De l’impossibilité d’une science absolument exacte, dénuée d’erreurs, et de la quête continue de la Seconde Fondation Deuxième Partie

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I- Retour sur les limites du plan Hari Seldon

       Il est vrai que  le plan Seldon accuse quelques limites dans le déterminisme rigoureux des événements futurs, et comporte un facteur subtil et complexes qui semble avoir échappé à des générations d’hommes, même les plus avisés. Nous l’avons vu plus haut ; sa limite essentielle réside dans l’impossibilité de prévoir l’avènement des particuliers qui peut introduit quand même du désordre dans le déroulement déterminé de l’histoire de la fondation. Tel est le cas du Mulet. Le mérite de Hari Seldon est d’avoir compris, par déduction mathématique, le long mais de manière sûre le déclin de l’Empire galactique. C’est comme une sorte de paralysie annonciatrice de la fin définitive, surtout inéluctable de celui-ci. Il réussit cette prouesse grâce à la science de la psychohistoire, sciences mathématiques d’une infinie complexité dont il a emporté le secret dans sa disparition. En effet, avec le concours de ses collaborateurs psychohistoiriens comme lui-même, il sut prévoir l’évolution des grands courants socio-économiques qui allaient advenir dans la Galaxie pendant des millénaires. Entre autres – et à titre de rappel – l’effondrement de l’Empire sera suivi d’au moins trente mille années d’anarchie avant l’émergence d’un nouvel Empire.

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       Seldon avait édifié deux Fondations : l’une est censée se située à l’autre bout de la Galaxie par rapport à la Première Fondation, d’après une méthode qui fournirait la meilleure solution mathématique à son programme psychohistorique. L’autre de ces deux fondations fut installée sur la planète Terminus. Elle eut pour mission de recueillir toutes les connaissances de l’Empire dans le domaine des sciences physiques. Grâce àcelle-ci, la Première Fondation fut en mesure de résister à toutes les attaques des royaumes barbares par volonté de sécession et en se proclamant indépendants par rapport à l’Empire. Mais la première Fondation réussit à reconquérir ces royaumes sous la conduite d’hommes avisés et héroïques tel que Salvator Harding, Hober Mallow etc. Ces grands homes surent, à chaque époque, interpréter le plan Seldon avec intelligence et conduire la première Fondation vers des jours meilleurs. Elle établit même un système commercial s’étendant sur une grande partie des secteurs galactiques. Elle mit en déroute les restes du vieil Empire sous le commandement du grand général Bel Riose, ouvrant ainsi la voie au déroulement du Plan Seldon. Et toutes les crises prévues par ce Plan surgissaient au moment déterminé par ses calculs ; et, donc, résolues. Mais l’apparition du Mulet n’avait pas été prévue par Seldon. Cet étrange et mystérieux mutant avait le pouvoir de diriger et de modeler à sa guise les émotions humaines de telle manière qu’il pouvait, à lui tout seul, diriger et soumettre tous les hommes conformément à sa volonté. Son apparition imprévisible fût une occurrence qui lui permit, avec une rapidité foudroyante, de se transformer en conquérant et bâtisseur d’Empire.

   C’est que la psychohistoire avait représenté le progrès ultime des sciences psychiques comme sa traduction finale en formules mathématiques nécessaires à la compréhension des phénomènes de la neurophysiologie, et de l’électrochimie psychique du système nerveux. En effet, les groupes humains les vastes groupes humains, comme les milliards d’hommes qui peuplaient les planètes, les milliers de milliards d’hommes qui peuplent les secteurs galactiques, les milliards de milliards d’hommes qui occupaient la Galaxie en entier, devinrent non plus seulement des êtres humains, mais des gigantesques forces soumises aux lois des grands nombres et aux interprétations statistiques. C’est en ce sens que selon Hari Seldon, l’avenir devint une chose prévisible, inéluctable ; et que son Plan put êrte édifié. La finalité de ce Plan consiste à établir une civilisation humaine fondée sur des principes différents de tous ceux qui ont jamais existé jusqu’ici. Mais il s’agit de principes, selon les découvertes de la psychohistoire, qui n’auraient jamais pu survenir spontanément. Malgré tout, les psychohistoriens n’établissent que des probabilités. Un événement particulier ne peut présenter qu’une probabilité infinitesimal de realization, de risque majeur, meme s’il est supérieur à zéro. De même, la psychostatistique, par essence, n’a plus aucune signification lorsqu’on l’applique à des échelles inférieures aux grandeurs planétaires. Cependant, les hommes et les femmes de Kalgan, comme toutes les populations satellites, professent une profonde foi dans l’efficience du plan Seldon ; de même que tous les habitants de cette région de la Galaxie où se situe Terminus. D’autant plus que les qautre cents années d’histoire ont montré que la Fondation ne peut être battue. Ni les royaumes, ni les seigneurs de guerre, ni même le vieil Empire galactique ne sont parvenus à la vaincre avant l’avènement du Mulet.

II- Grandeur et décadence du Mulet : un mutant aux pouvoirs psychiques exceptionnels

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   L’ascension du Mulet a été fulgurante. En moins de cinq ans, il parvient se hisser jusqu’à la puissance suprême et à régner sur un véritable Empire galactique, en partant initialement de rien. Le portrait du Mulet était le suivant : celui qui, au sommet de la gloire, se faisait appeler Le “Premier citoyen”, avait un visage rude, qui donnait l’impression d’avoir été taillé dans du bois exotique ; sombre et sans grain ni meme grâce. À tel point que le moindre sourire paraissait devoir faire fendre irrémédiablement son rude visage. En fait, il n’en laissait rien paraître. De toute façon, le mulet se moquait des apparences. A l’inverse, ces pouvoirs psychiques étaient extraordinaires : il était capable de lire à livre ouvert dans le cœur des hommes, ou d’Y déceler la moindre émotion, fût-elle la plus intime, avec la même facilité qu’un individu normal s’aperçoit que son interlocuteur vient de hausser les sourcils. C’est ainsi qu’il arrivait à convertir les sentiments des hommes pour les soumettre tout entiers à sa volonté, comme Han Pritcher, qui lui devint si totalement soumis, si dévoué qu’il le nomma général ; mais un général au service aveugle du Mulet. Toutefois, la transformation dont il avait été l’objet donnait une entière satisfaction au général à Han Pritcher, parce qu’il n’était plus lui-même.

   Dans son immense palais, le Mulet, en raison de ses pouvoirs psychiques de transfiguration des êtres humains, était son propre garde de corps : le meilleur et le plus efficace dont il pouvait rêver. Son palais était une gigantesque forteresse aux murailles d’acier étincelantes et incroyablement résistantes dont les arcades et les voûtes surdimensionnées, d’une audace confinant l’extravagance. La formidable construction dominait de sa masse impressionnante et menaçante les champs nus qui l’entouraient. Dans ce vaste domaine résidentiel habité un seul et unique être de son espèce, le Mutant ou le Mulet, doué de facultés psychiques inhumaines ou, plus exactement, suprahumaines. C’était sur celle-ci que reposer totalement la nouvelle aristocratie, voire la structure même de l’Union. L’esprit du Mulet était à la fois très développé et très résistant aux pressions externes. En outre, sa conformation émotionnelle habituelle se caractérisait par une douce résolution sans faille, et même une détermination si ferme que jamais l’ombre d’une hésitation ne parvenait à l’ébranler. On comprend alors que celui qui se faisait appeler “Monsieur Le premier citoyen” avait aisément réussi à convertir Pritcher, son ennemi juré qui tenta même de l’assassiner, en un fidèle serviteur, soumis et même servile. En fait le Mulet – et personne ne l’ignorait dans la galaxie -, était un monstre sur le plan psychique et mental. Sur le plan mental, il surpassait tout le monde par ses pouvoirs hors normes ; mais sur le plan physique, même quand il se portait bien ou mieux, il ne pouvait rivaliser avec le plus faible des hommes.

   Malgré tout, le Mulet avait conquis la Galaxie, dit-on, en vertu des lois de la nature. Mais il avait tellement usé d’énergie à cet effet qu’il mourut prématurément (vers la trentaine). Mais auparavant, il désira intensément anéantir la Seconde Fondation après avoir soumis à sa volonté la Première. Car il ambitionnait d’établir le nouvel Empire galactique sur lequel il régnerait. Aussi, quand il sut que la Seconde Fondation serait édifiée sur la planète Finstellis, aussitôt, il la fit détruire. De même, il s’apprêtait à mettre le camp sur Rossem pour l’anéantir après avoir extorqué l’aveu à Channis, qui croyait que cette planète était le siege de la Seconde Fondation. Car celle-ci n’avait pu prévoir certaines données concernant l’avènement du Mulet : un mutant stérile, une distorsion psychique du fait de son complexe d’infériorité physique. D’où les dégâts qu’il dût causer dans la Galaxie. Néanmoins, elle avait prévu sa mégalomanie accompagnée d’une intense psychopathie paranoïaque. Certes, pendant son règne, le Mulet avait réussi à mettre fin a l’ère des seigneurs de la guerre, qui l’avait precede, et, ainsi, pacifié toute la Galaxie. Mais une femme, membre de la Seconde Fondation, avait réussi, toute seule, à mettre fin aux exploits et au règne du Mulet.

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III- Le mythe de la Seconde Fondation

   A force d’être cachée ou de se défendre contre la tentative d’anéantissement de la Première Fondation, l’existence de la Seconde Fondation s’impose comme un mythe. En même temps, la croyance en la possibilité de celle-ci apparaît, pour tout le monde, comme nécessaire, parce que rassurante pour le développement et le déroulement du Plan de Hari Seldon. Dès lors, autant le Mulet que la première Fondation ne lâche pas leurs efforts pour trouver exactement où se situe son siege. Selon certaines traditions, Seldon aurait prononcé le nom de Finstellis, soit la fin des étoiles. Pourtant, finstellis est une planète banal, une sorte de sordide bidonville au milieu des ruines de l’Empire, et dont la population est encore arriérée parmi tant d’autres de la Galaxie. Seldon avait bien envisagé deux institutions : la Première Fondation, à l’instar d’un météor flamboyant, connue de tous, éblouit toute la Galaxie parses arts, ses inventions, sa maîtrise et son niveau élevé de technologie. Elle est meme sans comparaison dans la Galaxie. Quant à la Seconde, son existence réelle demeure une énigme, voire un abîme de ténèbres insondables. Celle-ci a réussi à donner à Finstellis toutes les apparences de son siège pour tromper le Mulet dont elle avait prévu l’avènement. Il en était de même de Rossem.

   Même certains membres de la Seconde Fndation, comme Bail Channis, manipuléavant d’avoir été envoyé à la rencontre du Mulet, ignorent que même Rossem n’est pas le siège de la Seconde Fondation. Comme l’explique au mulet le Premier orateur : « l’expédition envoyée sur Rossem par la Seconde Fondation et qui y réside depuis trois ans, et dont les membres ont assumé temporairement les fonctions d’Anciens de ce village, s’est embarquée hier et a repris le chemin de Kalgan. Ils éviteront votre flotte, naturellement, et ils parviendront sur Klagan un jour au moins avant vous. C’est d’ailleurs pour cette raison que je vous fais cette confidence. Sauf contrordre de ma part, vous trouverez à votre retour un Empire en pleine révolte, un royaume en miettes, et seuls vous resteront fidèles les équipages qui composent actuellement la flotte qui vous accompagnent. Ils seront écrasés par le nombre. De plus, les hommes de la Seconde Fondation s’occuperont de la flotte demeurée à sa base et veilleront à ce que vous ne tentiez pas de faire de nombreux convertis. Votre Empire a vécu ; mutant ». Par cette annonce de la fin du Mulet, la Seconde Fondation prouve son triomphe, sa victoire sur ce dernier. Pourtant, ceux qui prétendent appartenir à cette fameuse Fondation n’apportent aucune preuve de leurs allégations ; ce qui confine à de vague terreur, voire à des superstitions. Il n’en demeure pas moins que son action effective, mais imperceptible apparaît toujours opportune pour sauver le Plan Seldon de situations critiques, voire de crises aiguës. Tel est, par exemple, pendant une certaine période, l’histoire de Klagan. Son destin connut des péripéties extraordinaires et scabreuses comme le dit ce passage du troisième tome : “De tous les mondes qui composaient alors la Galaxie, Kalgan était sans nul doute celui qui possédait l’histoire la plus exceptionnelle. Celle de la planète Terminus, par exemple, montrait une ascension quasi ininterrompue. Celle de Trantor, autrefois capitale de la Galaxie, un déclin quasi ininterrompu. Mais Kalgan …

Kalgan avait tout d’abord connu la renommée en tant que monde réservé au plaisir, deux siècles avant la naissance de Hari Seldon. C’était un monde de plaisir dans la mesure où il faisait du plaisir une industrie – et une industrie immensément rémunératrice.

       C’était également une industrie stable. La plus stable de toute la Galaxie. À l’époque où s’effondra peu à peu la civilisation de la Galaxie, la catastrophe n’eut que d’infimes répercussions sur Kalgan. Quels que fussent les bouleversements économiques et sociologiques des secteurs voisins, il subsistait toujours une élite. Et de tout temps, la caractéristique d’une élite a été de posséder des loisirs comme récompense primordiale de sa propre condition.

     Kalgan était donc, à la satisfaction évidente de sa clientèle, perpétuellement au service des dandys efféminés de la cour impériale et de leurs dames flamboyantes et lascives ; des rudes seigneurs de la guerre qui dirigeaient d’une main de fer les mondes qu’ils avaient conquis par le sang et de leurs hétaïres dévergondées et lubriques ; des hommes d’affaires gras et prospères de la Fondation et de leurs maîtresses luxurieuses et perverses.

     Aucune discrimination, car tous étaient abondamment pourvus d’argent. Et puisque Kalgan servait tout le monde sans aucune distinction ; puisque l’attrait qu’elle exerçait sur les privilégiés de tous les mondes ne faiblissait jamais ; puisqu’elle avait la sagesse de ne jamais se mêler des visées politiques de personne, de ne mettre en doute la légitimité du pouvoir de quiconque, elle ne cessait de prospérer alors que tous les autres mondes déclinaient, elle engraissait à vue d’œil quand tout le monde, autour d’elle, maigrissait à faire pitié.

       Il en était allé ainsi jusqu’à l’avènement du Mulet. Alors, Kalgan s’était écroulée à son tour, devant un conquérant inaccessible aux attraits du plaisir ou de toute autre activité, la conquête exceptée. À ses yeux, toutes les planètes se valaient. Y compris Kalgan.

     Si bien que, pour une décennie, Kalgan se trouva jouer le rôle étrange de métropole régnant sur le plus grand Empire ayant jamais existé depuis la fin de l’Empire galactique proprement dit.

     Puis, avec la mort du Mulet, vint la chute, aussi brutale que l’avait été l’ascension. La Fondation fit sécession. Et, à sa suite, la plus grande partie des dominions du Mulet. Cinquante ans plus tard, il ne restait plus, tel un rêve d’opiomane, que le souvenir effarant de cette brève période de pouvoir. Kalgan ne s’en était jamais complètement remise. Jamais elle ne redeviendrait cet insouciant monde du plaisir qu’elle avait été, car le goût du pouvoir ne relâche jamais entièrement son emprise. Au lieu de cela, elle vécut sous la férule d’une série de personnages que la Fondation nommait les seigneurs de Kalgan, mais qui, à l’image du Mulet dont c’était le titre unique, se faisaient appeler « Premier Citoyen », tout en maintenant la fiction qu’ils étaient aussi des conquérants.

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     L’actuel seigneur de Kalgan était en place depuis cinq mois. Il avait originellement accédé à ce poste en vertu de son grade d’amiral en chef de la flotte kalganienne, d’une part, et d’un déplorable manque de précautions de la part du précédent seigneur. d’autre part. Cependant nul, sur Kalgan, n’étai assez stupide pour vérifier de trop près et pendant trop longtemps la question de sa légitimité. Les événements de ce genre font partie de la fatalité et vaut mieux les accepter comme tels.

       Cependant, cette loi de la jungle qui permet a plus apte de survivre, si elle constitue une prime à la cruauté et au crime, permet parfois aux véritables talents de se manifester. Le seigneur Stettin possédait ainsi une compétence indéniable et n’était pas de ceux que l’on mène facilement par le bout du nez.

     La tâche n’était pas des plus faciles pour Son Éminence le Premier ministre, qui, avec une superbe impartialité, avait servi le précédent seigneur comme l’actuel et qui, pour peu que le destin voulût lui prêter vie, servirait le suivant avec non moins d’honnêteté” (242 243).

   Aussi, voit-on voit-on partout l’intention de la Seconde Fondation. Et tout ce qui se passe est forcément regardé comme le fruit de leur ingérence au point que les membres de la Première Fondation paraissent comme des marionettes entre leurs mains, voire soumis à leur pouvoir psychique. Telle est aussi la raison pour laquelle tout le monde imagine que les maîtres psychiques de la Seconde Fondation sont réellement redoutables ; et qu’ils pourraient mettre en péril la Première. L’histoire de la quête du mulet lui-même prouve l’énigme relative à l’existence réelle de la Seconde Fondation. En effet, le Mulet s’était mis en tête de découvrir celle-ci mais en vain. Malgré l’ardeur, l’obstination qu’il avait déployées au cours de ses recherches, il échoua. Il disposait pourtant de ressources gigantesques qu’il utilisa à cet effet. Tout indique que Seldon lui-même, en établissant son plan d’ensemble, a voulu cacher le lieu d’établissement de la Seconde Fondation et jeter, ainsi, un mystère épais sur l’existence de celle-ci quand il a évoqué le nom de Finstellis soit “à l’autre bout de la Galaxie”, comme l’auteur de cette œuvre l’écrit à juste titre : “Si tous les indices qu’il s’efforçait si péniblement d’admettre se trouvaient vérifiés, alors Finstellis était bien la Seconde Fondation. Il n’y avait pas à sortir de là. Mais comment, comment cela se faisait­ il ?

Était-il possible que ce fût Finstellis ? Un monde à ce point banal ? Que rien ne distinguait parmi tant d’autres ? Un sordide bidonville perdu au beau milieu des ruines de l’Empire ? Une aiguille rouillée dans une botte de foin pourri ? Comme dans un rêve à demi oublié, il voyait à nouveau devant lui le visage ratatiné du Mulet qui, de sa voix fluette, lui parlait, comme il l’avait fait de si nombreuses fois auparavant, de ce fameux psychologue de l’ancienne Fondation. D’Ebling Mis : le seul homme à avoir peut-être réussi à percer le secret de la Seconde Fondation.

Pritcher se souvenait fort bien avec quelle gravité le Mulet s’exprimait dans ces moments-là. Il disait toujours à peu près ceci : «Mis semblait littéralement bouleversé, pétrifié d’étonnement. Comme si quelque chose dans la nature même de la Seconde Fondation avait de loin surpassé son attente, comme s’il venait de découvrir que cette Fondation s’était développée dans une direction totalement imprévue. Si seulement j’avais été capable de lire les pensées plutôt que de déchiffrer ses émotions.

Celles-ci, cependant, m’apparaissaient en toute clareté : une immense surprise, voilà ce qui prédominait alors dans son esprit. »

La surprise. Tel était donc l’élément fondamental. Quelque chose de radicalement inattendu. Et voilà que ce jeune freluquet arrivait et se réjouissait sans vergogne à l’idée d’aller visiter Finstellis, une planète arriérée parmi des milliers d’autres. Il fallait qu’il eût raison. Il le fallait absolument. Sans quoi rien n’aurait plus eu de sens.”(66).

. Ainsi, la Seconde Fondation semble jouer le rôle d’un épouvantail nécessaire pour un objectif hautement spécifique.

IV- Lutte entre la Première et la Seconde foundation

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   En tant que maîtresse de la psychohistoire, la Seconde Fondation a une suprématie sur la Première, maîtresse de la physique. Grâce à ses pouvoirs psychiques, la Seconde Fondation avait prévu l’émergence du Mulet et l’effet que ses facultés psychiques produiraient dans une collectivité humaine. Mieux, elle avait même calculé à quel point la mégalomanie s’emparerait de lui et les conséquences de celle-ci ; certes, malgré quelques ratés, comme par exemple, le fait qu’il était un un mutant stérile etc. En cultivant la psychohistoire pour asseoir sa science et ses pouvoirs cachés, la Seconde Fondation sait que cette science : « Cette faculté psychique, que nous possédons, vous comme moi, n’a rien de particulièrement nouveau. En fait, elle existe à l’état latent dans le cerveau de chaque être humain. La plupart des hommes peuvent lire, plus ou moins grossièrement, les émotions d’autrui en les associant de manière empirique avec les expressions qu’elles suscitent sur le visage de celui qui les ressent, avec les inflexions de sa voix, et ainsi de suite. Bon nombre d’animaux possèdent cette faculté à un degré plus élevé. Ils utilisent, dans une grande mesure, le sens olfactif. Les émotions en question sont, bien entendu, beaucoup moins complexes.

     «En réalité, les humains sont capables de faire beaucoup mieux, mais l’apparition du langage parlé, voici un million d’années, a provoqué l’atrophie du contact émotionnel direct. La Seconde Fondation a eu le grand mérite de ressusciter ce sens oublié et de lui rendre au moins quelques­unes de ses facultés potentielles.

   « Mais il ne connaît pas son plein épanouissement à notre naissance. Une dégénérescence remontant à un million d’années constitue un obstacle de taille. Ce sens, nous devons l’exercer, de même que nous exerçons nos muscles. Or, c’est là que se situe la grande différence entre vous et nous : chez vous, ce sens est inné.

   «Cela, nous avons pu l’établir par le calcul. Nous avons également pu calculer l’effet que produirait la possession d’un tel sens dans une collectivité humaine où cette faculté serait inconnue. Un voyant au royaume des aveugles … Nous avions calculé jusqu’à quel point la mégalomanie s’emparerait de vous et nous avons cru prendre nos mesures en conséquence. Mais nous avions négligé deux facteurs.

     «Le premier, c’est la portée considérable de votre faculté. C’est seulement dans la limite de notre champ visuel que nous pouvons, quant à nous, établir un contact émotionnel, ce qui explique que nous soyons plus désarmés que vous ne pourriez l’imaginer contre les armes physiques. Le sens de la vue joue chez nous un rôle considérable. Il en va pas de même pour vous. Nous savons pertinemment que vous tenez des hommes sous votre coupe mentale et maintenez avec eux un intime con tact émotionnel, même lorsqu’ils se trouvent hors de la portée de votre vue ou de votre voix”.

   Or, pour être un bon psychohistorien, il convient de maîtriser la biostatique et l’électromathématique neurochimique. En revanche, la Première Fondation se contente de cultiver les sciences statistiques. Elle a opéré également des progrès spectaculaires dans le domaine de la technologie. Mais il s’agit là de puissance sur le monde matériel qui entoure l’homme. Dans ce cas, le contrôle de soi et de la société est livrée au hasard, voire à de vagues tâtonnements historiques. On voit nettement la dichotomie des facultés entre les deux Fondations comme l’auteur écrit à la page ( 15). En réalité, le développement de la Seconde Fondation a pour finalité inavouée de préparer un groupe de psychologues à devenir les futurs dirigeants de l’Empire galactique annoncé par le Plan Seldon. Dans cette perspective, la Première Fondation se contenterait de fournir l’infrastructure physique d’une collectivité politique unique, et la Seconde, l’infrastructure mentale d’une classe dirigeante déjà préparée à la tâche. Telle est la raison pour laquelle la Seconde Fondation doit être dissimulée aux yeux du monde, même des membres la Première, au-delà du Plan Seldon. Les choses doivent se passer ainsi tant que le Second Smpire n’est pas encoreinstitué ou créé. Aussi, la Première Fondation s’accommode fort mal que la classe dirigeante future puisse être constituée uniquement de psychologues.

     Alors elle redoute la Seconde Fondation du fait de ses pouvoirs psychiques de manipulation mentale ; donc, elle s’emploie à la combattre. Son domaine de compétence et la maîtrise de l’énergie atomique, étincelle de la science physique quelle intense qu’elle a intensifiée pour son progrès. Mais elle semble totalement démunie par rapport aux forces psychiques de la Seconde Fondation qui les utilise pour manipuler les gens en fonction de leurs besoins, comme pour stabiliser une situation (voir page 18). Pour se protéger de la Seconde Fondation ou de ses membres, les savants de la Première ont mis au point l’analyse encéphalographique par un organon technologique en vue de détecter la présence des cerveaux la Seconde Fondation parmi eux. Mais, c’est vain. La Seconde a réussi à atteindre un palier supérieur de manipulation des cerveaux est à les transformer mentalement à leur insu ; malgré tous leurs appareillages sophistiqués de protection de soi. Mais ils s’imaginent, selon l’aveu de Darell, qu’ils réussiraent à se protéger effectivement des influences psychiques de la Seconde Fondation : “

– Mais oui. Mes amis, la Seconde Fondation n’existe pas !»

   Anthor referma lentement les paupières et demeura assis, le visage pâle et inexpressif.

Munn poursuivit, conscient de l’attention générale et la savourant : « Et qui plus est, elle n’a jamais existé !

– Sur quoi basez-vous cette conclusion surprenante ? s’enquit Darell.

– Je ne nie pas qu’elle soit surprenante, répondit Munn. Vous connaissez tous l’histoire de la quête du Mulet, qui s’était mis en tête de découvrir la Seconde Fondation. Mais que savez-vous de l’ardeur, de l’obstination qu’il a déployées au cours de ces recherches ? Il disposait de ressources gigantesques qu’il a utilisées avec la plus extrême libéralité. C’était l’homme d’un seul objectif … et pourtant, il a échoué. Il n’a jamais trouvé la Seconde Fondation.

– On pouvait difficilement s’attendre à ce que quelqu’un la trouve », fit remarquer Turbor, visiblement agité. «Elle possédait les moyens de se protéger contre les esprits trop curieux.

– Même si l’esprit en question est celui d’un mutant, d’un prodige mental comme le Mulet ? Je ne pense pas. Mais vous n’attendez pas de moi, je l’espère, que je vous donne en cinq minutes la substance de cinquante volumes ? Tous ces travaux, selon les termes du traité de paix, feront bientôt partie du musée historique de Sel don, et vous aurez tout le loisir de procéder à une analyse aussi approfondie que celle à laquelle je me suis livré. Vous y trouverez la conclusion exprimée sans ambages : il n’y a pas, il n’y a jamais eu de Seconde Fondation.»

   Semic s’interposa. «Dans ce cas, dites-nous ce qui a donné un coup d’arrêt aux activités expansionnistes du Mulet ?

– Par la Galaxie ! Qu’est-ce que vous voulez que ce soit ? Il est mort. Voilà ce qui l’a arrêté. C’est d’ailleurs ce qui nous attend, tous autant que nous sommes. Une légende particulièrement tenace, la plus répandue, en tout cas, veut que le Mulet ait été arrêté dans sa carrière foudroyante de conquérant par de mystérieuses entités douées de pouvoirs supérieurs aux siens. C’est toujours ce qui arrive lorsqu’on ne regarde pas les choses sous le bon angle.

     «Nul dans la Galaxie ne peut certainement ignorer que le Mulet était un monstre autant sur le plan physique que mental. Il est mort vers la trentaine, parce que son corps mal conformé ne pouvait plus assurer le fonctionnement d’une machinerie prématurément usée. Plusieurs années avant sa mort, il était déjà impotent. Au mieux de sa santé, il ne pouvait rivaliser avec le plus faible des hommes. C’est entendu : il a conquis la Galaxie, et, conformément aux lois de la nature, il s’est éteint. C’est merveille qu’il ait résisté tant de temps et accompli tant de choses. Mes amis, la conclusion est on ne peut plus claire. Il vous suffira de prendre patience. Essayez d’examiner les faits sous un angle nouveau.

– Soit, essayons, Munn, dit Darell qui semblait déjà perdu dans ses pensées. Ce sera une tentative intéressante à défaut d’autre chose. Au pis, cela nous dégrippera un peu les méninges. Ces hommes dont l’esprit a été manipulé et dont Anthor nous a apporté les schémas physiques, il y aura bientôt un an : qu’en faites-vous ? Allez-y, montrez-les-nous donc sous un angle nouveau.

– Rien de plus facile. À combien de temps remonte l’encéphalographie analytique en tant que science constituée ? En d’autres termes, à quel stade se trouve l’étude des cheminements neuroniques ?

– D’accord, répondit Darell, nous n’en sommes encore qu’aux premiers balbutiements.

-Très bien. Quelles certitudes possédons-nous quant à l’interprétation de ce que j’ai entendu Anthor et vous-même appeler le « palier des manipulés » ? Vous avez échafaudé des hypothèses, mais que possédez-vous en fait de certitudes ? Ces hypothèses constituent-elles une base suffisamment ferme pour qu’on puisse en déduire l’existence d’une puissante force dont tous les autres indices démentent l’existence ? Il est toujours facile d’expliquer ce que l’on ne connaît pas en faisant intervenir une volonté surhumaine autant qu’arbitraire.

     « C’est très humain, finalement. Tout au long de l’histoire de la Galaxie, on a pu observer des cas où des systèmes planétaires isolés sont retournés à la barbarie, et qu’avons-nous constaté alors ? Immanquablement, ces primitifs attribuent les forces de la Nature qui leur demeurent incompréhensibles -tempêtes, épidémies, sécheresse – à des êtres animés plus puissants que les hommes et dotés d’un pouvoir discrétionnaire.

   «On nomme cette tendance l’anthropomorphisme, je crois. De ce point de vue, nous ne nous conduisons pas mieux que ces sauvages. Pire encore : nous nous complaisons dans cet état. Connaissant peu de chose aux sciences psychiques, dès que quelque chose nous échappe, nous accusons les surhommes. Ceux de la Seconde Fondation, en l’occurrence, en nous fondant sur les bribes d’informations.que nous a laissées Seldon.

-Ah, tout de même, vous vous souvenez de Seldon ? interrompit Anthor. Je pensais que vous l’aviez oublié. Seldon a dit qu’il existait une Seconde Fondation. Il l’a dit. Et ça, sous quel angle est-ce que vous le voyez ?

-Prétendriez-vous connaître toutes les intentions de Seldon? Connaissez-vous tous les facteurs que la nécessité l’a contraint d’introduire dans ses calculs ? La Seconde Fondation a peut-être joué le rôle d’un épouvantail nécessaire, en vue d’un objectif hautement spécifique. Comment avons­nous battu Kalgan, par exemple ? Que disiez-vous dans votre dernière série d’articles, Turbor ?»

   Turbor remua son corps massif.

   «Oui, je vois à quoi vous faites allusion. Je me trouvais sur Kalgan vers la fin des hostilités, Darell, et il était facile de constater que le moral de la planète était extrêmement bas. J’ai feuilleté leurs archives de presse, et j’ai vu qu’ils s’attendaient à être battus. En fait ils ont été complètement paralysés par la croyance que la Seconde Fondation interviendrait… en faveur de la Première, bien entendu.

Peut-être qu’en disant cela, il a tout simplement cherché à brouiller les pistes pour mieux protéger l’autre Fondation. Si on y réfléchit, à quoi bon aller installer les maîtres psychiques à l’autre bout de la Galaxie ? Quelle est leur raison d’être ? Ils sont censés contribuer à préserver le Plan. Or, qui détient les cartes maîtresses du Plan ? Qui le met en pratique, au jour le jour ? Nous, les gens de la Première Fondation. Où seraient-ils le mieux placés pour observer et favoriser au mieux leurs propres desseins ? À l’autre bout de la Galaxie ? C’est ridicule, voyons ! Il est infiniment plus logique de penser qu’ils sont tout proches de nous, au contraire. En tout cas, à une distance beaucoup plus raisonnable.

-Oui, ça me plaît assez, comme argument, dit Darell. Ça se tient, finalement. Oh, à propos : ça fait un petit moment que Munn a repris ses esprits. Si on le libérait ? Il ne risque pas de nous faire du mal, de toute façon. »

   Anthor ne semblait pas d’accord. Mais Homir se mit à hocher vigoureusement la tête. Cinq secondes plus tard, il se frictionnait les poignets non moins vigoureusement.

   « Comment vous sentez-vous ? s’enquit Darell.

– Pas bien du tout, si vous voulez le savoir, dit Munn d’un ton boudeur, mais peu importe. Si ce n’est pas trop vous demander, je voudrais poser une question à notre petit prodige, là, maintenant qu’il a fini son exposé : qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? »

     Un silence inattendu retomba instantanément sur l’assemblée.

   Munn eut un sourire amer. «Supposons que Kalgan soit, effectivement, la Seconde Fondation, dit-il. Encore faut-il savoir de qui précisément il s’agit. Comment ferons-nous pour découvrir les responsables ? Et quand bien même vous y arriveriez : comment comptez-vous vous y prendre pour les attaquer ?

– Eh … justement … , dit Darell, si bizarre que cela puisse paraître, il se trouve que je peux répondre à votre question, Anthor. Vous voulez savoir ce que Semic et moi avons fait au cours des dix derniers mois ? Vous verrez que j’avais finalement de bonnes raisons de vouloir rester sur Terminus pendant tout ce temps. »

     «Et tout d’abord, continua-t-il, j’ai étudié l’analyse encéphalographique avec bien plus de détermination qu’aucun de vous ne pourrait l’imaginer. Tenter de détecter la présence des cerveaux de la Seconde Fondation est une opération autrement plus subtile que de se contenter de mettre en évidence un simple « palier de manipulation » … et si je n’ai pas tout à fait atteint mon objectif, je m’en suis fortement rapproché.

   «Y a-t-il ici quelqu’un qui ait la moindre idée de la façon dont on s’y prend pour arriver à contrôler les émotions d’autrui ? Depuis l’époque du Mulet, le sujet a été abondamment traité par les écrivains. On n’a pas manqué d’écrire et de dire tout et n’importe quoi sur la question. La plupart du temps, on se contente de suggérer qu’il s’agit d’une opération mystérieuse et occulte. Bien entendu, il n’en est rien. Chacun sait que le cerveau est source d’une myriade de champs électromagnétiques infinitésimaux. Chacun sait également – ou, en tout cas, devrait savoir – que la moindre émotion, si fugitive soit-elle, fait varier ces champs élec­ tromagnétiques de façon plus ou moins complexe.

     «Il est donc tout à fait possible d’imaginer qu’un cerveau soit susceptible de détecter ces variations de champs, et même d’entrer en résonance avec elles. En d’autres termes, on peut concevoir qu’il existe dans le cerveau un organe spécifique, susceptible d’adopter à la demande la configuration magnétique présentée par un ensemble de champs donné qu’il aura été amené à détecter. Par quel processus arriverait-il à ce résultat ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais peu importe, à vrai dire. Ce qui compte, c’est le principe. Admettons que je sois aveugle, par exemple. Cela ne m’empêcherait pas pour autant d’apprendre ce que c’est qu’un photon ou un quantum d’énergie, et cela ne m’empêcherait pas davantage de comprendre que l’absorption d’un photon doté d’une énergie donnée puisse provoquer, dans l’organe de la vision, des modifications chimiques telles que sa présence en deviendrait détectable. Mais, bien entendu, cela ne me permettrait pas pour autant de comprendre

ce que c’est que la couleur.

   «Tout le monde suit, pour l’instant ? »

   Hochement de tête énergique chez Anthor dubitatif chez les autres.

     «En supposant qu’il existe, cet organe de résonance mentale pourrait permettre, en s’ajustant aux champs émis par d’autres cerveaux, de « lire dans les émotions » des gens, comme on dit, ou même de « lire dans les pensées » d’autrui, ce qui est en réalité quelque chose d’encore plus subtil. De là, il n’y a qu’un pas à concevoir un organe similaire qui serait capable d’imposer un ajustement donné sur un autre cerveau. Grâce à son champ plus puissant, il pourrait orienter le champ plus faible d’un autre cerveau, à la façon dont un aimant puissant oriente les dipôles atomiques dans une barre d’acier et lui confère une aimantation permanente.

     «J’ai résolu le problème mathématique posé par les initiés de la Seconde Fondation, en ce sens que j’ai dégagé une fonction laissant prévoir la combinaison nécessaire de processus neuroniques qui permettrait la formation d’un organe tel que je viens de le décrire. Malheureusement, la fonction en question est trop complexe pour qu’on puisse la résoudre au moyen des outils mathématiques dont nous disposons actuellement. C’est dommage, parce que cela signifie que je ne pourrai jamais détecter un manipulateur mental par son seul schéma encéphalographique.

     «Mais je pourrais faire autre chose, en fait. Je pourrais, avec l’aide de Semic, construire ce que j’appellerai un appareil psychostatique. La science moderne est capable de créer une source d’énergie qui constituera la réplique du schéma type du champ électromagnétique encéphalographique. De plus, on peut s’arranger pour le faire osciller complètement au hasard et créer, par rapport à la faculté mentale en question, une sorte de brouillage, de brouillard de parasites qui empêcheraient désormais cette faculté mentale de s’exercer aux dépens des cerveaux avec lesquels elle pourrait être en contact.

«Vous me suivez toujours ? »

     Semic gloussa. Il avait participé en aveugle à cette création, mais il avait deviné, et deviné juste. Le vieux bonhomme n’avait pas encore dit son dernier mot…

   «Je crois, dit Anthor.

– L’appareil, continua Darell, est assez facile à fabriquer, et comme les dépenses étaient imputées au chapitre « recherches de guerre », je disposais de toutes les ressources de la Fondation. Ce qui fait que, désormais, les bureaux du maire et les assemblées législatives sont entourés de brouilleurs psychostatiques, autrement dit de stations de brouillage cérébral. Il en est de même pour nos industries clefs. À terme, nous pourrons protéger n’importe laquelle de nos installations contre les emprises de la Seconde Fondation ou d’un second Mulet. Et voilà. »

   Disant cela, très simplement, il tendit la paume de la main, bien à plat.

   Turbor semblait assommé. «Alors, c’est fini. Par Seldon … tout est fini.

– Non, pas tout à fait, dit Darell.

– Comment ça « pas tout à fait » ? Qu’est-ce qu’il y a encore ?

– Eh bien, oui : nous n’avons toujours pas découvert l’emplacement de la Seconde Fondation !

– Comment, rugit Anthor, vous prétendez …

– Je l’affirme : Kalgan n’est pas la Seconde Fondation.

– Qu’est-ce que vous en savez ?

– Facile, grommela Darell. Il se trouve que je sais où se trouve réellement la Seconde Fondation. » (366-367).

       La Première Fondation, en cas de triomphe envisage sur la Seconde, à échafaudé tout un plan pour tâcher d’éliminer les membres de celle-ci. Entre autres projets, ses membres pourraient les exiler sur une planète hostile, comme Zoranel. Ils y seraient confinés et la planète elle-même serait saturée de générateurs psychostatiques. Ils pourraient aussi envisager de séparer les hommes des femmes, voire de les stériliser. Cette solution conduirait, en quelques décennies, à l’anéantissement total de la Seconde Fondation. Il pourrait aussi envisager de les exterminer par une mort douce. Hélas, pour les membres de la Première Fondation, malgré la mise au point de leurs brouilleurs psychostatiques censés protégeait leurs domiciles et, donc, la normalité de leurs schémas psychiques, la Seconde Fondation avait déjà triomphé d’eux puisqu’elle peut désormais se permettre de dévoiler le lieu d’édification de leur siège. Tel est l’aveu du Premier Orateur : « La Première Fondation se trouvait placée sur la périphérie, à l’endroit où l’Empire originel était le plus faible, où sa civilisation exerçait son influence avec le moins d’efficacité, où sa richesse et sa puissance étaient pratiquement absentes. Où se trouve alors, socialement parlant, l’autre bout de la Galaxie ? C’est évidemment l’endroit où l’Empire originel était le plus puissant, où sa richesse et sa culture étaient le plus fortement représentées.

   «Ici même ! En plein centre ! Sur Trantor, la métropole de l’Empire à l’époque de Seldon.

     «Il ne pouvait en être autrement. Hari Seldon avait laissé derrière lui la Seconde Fondation avec mission de maintenir, d’améliorer, de développer son œuvre. Voilà cinquante ans qu’on le sait, ou du moins qu’on le devine. Mais où donc ce programme pouvait-il le mieux se réaliser ? Sur Trantor, où le groupe de Seldon avait travaillé et où s’étaient accumulés les documents recueillis au cours des décennies. Et c’était le rôle de la Seconde Fondation de protéger le Plan contre ses ennemis. Cela, on le savait également ! Et où se trouvait la source des plus grands dangers qui menaçaient Terminus et le Plan ?

   «Ici, toujours ici, sur Trantor, où l’Empire – quoique agonisant – aurait pu encore pendant trois siècles détruire la Fondation, s’il avait pu s’y décider.

     «Puis, après la chute, la mise à sac et la destruction totale de Trantor, il y a de cela à peine un siècle, nous avons pu naturellement protéger notre quartier général. De toutes les infrastructures de la planète, seuls la bibliothèque impériale et les territoires attenants sont demeurés intacts. Curieux, vous ne trouvez pas ? Le fait était d’ailleurs bien connu de toute la Galaxie. Pourtant, cet indice hautement révélateur est passé totalement inaperçu. «C’est ici même, sur Trantor, qu’Ebling Mis nous avait découverts. Et c’est encore ici que nous avons fait en sorte qu’il ne survive pas à cette découverte. Pour ce faire, nous avons dû nous arranger de telle sorte que les pouvoirs extraordinaires du Mulet soient annihilés par une jeune fille tout à fait ordinaire issue de la Fondation. Un exploit aussi phénoménal n’aurait pas manqué d’attirer les soupçons s’il s’était produit sur une autre planète. C’est ici que nous avons pour la première fois étudié le Mulet et échafaudé les plans qui devaient provoquer sa défaite finale. C’est ici qu’est née Arcadia, et que s’est amorcée la chaîne des événements qui allaient déterminer le grand retour du plan Seldon.

   «Et si tous ces défauts de notre cuirasse – ces trous béants – sont passés inaperçus, c’est tout simplement parce que lorsque Seldon avait parlé de « l’autre bout », il avait une certaine idée en tête, et qu’eux l’ont compris autrement. »

     Depuis longtemps, déjà, le Premier Orateur ne s’adressait plus véritablement à l’étudiant. C’était à lui-même, en réalité, que s’adressait cet exposé. Debout devant la fenêtre, il contemplait l’incroyable luminescence du firmament. Cette vaste Galaxie qui avait maintenant retrouvé pour toujours la sécurité.

   «Hari Seldon appelait Trantor « Finistelle », murmura-t -il, « là où finissent les étoiles. » Pourquoi pas, après tout ? C’est une belle image, vous ne trouvez pas ? L’Univers tout entier obéissait autrefois aux directives venues de ce minuscule caillou perdu dans l’immensité de l’espace. Toutes les routes des étoiles convergeaient jadis ici même. « Tous les chemins mènent à Trantor », dit un proverbe de l’Antiquité, « et ici les étoiles finissent­ elles. » ».

   Le troisième tome clot le cycle Fondation, selon l’auteur lui-même, en principe. Il reste à découvrir ce qui va se passer dans les deux derniers tomes.

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