Intrication et abysses des structures élémentaires du vivant,
création de Claire Cirey Joux, artiste plasticienne
Une brève introduction relative à l’apport de la Philosophie à la Science contemporaine
La philosophie est non seulement la science des concepts efficients – on le verra plus loin à propos d’un concept de Gilles Deleuze et Félix Guattari qui est adoptée par la biologie contemporaine pour mieux comprendre les mystères de la vie -, mais la lumière de l’entendement humain sur l’émergence et le devenir des sciences. Contrairement à ce qu’on enseigne dans les lycées et à la manière dont on l’y conçoit, elle ne se réduit pas à une répétition du même, c’est-à-dire des mêmes savoirs, mais elle peut et doit se définir comme une créativité permanente, même dans la pensée de la ou des sciences par son volet épistémologique. C’est pourquoi, elle n’a de cesse d’interroger les phénomènes pour mieux les comprendre et, ainsi, dépasser les évidences du sens commun qui s’attache à répéter des soi-disant vérités, scientifiques ou non. Et l’on comprend aisément qu’Albert Einstein n’ait pas hésité à montrer que « le sens commun n’est rien d’autre en réalité qu’un tissu de préjugés accumulés dans l’esprit avant l’âge de dix-huit ans. Chaque idée nouvelle que l’on rencontre plus tard lutte contre cette accumulation d’idées « évidentes » ».
Avant que les philosophes, notamment ceux du XVIIe siècle, ne créent la science moderne, la science inhérente à l’esprit philosophique, avec les philosophes grecs, avait déjà préparé le terrain de la raison scientifique en la nourrissant perpétuellement par son inventivité conceptuelle. En effet, comme l’explique Einstein lui-même, la science moderne, au sens de la science fondamentale et non de la technoscience qui éblouit les gens par ses performances technologiques, continue de se fonder sur des concepts philosophiques en les éclairant à la lumière des données, des outils mathématiques actuels ; sans plus. Telle est le concept d’« étendue » de Descartes. C’est en ce sens qu’il écrit : « Descartes n’avait donc pas tellement tort quand il se croyait obligé de nier l’existence d’un espace vide. Cette opinion paraît absurde tant que les corps pondérables sont considérés comme une réalité physique. C’est seulement l’idée du champ comme représentant de la réalité, conjointement avec le principe de relativité générale, qui révèle le sens véritable de l’idée de Descartes : un espace « libre de champ » n’existe pas » . Einstein se contente d’adapter le concept cartésien à sa propre conception de la physique et sa vision du monde ; de l’élargir et de le préciser.
Il en est de même de l’univers intellectuel dans lequel on se meut toujours tant dans les divers champs des disciplines scientifiques que dans la philosophie elle-même. Toutefois, à force d’en faire usage aujourd’hui, suivant l’état d’avancement des sciences et le choix des programmes de leur enseignement scolaire, nous avons tendance à oublier que sans l’édification rationnelle initiale de la philosophie, sans doute, nous n’aurions pu connaître ce que nous appelons complaisamment le progrès scientifique. Telle est la thèse de Werner Heisenberg : « pour donner une base solide à la pensée scientifique, Aristote a commencé, dans sa logique, à analyser les formes du langage, la structure formelle des conclusions et déductions, indépendamment de leur contenu. Il est ainsi parvenu à un degré d’abstraction et de précision qui avait été jusque-là inconnue de la philosophie grecque, contribuant ainsi de façon immense à la clarification et à la création d’un ordre dans nos méthodes de pensée. En fait, il a créé la base du langage scientifique ».
Ces thèses de quelques-uns de nos éminents physiciens sur la valeur heuristique de l’esprit philosophique, et la réalité, incontestable, qu’elle demeure la génitrice de tout ce que nous appelons science aujourd’hui peuvent tout aussi bien s’appliquer aux sciences biologiques. Ce qui est évident, en celles-ci, tient au fait qu’avec le progrès de la génétique, elles ont pu accédé au rang de raison scientifique en s’affranchissant de l’empire des sciences de l’observation dites sciences naturelles et de leur tendance à secréter des préjugés absurdes sur les vivants, quels qu’ils soient, notamment les descendants de l’Homo sapiens. Cependant, d’un point de vue de la théorisation des données de l’ensemble de ces disciplines, les concepts efficients des épistémologues – scientifiques ou philosophes – est toujours nécessaire pour opérer des progrès conséquents. Dès lors, la philosophie ne se contente pas d’examiner, d’un point de vue critique, les données des sciences du vivant, mais aussi elle a pour ambition de proposer des modalités conceptuelles nouvelles d’analyse pour mieux comprendre ces sciences, comme on le verra ci-dessous de manière synthétique.
C’est dans le cadre d’un examen critique de la théorie de l’évolution que s’inscrivent les investigations présentes.
II- Des limites de la théorie de Charles Darwin et de la connaissance du vivant
A) La critique de Michael Denton, biologiste et généticien australien
Michael Denton, célèbre biologiste australien, a montré dans son livre Evolution, une théorie en crise, les failles de la théorie darwinienne de l’évolution des espèces vivantes. L’auteur de cet ouvrage de référence, reconnaît, d’abord, la portée des recherches de Darwin avant d’en montrer, ensuite, les bornes. Selon lui, alors que le projet de la vie et la complexité adaptative de chaque type vivant étaient, d’après les tenants de la théorie de la création du monde, le résultat intentionnel d’un acte divin, avec Darwin, ils deviennent le produit d’un processus entièrement aléatoire. En d’autres termes, et nous l’avons déjà montré, l’évolution est un processus qui doit être graduel. En ce sens, il apparaît comme un changement et/ou transformation cumulatif, certes, lent, mais toujours progressif. C’est ce qui explique le fait qu’il rejette, sans autre forme d’explication approfondie, le « Naturam non facit saltum », soit l’idée qu’il existerait dans la nature de grands sauts, de grands intervalles qu’on appelle la solution « saltationniste ».
Le monde naturel des créationistes est un système statique, discontinu, dans lequel les êtres vivants sont cloisonnés dans un certain nombre de types (ou variétés) par des divisions fondamentales et infranchissables. En revanche, le monde organique de la théorie de la sélection naturelle est, quant à lui, fondamentalement un continuum de formes soumis au changement perpétuel où la variation est radicale et toujours source d’innovation créatrice de nouvelles espèces de vivants. Darwin lui-même ne voyait aucune limite à la portée de la capacité de la sélection naturelle à façonner les adaptations les plus complexes, voire les plus « heureuses » pour la survie de certaines espèces. D’où l’idée que l’évolution de toute la vie part d’une source commune. Il est vrai que, sur ce point, la paléontologie apporte à la théorie de Darwin des preuves de ce principe fondamental. En effet, les fossiles révèlent que l’histoire de la vie sur terre a suivi une ligne de progression des types de vie les plus simples vers les plus complexes. Et Darwin lui-même insiste sur ce point.
De façon générale, les sciences du vivant admettent que les premiers organismes, qui sont apparus tels qu’on les trouve dans les gisements ou les archives terrestres, sont des invertébrés et des plantes simples comme les algues. Plus tard, ce sont les vertébrés plus complexes qui ont occupé la surface de la terre : d’abord, les poissons, puis les variétés d’amphibiens suivis par les reptiles et les mammifères. Nonobstant ce, le modèle darwinien est un mode d’explication matérialiste des phénomènes naturels et vitaux. Dans cette perspective, ce n’est rien d’autre qu’une théorie, et qui, à bien des égards, est limitée. Pour les adversaires de celle-ci, elle semble extrêmement douteuse en ce qui concerne « la macro-évolution ». En ce sens, puisqu’il s’agit d’une théorie fondamentalement de reconstitution historique, il est impossible de la vérifier par l’expérience ou l’observation directe comme on le fait habituellement dans les sciences de la matière telle que la physique ou la chimie, par exmple. C’est pourquoi, des auteurs comme Karl Popper ont élevé des doutes sur le statut des assertions évolutionnistes. En d’autres termes, ces théories étant, par nature, impossibles à falsifier, peuvent-elles être considérées comme de véritables hypothèses scientifiques ?
En outre, la théorie de l’évolution aborde un ensemble de phénomènes uniques ; autant dire non reproductibles et qui ne peuvent, par conséquent, être soumis à aucune sorte d’investigation expérimentale, telle que l’origine effective de la vie, voire de l’intelligence etc. De tels événements singuliers peuvent donner lieu à des spéculations les plus discutables, sans que leur réalité ne puissse jamais être validée par les moyens scientifiques courants.
Ainsi, selon Michael Denton, « la suprématie écrasante du mythe a créé l’illusion très répandue que la théorie de l’évolution a presque été démontrée il y a 100 ans et que toutes les recherches biologiques conséquentes ont apporté toujours plus de preuves à l’appui de la théorie darwinienne. En réalité, les preuves manquaient tellement d’unité que Darwin lui-même eut des doutes croissants sur la validité de ces vues, et le seul aspect de sa théorie qui ait reçu un quelconque appui au cours du siècle écoulé, est celui qui s’applique aux phénomènes de la micro-évolution. Sa théorie généralisée, selon laquelle toute vie sur la terre a émergé et évolué par une accumulation de mutations fortuites successives, était et est encore une hypothèse spéculative, entièrement dépourvue de support factuel direct et très éloignée de l’axiome évident en soi que certains de ses avocats, les plus agressifs, ont voulu nous faire admettre » .
D’après Denton, aujourd’hui encore, l’origine d’une nouvelle espèce – si l’on admet la définition usuelle d’une espèce commune, comme une population d’organismes isolés du point de vue de sa reproduction à partir d’une espèce pré-existante – n’a jamais été directement observée. Donc, il n’existe que deux façons de prouver l’évolution, qui ne dépendent pas de l’observation directe du processus d’évolution.
Soit trouver une séquence de formes se rapprochant les unes des autres, par une gradation, qui conduisent, sans ambigüité d’une forme à une autre. Or, dans cette perspective, on n’a pas encore trouvé, dans la nature, de telles formes intermédiaires. Il y a partout, dans les fossiles, des chaînons manquants qui remettent en cause sérieusement l’hypothèse d’un continuum des espèces vivantes.
Soit reconstruire cette suite de manière hypothétique en fournissant une généalogie plausible qui expliquerait toutes les formes intermédiaires et qui apporterait une explication parfaitement convaincante de la façon dont chaque stade de la formation est intervenu. De toute évidence, la théorie darwinienne de l’évolution s’inscrit dans une telle perspective.
En définitive, selon Michael Denton, le rejet de l’évolution par les biologistes les plus éminents du XIXe siècle, reposait essentiellement sur l’empirisme de la démarche de Darwin. La réfutation d’un certain nombre de ses paires du XIXe siècle tenait au fait que « tout simplement ceux-là ne voyaient aucune manifestation d’un ordre séquentiel régissant la nature (condition qu’il jugeait essentielle pour pouvoir induire le concept d’évolution organique des faits de la biologie). Si quelqu’un poursuivait un fantôme ou s’éloignait de l’empirisme, c’était sûrement Darwin qui admettait, avec franchise, que toutes les grandes transformations évolutives qu’il supposait ne s’appuyaient sur aucune preuve solide tirée de l’observation. Darwin lui-même reconnaît, dans sa lettre adressée à Asa Gray, que l’imagination doit combler de très grands vides ».
La Vie est-elle réellement connaissable par un entendement humain ?
B) Connaît-on réellement le vivant ?
Dans son ouvrage, Cancer…, Laurent Schwartz se montre très dur à l’égard de la biologie contemporaine en vertu des thèses souvent dogmatiques qui en émergent et dans l’oubli total de la complexité du vivant. Il la compare à la physique où l’on fait davantage preuve de prudence en matière de savoir. Selon lui, « la physique est une science avec ses incertitudes, mais la biologie d’aujourd’hui est encore une mythologie » (p.91). Certes, même si l’hypothèse de l’évolution biologique (nous préférons le terme de transformation ou, mieux, de mutation) telle qu’elle dérive de la théorie de Darwin, comportant un certain degré de certitude au point qu’il paraît normal de parler de l’« évolution », il n’en demeure pas moins que, malgré le progrès extraordinaire des sciences biologiques, on ne peut pas dire que nous savons réellement quels sont les mécanismes biologiques qui ont permis et ordonné, voire dirigé des transformations successives du règne des espèces vivantes. Malgré les incertitudes que l’humanité puisse connaître au sujet des savoirs réels relativement aux origines des espèces vivantes, de leurs modifications et de leur expansion sur la terre, au cours de la longue histoire de leur vie, la théorie darwinienne continue à secouer le monde des sciences du vivant, d’où émergent deux camps fondamentaux.
D’une part, les sectateurs qui continuent à vénérer le fondateur de cette théorie et à considérer son « hypothèse », comme il l’affirme lui-même, telle une religion, voire une divinité intouchable. Or, selon le professeur Didier Raoult, spécialiste des virus, notamment les macros virus, la science ne saurait être considérée comme une religion ni ceux qui la font progresser ponctuellement comme des espèces d’êtres divins. Selon lui, même si Darwin, par sa théorie de la « sélection naturelle » a permis un fabuleux progrès des sciences du vivant, il n’achève pas, pour autant, le progrès de celle-ci : « Darwin a beaucoup apporté à la science à un moment donné, son analyse est tout à fait intéressante replacée dans son contexte… Mais il faut se garder d’en faire une nouvelle religion.
Les scientifiques ne sont pas des croyants. Par nature, ils sont des renégats.
Ils sont amenés à changer d’opinion en fonction de l’apparition de nouveaux faits.
« C’est évident » ou « ça tombe sous le sens » sont des assertions parfaitement anti-scientifiques. En science, il y a ce que l’on connaît et ce que l’on ne connaît pas. Tant que les choses ne sont pas vérifiées, démontrées, on peut toujours avoir une opinion mais il faut se garder de la présenter comme une vérité révélée » . Et pourtant, telle est toujours la démarche fondamentale des sectateurs du darwinisme.
D’autre part, on trouve une catégorie de scientifiques, de plus en plus nombreux, d’ailleurs, qui, sans remettre en cause les principes fondamentaux des sciences biologiques, lesquels sont des acquis de la pensée rationnelle et qui sont aujourd’hui prouvés, s’opposent ouvertement à l’idéologisation anti-scientifique des sectateurs de la théorie de ce qu’il convient d’appeler la théorie de l’évolution darwinienne. Comme Didier Raoult, ils soutiennent qu’il y a, aujourd’hui, suffisamment de découvertes, de nouvelles données biologiques qui permettent de dépasser l’hypothèse de Darwin. Il n’y a plus lieu de s’accrocher à une telle théorie comme à une parole ou à une vérité révélée. Leurs thèses, d’une façon générale, sont plus conformes à l’esprit scientifique qui se fonde de plus en plus sur le doute philosophique pour interroger continûment la nature des phénomènes et, donc, pour rendre possible le progrès perpétuel des sciences du vivant. Car, comme le reconnaît Bernard Dugué, nous n’avons, en réalité, aucune connaissance précise de ce qu’est la vie ou du vivant qui en dérive. C’est en ce sens qu’il écrit : « il se peut bien que le mystère de la vie et de son évolution nous échappe, sans doute définitivement… La science n’accède qu’à des données indirectes, issues des interférences techniques aux contours formels, définis, sans pouvoir accéder à ce qui permet aux vivants d’émerger en tant que fonctions, intentions, aptitudes techniques et cognitives, transformations par bricolage » .
« Le mystère de la vie et de son évolution nous échappe »
création de Claire Cirey Joux, artiste plasticienne
C) La théorie du dessein intelligent (« Intelligent design ») comme avatar de la théorie de l’évolution
Nous avons déjà démontré, à partir de la définition du mot « évolution » comment ce concept pose un problème majeur dans les sciences du vivant. Et nous avons aussi montré que, même si Darwin était matérialiste, qui a pris soin de balayer de son champ d’investigation les croyances religieuses et l’idée de Dieu, il n’en demeure pas moins que les doctes et philosophes, dès son époque, lui reprochaient l’ambiguïté de sa conception de la nature. Darwin lui-même s’est défendu, certes, en parlant de métaphore. Or, cette métaphore, comme le concept d’évolution qu’il a fini par adopter, pose de sérieuses difficultés intellectuelles en matière de précision et de rigueur sémantique. En effet, tout se passe comme si la nature apparaît tel personnage divin tout-puissant qui organise le devenir des espèces vivantes, suivant des finalités immanentes. Donc, l’évolution comprend quelque chose comme le projet et/ou le dessein inhérent au sens de leur organisation, de leurs mouvements dans le temps. « Le plus de complexité » dont parle Darwin dans L’origine des espèces, obéit à une intention, un progrès, voire un devenir vers le mieux-être. Donc, et dans ce sens, si les espèces vivantes « évoluent » vers un mieux-être, cela suppose qu’elles ne sont pas livrées au jeu de l’aléatoire. Mieux, elles cheminent en la vie, se construisent se transforment suivant un plan immanent préétabli par un être transcendant dont il ne dit pas le nom.
C’est ainsi qu’on peut expliquer l’émergence de la théorie Dessein intelligent à partir de la théorie de l’évolution de Darwin, aux États-Unis. Selon Dominique Lecourt , qui a bien étudié cette théorie, celle-ci cherche des garanties rationnelles dans la pensée des philosophes grecs dont elle prétend tirer ses origines. C’est ainsi que les défenseurs de la théorie du « Design Intelligent », en proclamant cette filiation de leur pensée avec celle des philosophes hellènes, soutiennent que c’est bien, là, un gage de sa solidité rationnelle au même titre que n’importe quelle théorie. Est-elle scientifique ? Cet aspect n’intéresse nullement l’objet de notre enquête présente. Les tenants de cette vision des choses se fondent sur l’argument suivant lequel des philosophes grecs, comme Platon et son disciple Aristote, ont admis le Principe de l’ordre inhérent à la structure des phénomènes. Dès lors, comme le révèle l’évidence des recherches contemporaines, notamment, en biologie, la complexité de la nature indique un dessein volontaire de la Divinité, auteure de toutes choses. Ainsi, Platon, dans son Timée, en particulier, démontre que la cause première de l’univers et son créateur, en l’occurrence, le Démiurge, sont donc bons et sages. Plus exactement, le Démiurge ou artisan Divin, a construit l’univers à partir de la contemplation des Idées éternelles qui sont l’archétype parfait du Tout dont les dérivés ou les imitations ne manquent d’être intrinsèquement imparfaits. Quant à son disciple Aristote, dans sa Métaphysique (XIIe livre, « lambda »), il conçoit l’idée d’une « Cause motrice immobile », sous la figure du Divin. Celui-ci est donc le premier Moteur qui met toute chose en mouvement. Mais il n’a créé ni la forme ni la matière, contrairement au Démiurge qui apparaît comme un véritable architecte de l’univers.
Dès lors, les tenants de la théorie du « Dessein intelligent » soutiennent que la théorie de l’évolution darwinienne ne suffit pas ou plus à tout expliquer. Il faut nécessairement impliquer l’activité d’une intelligence divine derrière la nature. Désormais, aux États-Unis, même si une partie des tenants de cette théorie, considérée par les scientifiques comme une théorie « pseudo-scientifique », ont pris congé par rapport à la Bible, celle-ci est classée parmi les théories néo-créationnistes. Toutefois, le Dessein intelligent ne s’applique qu’aux domaines de la biologie pour dépasser le darwinisme qui a, pourtant, rendu possible son émergence. C’est en ce sens ce qu’ils rejettent le mécanisme des mutations aléatoires résultant de la sélection naturelle comme moteur des causes essentielles de l’apparition de nouvelles espèces.
Enfin, selon les défenseurs de la théorie du « Dessein intelligent », en biologie et en biochimie, la théorie scientifique classique de l’évolution par la sélection naturelle de Darwin ne suffit plus à expliquer l’origine, la diversité et la complexité de la vie. Une telle explication est incomplète en raison de son caractère simpliste et mécanique. En effet, on remarque dans la nature des exemples de cas de complexités irréductibles qui ne peuvent être expliquées par le darwinisme seul. D’où la place éminente qu’il faut accorder à la théorie du « Dessein intelligent ». C’est dans ce sens qu’ils estiment que cette théorie est un concept scientifique, matérialiste et testable dans les faits. Elle est expérimentale au même titre que toute théorie scientifique dont le darwinisme.
Toutefois, nous pensons que le dépassement possible du darwinisme, comme modalité d’explication des phénomènes du vivant, n’est pas à chercher du côté du « Dessein intelligent » (il a des tendances idéologiques), mais dans les rangs des scientifiques eux-mêmes.
C) La perspective du Professeur Didier Raoult
Dans son livre , Didier Raoult, faisant preuve d’esprit scientifique, fondée sur le doute et non sur la certitude, comme en témoignent les dogmatiques et autres non scientifiques, malgré leur formation scientifique du genre technique, entreprend de montrer les complexités du vivant que la théorie de Darwin ne pouvait ni déceler, ni même comprendre en son temps. D’une part, il prouve que le caractère du concept d’évolution dans la théorie du même nom, malgré les mises en garde par Darwin lui-même, et nous l’avons déjà montré, a donné lieu à des déviations ou à des considérations idéologiques, préjudiciables à des populations humaines données. À titre d’exemple, il fait la remarque suivante : « la vision raciste du XIXe siècle, donc, considérant que si les Européens étaient techniquement dominants, c’est qu’ils étaient plus aptes, plus évolués ; que les noirs et blancs s’étaient en un sens séparé dans l’arbre de la vie et que les premiers avaient moins évolué que les seconds » (p.23). Et il entreprend de prouver ce simplisme théorique en démontrant qu’au regard de la complexité de la vie et des réalités humaines, qu’une telle théorisation des faits est vaine et vide de sens. C’est l’ignorance de l’histoire des peuples de la terre qui conduit à de telles spéculations et visions schématiques des données humaines.
D’autre part, les révélations de la microbiologie devraient nous conduire à plus de modestie quant à l’idée que les descendants de l’Homo sapiens se font d’eux mêmes. On doit parler d’eux en termes de différence. Ainsi, selon ce spécialiste des macros virus, « la taille du génome n’a rien à voir avec celle de l’organisme. L’homme, par exemple, a nettement moins de gênes qu’un grain de riz ou que nombre d’amibes » (p.25). En ce sens, la notion même d’évolution n’a aucun sens, si l’on entend par ce terme un processus allant du simple au complexe impliquant une idée de qualité d’être. En outre, en raison du nombre considérable d’espèces de mini-vivants qui colonisent l’organisme de l’être humain ou qui prolifèrent sur son corps, on peut considérer que celui-ci « est une chimère ». Puisque toutes nos cellules elles-mêmes sont composées, il faut les considérer comme des « mosaïques ou des chimères ». Et tous ces vivants, internes à l’organisme ne cessent de se recombiner pour générer de nouvelles espèces de manière indéfinie.
Pour montrer la vision simpliste de la théorie darwinienne du fonctionnement inhérent à des espèces vivantes, Didier Raoult donne l’exemple de la bactérie Wolbachia qui a le pouvoir d’interférer grandement dans les modes de fonctionnement d’autres micros vivants. En effet, la bactérie Walbachia comme « certaines bactéries, en effet, peuvent influer sur la fertilité de leurs hôtes et sur la proportion chez eux de mâles et de femelles. D’une part, elles empêchent les femelles qu’elles ont infectées d’être fécondées par des mâles non affectés ; d’autre part, elles entraînent chez certains insectes la capacité à s’auto-cloner sans l’intervention d’un mâle. L’une de ces bactéries, en affectant des mythes, provoque une surreprésentation des femelles à la naissance. Une autre, en infectant les coccinelles, tue les mâles à la naissance, mâles qui servent alors de nourriture aux jeunes femelles. D’autres, enfin, vont jusqu’à transformer les mâles en femelles au stade larvaire de la croissance de l’insecte » (p.31).
Enfin, partant du fait que la « création » ou spéciation est une dynamique qui ne s’est jamais arrêtée dans le règne des vivants, il réfute l’idée darwinienne selon laquelle « la vie est apparue » avec un « ancêtre commun », à partir duquel les espèces vivantes se sont diversifiés et qu’elles ont suivi une évolution spécifique. Dans les faits, il est impossible de distinguer un tel ancêtre commun ; ce qui relève d’une fiction ou d’une chimère, ou à la limite d’une hypothèse de recherche. Ainsi, il est impossible, à partir de l’importante spéciation de l’homme, de voir ce dernier se reproduire avec une espèce. En d’autres termes « on ne peut créer de chimères entre l’homme et d’autres êtres visibles » (p.37).
A la limite, on peut admettre comme ancêtre commun des vivants, le code génétique. De même, on ne peut pas admettre l’argument issu de Darwin (il n’y est pour rien) selon lequel certaines espèces vivantes seraient plus archaïques par rapport à d’autres qui seraient plus modernes. Cet argument qui provient, en réalité, d’une rumeur du sens commun ou d’une erreur, est partagé par un grand nombre de gens. Il se dit que « les crocodiles sortent tout droit de la préhistoire. Ils n’ont pas évolué depuis des centaines de milliers d’années ». Cet argument est également est erroné et il est imputable à l’idée d’évolution des vivants. Au regard de la complexité de la Vie et du vivant, Didier Raoult propose d’emprunter des concepts opératoires en biologie aux philosophes (encore eux !). Et il pense que le terme rhizome tel que Gilles Deleuze et Félix Guattari l’ont conceptualisé est tout à fait de nature à embrasser quasiment la complexité de la vie et des vivants. C’est en ce sens qu’il écrit : « il faut donc maintenant compter avec l’idée qu’il existe à la fois des gènes hérités en grande partie de manière verticale et des gènes qui constituent des réseaux n’ayant plus rien à voir avec cette verticalité. Cette conception de l’organisation a été très bien décrite par Gilles Deleuze et Félix Guattari, en particulier dans un petit ouvrage, Rhizome.
Le rhizome et la partie souterraine de la racine de certaines plantes. Il peut, dans certains cas, se ramifier considérablement, avec des racines horizontales et verticales, jusqu’à en paraître inextricable. L’organisation de la vie que porte ce modèle diffère assez radicalement de celle que portent les arbres de toute essence issus de l’arbre darwinien. Deleuze et Guattari insistaient sur le fait que le rhizome met en évidence la complexité des origines » (p.152). Suivant ce modèle de conception des choses, on comprend que la surface de notre terre soit composée de micro-organismes, voire d’infinis organismes comprenant une mosaïque de gènes innombrables. Leurs origines se conçoivent sous l’angle soit de la verticalité, soit de la latéralité et/ou horizontalité. La surface terrestre est aussi riche de grands domaines de la vie que nous ignorons encore et d’autres que nous connaissons à peu près. A propos de ceux-ci, l’auteur cite l’exemple des « grands virus à ADN dont Mimivirus ». Elle compte même des variétés de gênes en grand nombre qui demeure encore inconnue ou qui aurait été produit à partir de morceaux de gênes de divers genres. Au regard de cette complexité indéfinie de la vie et de ses productions surabondantes que sont les multiples espèces vivantes sur notre commune Terre, le concept de rhizome semble adéquat pour la définir, la décrire et, sans doute, pour mieux la comprendre.
Arbre et transformation des figures du vivant
III- Idée de transformation et ou d’évolution
1) De l’importance de la clarté des concepts en science
Dans les derniers chapitres de son ouvrage, Didier Raoult revient sur l’apport indispensable de la pensée philosophique à la science, du fait de sa rigueur sur le sens des mots. Ce chapitre porte le titre suivant : « Notre avenir : une nouvelle manière de penser » ; puis il ajoute : « changer nos définitions pour changer notre manière de penser ». Dans le cas des philosophes français contemporains (XXe siècle), comme Gilles Deleuze, Félix Guattari ou encore Derrida, Didier Raoult laisse entendre qu’ils s’inscrivent dans la problématique d’interroger le sens des mots dont on s’accommode très vite par rapport à leur sens commun, qui est souvent erroné. L’enjeu de la philosophie et de la science contemporaines, consiste à insuffler une nouvelle dynamique porteuse de progrès, de portes ouvertes vers le futur en interrogeant et en déconstruisant les mots. Ceux-ci, on le sait, structurent le langage, créent des visions du monde et des habitudes de vivre et de penser qui sont toujours révolutionnaires, voire évolutionnaires par rapport à la manière dont le monde, à un moment donné, vit sous l’empire d’un paradigme ou des schémas de pensée stérilisants et myopes. C’est pourquoi, selon l’auteur, à l’instar de ces philosophes contemporains, « il n’y a pas d’autres solutions que de détruire les mots pour pouvoir faire émerger des concepts nouveaux, pour contrecarrer la puissance de l’habitude et de l’évidence, qui semble découler du concept institutionnalisé, bien assis, comme « embourgeoisé ».
Dans bien des cas, seule cette attaque radicale de définition permet de faire évoluer la conception générale des données » (p.143).
Dans cette perspective, François Jacob a bien montré que l’importation du langage de la cybernétique en biologie a accéléré le progrès des connaissances du vivant. De nos jours, et dans le domaine de l’hérédité, on parle volontiers de programme, de transmission de messages, de code, d’information etc. Ce sont des modélisations pour mieux lire, voire mieux comprendre le fonctionnement du vivant ; ce qui permet d’analyser le mieux possible leur structure, leur fonctionnement.
2) Evolution ou transformation ?
On sait que, depuis le XIXe siècle, les sectateurs de la théorie de Darwin, y compris lui-même en son temps pour mieux opérer un dépassement de son prédécesseur, se sont employés à réfuter le concept lamarckien de transformisme. Ils ont préféré le mot « évolution » pensant qu’il était une invention de Darwin lui-même. Or, dans le domaine des sciences du vivant, il y a plus de précision dans le concept de transformation que dans celui d’évolution. À titre d’exemple, Didier Raoult reconnaît lui-même que le concept d’évolution n’est pas d’usage clair et aisé en biologie. Préférant le mot « changement », qui fait penser à transformation, il considère que l’évolution se conçoit et se comprend comme un progrès. En effet, qu’on le veuille ou non, le terme évolution a une dimension propre qui présuppose l’amélioration, avec le processus d’avancement, de développement visant le mieux. Donc, forcément, l’évolution qui se comprend aisément quand il s’agit des productions de l’esprit humain et/ou de la culture au sens où il inclut une part de progrès ou de progression, d’intention, de mouvement vers une finalité supposée heureuse par une intelligence humaine. Quant aux processus de vie des espèces vivantes, qui peut dire clairement et pourquoi ils sont censés évolués ? Quelles raisons pourrait-on avancer pour expliquer, par exemple, l’évolution de l’éléphant, du cachalot, du serpent, du lion, du rat etc. ?
Sur ce point, la théorie de l’évolution de IBN Khaldûn nous paraît pertinente et plus précise au regard des exigences de la rigueur de la raison. Il a limité son hypothèse au cas de l’espèce humaine. Selon lui, celle-ci s’est détachée de sa similarité initiale avec, entre autres genres de vivants, le genre simien. Il a opéré cette mise à distance essentielle en vertu d’un dessein immanent à son essence dont la singularité réside dans les attributs que la nature ou, si l’on veut, Dieu lui a accordés. En ce sens, l’usage du terme évolution prend toute sa signification et toute sa force sémantique : l’homme a évolué par rapport au règne animal par la culture, par son intelligence, sa raison, sa spiritualité, voire sa transcendance favorisée par une volonté extrinsèque. Quant à la nature réelle et inapparente de l’ensemble des animaux, l’homme n’en sait pas grand-chose. Nous prétendons, aujourd’hui, les connaître. En réalité, ce n’est pas une connaissance effective, mais une projection anthropomorphique sur la complexité des autres vivants. Nos soi-disant savoirs ne sont rien d’autre qu’un beau miroir des constructions et des modélisations de notre superbe raison. Hormis nos interprétations fantaisistes, arbitraires et ineptes, les modalités d’être, les fonctionnements intrinsèques des animaux nous surprendraient toujours si notre raison mortifère ne s’employait, avec une énergie inouïe, à détruire la nature (les grandes forêts tropicales de certaines zones de notre commune Terre) pour de vulgaires raisons pécuniaires. Car ces forêts et ces espaces inconnus contiendraient des espèces vivantes qui, par leur nature, leur stratégie de survie, leurs fonctionnalités spécifiques frapperaient d’impuissance notre volonté de les saisir par notre intelligence intrinsèquement bornée, de les comprendre ou de les connaître. Que sont-ce donc nos sciences ? De belles constructions de notre raison. Nous ne pouvons pas avancer vers la profondeur des phénomènes au-delà de l’apparaître de ceux-ci ; ce que nous avons tendance à oublier et qui nous fait nous attacher à ces superbes et belles constructions abstraites comme une figure de fétichisme.
3) Idée de transformation en science biologique
En revanche, objectivement, mis à part le résultat de sa théorie, en l’occurrence, la fixité des membres modifiés d’une espèce vivante, le mot transformation, dans la théorie de Lamarck, convient davantage pour décrire les changements que les vivants ont opérés au cours du temps. La transformation présuppose nécessairement des métamorphoses et/ou de mutations inhérentes aux divers espèces vivantes et qui s’accompagnent de modifications apparentes. Il y a un processus sans finalité précise, ni projet quelconque à l’œuvre dans le concept de transformation. En réalité, celle-ci a une portée plus grande que le concept d’évolution. Car transformer, c’est modifier la forme de manière active et durable ; que ce soit par un organon, un agir artificiel ou par l’enjeu sous-jacent de la nature elle-même. Donc, elle concerne toute la dynamique qui entraîne des mutations diverses, quelles soient ponctuelles ou accidentelles ou quelles soient somatiques ou germinales etc., à l’œuvre au sein de la nature, notamment à travers les espèces vivantes ; même au niveau le plus élémentaire de la biochimie du vivant. C’est dans ce sens que Joël de Rosnay parle des « étapes successives de la transformation des microgouttes en micro-organismes primitifs ». À ce niveau de la soupe biochimique primordiale, « toutes les transformations ont une profonde influence sur la destinée individuelle de chaque microgoutte ». Et tout s’organise dans un équilibre pour pouvoir faire émerger quelque être. Car il suffit de réactions trop fortes pour provoquer un déséquilibre en empêchant, ainsi, les éléments qui favorisent la dynamique d’une microgoutte. Dès lors, selon Joël de Rosnay, « il se crée ainsi une relation étroite entre l’organisation interne d’une microgoutte de donnée et la nature de la transformation chimique qui s’y déroule » (p.153). Dans cette perspective, il conviendrait de réserver le terme d’évolution uniquement à la dynamique, aux possibilités de mutation et au progrès de l’espèce humaine. D’autant plus que le fait d’évoluer suppose un processus qui s’opère de manière quasi insensible, telle que la maturation de notre intelligence rationnelle par l’acquisition de la culture savante. Ainsi, l’évolution a davantage trait aux phénomènes intellectuels ou spirituels. C’est un aspect du concept fondamental de transformation. En effet, celle-ci génère des variations qui sont à l’origine de la diversité indéfinie des espèces vivantes sur notre planète.
Beaucoup de biologistes contemporains, notamment français, préfèrent, d’ailleurs, l’usage du terme transformation à l’œuvre dans le fonctionnement, le déroulement et les changements des organismes vivants par rapport au concept d’évolution. Et s’ils continuent de l’utiliser, c’est plus par automatisme ou par habitude de langage. Ainsi, selon François Jacob, toutes les formes de vivants aujourd’hui proviennent de celles qui ont existé autrefois. Et elles sont telles qu’on peut les voir dans la nature, en vertu de changements successifs, majeurs ou infimes. C’est en ce sens qu’il écrit « : tous les changements se sont faits graduellement et sans à-coups. Ce qui apparaît, ce ne sont jamais des nouveautés, mais toujours des variétés qui se différencient par divergences et isolement. La transformation d’une espèce en une autre ne représente que la somme des petits changements qu’a subis une série de générations successives en cours d’adaptation » (p.183).
Dès lors, ce qu’on a convenu d’appeler, à tort, évolution, en jeu dans les divers mécanismes et/ou processus biologiques sont les résultats de la transformation inhérente à l’essence des espèces vivantes. Ainsi en est-il des mutations, des changements héréditaires et/ou du matériel génétique. Que ces phénomènes se comprennent sous l’angle de « la sélection naturelle », chère à Darwin, voire de fluctuations, il s’agit toujours, et en dernier ressort, de la dynamique de la transformation des espèces vivantes.
Comment démêler cette intrication ?
création de Claire Cirey Joux, artiste plasticienne
Conclusion
Finalement, c’est le concept d’évolution, appliqué à l’ensemble du déroulement et changement, au cours du temps, des espèces vivantes qui pose un problème majeur d’un point de vue de l’épistémologie philosophique. Si les scientifiques ou une parie d’entre eux considèrent qu’il faut s’en tenir à ce qui est acquis parce que supposé prouver par l’expérimentation, l’esprit philosophique incline à plus d’exigence, de rigueur, voire de doute. Le scientifique dit : « c’est prouvé ! » Et il s’y attache sans se donner la peine d’interroger le « c’est prouvé ! » Ce faisant, il s’en tient à ce fait avec assurance et certitude qui confine à la croyance : la croyance en la belle figure des élaborations et des constructions hypothétiques, abstraites de la raison. C’est le cas de la théorie dite de l’évolution de Darwin. Mais alors, concernant la portée des transformations à l’œuvre dans toutes les espèces vivantes depuis près d’un milliard d’années, quelle intelligence humaine aurait l’omniscience pour savoir exactement comment tout cet édifice a été bâti ? Toute science, sur ce point, n’est-elle pas, au fond, une reconstruction après coup de ce que l’être humain peut observer ? Qu’est-ce qui prouve que cette reconstruction rationnelle est réellement conforme à la nature intime des phénomènes vivants non ? Déjà, à propos de la supposée évolution humaine, des philosophes, comme Nietzsche, en doutent à juste titre. En effet, selon Nietzsche, « l’humanité ne représente nullement une évolution en mieux, en plus fort, en plus haut, au sens où on le croit maintenant. Le « progrès » n’est qu’une idée moderne, c’est-à-dire une idée fausse. L’Européen d’aujourd’hui reste, en valeur, bien au-dessous de l’Européen de la renaissance » .
En effet, si tel était le cas, on le saurait depuis bien longtemps. L’homme aurait quitté l’empire de sa nature biochimique pour la culture et l’éclat de l’intelligence rationnelle. Celle-ci seule est la condition du progrès moral, intellectuel et spirituel. Cultivées à un degré supérieur, ces facultés mettraient des êtres humains sous l’angle d’une rationalité quasi divine éclairée par la lumière de l’amitié, de la paix, de la bonté etc. Son pseudo progrès ne touche pas à l’essentiel en lui ; il ne touche pas à l’intimité de son être qu’il se contente à peine d’effleurer. Bien au contraire, le progrès opéré par les descendants d’Homo sapiens s’en tient au fait de l’habiller avec les fatras des objets que lui apportent continûment les innovations techniques. Donc, ils se contentent de se complaire dans ces objets qui ressortent de l’avoir sans, pour autant, enrichir son être profond qui reste toujours vide et avide et creux, c’est-à-dire perpétuellement frustré.
Intelligence artificielle ou rêveries de la techno-science ?
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