Eve, Mère de tous le vivants
Introduction
Et si toi, tu n’es pas cet objet que la publicité se complaît tous les jours à vendre dans tous les espaces disponibles. Au contraire, tu es la beauté sans prix, qui se situe au-delà de toute évaluation. Et si tu n’es non plus réductible à cet étalage de chair sur Internet, qui livre à tous les regards, innocents ou coupables, vierges ou initiés aux secrets de l’accouplement, les méandres, les profondeurs, les abysses de ton sexe ; au point de te réduire à n’être qu’un sexe du plaisir et non plus une personne qui a un sexe. Certes, le masculin en fait autant. Mais la nuance est éminente, s’agissant de toi, Femme. Cet étalage extrême de l’intimité de certains êtres humains est-il le fait de la liberté naturelle ou instinctuelle qui pousse le voyeurisme jusqu’au dégoût, à l’écoeurement même ? Qu’ont-ils encore à désirer les pèlerins du plaisir si ce qui est à conquérir, à découvrir est déjà tout donné sans beauté ni pudeur ?
Aphrodite et Pan
Et si tu n’es pas l’Aphrodite vulgaire de Pausanias dans le Banquet de Platon, éprise d’aventures sexuelles, d’amour des corps sans souci de la qualité ; faite toute entière pour l’amour au hasard, qui recherche des partenaires peu intelligents, l’important étant de jouir du plaisir physique sous toutes ses formes ?
Toi, tu es réellement l’Aphrodite céleste, transcendance absolue, située au-delà de cette partie basse et vulgaire de ton être complexe. Tu ne cèdes point aux amants vulgaires qui aiment surtout le corps, ce que nous pouvons avoir en commun avec les bêtes, puissance de l’instinct, dans l’oubli total de l’amour, de la qualité et de l’intelligence d’un amant ou d’une amante, piédestal de la noblesse de notre nature culturellement sublimée. Par-delà tout cela, Eve, Femme, tu es la nostalgie de l’union absolue des êtres vivants. Ta lice est un temple sacré, non pas « un vagin qu’on loue » par le mariage comme le voudraient certains peuples ignorants. Elle n’est point accessible aux minimes et vulgaires pèlerins du plaisir banal ; mais aux adorateurs de ton être divin qui, à cette condition, y jouissent de l’extrême extase.
Et si l’histoire écrite par le masculin n’est rien d’autre que le résultat de sa volonté pathologique de dominer le féminin ? Et si les religions, prétendument révélées, n’ont elles-mêmes de cesse de se comporter en complices d’un mensonge en le pérennisant et en le sacralisant ? Eu égard à la nature du féminin, et si la vérité fondamentale du monde n’est effectivement qu’une superbe erreur, une monstrueuse supercherie, voire une fiction ? Et si, en réalité, l’être inférieur n’est pas le féminin, comme on l’a prétendu depuis des millénaires, mais bien le masculin ?
Aphrodite céleste
I- Une histoire mensongère, source de tes malheurs en ce monde masculin
Lire l’article précédent traitant de cette thématique : « Eve, l’angoisse du Dieu mâle » (Mise en ligne le 2 décembre 2013 sur le même site dans la Rubrique « Présentation et extraits de livres »)
Depuis lors, la tradition judéo- christiano-islamique se complait à défendre l’idée suivant laquelle, parce que la femme « fut tirée de l’homme », elle doit lui être soumise. Cependant, une telle assertion n’est pas vérifiée dans le texte. Il s’agit plutôt de fausses interprétations ou de commentaires arbitraires visant à confirmer la volonté de domination du masculin sur la femme, comme je l’ai déjà dit. Celle-ci a, au contraire, un rôle éminent. En effet, ce n’est pas elle qui opère le mouvement de détachement par rapport aux parents et d’attachement par rapport à l’homme, mais bien ce dernier : « C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme… ». Si on devait parler de soumission, avec honnêteté et sincérité, c’est bien l’homme qui doit être soumis. Le fait même de la rechercher, d’aller vers elle est un indice de dépendance : l’homme ne peut exister que par rapport à la femme. D’abord, sans elle, il est profondément malheureux comme le texte le montre ; ensuite, en face d’elle, il est comme saisi par un mouvement irrésistible, capté par son être comme source potentielle de son bien-être ; ce qui le conduit à se détourner des liens les plus sacrés comme ceux qu’il témoigne à son père et à sa mère. Dès lors, déduire de la soumission de la femme à l’homme, suivant le principe masculin de l’inférieur au supérieur, du seul fait que la femme résulte du corps de l’homme, est une interprétation, pour le moins fantaisiste, de la doctrine de ces religions dites révélées. La fin du texte montre, qu’en fin de compte, l’homme et la femme se retrouvent dans l’unité : « ils deviennent une seule chair » sans qu’il y ait une once de jugement de valeur qui élève l’homme au-dessus de la femme. Pour qu’il y ait une réelle unité, il faut qu’il y ait une égale dignité des êtres en présence.
II- Suite, Femme, l’angoisse de Dieu
Dans l’épreuve de la liberté, suivie de la chute, le scribe, malgré lui, va accorder à la femme le rôle le plus éminent dans les péripéties ou les événements de leur vie, sous la vigilance divine. En effet, la femme semble échapper au contrôle de Yahvé Dieu en se montrant sous une figure inattendue par son audace, son courage voire l’assomption de sa responsabilité. D’abord, une fois instruite de l’existence d’une science qui les libérerait de leur innocence infantile, en ferait des être mûrs, conscients et responsables de leur vie, elle ne dédaigne pas d’aller à la découverte de ce savoir. Elle ose aussi braver l’interdit de Yahvé Dieu. Ce faisant, elle s’élève à son niveau comme pour lui faire face, pour le regarder, même si ce face à face se fait encore dans le vide, c’est-à-dire dans l’absence de son alter. Pendant ce temps, l’homme apparaît comme inexistant. Les événements se déroulent en dehors de lui, à son insu, lesquels vont, pourtant, conduire à la grande mutation de leur état. Aussi, c’est la femme qui recueille, en premier, la révélation de l’existence secrète du plus grand des savoirs[1] qui ait été institué, en affrontant le serpent.
Celui-ci choisit la femme parce qu’il sait que son consentement entraînerait naturellement celui de l’homme. Car ce dernier vit dans la crainte de son créateur et n’aurait aucunement l’audace d’entreprendre quelque chose qui changerait leur état, même s’il ignore encore quelles en seraient les conséquences ultérieures. Les versets suivants montrent, à l’évidence, que la femme consent volontairement à l’attrait de la science inconnue. Ce n’est pas tant le serpent qui l’intéresse et ce n’est pas non plus cet être qui la séduit, comme la doctrine religieuse l’a établie. L’attrait de la femme pour l’objet de la convoitise en question, c’est ce qu’il y a d’inconnu dans la mystérieuse science à laquelle Yahvé Dieu leur interdit d’accéder. Les paroles du serpent lui font comprendre que Yahvé Dieu leur cache quelque chose. L’acquiesement de la femme implique une volonté de lever le voile sur le secret divin, mais mis expressément à leur portée pour les amener intentionnellement à le découvrir : « Le serpent répliqua à la femme : « pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des Dieux qui connaissent le bien et le mal ». La femme vit que l’arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu’il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea. Ell en donna aussi à son mari qui était ave elle, et il mangea. Alors leurs yeux à tous les deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus. » (GnI-3-1 à 7).
Femme domptant le serpent
Pendant que la femme inaugure l’éveil de ses sens, comme perception tel le goût, voire la vie, à la fois comme sensualité et comme vision savante, l’homme se tient en retrait pour laisser les duétistes (la femme et le serpent) initier les événements du monde. Le Yahvé Dieu, qui semble absent de la scène ou se tenir dans une cachette quelconque, paraît comme impuissant à empêcher que la femme enfreigne son interdit. L’audace de celle-ci lui échappe et le surprend. Réduits au silence, lui, tout autant que sa prime créature, apparaissent comme des spectateurs passifs. L’homme, s’il n’ose pas agir par lui-même, semble consentant. Car le texte dit bien que « elle en donna à son mari, qui était avec elle, et il en mangea ». Si le rôle que la tradition religieuse lui a fait jouer était justifié, face à ce qu’on pourrait appeler l’effronterie de la femme, il aurait pu l’empêcher d’aller jusqu’au bout de son audace. Il aurait pu même refuser de manger du fruit de l’arbre en question que la femme lui donne. Bien au contraire, sans résistance aucune, comme entraîné par la force d’une volonté qui le dépasse infiniment, il le consomme après elle. Ce texte montre qu’il s’agit bien d’une personne falote, sans envergure, velléitaire[2] même puisqu’il se contente de faire ce que la femme lui ordonne.
Mieux, il montre la pleine mesure de son insignifiance dans les versets suivants : « Yahvé dieu appela l’homme : « Où es-tu ? « dit-il ; « j’ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l’homme ; j’ai eu peur parce que je suis nu et me suis caché ». Il reprit : « Et qui t’a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ! « L’homme répondit : « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé ! ». Ce dialogue entre le créateur et sa prime créature, suivant la deuxième version du livre de la Genèse, enfonce celle-ci dans une infantilité inimaginable. D’une part, l’homme perd de sa superbe : il ne s’écrie plus « pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair ». La femme devient l’absolue étrangère qui ne lui est plus consubstantielle. Elle devient immédiatement l’autre absolu : « C’est la femme que tu as mise auprès de moi… ». Par lâcheté, il rompt l’unité que le couple était censé constituer : « ils deviennent une seule chair ». Ce faisant, il apparaît comme un irresponsable absolu puisque la faute, si faute il y a, n’est pas de son propre fait, n’émane pas de sa volonté, mais du libre arbitre de la femme que Yahvé Dieu « a mise auprès de lui… ». Il se défend maladroitement et accuse la femme. C’est un irresponsable au sens juridique du terme, à l’image de l’enfant que le droit ne peut condamner pour ses actes répréhensibles, en vertu de son défaut de raison, de son innocence. Dans cette affaire, l’homme n’est pas agent ; quelqu’un d’autre, en l’occurrence, la femme est actrice à sa place. Dès le départ, l’homme reconnaît donc à la femme un statut éminent, selon la même tradition théologico-religieuse qu’il s’est plû à tronquer de façon éhontée, du moins, depuis le VII° siècle avant Jésus Christ.
D’autre part, on comprend mal comment Yahvé Dieu, témoin passif de la scène, choisit de s’adresser à l’homme plutôt qu’à la femme. D’emblée, il sait ou il doit savoir qui a enfreint son interdiction. Même si le texte ne le dit pas expressément, comme je l’ai remarqué plus haut, la femme lui pose un sérieux problème. A l’inverse de l’homme, créature craintive, totalement soumise à sa volonté, à ses dictats, la femme semble échapper à son contrôle. Il n’ose pas l’attaquer de front. Quand, après avoir passé par le maillon faible du couple, il l’interroge à son tour, elle n’a aucune peur de lui dire ce qui s’est passé : « Yahvé Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? « Et la femme répondit : « C’est le serpent qui m’a séduite et j’ai mangé ». (GnI-3-13). Face à son créateur présumé, elle ne se défile pas ; elle assume pleinement sa responsabilité. Elle reconnaît les faits : séduite par la parole révélatrice de l’essence réelle de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, elle a voulu en découvrir le secret par la manducation. De bout en bout de cette histoire, elle reste actrice ; elle ne rejette pas la faute sur quelqu’un d’autre (elle reconnaît avoir été séduite par le serpent) comme son mari précédemment. Dès lors, Yahvé Dieu ne sait que faire face à la manifestation inattendue de la personnalité de cet être qu’il est supposé avoir pourtant créé lui-même. La seule marque de sa puissance, c’est la condamnation, la malédiction.
Femme du désert
Mais, ceci est davantage une marque ou une manifestation d’impuissance par rapport à l’audace de la femme qui a osé le défier, dès le matin de la création. Autant l’homme lui paraît transparent, autant la femme cache des labyrinthes : sa nature est opacité, mystères, imprévisibilité, comme je le montrerai ultérieurement. Sa présumée seconde créature lui cache quelque chose, comme les cellules de la côte sont invisibles à l’œil nu. Pour éviter qu’elle aille plus loin dans la découverte des secrets des dieux, il la maudit et la déchoît de son rang d’unique agent face à lui : « Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi » (GnI,3-16). Cependant, malgré la malédiction divine, marque de l’impuissance de Yahvé Dieu, de l’angoisse de Yahvé Dieu face aux mystères de la personne de la femme, son mari l’élève, malgré lui, sur un piédestal. En effet, il l’appelle d’un nom prédestiné au sens où la femme, jusqu’au terme de la vie humaine sur terre, aura l’unique privilège d’être celle qui rend la procréation possible, qui est d’emblée introduite dans l’intime secret de la vie, d’en être la porteuse, celle qui décide ou non de sa perpétuation. « L’homme appela sa femme « Eve », parce qu’elle fut la mère de tous les vivants » (GnI-3-20) ».
III- Tu es le premier Etre divin de l’espèce Homo sapiens
Danse céleste
Ciel des divinités, monde de la plénitude du féminin
Si le débat théologico-religieux ne peut porter sur l’essence de Dieu en deçà des représentations que l’être humain en a, lesquelles sont prises au piège de son langage fini, à l’instar de son être même, en revanche, la nature de Dieu pour nous ne doit être à ce point problématique. En effet, s’il n’y a de Dieu qu’au regard de l’homme, et que celui-ci se comprend en terme de féminin/masculin, il va de soi que les dieux ou Dieu-suivant l’idée qu’on s’en fait- prennent la figure des mots et de leurs limites intrinsèques. Il n’en peut être autrement , d’ailleurs, puisque Spinoza, qui connaît bien l’Ancien Testament pour l’avoir étudié pendant de longues années, reconnaît que le prophète perçoit les phénomènes, censés être révélés par Dieu, suivant sa personnalité. En ce sens, toute prophétie est réductible à une connaissance naturelle, c’est-à-dire dérivant de la lumière naturelle et/ou la raison dont tout être humain est doué. Et c’est, donc, ce qui conduit Spinoza à que : « n’ayant pas vu en effet la figure de Dieu, les Juifs ne pouvaient en façonner qui reproduisit Dieu ; elle eût reproduit nécessairement une chose créée, vue par eux et autre que Dieu ; dès lors, s’ils adoraient Dieu à travers cette image, ils devaient penser non à Dieu, mais à la chose reproduite et rendre enfin à cette chose l’honneur et le culte de Dieu »[3]. Nul être humain n’a donc vu Dieu en face de soi pour prétendre parler en son nom. D’une part, Dieu, s’il existe, est d’une autre dimension que nous n’avons pas en partage ; ce qui rend le face à face avec lui impossible. D’autre part, et ce faisant, son essence devrait déborder de toutes parts nos capacités d’appréhension des phénomènes. En ce sens, toutes les figures divines que l’espèce humaine imagine sont réductibles à des représentations pour elle ; ce n’est donc pas Dieu qui est vénéré, adoré, mais les formes imaginaires de notre cerveau.
Si l’on tient à cette pensée de Spinoza, la thèse suivant laquelle les premières divinités sont toutes féminines ne devrait plus choquer nos consciences aliénées par plusieurs millénaires de domination de la culture masculine. Chez les Grecs anciens, il n’y avait pas de scandale à parler de Dieu (théos) ou de Déésse (théa) puisque ces dénominations recoupent la différence des sexes. Si une telle conception des choses avait pu passer dans l’histoire, de nos jours, de même qu’on étudie la théologie dans des universités confessionnelles, on devrait aussi pouvoir étudier la théalogie dans ces mêmes établissements. On verrait que le discours sur la figure appréhendée du divin serait le même suivant nos capacités conceptuelles, notre foi, notre amour pour la Déésse. Les stoïciens, qui admettent l’existence d’un seul Dieu, zeus, pensent que, pour l’espèce humaine, Dieu peut être tout aussi bien masculin que féminin suivant une double raison : d’une part, dieux mâles ou femelles dérivent des noms qui sont eux-mêmes affectés d’un genre grammatical ; d’autre part, ces différences tiennent à la fonction de la divinité selon qu’elle est active (dieu mâle) ou passive (divinité femelle). C’est, du moins, la conception rappportée par Chrysippe qui écrit ceci : « Les stoïciens affirment qu’il existe un seul dieu, dont les noms varient selon les actes et les fonctions. D’où l’on peut même dire que les puissances ont deux sexes- mâles quand elles sont en action, féminines quand elles sont passives de nature. »[4] De ce point de vue, la théalogie serait tout aussi fondée, suivant l’expérience de la foi de tout un chacun, que la théologie qui occupe seule le terrain des études religieuses. Ceci est d’autant plus dommageable pour l’intelligence totale des phénomènes des êtres humains que les déésses ont bien précédé les dieux sur la terre. Chronologiquement premières, comme je vais le montrer, elles vont progressivement disparaître de la scène planétaire, ce qui explique qu’il n’y a pas de théalogie de nos jours.
En effet, dans la préface à son ouvrage, Quand Dieu était femme, Merlin Stone écrit ceci : « La Grande Déesse –l’Ancêtre Divine- a été adorée depuis le début de la période néolithique (7000 ans avant J.C) jusqu’à la fermeture de ses derniers temples (environ 500 après J.C). Certains savants font même remonter le culte de la Déesse au paléolithique supérieur, environ 25000 ans avant J.C. Beaucoup de gens croient que les événements relatés dans la Bible ont eu lieu « au commencement des Temps », alors qu’ils datent en fait de l’époque historique. D’après la plupart des historiens bibliques, l’existence d’Abraham, le premier prophète du dieu hébreu et chrétien Yahvé, plus connu sous le nom de Jéhovah, remonte tout au plus au dix-huitième siècle avant J.C. et peut-être seulement au quinzième siècle ». (p.p.10-11).
Le plus commun des individus croyant ou non –le masculin non croyant ne peut se départir de sa subjectivité masculine en tant que participant d’un groupe présumé dominant- ne peut concevoir l’idée que Dieu puisse se dire au féminin. Pour tous, il est un fait évident, suivant la manière dont les consciences ont été aliénées par les dernières religions de l’espèce humaine, en raison de l’érection du Dieu masculin au ciel depuis quelques millénaires ; d’autant plus que celui-ci est représenté par l’iconographie catholico- orthodoxe comme un homme, un père[5]. Le titre de l’ouvrage de Merlin Stone, Quand Dieu était femme, serait objet de sarcasme chez tous, y compris chez le féminin encore aliéné par la conscience de la culture masculine, si on s’avisait de leur demander leur avis sur ce fait. Et pourtant, s’il est vrai qu’on prête à la pré-histoire et à l’histoire quelque once de vérité, quelque substrat de réalité, on doit admettre qu’il en fut bien ainsi : avant de voir son image et/ou sa représentation usurpée par le masculin bien plus tard, Dieu était bien femme ou l’Androgyne primordial, comme le remarque Ewert Cousins à propos du Dieu unique mâle de la Judée : « issue de sa longue histoire juive à caractère patriarcal, l’image chrétienne de Dieu est masculine, vision masculine renforcée par l’imagerie archetypique servant à évoquer le Dieu des Hébreux, qui roi, chef de guerre, législateur, prêtre… La déesse mère du monde méditerranéen dut céder le pas au Dieu céleste masculin des origines d’Israël. Pour les chrétiens, le caractère masculin du Dieu juif s’est trouvé confirmé par leur adhésion de foi à son unique incarnation dans le Jésus masculin de Nazareth, qui appelait Dieu son Père. Cette représentation d’un Dieu mâle a culminé dans la doctrine de la Trinité, et ce fut là véritablement le triomphe du patriarcat ».[6] »
IV- Femme, fondement de la vie que le masculin vilement voudrait imiter
Femme, terre de l’Humanité
« Le masculin a prétendu élever son phallus à la dignité d’un dieu et telle est son arrogance démesurée. Même si, chaque matin, l’Israëlite orthodoxe remercie son Dieu de l’avoir fait homme, il n’en demeure pas moins qu’il voudrait envelopper en son être tout ce qui existe, tout ce qui est. Mieux encore, inconsciemment, il aurait aimé ravir au féminin le creux de son être qu’il aime si bien remplir, ou dans lequel il voudrait s’installer comme à demeure. Il suffit, pour se convaincre de cette ambition du masculin à s’approprier même les pouvoirs spécifiques du féminin, de lire attentivement l’excellente étude de Roberto Zapperi à ce sujet. Dans L’homme enceint, il va se fonder sur une figurine trouvée sur la façade d’une église représentant le mythe biblique de la naissance d’Eve, à partir d’une côte d’Adam, pour montrer que le masculin voudrait posséder la faculté de l’enfantement : pouvoir éprouver, comme le féminin, les sensations douloureuses de l’accouchement. Ce thème majeur au Moyen Age a été abondamment traité à la fois par la théologie et par la sculpture-architecture judéo-chrétienne. Le masculin met toute son intelligence au service de sa propre gloire en montrant constamment qu’il est l’unique créature de Dieu et qu’ainsi, il a la primauté sur le féminin, à l’image biblique d’Adam qui émerge des mains de Dieu, et Eve, procréature d’Adam. C’est en ce sens que Roberto Zapperi écrit à juste titre : « au sens originel [l’extraction du corps d’Adam endormi par Dieu de la personne toute achevée d’Eve] est donc venue s’ajouter une autre interprétation qui transforme la création d’Eve en une véritable naissance. La création devient procréation et Dieu délègue à Adam son propre rôle. Adam procrée désormais la femme par la volonté de Dieu. Le geste de bénédiction se compend alors comme un geste de commandement car Adam ne peut procréer que sur commandement divin. Dans cette procréation, les rôles de l’homme et de la femme sont inversés pour signifier que la procréation, prérogative des femmes, a pour correspondant chez l’homme, la faculté de création : la femme procrée les enfants, l’homme crée les œuvres[7]… L’artiste y introduit la fiction, nouvelle, de l’accouchement costal masculin. Cette innovation, cependant, a reçu la pleine approbation de la hiérarchie ecclésiastique qui l’a laissé se répandre dans toute l’Europe[8]».
Dans cette innovation relative à l’interprétation théologique de la naissance d’Eve, c’est-à-dire de sa procréation par Adam, il y a lieu de s’interroger sur la signifcation morale d’une telle représentation artistique. En effet, il a toujours été reconnu que seule la mère est certaine qu’un enfant est le fruit de ses entrailles. Aussi, s’il est permis de douter de la paternité sous les cieux (c’est le sens même du viel adage des Latins : «mère certaine, père incertain»), il n’en donc pas ainsi de la paternité. Or, dans la représentation présente de la pensée théologique judéo-chrétienne, on attribue à Adam le rôle de procréateur d’Eve, comme l’observe Roberto Zapperi : « Adam procrée désormais la femme par la volonté de Dieu ». Dès lors, au sens biologique, Adam apparaît comme le père incontestable (« procrée ») d’Eve. Si donc, l’on accorde quelque crédit au sens du récit mythique de l’Ancien Testament (et il ne saurait en être autrement puisque la tradition judéo-christiano-islamique s’en sert comme le fondement même de l’infantilité, de la soumission, voire de la minorité de la femme) selon lequel Adam et Eve sont les premiers parents, les deux ancêtres uniques de toute l’Humainité, alors, on doit admettre qu’Eve, après sa procréation, devenant la femme d’Adam, celui-ci a épousé sa propre fille. Ce qui apparaît comme l’interdiction absolue, sacrée même dans les cultures et peuples humains, en l’occurrence, l’inceste, semble avoir été permis et béni par Dieu lui-même, créateur d’Adam. Ceci se conçoit ainsi selon les propos suivants de Roberto Zapperi : « le geste de bénédiction se comprend comme un geste de commandement car Adam ne peut procréer que sur commandement divin». Par ce « commandement », Adam donne naissance à Eve, ce qui, en d’autres termes « transforme la création d’Eve en une véritable naissance », dit l’auteurde L’homme enceint.
Cette forme d’accouchement costal masculin ou adamique, bien que ce soit une pure invention artistique pour penser le masculin comme celui qui a reçu de Dieu des dons et des pouvoirs exceptionnels, l’être qui est complet par excellence en tant que figure achevée de l’Androgyne, aurait pu être interdite par l’Eglise catholique. Car cette fiction est dangereuse moralement, au sens où elle permet de croire que l’inceste originaire n’est pas, en soi, un mal absolu. Bien au contraire, elle s’est empressée de l’approuver et de la laisser se répandre à travers toute l’Europe du Moyen-âge, parce qu’elle est supposée magnifier la nature divine et exceptionnelle (créateur) d’Adam, contrairement à celle d’Eve, qui n’est qu’une simple procréature de ce dernier ; et donc vouée à la condition théologico-métaphysique de soumission. Ce faissant, l’Eglise catholique, toute heureuse de son Adam ainsi célébré et élevé jusqu’aux cieux, n’a pas vu qu’elle autorisait et bénissait la représentation religieuse de l’inceste comme phénomène humain originel ; ce qui est en contradiction avec les textes et les lois de l’Ancien Testament.
En effet, malgré des cas d’inceste avérés, comme Juda et sa belle-fille Tamar, Lot et ses deux filles, Amnon et sa demi-sœur Tamar (deux enfants du roi David), la Bible interdit formellement l’inceste. Certes, l’inceste devient un moindre mal ou il est seulement toléré, tel l’exemple, sans doute, d’Adam et Eve et de Lot et ses filles, quand il s’agit de sauvegarder une lignée qui, autrement, risque l’extinction. L’Ancien Testament est très clair sur l’interdiciton de l’inceste, comme les sentences du Lévitique (Lv 18, 6 à 10) le proclament : « Je suis Yahvé
Aucun de vous ne s’approchera de sa proche parente pour en découvrir la nudité. Je suis Yahvé.
Tu ne découvriras pas la nudité de ton père ni la nudité de ta mère. C’est ta mère, tu ne décourvriras pas sa nudité.
Tu ne découvriras pas la nudité de la femme de ton père, c’est la nudité même de ton père.
Tu ne découvriras pas la nudité de ta sœur, qu’elle soit fille de ton père ou fille de ta mère. Qu’elle soit née à la maison, qu’elle soit née au-dehors, tu n’en découvriras pas la nudité.
Tu ne décourvriras pas la nudité de la fille de ton fils ; ni celle de la flle de ta fille. Car leur nudité, c’est ta propre nudité etc». Pourtant, l’Eglise catholique elle-même, du point de vue des moeurs publiques, des coutumes et traditions religieuses, s’est toujours montrée d’une exceptionnellement sévérité. Ainsi, au Moyen-âge, elle considérait que la parenté spirituelle devait, elle aussi, être prise en compte dans la définition de l’inceste. En effet, elle prohibait toute union entre parrain et filleule, marraine et filleul, voire entre parent (mère ou père) et la marraine ou le parrain de l’un de ses enfants.
Dès lors, si l’Eglise catholique condamne aussi l’inceste comme un crime sexuel, un tabou, une abomination même, bref un péché mortel, comment comprendre qu’elle ait pu tolérer une telle fiction artistique ? La transgression de l’interdiction n’est-elle pas celle d’une loi fondamentale qui régit la vie de la cellule familiale et de la société tout entière, quelle qu’elle soit ? Comme je le montrerai plus tard, on ne peut répondre à ces questionnements qu’en ayant présente à l’esprit l’idée que la finalité de la tolérance de cette représentation théologico-métaphysique scandaleuse était de monter qu’Adam seul est créateur au même titre que Dieu. Ce dernier étant ainsi considéré, Eve est réduite au rang d’une simple procréatrice, à l’instar de ses descendantes. Un tel gain de sens théologique suffisait au bonheur de l’Eglise catholique, quitte à s’aveugler sur la dimension moralement scandaleuse de cette représentation artistique, pour fonder la soi-disant Vérité métaphysique, divine même de l’infériorité et de la minorité du féminin par rapport au masculin. En d’autres termes, l’enjeu majeur d’une telle invention est donc clair : justifier le fait originaire que si Eve naît d’Adam, il y a donc légitimation du pouvoir de l’homme sur la femme, comme le pater familias exerce son autorité souveraine sur sa fille, quitte à perdre son âme morale dans cette volonté de justification d’une pseudo-Vérité ».
V- Femme mystère, femme énigme
« En réalité, ce qui intrigue chez le féminin, depuis d’ailleurs l’origine de son avènement en ce monde, comme je l’ai déjà montré à propos du mythe biblique de la création du genre humain, tient au fait que l’insondable abîme de son être frappe d’impuissance toute tentative de le comprendre essentiellement. Face à une telle tâche monumentale, incommensurable même la raison devient comme une danseuse du ventre. Ainsi, au lieu d’oser s’avancer vers cette nuit dense qu’est le mystérieux féminin, l’énigme par excellence, en vertu de la force de son inconscient qui la meut en toute chose à son insu, la raison se contente de faire des projections perverses et mensongères sur lui. Au lieu de le percevoir, même de façon floue, elle s’empresse de le déformer. Et tels sont les heurts et malheurs de cette ratiocination identique à soi-même dans et à travers le temps.
Dès lors, qu’est-ce qui, dans l’être du féminin, échappe tant à la raison masculine ? On peut avancer les présupposés suivants, qui sont seulement une approche de ce phénomène et non son explication réelle. D’abord, le féminin est étranger pour et à soi-même en tant qu’il ne se perçoit pas réellement tel qu’il devrait être avec toutes les richesses, les charmes, les mystères enfouis au fond de son être à cause de l’inconscient collectif, vecteur de la culture masculine. Il est surtout, pour le masculin, l’étranger par excellence. Selon la définition que donne Le Robert de ce terme, je retiens le sens suivant : est étranger « ce qui n’est pas connu ou n’est pas familier…Une personne qui se tient à l’écart de quelque chose ». En ce sens, le féminin est inconnaissable bien qu’il soit l’être le plus familier. En se tenant toujours à l’écart par devers soi et de soi-même, il échappe aux tentatives d’appréhension. Comment peut-il en être autrement ? Comment comprendre l’incarnation de la sublime douleur des profondeurs que recèle son être comme symbole premier de la Vie ?
Cette difficulté propre à un tel effort d’intelligence réside dans l’évidence que la femme est, dans le règne du vivant doué de raison, la combinaison, l’unité complexe, voire la fusion des diverses figures de la réalité humaine. Elle est unique en tant que sources fécondes de menstruation, c’est-à-dire fleur augurale de toute vie humaine, en ce sens que son sein est au commencement du processus expérimental de la procréation du vivant qu’est cette espèce dite homo sapiens sapiens. En effet, si l’on prend la situation du masculin par rapport à la femme, celle-ci est tour à tour et à la fois mère, épouse, fille. Si elle est soumise et niée en tant qu’épouse et fille, elle ne manque pas d’être vénérée, respectée comme mère ; en quelque sorte, une personnalité trinitaire perçue diversement. En outre, elle détient seule le secret de la fusion, dans son sein, de l’intimité absolue et du lien abyssal des deux identités irréductibles qu’est sa propre personne et celle de son enfant ; fusion et lien qui trouvent toute leur symbolique, leur évidence dans le creuset de sa maternité et de son allaitement. En ce sens, chaque sujet humain appartient à l’envoûtement ou à l’enveloppement de son être englobant. C’est un fait absolu et indépassable, irréversible et inchangeable. Sous cet angle, tout enfant (fille et garçon) appartient à la chair du féminin, à l’éternelle intimité du féminin. Nous sommes tous corps d’une même chair, celle du Féminin-Mère.
Ensuite, l’être du féminin est « extasique » dont l’essence tout entière égale un ravissement de l’âme. Il ne s’agit pas ici uniquement des processus de bien être éphémère et frustrant pour le masculin, en particulier, liés aux actes d’amour. En effet, pour atteindre quelque orgasme, point n’est besoin forcément d’une partenaire ou même d’un acte sexuel. Les excitations et les activités de l’esprit sont tout aussi bien en mesure de nous faire accéder à des jouissances infinies d’un autre genre. J’entends par « être extasique » l’efficience extraordinaire propre au féminin d’apporter l’apaisement à l’âme du masculin aux heures sombres et amères de son existence, quand son âme est chargée de tout le poids du monde, en raison de toutes les formes de frénésies, de grandes agitations physiques et psychiques qui la meuvent continûment. Elle apparaît, lors de ces circonstances existentielles douloureuses, entre autres moments contrastés de la vie humaine, comme une mère qui prend soin de son enfant fragile et l’allège ainsi de ses maux, comme l’épouse qui l’entoure de sa tendresse, de sa douceur, de son affection, et qui l’apaise de son amour, comme la fille qui porte sur lui un regard plein de compassion et de désir de le secourir, de le sauver de son désarroi du moment.
En ce sens, la compréhension de l’être du féminin confine à un effort surhumain, parce que justement son essence réelle a quelque de métaphysique, comme l’abîme insondable de l’univers. Dès lors, loin d’être sa moitié comme il l’a toujours prétendu, le féminin, c’est la colonne vertébrale, les fondations, les murs de soutènement de la charpente, c’est-à-dire de la structure de l’être du masculin. C’est l’astre diurne et, en même temps, la voûte nocturne clos et impénétrable sans lesquels la vie ne peut se concevoir. Si l’on me permet l’emploi de ces métaphores, je dirais que c’est l’océan immense dans le miroitement duquel les cieux innombrables trouvent un contentement infini. C’est la métaphore de flots azurés de la mer, des flots inconnus qui étonnent toujours par leur force de déchaînement sauvage, incontrôlable au-delà de toute forme de domestication mais dont le secret de la maîtrise gît en son propre fond. Et c’est ce que le masculin, en général, ne veut ni voir ni accepter ni comprendre. Car il préfère les bornes de sa domination aveugle sur le féminin depuis quatre mille ans comme si les choses devaient rester toujours intangibles et égales à elles-mêmes par-delà le courant du temps ».
Femme, cette inconnue au-delà des clichés
…….
« Il est temps que l’on sorte, enfin, de cet indécent phallocentrisme, qui a consisté en une mésinterprétation de la sexualité féminine, résultat de la méconnaissance de la complexité de son être. Pourquoi le masculin a-t-il toujours eu tendance à jeter l’anathème, la malédiction sur cette partie de la femme, comme si le féminin était seul à posséder un sexe ? Pourquoi, même encore aujourd’hui, le masculin voit-il dans le sexe féminin quelque chose qu’il ressent profondément comme un mal ? Dans ce ressentiment, surgit la peur du masculin d’une sexualité féminine qui le dépasse infiniment par sa complexité et qui défie son appareil sexuel plutôt simple en comparaison. Déjà, ce qui l’effraie chez la femme, pour parler couramment, c’est l’idée qu’elle a (ou qu’elle est) une matrice avec ses profondeurs et ses terminaisons ovariennes. Il s’imagine l’ovule comme un gigantesque orbe, prêt à happer ce qu’il fut au départ, c’est-à-dire un frêle et éphémère spermatozoïde, menacé pourtant par la mort prochaine si ce « monstre » ne daigne l’accueillir et, ainsi, le sauver d’une mort certaine. Le produit du chromosome Y devrait plutôt témoigner de la reconnaissance à cet orbe qui lui sauva la vie. Bien au contraire, il engage une lutte à mort contre lui sans qu’une telle hargne ne puisse se justifier rationnellement. J’ai déjà montré ce qui est, en réalité, le phallus–dieu : une excroissance démesurée du clitoris.
Comment, dès lors, avoir un complexe de castration face à ce qui fut, autrefois, l’ancêtre du pénis ? Le masculin devrait avoir un sentiment d’humilité en raison de ce qu’il possède comme sexe : cette fragile et insignifiante tige de chair, cette flagelle contractile constamment mise à mort par le sexe féminin dans l’expérience de l’amour hétérosexuel. Telle est aussi la crainte du masculin : assoiffé de plaisir charnel, il est prêt à tout pour cultiver l’art de la pénétration. Or, qu’est-ce que l’acte sexuel, si ce n’est, métaphoriquement, la mise à mort instantanée de cet organe appelé phallus, quelque moment auparavant si fier de sa rétractilité ? Sur ce point, s’il était encore permis de parler de supériorité ou d’infériorité, la sexualité féminine l’emporte toujours sur la masculine. Combien de temps et d’efforts ne faut-il pas pour mettre en jeu, pour retrouver la tension provisoire de ce fameux phallus ? Pendant ce temps, la femme est prête à de nouveaux combats. Cette mort physique instantanée est le signe de la plus grande faiblesse du masculin, quelle que soit sa forme physique : grand, petit, gros, gras, maigre etc. Et quels que soient l’âge, la taille du féminin, le masculin est toujours acculé à cette même faiblesse rédhibitoire. Et si le féminin était mal disposé à son égard, il y a bien longtemps qu’il n’y aurait plus sur terre de masculin, comme les Amazones le faisaient en leur temps, suivant les témoignages de Hérodote.
En définitive, il est inconvenant de parler de complexe de castration chez le féminin ; il y a, bien au contraire, un complexe de privation chez le masculin. Il est privé du creux dont le féminin est pourvu, ce qui aurait conféré à son être la sérénité qui lui fait défaut. Il suffit, pour s’en convaincre, de se référer aux analyses suivantes. D’abord, du temps du règne de l’Androgyne, au moment de la conquête de la caste sacerdotale féminine, les masculins n’hésitaient pas s’automutiler, à s’émasculer pour devenir comme des femmes. Ceci n’est pas une fiction, à la manière de Freud, mais bien des faits historiques. Ce n’est pas le lieu de m’étendre ici sur le sujet, mais l’envie d’être femme a toujours hanté l’âme du masculin. La thèse de Roberto Zapperi dans l’homme enceint montre ce désir profond et si fort chez le masculin au point qu’il n’hésite pas l’élever au rang de la pensée théologico-métaphysique. Roberto Zapperi remarque, à propos de l’accouchement costal d’Adam ceci : « l’innovation la plus importante fut introduite par Lorenzo Maitani au début du XIVe siècle dans les reliefs de la façade de la cathédrale d’Orvieto : il substitua à l’accouchement costal masculin un euphémisme. Eve ne sort plus seulement son buste du flanc d’Adam endormi, mais elle surgit presque entière et ne laisse plus enfermés dans le côté de l’homme (cachés derrière lui) que ses pieds et ses chevilles. Cette innovation qui cherchait à atténuer la crudité de l’accouchement costal masculin par un procédé euphémique typique a souvent été reprise en Italie par les artistes de la Renaissance et a été introduite par Michel-Ange jusque dans les fresques de la chapelle Sixtine » (p.40-41).
Dès lors, si l’homme pouvait être femme- androgyne, comme il le désire, sa culture universelle aurait un autre visage, celui de la paix dont il est, jusqu’ici, incapable. Il y aurait moins de violence et de guerres, moins de viols et d’agressions, des maux qui sont, statistiquement le fait du seul masculin. Hélas ! Nous le savons désormais : le masculin ou chromosome Y porte les germes du chaos, le féminin ceux de l’oeuf du commencement ».
VI- Femme, l’une de tes figures exceptionnelles
Femme combattante
« Je retiendrai ici la figure remarquable d’Olympe de Gouges, au XVIIIe siècle. Voilà une figure historique d’exception que l’on a tendance à négliger dans les manuels scolaires relatifs à ce siècle qui a, pourtant, été l’initiatrice des luttes féminines pour l’obtention de la reconnaissance de l’égalité des droits entre masculins et féminins. Sans doute, est-ce pour cette raison justement qu’elle occupe moins les manuels d’histoire de la Révolution, à l’instar de ses pairs masculins de cette période ?
Dès son installation à Paris, et avant même l’avènement de la Révolution de 1789, à laquelle elle prit une part active, elle engagea des combats politiques pour la défense des droits des femmes. Femme- androgyne intelligente, avisée, perspicace, elle s’abstint de fréquenter les salons mondains à la mode où l’on débattait de tout avec les célébrités de tous les domaines du savoir : philosophie, littérature, science etc. Mais, ces salons tenus par des femmes aisées et/ou cultivées étaient fréquentés par des gens issus de l’élite, de l’aristocratie et de la bourgeoisie. D’après, Joan W. Scott, dans ses recherches consacrées à La citoyenne paradoxale, retraçant le parcours de quelques féministes françaises, Olympe de Gouges préféra la compagnie de la presse pour faire passer ses idées politiques relatives à la condition de la femme, d’abord, sous l’Ancien Régime, puis, sous la Révolution de 1789. Certes, pour atteindre son but, elle prit le risque du paradoxe du genre sexuel : l’androgynie. En se faisant passer pour « homme d’Etat » ou « homme politique » tout en étant définie comme femme, elle brouillait la volonté de clarté sur ce point, en l’occurrence, la spécification des genres sexuels, à laquelle aspirait tant la raison des révolutionnaires. Mieux, elle voulait prouver que le fait être féminin ne pouvait constituer un frein à l’exercice des fonctions politiques, comme Platon l’avait déjà reconnu au IVe siècle av. J.C.
Cette stratégie tenait aussi, et à juste raison, à l’hostilité générale que le masculin témoignait au féminin. En effet, comme le reconnaissent les auteurs de l’Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, la Révolution, malgré ses idées ou ses intentions généreuses, sa devise universaliste (Liberté- Egalité –Fraternité), avait exclu les femmes et les hommes de couleur, libres ou non, qui vivaient en France, du militantisme, des débats et de l’engagement politiques. Pire, selon les époques, entre autres celle de 1792-1793, les Jacobins et autres révolutionnaires affichaient des attitudes, prenaient des positions nettement antiféministes. Telle était la conduite de Chaumette, qui invitait expressément les femmes à s’adonner aux seules préoccupations domestiques pour lesquelles, par nature, elles sont faites. D’où son cri de révolte : « il est affreux, il est contraire aux lois de la nature qu’une femme veuille se faire homme.[9]Depuis quand est-il permis aux femmes d’abjurer leur sexe et de se faire homme ? Depuis quand est-il d’usage de voir la femme abandonner les soins pieux de son mariage, le berceau de ses enfants, pour venir sur la place publique dans la tribune aux harangues ? La nature nous a-t-elle donné des mamelles pour allaiter nos enfants ? La nature a dit à la femme : Sois femme[10]».
Dès lors, la citoyenneté concernait ceux d’entre les individus qui étaient actifs de raison, en ce sens qu’ils étaient suffisamment éduqués pour prendre part aux œuvres de la nation en création. Ils devaient être financièrement autonomes par quelque travail que ce soit, s’acquitter des impôts et être autocréateurs pour se représenter eux-mêmes par l’exercice du droit du vote. En dehors de la minorité qui satisfaisait à ces conditions, c’est-à-dire à ces qualités de citoyens achevés, les autres individus, tout autant que les femmes, n’avaient pas droit aux acquis de la Révolution. Celle-ci qualifiait ces dernières de passives. Même après la chute de la monarchie en 1792, il y a eu une interprétation maligne de la citoyenneté : elle s’appliquait aux hommes économiquement indépendants et âgés de plus de vingt-et-un ans. Ceux-ci prenaient part au vote dont on avait exclu les femmes et les autres citoyens de moindre importance.
Une telle position était injuste et infondée selon Olympe de Gouges ; d’autant plus qu’elle défendait, à la suite de Condorcet, l’idée que la différence de genre de sexe ne devait guère s’appliquer à la raison, ni à la faculté d’imaginer, laquelle fut objet de débats philosophiques tendant à prouver que seul le masculin était capable d’une imagination créatrice, autonome, rationnelle. A l’inverse, celle du féminin était imitatrice, folle, déréglée etc. La femme, sujette aux pulsions désordonnées de la sexualité, doit être définitivement exclue de la vie politique. L’anatomie de la femme fut évoquée pour renforcer ces préjugés. Selon le Dr Jacques- Louis Moreau, les dispositions internes des organes féminins la condamnent dans sa féminité rédhibitoire, de façon permanente. Elle ne peut y échapper, quoi qu’elle fasse, à tout moment, comme l’œil de Dieu qui poursuit Caïn où qu’il se trouve. En revanche, le masculin a le pouvoir de prendre congé de la sienne par moment. Selon ce bon médecin, qui s’appuie sur les observations de Rousseau, dont les idées sur la femme étaient indécemment rétrogrades « l’influence interne rappelle la femme à son sexe d’une manière continuelle (…) le mâle n’est mâle qu’en certains moments, et la femelle pendant toute sa vie[11] ».
Olympe de Gouges, 1768
Malgré ces préjugés qui tiennent lieu, chez le masculin révolutionnaire, de pensées, de conception véritable des phénomènes, Olympe de Gouges croyait aux potentialités positives du monde en train de naître par la Révolution. Elle prit celle-ci au mot en vertu de la proclamation de ses principes fondamentaux et de ses idées généreuses. Mais sa foi en cette Révolution, porteuse de lendemains qui chantent, était plutôt une sorte d’idéal parfait. Or, sa conception de la Révolution était considérée, par ses contemporains, comme source d’idées trop avant-gardistes[12], postrévolutionnaires, transfiguratrices des réalités sociales, culturelles, humaines même, dans l’ici et maintenant. Elle ne voulait rien moins que le changement radical de la société de son temps et la transformation des mentalités ; et ceci pour plusieurs raisons. D’abord, sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, pendant de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen masculine, qui excluait les femmes, les esclaves, les Français de seconde zone, les hommes de couleur libres vivant en France, posait que les femmes avaient les mêmes droits que les hommes par nature : elles étaient des individus, des personnes à part entière. En outre, les besoins spécifiques des femmes rendaient l’exercice ou l’application de ces droits tout autant urgents que du côté masculin. Ce faisant, sa Déclaration démontrait que l’universalisme prôné par la Révolution était un concept vide, creux, contradictoire dans les faits, abstrait même. On comprend alors le sens de son pamphlet contre Robespierre qu’elle traite d’ « animal amphibie » et Marat d’ « avorton de l’humanité»[13].
Entre autres finalités de cette Déclaration, elle voulait obtenir la reconnaissance des droits des femmes et des hommes dans l’éducation et la réussite de leurs enfants. A cet effet, l’identité politique était nécessaire comme condition de l’affirmation de leur Soi, de leur individualité subjective, en somme, de leur personne humaine. De même, elle fit campagne pour la reconnaissance des enfants naturels et de leurs droits égaux à ceux des enfants légitimes, sans que cette reconnaissance ne s’accompagnât d’opprobre tant pour la femme que pour l’homme. Car la dissimulation de la vérité sur ces enfants naturels, si nombreux dans les villes de la France de cette époque, notamment à Paris, et qui figuraient parmi les réalités sociales évidentes, confinait à l’hypocrisie générale et lui paraissait même barbare, en vertu de la souffrance des enfants et de leurs mères ; pire, c’était même inhumain. Elle reconnaissait volontiers que femmes et hommes étaient ensemble les agents de la procréation ; et qu’à ce titre, le genre de sexe ne devait pas être, en raison de sa différence, un frein à l’accès à la vie politique. Comme le mariage lui semblait comparable à un « tombeau de la confiance et de l’amour[14]», elle préconisa un nouveau contrat matrimonial fondé sur l’égalité absolue des conjoints, et dans lequel il ne devrait plus y avoir ni hiérarchie, ni exclusion de l’un des partenaires (la femme) dans l’exercice des fonctions publiques (politique, liberté d’expression et de communication etc.), ni subordination d’aucune sorte. Les enfants, qui en seraient issus, seraient libres de prendre soit le nom du père, soit celui de la mère. Ce pacte matrimonial, en relativisant le pouvoir patriarcal, éliminait subrepticement le père comme unique représentant légal de la famille.
En ce sens, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, en visant à transformer la condition de la femme au XVIIIe siècle, était plus révolutionnaire et moins abstraite que son pendant masculin. C’est ce qui amène Joan W. Scott à remarquer qu’ « Olympe de Gouges s’efforça dans ce texte de définir les fondements sur lesquels pourraient être garantie la citoyenneté active des femmes. Les dix-sept articles de la Déclaration correspondant exactement à ceux de la Déclaration des droits de l’homme, et remplacent le plus souvent le terme « homme » par « la femme et l’homme ». Ils préconisent aussi rigoureusement la reconnaissance du droit d’expression des femmes, clef de leur liberté. Ce document constitue…une mise en cause radicale de l’universalité du mot « homme ». Se référant simplement à une humanité plurielle, Olympe de Gouges signale que l’« homme » n’en est pas le représentant. Si la femme n’est pas mentionnée, elle est exclue ; son inclusion exige que sa différence avec l’homme soit reconnue afin qu’elle devienne inopérante au regard des droits politiques[15]».
Ensuite, l’engagement politique et philosophique d’Olympe de Gouges était réellement universel en ce qu’il dépassait les bornes de la lutte pour la reconnaissance des droits de la femme. A l’instar des femmes, il y avait une autre partie de la population française qui était également en situation de souffrance : les hommes et femmes de couleur, libres ou non. Aussi, elle milita très tôt en faveur de l’abolition de l’esclavage des Noirs et pour la reconnaissance des droits civiques et politiques des hommes de couleur vivant en France. Elle pensait que cette abolition transformerait, entre autres, les mariages en liens légaux. On lèverait ainsi le silence qui pesait sur eux, voire on les sortirait de leur état de clandestinité. Elle était, avec Condorcet, l’une des rares philosophes, à défendre de telles thèses au risque de la sécurité de sa propre vie. Les propriétaires d’esclaves des Antilles, disait-on, pouvaient avoir des comportements hors-la-loi sur cette question. La preuve : on prêtait à Louis XVI l’intention d’y songer ; mais il ne put s’exécuter en raison du poids politique de ce groupe de pression.
Olympe de Gouges, pour réclamer l’abolition de l’esclavage, se fondait sur le principe philosophique qui veut que la hiérarchie créée par les hommes n’était guère conforme aux lois de la Nature. Tel était aussi le problème posé par la différence de peau : les distinctions humaines, voire culturelles ne dérivaient pas non plus de la Nature elle-même ; elles étaient purement et simplement inventées par le masculin pour s’arroger le droit de se dire maître de quelque humanité. C’est en ce sens qu’elle écrit : « la couleur de l’homme est nuancée, comme dans tous les animaux que la Nature a produits, ainsi que les plantes et les minéraux. Pourquoi le jour ne le dispute-t-il pas à la nuit, le soleil à la lune et les étoiles au firmament ? Tout est varié, et c’est là la beauté de la Nature. Pourquoi donc détruire son ouvrage ?»[16]. Elle démontra, dans une pièce de théâtre Zamora et Mizra…, que cette belle différence, partout répandue dans la Nature, n’impliquait aucun jugement de valeur laudatif ou péjoratif. Le thème de cette pièce théâtrale se rapportait à l’esclavage des Noirs. Par cette œuvre, elle voulait montrer au public de son temps que Blancs et Noirs avaient une commune humanité. Mais, les autorités parisiennes, craignant la réaction des propriétaires d’esclaves, la fit retirer en 1789, après une seule représentation.
Ainsi, l’engagement d’Olympe de Gouges pour l’avènement d’un monde nouveau, à l’occasion de la Révolution de 1789, montre que les buts du féminin transcendent toujours la contingence qui limite très souvent la vision du masculin, aux prises avec la volonté de satisfaire les exigences des besoins immédiats. Ces buts féminins visent à l’achèvement de l’humanité dans son double genre sexuel, féminin/masculin. Un monde féminin reconnaît les différences, les assume même en vue de réaliser la synthèse de leur unité. Dans le monde féminin en question, la discrimination, même si elle existe, ne triomphe guère de l’intelligence nécessaire au vivre ensemble, et à la construction de la paix civile et/ou communautaire. C’est pourquoi, il est possible de rêver, voire de penser que dans un futur proche, certaines régions du monde, comme l’Europe ou l’Amérique, verraient des femmes accéder à la tête des Etats[17] pour opérer ainsi les heureuses mutations nécessaires à la bonne intelligence collective et/ou interhumaine. On le sait : en France comme ailleurs, en raison de leur grand nombre, qui est un poids démocratique conséquent, si les femmes décident que le visage du monde doit changer, il se transformera. Avec le droit de vote, elles détiennent la clef des changements politiques, économiques, la puissance transfiguratrice des phénomènes humains et, du même coup, le renversement du cours de l’histoire contemporaine. Elles peuvent accomplir une telle mission et elles doivent y songer continûment afin d’amener le masculin à plus de raison ».
Eve, « mère de tous les vivants », nous sommes tous la chair de ta chair : que nous soyons un mari violent, un enfant turbulent, un criminel, un infanticide, un matricide, un parricide, un bon, un méchant, un mauvais etc., dans la vie. Nous sommes toi, toi seule. Qui peut récuser cette vérité évidente et éternelle ?
In Eve, Filles d’Eve : le Féminin intemporel-Vanité du soi-disant sexe fort- (Thélès, Paris 2008)
[1] L’un des fonds essentiels de ce savoir consiste, pour le couple, à prendre conscience de soi comme pouvant accéder à la liberté dont il ignorait auparavant le sens. En effet, intrinsèquement et originellement, l’Homme n’est pas libre. La liberté n’est pas première en lui ou alors ce serait une liberté dans le bien, ce qui n’est pas encore véritablement liberté. A l’origine, elle est encore de l’ordre de l’hypothétique. Elle ne devient effective, ne passe de la simple puissance au stade de l’acte qu’à partir de l’interdiction divine et de la violation de celle-ci par le couple humain. Dans son Commentaire sur la Torah (Verdier,Lagrasse 1987), le théologien Juif Jacob Ben Isaac Achkenazi De Janow permet une telle interprétation, comme il l’écrit à juste titre « Les anges, eux non plus, n’ont pas le pouvoir de faire ce que bon leur semble ; ils sont pure intelligence et penchant au bien : ils sont forcés d’être bons. Etant donné qu’aucune créature au monde ne peut faire ce qu’elle veut, Elohim a voulu créer une créature qui puisse agir comme elle le désire. En cela, l’homme est semblable au Saint, béni soit-Il, qui peut faire ce que bon Lui semble. Avant de goûter à l’arbre de la connaissance, l’homme pouvait faire ce qu’il voulait, mais sa nature le poussait à faire le bien et non le mal. Aussitôt après avoir goûté l’arbre de la connaissance, il a commencé à faire le bien et le mal. Pour cette raison, l’arbre s’appelle l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Et c’est pourquoi le Saint, béni soit-Il, n’a dit d’aucune créature qu’elle soit créée à son image, excepté l’homme, au sujet duquel il est écrit : « Créons l’homme à notre image »-Gen 1 :26-)(p.48).
[2] Pourtant, c’est sur ce personnage que l’histoire masculine va bâtir son idéal. La doctrine religieuse lui confère une personnalité qui n’était pas la sienne, des pouvoirs dont il était dénué. D’où les mensonges du passé, religieux ou non.
[3] Traité théologico-politique, traduction Charles Appuhun, (Edit. Flammarion, Pais, 1965, p.35)
[4]In Histoire des femmes, tome I, p.34 (Sous la direction de Pauline Schmitt Pantel ) Georges Duby-Michelle Perrot
[5] L’étude de certaines religions naturelles, comme celle que j’ai conduite chez les Lyéla du Burkina faso, montre l’absence de l’iconographie divine. Le dieu tout puissant apparaît sous la figure de la neutralité, à la limite symbolisé par le ciel ou l’expression « En-haut ». Il peut être féminin ou masculin.
[6] Les aspects masculin et féminin de la Trinité dans la mystique chrétienne, in Cahiers de L’Hermitisme : L’Androgyne (Albin Michel, Paris 1986, p.258).
[7] Il faut croire que le désir de pouvoir accoucher, comme la femme, hante l’esprit du masculin à travers tous les siècles. Il semble que c’est surtout une volonté d’afficher la différence des genres sexuels : d’une part, inférioriser le sexe féminin et son pouvoir de donner la vie ; d’autre part, montrer que le sien est toujours supérieur en ce qu’il contient celui de la femme et, en outre, il est au-dessus du sexe féminin par son pouvoir créateur. En effet, Joan W. Scott, dans La citoyenne paradoxale, montre que les révolutionnaires misogynes, reprennent à leur compte ce vieux thème judéo-chrétien. C’est, du moins, ce qu’elle écrit : « La naissance, après tout, pouvait être envisagée non seulement comme un événement naturel (et donc antérieur à la société), mais aussi comme un acte de création sociale, partie intégrante-en raison de sa nécessité- du contrat social. En effet, la représentation, dans une caricature royaliste, d’un révolutionnaire accouchant de la Constitution (sortie d’entre les cuisses) commente l’usurpation consciente du rôle social de la femme par les révolutionnaires » (A. Michel-Histoire, Paris, 1998, p.p. 76-77).
[8] L’homme enceint, (Edit. P.U.F., Paris 1983, p.21).
[9] Cette prise de position est permanente en France. Cela tient de l’atavisme. Les siècles passent, les mentalités demeurent identiques à elles-mêmes. Dès qu’une femme s’avise de faire de la politique, comme le droit constitutionnel le lui reconnaît, la classe politique masculine, de tous bords, s’accorde pour une fois au moins, en vue d’humilier la personne en question. Le maculin s’arroge le droit de regarder la politique comme un métier taillé à sa seule mesure. Ce qui est un grossier mensonge.
[10] In Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, par J. Tulard, J.F. Fayard, A. Fierro, (R. Laffont, Paris, p.171)
[11] In Joan W. Scotte : La citoyenne paradoxale- Les féministes françaises et les droits de l’homme- (A. Michel-Histoire, Paris, 1998, p. 76)
[12]A titre d’exemples, on peut retenir, parmi toutes les causes qu’elle défendit, sa lutte pour l’abolition de l’esclavage des Noirs. Il a fallu attendre un siècle plus tard pour voir se réaliser ce fait, c’est-à-dire en 1848 avec Victor Schoelcher ; et aux Etats-Unis, en 1865.
[13] In Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, p.171
[14] Opus cit. p.69
[15]In Joan W. Scotte : La citoyenne paradoxale- Les féministes françaises et les droits de l’homme- (A. Michel-Histoire, Paris, 1998, p. 67)
[16] Opus cit. p.63
[17] En Afrique noire, le Libéria est le premier Etat à donner un si heureux exemple. En effet, Ellen Johnson Sirleaf est devenue la première présidente du Liberia et d’Afrique, en 2005 avec 59,4 % des suffrages exprimés.
J’ai pris connaissance du debut de votre article qui est tres approfondi, détaillé et doté d’une fine analyse…
Je poursuivrai avec intérêt la lecture de votre article qui me fait penser à un ouvrage sur la femme optimale et sa diversité de potentiel créatif en fonction des semaines de son cycle féminin. L auteur est américaine et s’appelle Miranda Gray. Peut être avions-nous déjà échanger sur le sujet ?
Merci pour votre partage.
ktibosc@yahoo.fr
13 juin
Merci Pierre !
Article qui ouvre une nouvelle vision des rapports et du monde.
Bien à toi
Véronique
15 juin
imbert-veronique@sfr.fr
Bonjour professeur,
sujet intéressant sur tous les points de vue à la fois social, la femme à constamment eu à s’adapter, plus que les hommes, lors des évolutions historiques quasiment toujours misogynes.
Du point de vu biologique, la femme porte l’enfant, et il est d’ailleurs important de pointer qu’intrinsèquement un embryon humain évolue automatiquement vers le sexe féminin. Le sexe masculin doit être déclenché par des gènes qui, même présents, si inactifs font que l’embryon devient femelle.
Mais à l’inverse au niveau physique, l’organisme humain masculin est construit pour produire plus d’énergie et de force que l’organisme féminin qui oriente plus ses dépenses énergétiques vers la capacité gestationnelle (contrairement à certain animaux);
Par contre au niveau du mental, la science n’à pas démontré de différence significative d’intelligence » de QI, de réflexion entre les hommes et les femmes.
Si le débat s’oriente sur la supériorité naturelle d’un genre sur un autre, il serait intéressant de comparer l’être humain aux autres espèces animales.
Bien à vous
G.Louvet (guillaume-louvet@orange.fr)
Cher Monsieur,
Je suis tout à fait d’accord avec ses subtiles et exactes analyses. Certes, ce qui peut être agaçant dans les préjugés contre les femmes, et c’est encore le cas de nos jours, hélas, malgré le prétendue influence des sciences sur le degré de compréhension de l’esprit humain, tient au fait que les cultures humaines aient érigé le masculin au rang du roitelet du foyer, de la famille etc (« Potestas patris familias » écrit Freud dans L’interprétation des rêves). C’est une sorte de suzerain d’un territoire. Or, si l’on examine bien les données depuis la préhistoire, on se rend à l’évidence que le féminin l’emporte sur le masculin. Il est vrai que les préjugés, de quelque nature que ce soit, sont des idioties ; malheureusement, ils sont indéracinables dans l’esprit des êtres humains qui en sont affectés.
Ma modeste contribution dans la lutte contre les conduites injustes des uns par rapport aux autres, notamment, des hommes vis-à-vis de la Femme, tient tout tout entière dans la nécessité de repenser les choses, voire d’inverser le sens de l’écriture.
Bien cordialement.
Pierre Bamony
Merci beaucoup pour cette information à portée éminemment éthique et épistémologique
Halidou Yacouba
Monsieur,
Je suis très sensible à votre remerciement et je vous en suis reconnaissant. Il est vrai que si nous pouvions nous instruire mutuellement, puisque nous sommes tous des êtres limités fondamentalement – du moins en raison de l’étroitesse de notre conscience – nous nous élèverons ensemble dans le champ de la culture savante. Tel est le sens de mes recherches dans divers domaines des savoirs humains. Et tel est aussi le but de ce site, contrairement à d’autres où on n’a guère le souci d’instruire, d’échanger : partager des analyses sur les mêmes thématiques sous des angles différents, mais enrichissants.
Hélas, beaucoup d’entre les êtres humains, habitués d’Internet, toujours pressés dans la lecture des résultats des recherches, refusent, sans doute, cette approche approfondie de la culture savante. C’est pourquoi, au lieu de s’enrichir intellectuellement, on s’appauvrit et on se limite, on calomnie, on dénigre, on insulte même les auteurs de telles investigation, par préjugés souvent, sottises humaines rédhibitoires, par méconnaissance ou incompréhension parfois. Cette conduite est devenue comme un sport national pour peu qu’on s’intéresse aux écrits des uns et des autres sur Internet. Tel est aussi le sens de la faiblesse de certains esprits- « La lie de l’Humanité » ? – qui refusent toute forme d’élévation de leur intelligence.
Bien cordialement et continuons ensemble l’acquisition de la culture savante qui, seule, instruit, cultive, éclaire.