédiat d’être vraies. Si tel est le cas, alors « il est impossible, dans l’état où nous nous trouvons, de connaître certainement que la vérité qui nous paraît est la vérité absolue. Car tout ce que nous pouvons faire est d’être pleinement convaincu que nous tenons la vérité absolue, que nous ne nous trompons point ». Bayle nous le fait clairement comprendre : le passage entre le sentiment du vrai, la conviction, et la vérité elle-même étant devenu, ainsi, impossible, il ne nous reste plus qu’à nous fier à ce sentiment lui-même. Or, ce sentiment est commun tant aux « orthodoxes » qu’aux hérétiques ; si bien que ce clivage lui-même disparaît.
C’est sur ce caractère indécidable du vrai que se fonde toute la pensée moderne relative à la tolérance et qui marque la prégnance de la philosophie sur les pratiques humaines, la pensée et la volonté de comprendre rationnellement la nature des phénomènes.
Philosophie, tolérance et droit de l’Homme (Unesco)
III- Du respect d’autrui en philosophie
Il y a des paradoxes incontestables chez les philosophes puisqu’il s’agit d’êtres humains comme les autres. Certes, on note une différence entre eux et leurs congénères par le fait que chacun de ces génies de l’Humanité a cultivé un grand amour pour la philosophie en tant que lumière de la raison qui le guide dans ses actions, son éthique et sa pensée. C’est pourquoi, les philosophes se distinguent aussi des autres humains par leur attachement profond à la solitude, moment privilégié d’une conversation intime avec soi-même ; d’une pensée à portée universelle.
Sous cet angle, on peut se demander s’ils ont réellement vécu avec leurs contemporains ; s’ils ont pu les connaître sous la dimension de leur humanité dénuée de finesse et d’élévation spirituelle, intellectuelle etc. Ceux d’entre eux, qui ont côtoyé les êtres humains ordinaires, ont été dérouté, surpris même par leurs conduites insensées, par la forte prégnance du vivre ici et maintenant avec tout ce que cela comporte faits de banalités. Un tel mode de vie de ces individus n’a guère de souci par rapport à la qualité des liens qu’on peut établir avec les autres. Quelques-uns d’entre ces philosophes, comme Sénèque, ont beaucoup souffert des mesquineries de cette frange des populations humaines, de ses bassesses, de sa myopie, de ses méchancetés etc. Il en a été de même de Jean-Jacques Rousseau, qui a passé le plus clair de sa vie à penser le mieux politique et éthique pour l’Humanité, mais qui, en revanche, a été rejeté par ses contemporains. Aussi, en vertu de cet ostracisme injuste, il décidé de passer les dernières années de son existence dans une solitude absolue.
Ces inconduites et ces incompréhensions tiennent au fait que les congénères des philosophes ne peuvent souffrir leur différence, leur distinction, la hauteur de leur raison qui en fait des quasi-dieux parmi les hommes. D’où l’invitation de Nietzsche, dans l’ensemble de son œuvre, à mettre une distance entre soi et les autres êtres humains. Une telle attitude est salutaire pour soi-même, c’est-à-dire pour éviter d’être contaminé par leur obscurantisme en matière de relations de qualité avec autrui. Elle évite aussi de souiller son âme par la boue des sentiments de haine, d’hostilité, donc de misanthropie qui sont des choses fort ordinaires chez les êtres humains. Si donc, dans leur ensemble, les philosophes n’ont pas beaucoup côtoyé leurs congénères, il n’en demeure pas moins qu’ils se sont évertué à penser le meilleur pour eux en termes de conduites morales, de bonne intelligence des uns à l’égard des autres pour exister le mieux possible ensemble. Tel est le sens de notre analyse rapide de thèses et de réflexions de quelques grands génies de la philosophie sur le mieux vivre avec autrui par le respect qu’on lui doit en tant qu’humain, c’est-à-dire valeur suprême.
A) La notion de respect chez Kant
Emmanuel Kant insiste grandement sur la notion du respect d’autrui qui incarne la dimension proprement morale du problème de l’altérité. En effet, considérer autrui comme une personne, c’est adopter sur lui un point de vue qui élève son humanité, en ce qu’une personne n’est pas un objet ou une chose. Bien au contraire, elle incarne ce que chacun de nous possède de respectable et d’humain. Dès lors, la notion de personne se comprend comme ce qui renvoie à la singularité et à la respectabilité de chacun des êtres humains sans exception. C’est qui a conduit Kant à définir la notion de personne par la rationalité qui est le fondement de toute morale et de l’Humanité : « les êtres raisonnables sont appelés des personnes parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, autrement dit comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen»[24]. Considérer l’autre comme une fin et jamais comme un moyen, telle est la définition même du respect de l’altérité humaine chez cet auteur. Plus fondamentale, il donne lui-même les raisons de ce devoir du respect d’autrui. Cette conception kantienne qui, par certains côtés, se retrouve chez d’autres philosophes, demeure, néanmoins, une originalité de cet auteur. C’est une exigence d’une règle morale universelle, concernant ce qu’il appelle le « respect d’autrui ». En effet, écrit-il, « le respect d’autrui est l’un des premiers principes que nous devons suivre, semble-t-il, pour que la vie en société soit possible. Nous respectons l’autre parce que nous reconnaissons qu’il est un autre nous-même ; nous le considérons comme un égal, en dépit du fait qu’il ne soit pas nous (ou peut-être, précisément, parce qu’il n’est pas nous). Le respect d’autrui se base donc, en premier lieu, sur l’acceptation d’un principe d’égalité entre les hommes. Nous savons également que l’autre a les mêmes droits que nous, et également les mêmes devoirs. Respecter autrui, c’est aussi lui accorder le statut de « personne », au sens où la notion de « personne » est à la fois de nature juridique et morale : sujet de droit, la « personne » est également considérée comme douée de conscience et de raison. Libre et responsable, elle est capable de se reconnaître comme l’acteur et le sujet de ses actes et de ses décisions. Dans ce cadre, le respect de la personne semble être universellement admis »[25].
De façon générale, il ne s’agit nullement de distinguer les êtres humains les uns – en l’occurrence, ceux qui peuvent être appelés des personnes, – et les autres – ceux qui ne mériteraient pas ce rang, même si Kant s’interroge sur ce point – Mais, dans l’idéal, il s’agit de considérer tous les êtres humains, sans exception, sous le même angle de la dignité et du respect. C’est pourquoi, dans le sens de la pensée kantienne, celui qui exclut d’avance du rang des personnes humaines telle ou telle catégorie d’hommes déroge aux exigences de la personnalité, voire de la rationalité humaines. A titre d’exemple, Lévi-Strauss examine la façon dont l’antiquité grecque repoussait sous le nom de barbares tous ceux qui ne relevaient pas de la culture grecque. Ce faisant, reconnaît-il, « en refusant l’humanité à ceux qui apparaissent comme les plus « sauvages » ou « barbares » de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie »[26].
Toutefois, ce que l’autre possède de respectable en lui n’est donc pas seulement ce que lui et moi avons en commun, suivant le sens de l’analyse qu’en donne Durkheim, lequel entend nuancer la définition kantienne de la personnalité : « pour lui, la clef de voûte de la personnalité est la volonté. Or la volonté est la faculté d’agir conformément à la raison, et la raison est ce qu’il y a de plus impersonnel en nous. Car la raison n’est pas ma raison : c’est la raison humaine en général »[27]. La singularité doit être un aspect essentiel de la notion de personne, parce qu’elle donne à cette dernière toutes ses difficultés. En effet, pour certains êtres humains, il semble beaucoup plus difficile de respecter la différence que la ressemblance. L’homophilie est donc de rigueur chez ces individus.
B) L’Amitié en philosophie
1- Grandeur et élévation de l’amitié
L’ami est celui que l’on choisit librement, comme tel, par rapport à d’autres genres de liens humains. En effet, on peut subir sa famille, mais on ne souffre pas son ami. Au contraire, on se réjouit de partager avec lui une relation privilégiée, c’est-à-dire située sous l’angle de l’élection affective, à l’inverse des liens familiaux qui sont parfois âpres et marqués par l’inégalité. Il en va autrement dans l’amitié : les sujets aimants sont dans des rapports d’égalité souveraine. On comprend qu’un philosophe comme Montaigne ait pu insister sur le caractère miraculeux de cette expérience de l’amitié profonde. « Il faut tant de rencontres à la bâtir que c’est beaucoup si la fortune y arrive une fois en trois siècles » (Essais). Et tel est aussi le sentiment de La Rochefoucauld qui écrit que « quelque rare que soit le véritable amour, il l’est encore moins que la véritable amitié » (In Maxime 473).
Dans l’expérience des êtres humains, on peut remarquer qu’il n’y a rien de plus rare que l’entente de deux êtres, heureux d’éprouver leur harmonie et leur communauté d’esprit dans l’amitié. Or, ce qui traduit la singularité de l’amitié tient à l’intérêt porté par l’un et par l’autre de ceux qui sont engagés dans une telle expérience à la compréhension des choses, au plaisir de la conversation, au partage de peines, voire des douleurs et des bonheurs communs. Car l’amitié est une relation spirituelle et morale. Au regard de cette exigence de la beauté de l’amitié, un Allan Bloom a sans doute raison de dénoncer l’inaptitude d’une époque, comme la nôtre, à en saisir la spécificité et la profondeur. C’est en ce sens qu’il écrit : « L’élan des âmes l’une vers l’autre […], est bien moins tangible, donc bien moins croyable que l’attrait des corps. Cette incrédulité de la plupart des hommes sur ce point est de nos jours renforcée par toutes sortes de théories pseudo-scientifiques qui nous expliquent que l’éros des âmes est fondé sur une illusion, étant en fait dérivé de l’éros des corps par le ministère d’une faculté ou d’un processus quasi miraculeux, la sublimation »[28].
Ainsi, l’amitié est détachement par rapport à ces données aveugles de la nature humaine. Elle implique l’estime, l’admiration de l’autre ; ce qui exige des deux côtés des qualités ou des vertus, selon le terme des philosophes de l’Antiquité, propres au fait d’aimer. On comprend aisément que la pensée antique et classique soutiennent fermement qu’« il ne peut y avoir de véritable amitié qu’entre gens de biens ». C’est sur ces données affirmatives de l’amitié, au sens philosophique du mot, que Cicéron insiste dans son Lélius consacré à l’amitié. La plupart des philosophes, qui ont traité de ce beau sentiment humain, reconnaissent que sans loyauté, sans droiture, sans générosité, sans grandeur d’âme, il n’y a pas d’amitié possible. A l’inverse, les être mesquins, jaloux, déloyaux, intéressés, superficiels même sont inaptes à ce type de lien qui magnifie la nature humaine. Etienne de la Boétie, l’ami de Montaigne, soutient une conception semblable en affirmant que « l’amitié, c’est un nom sacré, c’est une chose sainte : elle ne peut exister qu’entre gens de bien, elle naît d’une mutuelle estime, et s’entretient non tant par les bienfaits que par bonne vie et mœurs. Ce qui rend un ami assuré de l’autre, c’est la connaissance de son intégrité. Il a, pour garants, son bon naturel, sa foi, sa constance ; il ne peut y avoir d’amitié où se trouvent la cruauté, la déloyauté, l’injustice »[29].
La grandeur du sentiment de l’amitié a conduit Aristote à distinguer, dans son Ethique à Nicomaque, l’amitié vertueuse de l’amitié plaisante et de l’amitié utile. Dans les deux dernières, les personnes sont liées par un élément extérieur à leurs êtres. L’autre n’est pas aimé pour lui-même, mais pour les avantages qu’il procure. Dans l’amitié plaisante, très fréquente dans la jeunesse, l’attrait de l’autre tient au fait que son commerce est agréable. Car s’il n’était plus source de partage de plaisirs, il cesserait d’intéresser. Dans l’amitié utile, sa séduction tient au fait qu’il rend des services. Les vieillards sont familiers de ce genre de relation. Au fond, dans les deux cas, « l’ami » fonctionne comme le moyen d’une satisfaction personnelle. Il n’existe pas comme une fin en soi, ce qui est le propre d’une relation morale. C’est en ce sens qu’Aristote écrit : « L’amitié est une vertu, ou tout au moins, elle s’accompagne de vertu. De plus, elle est absolument indispensable à la vie : sans amis, nul ne voudrait vivre, même en étant comblé de tous les autres biens… on dit couramment qu’on veut le bien d’un ami, non pour soi, mais pour lui. Les gens animés de ce désir, nous les appelons des personnes bienveillantes, même si leurs sentiments ne sont pas payés de retour. Car la bienveillance, quand elle se montre réciproque, devient l’amitié »[30].
Il convient de distinguer aussi l’amitié de l’amour. Dans la mesure où celui-ci implique la dimension érotique, le trouble corporel et émotionnel et/ou hormonal, il a toute l’apparence de la versatilité dès lors que si les hormones cessent leur jeu de sécrétion, les amours de ce genre cessent aussi. C’est pourquoi, par rapport à l’amour « feu téméraire et volage, ondoyant et divers », Montaigne oppose la douceur et la solidité de l’amitié. Car, selon lui, « en l’amitié, c’est une chaleur générale et universelle, tempérée au demeurant et égale, une chaleur constante et rassise, toute douceur et polissure, qui n’a rien d’âpre et de poignant » (Ibidem).
L’amitié exclut la violence et les illusions de la passion amoureuse. Elle est, per se, transcendance même, et, ainsi, elle échappe aux échecs de l’amour qui, dans sa source érotique, procède d’un fond obscur où la liberté est aliénée. L’amitié est, par essence, une communion librement consentie des âmes ; et sous cet angle, elle vit et perdure par la seule force des qualités de ceux qui s’aiment. C’est en ce sens que Cicéron écrit : « Si l’amitié naît de l’estime qu’on éprouve pour la vertu, elle ne peut survivre quand on cesse d’être vertueux » (Ibidem). Donc, l’amitié tend vers un maximum de bonnes intentions des hommes les uns à l’égard des autres comme un devoir, sinon commun, du moins méritoire. C’est ce qui explique qu’une amitié parfaite est un simple idéal, voire une idée qu’il est impossible de réaliser pour un grand nombre des êtres humains.
2- L’être humain peut-il être considéré comme un dieu par ses semblables ?
Spinoza, prenant le contre le contrepied de la thèse de Thomas Hobbes selon laquelle les hommes, dans l’état de nature, se livrant perpétuellement à une guerre impitoyable les uns contre les autres pour satisfaire leurs besoins, sont des loups les uns par rapport aux autres, dès lors que dans cet état, ce qui domine dans les rapports interhumains, c’est essentiellement l’agressivité, la violence etc., défend une thèse tout à fait affirmative. En effet, l’analyse de Spinoza s’inscrit dans le cadre d’une éthique joyeuse et rationnelle. Or, la raison commande à l’être humain de rechercher ce qui lui est le plus utile dans sa vie. Et l’utilité est la recherche finale de tout être humain. Donc, les êtres humains sont d’autant plus utiles les uns aux autres qu’ils tâchent tous de vivre sous l’angle de la raison, qui est leur essence commune. Même si vivre sous les lois de la raison s’avère difficile pour beaucoup d’êtres humains, il n’en demeure pas moins qu’ils ont besoin d’exister dans la même communauté humaine ; ce qu’aucun animal, malgré toute l’affection qu’on peut lui témoigner, ne peut donner.
Si, donc, on ne peut vivre dans une société qu’avec d’autres hommes, on peut aisément concevoir que l’homme, du fait de cette utilité, est comme un dieu pour autrui. Tel est le sens de la démonstration de Spinoza dans son Ethique : « Or, les hommes concordent le plus par nature quand ils vivent sous la conduite de la Raison…
Ce que nous venons de montrer est attesté chaque jour par l’expérience et par des témoignages si probants que presque tout le monde dit que l’homme est un Dieu pour l’homme. Pourtant il arrive rarement qu’un homme vive sous la conduite de la Raison. Car la situation est plutôt telle que les gens se montrent la plupart du temps envieux et à charge les uns aux autres.
Néanmoins, ils ne sauraient guère passer leur vie dans la solitude, de sorte que la plupart se rallient à la définition de l’homme comme un animal sociable, car de la société commune des hommes il découle beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. Que les satiriques ridiculisent donc à volonté les choses humaines, que les théologiens les détestent, et que les mélancoliques (bornés) chantent les louanges de la vie simple et rustique, en détestant les hommes et en admirant les bêtes : les gens n’en feront pas moins l’expérience qu’en se secourant mutuellement ils arrivent bien plus facilement à se procurer ce qui leur manque et qu’ils ne peuvent éviter les dangers qui les guettent partout qu’en joignant leurs forces, sans parler qu’il est de loin préférable et plus digne de notre connaissance d’examiner le comportement des hommes que celui des bêtes »[31].
Donc, les philosophes démontrent, ainsi, que la science qui pourra guider l’Humanité dans la lumière, la faire exister et la garder en paix en société n’est autre que la Philosophie. C’est ce que nous allons montrer pour terminer cette analyse.
3- Une société fondée sur la Philosophie n’offre-t-elle pas l’exemple d’une excellence des relations humaines ?
Nous nous en tiendrons, dans cette analyse, à un exemple unique au monde, en l’occurrence à la philosophie stoïcienne, qui a été érigée au rang d’une religion civile et vertu citoyenne à Rome. En effet, au cours de cette période de l’histoire romaine, c’est-à-dire le premier et le deuxième siècle de notre ère, « l’équilibre du pouvoir fut donc permis par cette mystique impériale et cette pratique de l’adoption dont Pline le Jeune nous trace les principes dans son Panégyrique de Trajan. En plus, et après coup, une idéologie politique issue de la philosophie stoïcienne en consolida les bases. Il y avait longtemps que le stoïcisme s’était répandu à Rome. Illustré par Sénèque au siècle précédent, il a deux très grands représentants au IIe siècle, Épictète (50-130) et surtout Marc Aurèle (121-180). Toutes les élites de l’Empire en étaient imprégnées. On dit que chez l’empereur Marc Aurèle ce fut une véritable conversion au stoïcisme qui eut lieu. Sous la tente, au cours des nuits de veille dans les forêts germaniques, il rédigea en grec ces admirables Pensées qui sont le sommet de la morale antique. Le stoïcisme est d’abord un matérialisme : tout est substance matérielle pénétrée par un Souffle qui lui donne vie. Ainsi le monde est Dieu. Le matérialisme devient un panthéisme, la philosophie une religion. Ce souffle ordonnateur, cette loi immuable, Dieu, se trouve dans tous les hommes. Ils sont égaux et de même race, tout en dépendant les uns des autres. Il y a une harmonie du monde qu’il faut observer. La morale consiste à donner à autrui le sens de cette harmonie à laquelle il faut se plier pour que tout aille bien : ainsi Marc Aurèle acceptant les dures nécessités de la guerre pour sauver l’Empire. Sur le plan politique, une telle morale ne pouvait que favoriser l’ascension sociale en donnant aux esclaves la même dignité qu’aux autres hommes, et, en cherchant à réconcilier l’homme avec les lois du monde, elle poussait les hommes à se soumettre avec fatalisme, dans la plus complète absence de trouble (l’ataraxie), à l’Ordre du monde dont l’empereur romain était la vivante représentation… »[32]
Mais le Dieu des Stoïciens n’est pas une entité aliénante, scrutatrice des secrets d’alcôve, veillant constamment à la vertu morale des êtres humains, les punissant ou les récompensant suivant de mauvaises ou de bonnes conduites. Autant dire un Dieu malin, vicieux, cynique et pervers. En revanche, le Dieu des Stoïciens n’a rien à voir ce genre de monstre ou d’aberration humaine. Il y a une identité d’essence entre le Cosmos et Dieu par l’unique réalité que l’un et l’autre sont vivants. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il y a une égale tension et sympathie de leur commune substance. L’Anthropos et tout autre vivant doit exister en harmonie avec la Vie universelle du et dans le Cosmos. C’est parce que la sympathie universelle est essentielle en ce Dieu que tous les corps, tous les vivants sont dans une interaction mutuelle et impose le respect pour tout ce que le Cosmos contient. Le Dieu stoïcien est synonyme de Logos, soit la force comme tension permanente et, à l’instar de la Combinaison, comme créatrice perpétuelle de nouveaux mondes, de nouvelles réalités, de nouvelles données. C’est aussi le Souffle Vital qui est le Divin lui-même, lequel préside à l’organisation du Tout telle la Loi naturelle et/ou cosmique. En tant que Logos, le Divin est, ainsi, la Raison de toutes choses. Il est également considéré comme Dia parce qu’il est ce par quoi tout est fait, généré constamment. En tant que Dia, il comprend les différentes formes du Réel, sans exception. Dia devient, dès lors, le principe de la cohésion et de la sympathie qui achemine toutes choses qu’il génère ou comprend déjà vers le Tout qui unifie. Cet Etre-Incréé, Parfait, Vivant par excellence, pourrait prendre la figure d’un concept composé, soit Le Dia-Logos. Et comme tel, il a tous les attributs que le langage humain peut énoncer comme le fait d’être l’Intelligent, le Bienheureux, le Parfait, l’Immortel, le Raisonnable. Un tel Etre ne saurait imposer quoi que ce soit à qui que ce soit comme les morales religieuses, qui aliènent et entravent la liberté des êtres humains dans des chaînes d’airain.
Le respect d’autrui est l’un des premiers principes que nous devons suivre, semble-t-il, pour que la vie en société soit possible. Nous respectons l’autre parce que nous reconnaissons qu’il est un autre nous-même ; nous le considérons comme un égal, en dépit du fait qu’il ne soit pas nous (ou peut-être, précisément, parce qu’il n’est pas nous). Le respect d’autrui se base donc, en premier lieu, sur l’acceptation d’un principe d’égalité entre les hommes. Nous savons également que l’autre a les mêmes droits que nous, et également les mêmes devoirs. Respecter autrui, c’est aussi lui accorder le statut de « personne », au sens où la notion de « personne » est à la fois de nature juridique et morale : sujet de droit, la « personne » est également considérée comme douée de conscience et de raison. Libre et responsable, elle est capable de se reconnaître comme l’acteur et le sujet de ses actes et de ses décisions.
Conclusion : Pourquoi l’Humanité a-t-elle préféré les religions, sources de divisions entre les êtres humains, à la Philosophie, source de raison et d’unité fondée sur le partage de valeurs universelles telles que l’amitié, pour organiser la vie et les sociétés humaines sur notre commune Terre ? Sans doute, elle a dû préférer l’émotion que génèrent les assemblées religieuses en maintenant, partout, les peurs et tremblements inhérents aux religions, sources de croyances comme réponses possibles aux angoisses, aux interrogations de l’Humanité face à l’Inconnu. A l’inverse, la Philosophie, comme la science, rassure en levant partiellement le voile sur les énigmes, les mystères. Elle libère l’Humanité de ses craintes métaphysiques en lui conférant savoir, assurance en ce monde, confiance en soi et aux autres, bref en en faisant un être souverain.
Bibliographie
–Albert Laurent (1998) : L’Inquisition, rempart de la foi ? (Gallimard, coll. « Découverte », Paris)
-Aristote (1965) : Ethique à Nicomaque (G. F., Paris)
-Bamony Pierre (2014) :
–Bio-anthropologie de la sexualité
Première Partie
– Au cœur de la question de l’homosexualité : entre nature, controverses et théologie de la christophanie
Suivi de la deuxième Partie
Bio-anthropologie de l’hédonisme féminin : le passage de la polyandrie à la polyandrogynie est-elle conforme aux lois de la vie ? (Edilivre, Paris)
(2008) : Eve, filles d’Eve : le féminin intemporel-Vanité du soi-disant sexe fort- (Théles, Paris)
– Baigent Michael – Leigh Richard – Lincoln Henri (1983) : L’Enigme Sacrée – Traduit de l’anglais par Brigitte Chabrol (Pygmalion/Gérard Watelet, Paris)
– Bayle Pierre (2014) : Commentaire philosophique sur les paroles de Jésus Christ : « Contrains –les d’entrer » (J. Vrin, Paris)
-Bible (la) de Jérusalem (1975) (Desclee de Brouwer, Paris)
– Biget Jean-Louis (2007) : Hérésies et Inquisition dans le midi de la France (Picard, coll. « Les médiévistes français », Paris)
-Bloom Allan (1980) : L’amour et l’amitié (Le Livre de Poche, Paris)
-Boétie (de la) Etienne (2007) : Discours de la servitude volontaire (Arléa, Paris)
-Cicéron (2013) : Œuvres complètes –Trad. Jean-Pierre Charpentier (Hachette, coll. « Littérature latine », Paris
(2015) Lélius ou Dialogue sur l’amitié (Kindle Edition)
-Dictionnaire Emile Littré (Paris)
-Durkheim Emile (1990) : Les formes élémentaires de la vie religieuse (Le Livre de Poche, Paris)
-Goblot Edmond (1901) : Le Vocabulaire philosophique (Paris)
-Irénée de Lyon (1991) : Contre les hérésies –Trad. Adelin Rousseau – (Edit. du cerf, Paris)
-Kant Emmanuel (1970) : Fondements de la métaphysique des mœurs (Delagrave, Paris)
-La Rochefoucauld (2012) : Maximes (Folio, Paris)
-Leclerc Joseph (1995) : Histoire de la tolérance au siècle de la Réforme (Aubier, Paris)
-Lévi-Strauss (1975) : Race et Histoire (Denoël, Paris)
-Locke John (2007) : Lettre sur la Tolérance, précédée de l’Essai sur la Tolérance et sur la différence entre pouvoir ecclésiastique et pouvoir civil (Garnier Flammarion, Paris)
– Markale Jean (1997) : La grande déesse – Mythes et sanctuaires- (A. Michel, Paris)
-Montaigne Michel (1997) : Essais (PUF, Paris)
– Nietzsche F. (1975) : L’Antéchrist (Idées/Gallimard, Paris)
-Platon (1990) : Phédon (Idées/Gallimard, Paris)
– Rouche Michel (1968) : les empires universels –II-IVe siècle (Edit. Poche Larousse, Paris)
-Rousseau Jean-Jacques (1980) : L’Emile ou de l’éducation (G.F., Paris)
-Spinoza B. (1974) : Ethique (Edit. du rocher)
-Thomas d’Aquin (2012) : Commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard –Trad. Marc Ozilou- (Edit du Cerf, Paris)
-Wittgenstein Ludwig Joseph (2001) : Tractatus-Logico-philosophicus (Gallimard, coll. Tel, Paris)
-Maisonneuve Henri (1989) : L’Inquisition (Desclee-Novalis, Paris)
Revues :
-« Marianne » N° 661-662 Du 19 décembre au 1er janvier 2010
– UNESCO. « Journée mondiale de la philosophie » [en ligne], URL : http://fr.unesco.org/events/journee-mondiale-philosophie-2016
[1] Il nous expliquait en cours de Christologie (Institut catholique de Lyon) comment ces deux religions, pendant des siècles, autour du pourtour méditerranéen, se sont livrées à des guerres impitoyables pour tâcher d’imposer au monde leur suprématie sur les consciences humaines. C’était aussi une manière de convertir tout le monde à l’universalité dont elles sont censées être les seules détentrices. De nos jours, rien n’a réellement changé par rapport à ces stratégies de conquête des consciences et de volonté de puissance temporelle essentiellement.
[2] « Marianne » N° 661-662 Du 19 décembre 2009 au 1er Janvier 2010 « Pour le meilleur et pour le pire-Les plus gros mensonges de l’Histoire » (p.72)
[3] L’Inquisition (Desclee-Novalis, 1989)
[4] L’Inquisition, rempart de la foi ? (Gallimard, coll. « Découverte », Paris 1998
[5] Celle-ci fut instituée par le Pape Innocent III en 1199. Elle atteignit son apogée, si l’on ose dire, au cours de la répression du Catharisme dans le Sud-Ouest de la France, entre autres régions de ce pays.
[6] Ces ordres religieux étaient désignés par le Vatican comme des Commissaires pontificaux, ayant un pouvoir supérieur à celui des Evêques avec lesquels, pourtant, ils étaient censés collaboré. Ceci avait pour effet de créer des conflits séculaires entre les différents niveaux de pouvoir, les uns et les autres se disputant âprement la suprématie.
[7] In Pierre Bamony :
–Bio-anthropologie de la sexualité
Première Partie
– Au cœur de la question de l’homosexualité : entre nature, controverses et théologie de la christophanie
Suivi de la deuxième Partie
Bio-anthropologie de l’hédonisme féminin : le passage de la polyandrie à la polyandrogynie est-elle conforme aux lois de la vie ? (Edilivre avril 2014)
[8] Jean Markale : La grande déesse-Mythes et sanctuaires– (A. Michel, Paris, 1997, p.63)
[9] Quand Dieu était femme…(Edit. L’Etincelle, Montréal 1979, p.55).
[10] In Pierre Bamony : Eve, Filles d’Eve : le Féminin intemporel- Vanité du soi-disant sexe fort-, Paris, Thélès, janvier 2008, 264 p.
[11] In UNESCO. « Journée mondiale de la philosophie » [en ligne], URL : http://fr.unesco.org/events/journee-mondiale-philosophie-2016
[12] Au Moyen-Age, l’Eglise, devenue un empire temporel, régnant avec absoluité et tyrannie sur les princes, les rois de l’Europe et sur les consciences ou la Moralité, a imposé de croire que la philosophie était la servante de la théologie ; alors que celle-ci n’existe comme rationalité que grâce à la raison philosophique. Descartes, au XVIIe siècle, pour être libre dans sa pensée, opéra une séparation entre les deux. La lumière naturelle (raison) a le pouvoir de tout comprendre sans en référer à la lumière surnaturelle (grâce divine).
[13] La Bible de Jérusalem.
[14] C’est nous qui soulignons ces passages pour montrer le caractère absolu de cette alliance divine qui doit inscrite dans le corps de son peuple élu pour être valable et éternelle. C’est quelque chose de catégorique, d’indiscutable.
[15] Telle est la thèse de Baigent Michael – Leigh Richard – Lincoln Henri, dans L’Enigme Sacrée – Traduit de l’anglais par Brigitte Chabrol (Pygmalion/Gérard Watelet, Paris 1983). Selon ces auteurs, Jésus n’est pas mort sur la croix comme le prétend la tradition chrétienne. Or, ce fait et la résurrection présumée de celui-ci sont des principes fondamentaux de la foi chrétienne. Ils soutiennent que Jésus, en qualité de Maître (Rabi), ne pouvait pas être condamné à la crucifixion. Donc, on (ses amis aisés, sa famille et lui-même) se serait arrangé, par un simulacre de la crucifixion de Jésus, pour faire condamner quelqu’un à sa place. Il en fut de même pour sa résurrection. Puis, après la destruction du Temple de Jérusalem par Titus en 70, il aurait fui, avec sa femme Marie-Madeleine et leurs enfants, en Gaulles, plus précisément, dans le royaume des Mérovingiens du Sud –Ouest (Septimanie) alors fort ouvert aux populations de la Judée.
[16] Gallimard, coll. Tel, Paris 1993
[17] Le donatisme est une hérésie qui entraina un schisme au sein de l’église chrétienne de l’Afrique du nord au IVe siècle
[18] In Contre les hérésies –Trad. Adelin Rousseau- (Edit. du Cerf, Paris 1991)
[19] Idées/Gallimard, Paris 1975.
[20] C’est nous qui soulignons ce passage pour nous montrer la mauvaise foi, la perversité et la cruauté de certains Pères de l’Eglise, comme Augustin justement qui, par ses écrits, a comme légalité l’intolérance.
[21] In Histoire de la tolérance au siècle de la Réforme (Aubier, Paris, 1955)
[22] Edit. du Cerf, coll. « Sagesse Chrétienne »- Trad. Marc Ozilou- Paris 2012
[23] In Lettre sur la Tolérance, précédée de l’Essai sur la Tolérance et sur la différence entre pouvoir ecclésiastique et pouvoir civil (Garnier Flammarion, Paris 2007)
[24] Fondements de la métaphysique des mœurs (Delagrave, Paris, p.149)
[25] «La Doctrine de la Vertu», Métaphysique des mœurs (1797), Éd. Vrin, 1985, pp. 147-149
[26] Race et Histoire, Denoël, p.22
[27] Les Formes élémentaires de la vie religieuse, le Livre de Poche, p.467
[28] L’amour et l’amitié, Le Livre de Poche, Paris
[29] Discours de la servitude volontaire, §16
[30] Ethique à Nicomaque, Livre VIII, « De l’Amitié » (G.F., Paris)
[31] L’Ethique IV (Edit. du Rocher, Paris, 1974, p. 240)
[32] In Michel Rouche : Les empires universel –II-IVe siècle (Edit. Poche, Larousse, Paris 1968)
hie.kouya@yahoo.fr
Bonjour Professeur,
« En philosophie, contrairement aux religions révélées qui sont sources d’ostracisme, non en elles-mêmes, mais par leurs usages humains, à l’égard des incroyants ou de ceux qui professent une foi différente, on ne décide pas de la mort de quelqu’un parce qu’il partisan d’une doctrine différente des mouvements de pensée dominants, tel le platonisme, l’Ecole de Milet etc. On ne manifeste pas non plus d’ostracisme à son égard. »
A partir de cette assertion que vous faites, Professeur, à savoir que les religions révélées ne manifestent pas d’ostracisme, je suis tenté de vous voir éclairer ma lanterne sur la destruction et la Négation et même la Diabolisation de toutes les pratiques culturelles africaines au point de voir les africains aujourd’hui adorer le DIEU d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? N’est-ce pas là la manifestation d’ostracisme doublé d’esprit impérialiste ? Abraham, Isaac et Jacob sont-ils des Nôtres ? DIEU est-il Africain ? S’il vous plaît, ne me donnez pas de réponse précipitée, Professeur, parce que, qu’on soit en Afrique, en Inde au Japon et ou sais-je encore, vous vous appelez BAMONY, M. BAMONY, Sir BAMONY, HERR BAMONY et toujours BAMONY ! Et vous savez bien que le NOM en dit long et même profond sur vous, votre identité tant physique que métaphysique, vous êtes connecte à l’AME de nos Ancêtres, à la Divinité-Source de toutes les Sources. On ne rentre pas dans le SANCTUAIRE de « WOUINDE » comme dans celui de DIEU !
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