L’Afrique se vend bien : essai critique sur une certaine littérature relative aux Africains et au continent noir (Ecrit de jeunesse – Paris 1976)

Un certain marchandage de la valeur des êtres humains et des choses

Introduction

   Il me faut au préalable définir le champ où j’entends inscrire cette analyse. Par cette expression, je ne veux pas signifier le pillage des biens essentiels et des matières premières des pays africains par les grandes puissances et les multinationales du monde occidental. Au contraire, mon propos porte sur une certaine littérature courante qui s’est édifiée et s’édifie toujours à propos de l’Afrique, sur les Africains et sans les Africains. Or, elle aurait pu se faire avec la collaboration des Africains, peuples ou intellectuels. Mais, ce n’est guère le cas puisqu’il s’agit généralement d’une littérature particulière.

   C’est une situation de fait que les écrivains européens, d’une façon générale, aient la priorité du discours sur l’Afrique. Le préjugé racial veut qu’ils sachent plus de choses sur l’Afrique et ses habitants que les Africains eux-mêmes. Il en résulte qu’ils s’estiment avoir plus d’avance que les auteurs africains quant aux savoirs relatifs à leur continent d’origine. N’est-ce pas ce préjugé qui leur accorde, à tort ou à raison, une capacité d’analyse plus profonde, plus pertinente que les auteurs africains dans les diverses approches des réalités des pays et des peuples africains ?

     En réalité, cette situation de fait, qui tend à durer, n’obéit-elle pas à des conditions objectives, à des barrières voulues expressément par la domination des pays africains par les pays dits colonisateurs ? Ces barrières ne sont-elles pas injustes en soi ? Celles-ci sont multiples et l’on ne saurait les envisager dans leur ensemble en quelques lignes. Aussi, je me contenterai d’évoquer et d’analyser rapidement les plus manifestes.

I- La malheur d’être un écrivain noir

     On peut dire, sans risque de se tromper, qu’il est effectivement malheureux d’être un écrivain noir ; du moins, au cours des années 1970. Dès lors que l’on sent des dispositions à l’écriture et que, en conséquence, on décide de réaliser ces dons de la nature, il y a comme des murailles qui surgissent partout et encerclent l’écrivain en question. Il se sent comme délaissé par tout le monde et doit courir dans tous les sens pour faire publier ses écrits. Malheureusement, il est pris dans un étau parce qu’il a fort peu de chance de parvenir à ses fins ; et ceci pour plusieurs raisons.

  1. A) Le monde de l’Edition est amplement dominé par les Occidentaux. Il est leur création et leur propriété exclusive. Donc, ils font la loi et s’ouvrent volontiers aux personnes ou écrivains de leur choix. Au monde l’édition est étroitement associé celui des moyens de l’information. Ce qui veut que les circuits de distribution sont aussi sous leur mainmise, c’est-à-dire la domination entière des mêmes groupes d’éditions. Ils détiennent seuls la possibilité d’ignorer un écrivain, s’ils le veulent ou s’ils me décident ainsi, en provoquant un silence profond autour de son nom. A titre d’exemple, ils peuvent lui fermer toutes les portes en dépit de l’importance et de l’intérêt de ce qu’il écrit. Certes, ils ont aussi la « largesse » d’esprit et la « bonté du cœur » d’amener des bons écrivains tout autant que des imbéciles à un stade de réputation parfois très élevé par des moyens mis en conjonction à cette fin.
  2. B) Le malheur des écrivains africains, qui ne parviennent pas à se communiquer entre eux ni non plus à communiquer leurs savoirs, leurs créations par la publication de leurs écrits, résulte également du manque de créations de telles structures, c’est-à-dire des maisons d’éditions dans leur pays d’origine. Certes, l’Afrique subsaharienne d’expression française (mon analyse concerne essentiellement la zone francophone. Car il semble que l’Afrique anglophone semble mieux réussir en ce domaine) compte quelques maisons d’éditions : les NEA (Nouvelles éditions africaines) à Dakar et à Abidjan, les Clef à Yaoundé, puis quelques maisons d’éditions au Zaïre etc. Il convient de savoir qu’en dépit de leur existence juridique en Afrique noire, elles demeurent des espèces de succursales des maisons d’éditions françaises. Elles sont toujours dominées par l’Europe. Elles n’ont point d’initiatives propres, autonomes et indépendantes dans les circuits de distribution. Tout se passe comme si les livres qu’elles peuvent distribuer et qui passent par une approbation extérieure et dont on leur impose la publication, relèvent d’un certain type d’écrits. Ceci montre que, là aussi, la domination des moyens d’expression écrite en Afrique noire par l’Occident est encore totale.

    S’il y a, par exemple, des initiatives individuelles visant à créer une maison d’éditions, celles-ci peuvent difficilement aboutir sans plier le genou devant le tout-puissant Occident ou sans se mouiller dans de basses manœuvres de corruption. En effet, l’argent étant devenu le maître incontesté des lois générales de l’économie de ce monde, il est impensable qu’on puisse réaliser de tels projets sans y avoir recours. Or, les financiers et investisseurs étant toujours les Occidentaux, intéressés en premier lieu par tous les projets qui pourraient leur rapporter beaucoup de bénéfices en retour, veulent contribuer à la réalisation de telles initiatives à la seule condition d’imposer leur loi en matière de rentabilité, ainsi qu’ils le font quand ils prêtent de l’argent aux pays africains à des taux généralement élevés. Si une maison d’éditions se réalise dans de telles conditions, elle serait muselée au niveau de la liberté de la politique de publication. Pire, elle court à l’échec si elle feint d’ignorer l’épée de Damoclès suspendue sur sa tête. A titre d’exemple : Pierre – Jean Oswald a bien essayé de lancer de jeunes auteurs africains. On sait, aujourd’hui, à quoi cette expérience courageuse à abouti : l’échec total et le rachat de sa maison d’éditions par une équipe indélicate et peu soucieuse des écrits d’auteurs africains.

    Si les grandes fortunes des pays africains subsahariens comprenaient le bien-fondé du livre dans le progrès des mentalités et acceptaient en conséquence de financer la création de maisons d’éditions, on pourrait, à la limite, songer à une certaine liberté de publication. Malheureusement, peu enclins à la lecture et peu intéressés par le monde des arts et de la création, c’est-à-dire par le développement de l’univers intellectuel, ils n’acceptent d’investir à la rigueur qu’uniquement dans des domaines concrets et palpables tels que l’immobilier. Ce sont des domaines dont l’horizon de la réussite est à l’avance assurée. Certes, il existe hors du continent africain de petites maisons de publication de revues totalement indépendantes et autonomes comme celle créée par Mongo Beti : « Peuples Noirs, Peuples Africains ». Malheureusement, leur expansion et leur distribution restent très limitées. Elles devaient, pour continuer à exister, compter essentiellement sur les abonnements. De telles initiatives restent encore mal comprises et peu encouragées en Afrique et par les Africains eux-mêmes.

Les voleurs d’Etat n’ont cure du bon usage des fortunes volées à leurs misérables peuples

     Ceux-ci semblent préférer suivre la voie royale et toute tracée des circuits normaux institués par l’Occident. S’agit-il réellement d’une préférence ? Cette tendance (la lecture des journaux français, entre autres) répond plutôt à une intoxication intellectuelle qui a commencé depuis le début du XXe siècle et qui enfonce davantage les jeunes africains des années 1970 dans un état d’inconscience qui frôle la bêtise par leur engouement pour la lecture des revues françaises les plus critiquables : « Nous Deux », « Intimité », « Paris-Match », « marie france » etc. Les « Bandes dessinées » américaines et européennes, en général, les plus infantilisantes et les plus aliénantes mentalement, voire les plus abêtissantes (« Bwana », « Blek », « Akim, « Tintin », « Zembla » etc.) occupent entièrement leur esprit, suscitent leur intérêt le plus profond, et dominent le marché des revues des pays africains. Quant aux livres les plus sérieux et les plus profonds des auteurs africains qui traitent des problèmes africains, on en trouve difficilement dans les bibliothèques et les librairies de ces pays. La plupart du temps, ils sont frappés d’interdiction dans les pays dont leurs auteurs sont originaires sous de fallacieux prétextes politiques. Ironie du sort, ces mêmes livres sont à portée de la main des lecteurs en France, en Grande-Bretagne etc. On en trouve dans presque toutes les bibliothèques et un grand nombre de librairies. Ces dernières peuvent en faire la commande en cas de besoin.

  1. C) Il reste à l’écrivain africain une issue possible : jouer le jeu des Occidentaux. Ce jeu relève de préjugés psychologiques profondément enracinés dans les réalités des sociétés occidentales ou européennes. Un tel jeu revient, pour l’écrivain africain, à se vendre à vil prix, à user de moyens d’écriture qui sont imposés par son éditeur en vue de plaire au public européen. A peine si Mongo Beti est réellement bien connu en France, ou encore Frantz Fanon, Aimé Césaire ; hormis naturellement les milieux littéraires qui s’intéressent à leurs œuvres, quelque singulière qu’elles soient. En revanche, Léopold Sedar Senghor a eu droit à une grande publicité : en France, toutes les portes lui étaient ouvertes. Je ne crois pas cela est dû essentiellement au fait qu’il fut pendant longtemps le Président du Sénégal ; d’autant plus qu’on sait le peu d’intérêt que le public français accorde à nos chefs d’Etat et à leur pays respectif. Seuls les plus minables d’entre eux sont bien connus non pour leur importance, mais leur ridicule, comme Jean-Bédel Bokassa, Amin Dada etc., qui rend incontestable la reconnaissance de leur nom en France et dans le monde occidental. L’illustre historien voltaïque, Joseph Ki-Zerbo, ne fut pas bien connu dans les pays africains subsahariens, en dehors des milieux intellectuels, notamment historiens. Il en était de même des milieux culturels internationaux (Unesco) et parmi les universitaires européens.

     En France, on parle plus souvent de Cornevin comme l’un des plus grands historiens du continent noir. On fait de la publicité pour ses livres d’histoire et on en fait point pour ceux de Josep Ki-Zerbo ou si peu. L’un des plus grands anthropologues de ce même continent, en l’occurrence, Cheik Antah Diop, est totalement ignoré des publics occidentaux parce qu’il a écrit des livres qui ne plaisent pas aux milieux savants occidentaux en raison de la forte prégnance des préjugés sur les Noirs (Nations nègres et culture : de l’Antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui, 1954, puis, Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ? –Présence africaine). En revanche, l’anthropologue, Louis-Vincent Thomas, quant à lui, est reconnu comme l’un des grands spécialistes du continent africain. La presse l’encense dans ce sens. Mais il n’y est pour rien dans ce système, ce complot du monde occidental, qui consiste à marginaliser les auteurs africains par rapport à leurs homologues occidentaux. En effet, on les condamne à l’ignorance du monde par le fait de les réduire au silence volontairement. C’est ce système inique qui est, en soi, condamnable ; ce ne sont pas les individus qui y travaillent. Ils se contentent de remplir leur office pour vivre. Pour terminer sur ce chapitre, on considère Georges Balandier non seulement comme un grand sociologue de l’Afrique noire, mais même comme le maître à penser de la sociologie africaine.

Un auteur africain n’est-il pas comparable à un président africain sujet aux trahisons ?

     Dès lors, que reste-t-il à faire quand on est un écrivain africain, si ce n’est d’écrire des ouvrages qui plaisent au public occidental ?

II- Ecrire ce qui plaît aux publics occidentaux pour mieux se vendre

   Ecrire ce qui plaît aux Occidentaux revient à rentrer, par l’écriture, dans le concert des thèmes fondamentaux qui relèvent, eux aussi, et de façon générale, des préjugés raciaux. Ceux-ci semblent comme figés pour toujours, immuables même dans leur forme de jugement erroné sur les membres des autres peuples ou civilisations dont les Africains et leur malheureux continent. De tels préjugés sont, ainsi, incapables de mutation heureuse, c’est-à-dire de progrès ou d’évolution nécessitant l’intervention d’éléments nouveaux afin de repenser autrement les réalités humaines. Mais, il n’y a rien de plus blessant, de plus avilissant, de plus déshonorant pour un écrivain africain que d’accepter de jouer ce jeu qui consiste à renoncer à soi, à ce qui doit être l’expression profonde de son être pour devoir écrire des choses qui plaisent à un certain public. Dans ces conditions, on se rend le plus ridicule possible ; d’autant plus que, du côté des Africains, on se fait rejeter avec raison ; et du côté des Occidentaux, on n’est rien d’autre qu’un genre d’objet qu’on manipule comme on veut. On n’est rien d’autre qu’une marionnette, un bouffon.

Quels sont les thèmes qui servaient d’inspiration perpétuelle ? Je vais analyser rapidement quelques-uns.

  1. A) Les coloniaux ont peint une certaine image de l’« Homme africain » de manière générale et caricaturale : son incapacité à sortir de son cercle, de son univers carcéral, à savoir son tribalisme qui l’enchaîne de manière profonde, viscérale. C’est pourquoi, il lui apparaît comme la réalité essentielle de sa vie. En soi, il s’agit effectivement d’une donnée indéniable. Mais, la question est de savoir si telle image n’est pas aussi caricaturée sous d’autres cieux, selon d’autres regards. Le tribalisme présenté comme un mal fondamental, qui nuit à tous les intérêts des Africains, voire un mal incurable dont ils voudraient, pourtant, se guérir par une aspiration fondamentale, en sortir même. Mais au regard de l’étranger, la caricature du tribalisme frise parfois les extrapolations les plus arbitraires et les plus insensées.

   Au fond, le tribalisme est une forme d’organisation qui noue les membres de communautés autour de valeurs uniques comme l’unité, la cohésion, et la concordance entre toutes les composantes d’un groupe humain. Que cette organisation connaisse des problèmes, ceci est incontestable dès l’instant où il s’agit d’hommes qui sont acteurs de leur vie. Si des problèmes spécifiques de mésentente entre des groupes humains à l’intérieur de certains pays africains, sont aujourd’hui (les années 1970) manifestes, il convient de dire que ce sont les coloniaux eux-mêmes qui les ont accentués en opposant des tribus entre elles. Sur ce point, on le sait, leur devise était celle-ci : « divisons-les pour mieux régner sur eux, pour mieux dominer les peuples africains ». On sait aussi que les Multinationales (groupes financiers, industriels etc.,) et les anciennes puissances coloniales continuent indirectement et sournoisement d’appuyer sur les divisions tribales des Africains, de les accentuer même pour mieux apporter leurs secours, leur assistance financière, technique et militaire aux élites politiques au pouvoir en fonction de leur degré de soumission à ces puissances. N’est-ce pas là la forme la plus évidente d’une nouvelle domination ?

A quel saint ou à quel dieu se vouer pour être reconnu ?

     Certes, avant les fameuses colonisations, les tribus africaines se faisaient la guerre. Mais ces faits ne sont pas une singularité des peuples africains. Il en était de même des peuples européens qui n’ont cessé de se faire la guerre depuis la plus haute antiquité jusqu’aux temps présents, c’est-à-dire les années 1945. C’étaient des guerres atroces, inhumaines qu’ils ont finies par exporter hors du continent européen, comme le continent africain, le Moyen-Orient, l’Asie, l’Amérique du Sud etc. C’était, là aussi, des entités humaines, quel que soit le nom glorieux qu’on peut leur attribuer – les civilisations européennes, chrétiennes – qui étaient farouchement opposées les unes aux autres.

      Toutefois, malgré ces conflits réguliers entre tribus africaines, ces dernières savaient aussi construire des temps de paix entre elles ou aspirer à des entités politiques de dimension nationale ou supranationale comme les Mossi, les Zoulous, les Ashantis, les Peulhs, les Songhaïs, les Haoussa etc. Par ailleurs, il n’est pas encore démontré, hormis la fausse perception des choses liée aux préjugés, que le tribalisme nuise en quoi que ce soit à l’épanouissement et à l’harmonie d’un groupe humain, à son progrès, à son développement etc. Au contraire, c’est l’une des formes d’entente humaine les plus générales et les plus profondes. A titre d’exemple : les peuples sémites (Juifs et Arabes) ont opéré leur union autour de leur religion et de leur Dieu en vivant suivant des structures sociales organisées en tribus, en clans même. Y voit-on un mal particulier ? Même les sociétés occidentales, dans une certaines mesure, sont organisées en une sorte de strates tribales. Ainsi, les partis politiques et les organisations sociales (restreintes ou élargies) de toutes sortes, qui aspirent à une unité interne en se réclamant des mêmes tendances réelles ou supposées, des mêmes aspirations ou options, des mêmes idées politiques, qui se soudent autour d’un même chef pour combattre les partis opposés, possèdent, en quelque sorte, le même esprit spécifiquement tribal.

  1. B) L’un des leitmotivs de la littérature qui plaît aux Occidentaux est toujours l’idée non fondée, de l’incapacité naturelle des Africains à maîtriser les données économiques pour faire progresser leur continent. De manière générale, on a tendance à expliquer le retard de ce continent par rapport à je ne sais quoi en insistant sur ce point fondamental. On parle volontiers de l’instabilité des régimes et des hommes politiques corrompus, de la lourdeur de l’appareil administratif etc. En admettant que cela soit conforme à la réalité, ces problèmes ne sont pas spécifiquement africains. En effet, les données qui nous viennent de l’Europe de l’Est et, notamment de l’URSS montrent bien que ces pays ne sont pas exempts de corruption parmi le petit peuple ni de lourdeur administrative. Il en est de même de l’Amérique latine dont la situation concernant ces points est pire que celle de certains pays africains, parfois la surpasse. Les pays de l’Europe de l’Est tout comme ceux de l’Amérique latine connaissent une aussi grande lourdeur de l’Appareil administratif bien pire que certains pays africains. Ainsi en est-il de l’Albanie, de la Yougoslavie, de la Bulgarie, voire de la Roumanie, comme la quasi totalité des pays de l’Amérique latine accusent, au même titre que certains pays africains, les mêmes supposés retards considérables, les mêmes endettements. Ils sont donc empêtrés dans les mêmes difficultés économiques. D’ailleurs, les pays les plus endettés au monde ne sont pas les pays africains, mais bien certains pays latino-américains. Ceux-ci sont, en outre, les premiers au monde en matière d’instabilité politique. Les coups d’Etat, par exemple y sont plus fréquents qu’en Afrique. C’est le cas de la Bolivie qui connaît de tels états d’instabilité politique.

      Or, ce qu’il y a d’injuste dans l’opinion publique européenne, notamment française, consiste dans le fait que les yeux sont rivés sur les malheurs de l’Afrique : la pauvreté, la misère, la malnutrition des populations africaines noires. Bref, on ne regarde que la perpétuelle misère du contient africain dont les nombreux problèmes inextricables sont comparables à sa forêt tropicale dense et quasi impénétrable. Les publicités des organisations humanitaires internationales, qui sont supposées (la plupart du temps elles travaillent pour elles-mêmes, pour payer royalement leurs dirigeants et leurs personnels : seule une petite partie des sommes collectées est destinée à l’aide aux pauvres africains) lutter contre la faim dans le monde ne présentent que des enfants noirs sur leurs affiches publicitaires. Pour insister sur leur grande misère, elles montrent des enfants noirs au ventre monstrueux, au corps squelettique, amaigris par la famine. Donc, si l’on veut exagérer quelque peu, à partir de ces faits, on pourrait dire qu’il n’y a que le continent africain qui souffre et qui meurt de faim. Ceci renforce l’opinion déjà établie que rien ne peut bien fonctionner sur ce continent. Pourtant, l’Amérique latine et certains pays d l’Europe de l’Est souffrent au même titre que des pays africains.

Mongo Beti et Cheikh Anta Diop

De grands auteurs authentiques, défenseurs de la cause de leurs peuples et de leur continent

       En revanche, des problèmes cruciaux et réels des pays africains on n’en parle guère ; ou alors, si on en parle, c’est en des termes différents de ceux qu’on emploie dans des situations identiques pour qualifier ceux des pays africains. On préfère insister sur l’incapacité naturelle à maîtriser les données économiques. Concernant d’autres pays du monde, au sujet de problèmes semblables, on dirait qu’il s’agit, comme pour les excuser ou presque, de conditions objectives liées à la mauvaise conjoncture de l’économie mondiale. D’un côté, on veut rendre les hommes directement responsables de leurs échecs ; de l’autre, on cherche les raisons de l’échec ailleurs et non pas dans les actes des politiques aux affaires de leurs pays ; en quelque sorte, on veut les « blanchir », les disculper en laissant intactes leur savoir-faire, leurs qualités intellectuelles, leurs compétences à bien gérer les affaires de leurs pays, comme s’il y avait deux poids deux mesure.

  1. C) Que cache, en réalité, cette littérature de divers domaines des savoirs préjudiciable, injuste, malhonnête même ? En apparence, il s’agit de montrer aux yeux du monde entier que les considérations des coloniaux sur les peuples noirs étaient et restent toujours vraies, à savoir que l’homme africain est un enfant, un bon enfant, un adulte parfois, mais un adulte encore enfant. Il a donc besoin d’être conseillé, dirigé, voire dominé par des adultes qui sont toujours les mêmes : les hommes blancs. Ainsi, on laisse supposer que l’Africain ne peut résoudre ses problèmes par lui-même. Il ne peut songer à se sortir de ses difficultés qu’en recourant à l’aide d’autrui. Dans ce sens, il semble que la colonisation avait pour finalité de protéger les Africains d’eux-mêmes et du monde extérieur. A l’instar des enfants, on jugeait qu’ils n’étaient pas capables de se protéger ou de se défendre tous seuls. La nouvelle domination a pour finalité de les amener à la maturité adulte en les aidant économiquement et militairement, voire politiquement afin d’accéder à une meilleure organisation de leurs sociétés.

   Or, cette néo-protection infantilise les élites et responsables politiques qui se prennent, sans le savoir pertinemment, au jeu de la domination. L’Occident tremble pour ces pays qui nourrissent ses économies et ses finances en vertu de leur moindre fragilité politique. Aussi, les anciennes puissances coloniales veillent attentivement sur leur destinée, comme un bien précieux (les richesses de leur sous-sol) qu’on garde sous le boisseau. Elles craignent, en accord avec tout l’Occident, de les voir basculer sous l’influence soviétique. Dieu, de quel amour inégalé ces pays africains sont-ils l’objet en Occident ?

   Le Noir de l’Afrique apparaît, à travers le genre de littérature en cause dans mes analyses présentes, comme un mendiant dépensier. Il ne cesse de tendre la main vers l’Occident – mais il ignore que c’est de cette façon qu’il est davantage dominé – pour réclamer de l’argent nécessaire au développement économique de son pays ; argent qu’il ne cesse en même temps de dilapider pour des futilités. Au lieu de l’utiliser à des fins publiques, nationales, c’est-à-dire dans l’intérêt général, il le détourne à des fins strictement personnelles. N’est-ce pas cette sombre réalité, ce triste constat des choses qui a motivé, ces dernières années, l’écriture d’ouvrages par des Européens aux titres plus alarmants les uns autant que les autres ?

  1. D) Les années 1970 à 1980 environ ont vu la prolifération de livres en France sur l’Afrique. On connaissait déjà le fameux livre de René Dumont, L’Afrique noire est partie. Si les arguments de cet ouvrage restent, en général, réels et solides, sa démarche n’est pas exempte de critique. En effet, tout se passe, selon Dumont, comme si tous les Noirs eux-mêmes sont semblables. Une telle vision des choses est économiquement et géographiquement contestable, voire fausse. Il est certain que les pays du Sahel et ceux de la zone forestière n’ont pas la même dynamique économique ni le même degré de développement et de progrès. Mais, pour cet ingénieur… (La suite de ces analyses a été perdue dans mes très nombreux déménagements en France et ailleurs).

Image d’espoir de l’éveil de la conscience des jeunes génération ou de désespoir ?

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