De 21 à 25 ans : le plus bel âge de la précarité

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Mémoire de DCSF – Session 1996-1997 – Grenoble

Par Denis E.
Dirigé et corrigé par Pierre Bamony

INTRODUCTION

     Le rapport entre « jeune » et « exclusion » est difficile à définir puisque, à première vue, la jeunesse est un état de dépendance. Or, on remarque qu’actuellement, cette phase de vie tend à se prolonger, à s’amplifier à un point tel qu’elle devient un facteur ou un risque d’exclusion sociale. En effet, les jeunes ont de plus en plus de mal à accéder aux principaux attributs d’intégration de notre société : un emploi, un revenu, un logement indépendant…

   Le chômage est la cause de cette transformation. Les difficultés grandissantes que rencontrent les jeunes pour rentrer dans la vie professionnelle et s’y stabiliser, ont des conséquences importantes sur l’autonomie financière et matérielle qui est censée définir l’âge adulte. Par exemple, 30 % non diplômés ou titulaires d’un CAP-BEP sont, cinq ans après la fin de leurs études, sans emploi stable.

     Il apparaît, en conséquence, un prolongement de la vie au domicile parental au-delà de la maturité physiologique et sexuelle ; ce qui peut engendrer par là même des difficultés pour les familles les plus démunies. Malgré le désir des parents d’intégrer au mieux leurs enfants dans la société, certains ne peuvent continuer à les héberger après la fin de leurs études. Parallèlement, les jeunes peuvent mal accepter le fait de vivre encore, à leur âge, aux « crochets» de leurs parents ; ce qui peut aboutir à des situations conflictuelles. Lorsqu’ils se croisent en s’ignorant, lorsqu’ils ne se parlent plus qu’en claquant la porte, lorsque le foyer n’est plus qu’un lieu d’intendance, l’incompréhension laisse souvent place à une démission de l’une des deux parties devant ces relations profondément rompues. Par choix ou par obligation certains se retrouvent dans la rue sans « atout » d’intégration.

     Le risque principal des dix prochaines années résidera dans une insuffisance du nombre global d’emplois s’adressant aux jeunes[1]. Autant dire que dans un tel contexte, ce sont les plus bas niveaux de formation qui continueront d’être les plus touchés par le chômage.

   Je suis plus sensibilisée par la tranche des 21-25 ans puisqu’elle concerne la majorité de mon entourage, mais surtout car elle me parait réellement menacée. C’est d’ailleurs un dossier « Exclure l’exclusion »[2] qui m’en a fait prendre conscience.

   Victimes des tensions créées sur le marché du travail, ces jeunes doivent faire l’objet d’une attention soutenue en matière de politique économique, sociale et familiale, compte tenu de ce qu’ils représentent pour l’avenir d’une nation et de sa stabilité.

   Je m’intéresserai plus particulièrement aux jeunes en difficultés, consciente que ceux, sans qualification initiale, souffrant d’une absence de solidarité familiale, voire exclus du toit parental, sont les plus touchés par la précarité.

     Tout une palette de dispositifs existent pour y faire face, mais une catégorie passe à travers les mailles du filet du fait de leur pauvreté « financière ». Effectivement, elle a de nombreuses conséquences, notamment au niveau social, professionnel et psychologique ainsi que dans les domaines de la santé et du logement. Sans ressource, ces jeunes se retrouvent dans un monde à part, où leur (sur)vie dépend totalement des autres.

   Ainsi, comment éviter leur marginalisation et ses conséquences à court et long terme quand ils sont exclus de leur famille ?

* Les 18-21 ans, en rupture familiale, peuvent bénéficier d’une aide conditionnelle. Elle est accordée en regard de la situation de précarité et de l’engagement pris par le jeune à tenter de mener à bien un projet d’insertion. Un contrat (Aide Pour Jeune Majeur) lie le jeune et le Conseil Général par l’intermédiaire d’un de ses travailleurs sociaux. Cette aide peut prendre plusieurs formes : une aide matérielle régulière, contractuelle assortie à « la mise à disposition » d’un travailleur social de l’Aide Sociale à l’Enfance chargé du soutien éducatif ou d’un accompagnement social. Elle est facultative et varie suivant les départements.

   Quelle que soit la situation ou l’avancée du jeune dans son cheminement vers l’insertion, cette possibilité d’aide prend fin à son 21e anniversaire.

* Les plus de 25 ans en état de précarité, bénéficient d’un dispositif garantissant un minimum de ressources pour pouvoir s’assumer et engager des démarches d’insertion. Les conditions d’attribution de ce Revenu Minimum d’insertion sont l’âge et les gains mensuels.

   Ces limites d’âge interdisent de fait, aux jeunes âgés de 21 à 25 ans sans enfant, en situation de précarité, de bénéficier d’une garantie de revenu minimum. On peut donc s’interroger sur les raisons de ces limites et sur les réticences du législateur à élargir ces dispositifs pour les rendre solvables, en contrepartie d’un contrat d’insertion.

Ces questionnements m’ont amené à formuler l’hypothèse suivante :

   Un Revenu Minimum d’insertion « Jeune » destiné aux 21-25 ans, sortis du système scolaire et en recherche d’emploi, permettrait une meilleure prise en compte de leur situation et augmenterait leurs chances d’insertion.

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    Ce revenu leur apporterait une certaine autonomie financière. Ces jeunes « adultes » pourraient ainsi bénéficier des dispositifs déjà existants, mais qui nécessitent un revenu.

   Afin de vérifier mon hypothèse, j’ai été amenée, tout d’abord, à étudier la première forme d’aide existante pour ces jeunes, qui est la solidarité familiale. Au vu de son importance et de ses limites, je me suis intéressée aux conséquences d’une rupture au sein du foyer. Nous pourrons alors voir comment ces jeunes, devenus SDF, font face à cette précarité.

   Ensuite, j’ai étudié les mesures et les dispositifs mis en place pour les 21-25 ans afin de pallier à cette exclusion et en quoi ils ne sont qu’une aide partielle à leur insertion.

Enfin, suite à cette étude et aux divers témoignages qui m’ont été apporté, j’ai analysé les solutions et les réticences à la création d’une telle aide au niveau national. Nous pourrons voir l’exemple de Nantes où un dispositif est soumis au niveau local en faveur des 18-25 ans.

    Une réflexion sera également menée pour savoir dans quel cadre et sous quelles conditions les jeunes pourraient bénéficier d’un RMI Jeune, bien que ce projet soit grandement inspiré du RMI.

 


MÉTHODOLOGIE

     Afin de répondre objectivement aux diverses interrogations soulevées précédemment et pour vérifier l’hypothèse émise, j’ai eu recours à différents outils méthodologiques qui se sont construits de façon «progressive». En effet, chaque nouvelle étape, (entretiens essentiellement), m’apportait des données sur lesquelles je m’appuyais pour franchir les suivantes. Elles m’ont parallèlement permis d’affiner mes méthodes au fur et à mesure, afin de les adapter au mieux à ce que je recherchais.

 

Les recherches bibliographiques

     Ces recherches documentaires m’ont apporté toutes les connaissances théoriques essentielles, sur l’ensemble des thèmes abordés dans ce mémoire. Les livres, les revues, les articles et les bilans m’ont permis une vision globale de la situation des jeunes. Chaque lecture parallèlement aux témoignages, me conduisait à de nouvelles réflexions, induisant ainsi une adaptation de mes méthodes de recherche aux différents publics concernés, tels que les jeunes SDF, les jeunes bénéficiant de la solidarité familiale et les personnes confrontées à leurs problèmes.

 

Les entretiens avec les jeunes

   Les rencontres que j’ai pu faire avec eux lors d’un stage de deux semaines au sein de la Mission Locale de Crolles (Isère), m’ont apportée des éléments pour la construction d’une grille d’entretien. Ainsi, j’ai pu avoir un aperçu global des habitudes et du vécu des sujets interrogés (cf. annexe 1-A, 1-B, 1-C). Les raisons pour lesquelles j’ai choisi une passation, orale sont, d’une part, le fait que cette population est très souvent sollicitée pour diverses études auxquelles elle ne porte généralement que peu d’intérêt. D’autre part, je devais entrer en contact avec deux types de public ne fréquentant pas toujours les mêmes institutions Le fait d’aller moi-même à la rencontre des SDF était nécessaire puisque la vie de ces jeunes rend inutile la prise de rendez-vous, auxquels ils ne se présentent que rarement.

 

     J’ai pu mener au total quatorze entretiens :

            7 avec des jeunes logeant chez leurs parents et fréquentant les Missions Locales, ainsi que des jeunes de mon entourage.

            7 avec des jeunes SDF fréquentant le « Point Accueil Jeune », avec lesquels le directeur m’a donné l’autorisation de m’entretenir s’ils le désiraient. J’ai pu rencontrer aussi cette population au Secours Catholique de Grenoble, lors d’un repas pris en commun à « Clé de contact », association proposant des repas à midi pour les Sans Domicile Fixe.

     Mon sujet étant relativement vaste, et la grille prévue au départ contenant un grand nombre de thèmes, je ne pouvais donc pas les approfondir tous. Il m’a alors semblé primordial de ne pas m’arrêter aux seules questions prévues par mon enquête, mais de m’entretenir longuement avec chaque jeune afin de recueillir des témoignages de leur vie quotidienne. Ceux-ci apparaîtront dans le texte comme suit : «entre guillemets et en caractères gras ». Cela était d’autant plus nécessaire que leur « vécu » est souvent douloureux.

   Cette attitude leur a permis d’évacuer un peu de leur « mal-être » et ils ont exprimé à plusieurs reprises une gratitude : celle d’être entendu sans être jugé.

   Ces entretiens débutaient par la présentation de mon hypothèse, ce qui, en général, suscitait chez eux de vives réactions, telles que « ça c’est une bonne chose ; enfin ! ; ça diminuerait la délinquance » ; et une coopération quasi spontanée. Le temps passé auprès d’eux, entre une heure trente et deux heures par entretien, montrait bien qu’ils se sentaient directement impliqués par ce projet et une envie de me faire partager leurs galères quotidiennes. Par la même, j’ai pu découvrir comment se « débrouillaient » les jeunes SDF.

   La jeunesse n’est pas un groupe homogène. D’un milieu à un autre, d’un jeune à un autre, le déroulement de la vie est différent. Il faut noter que les réponses apportées ne peuvent en aucun cas être généralisées puisqu’elles sont limitées à un échantillon réduit, à une phase précise de leur existence. Ils auraient peut-être répondu différemment à un autre moment.

 

Entretiens avec des personnes confrontées aux problèmes des jeunes

   Parallèlement, j’ai tenu à rencontrer des personnes confrontées aux problèmes des jeunes, afin de savoir ce qu’ils pensaient d’un Revenu Minimum d’insertion Jeune pour les 21- 25 ans et les conditions dans lesquelles il pourrait être attribué. Pour obtenir un résultat objectif, j’ai rencontré :

            – des élus, afin d’avoir l’avis des différents « politiques » tels que celui d’un conseiller municipal délégué de la ville qui encadre la jeunesse ; une conseillère régionale (adjoint au Maire) chargée de l’insertion sociale, de la formation professionnelle et de l’emploi ; une élue aux affaires sociales d’un Centre Communal d’Action Sociale et un adjoint au Maire chargé de la solidarité et de l’exclusion ;

            – une directrice de CCAS ;

            – des directeurs d’institutions tels que celui de la Mission Locale et celui du Point Accueil Jeune ;

            – une chef de circonscription au conseil général ;

– et, enfin, des travailleurs de terrains directement en relation avec les jeunes, comme le responsable d’une association qui s’occupe de « clé de contact », ainsi que l’adjoint du centre d’hébergement Durand Savoyat.

   A l’aide d’entretiens semi-directifs (cf. annexe 2 – A), j’ai pu analyser les avis de ces personnes suivant leur niveau d’implication (cf. annexe 2 – B).

 

Voyage à Nantes

     Au cours d’un entretien, j’ai appris qu’un dispositif se nommant RIJ (Revenu d’insertion pour les Jeunes) avait été mis en place à Nantes pour les jeunes de 18 à 25 ans. J’ai donc décidé de m’y rendre pour rencontrer l’élu et les travailleurs sociaux responsables, dans le but d’obtenir leur avis sur cette expérience.

    Après avoir exposé mon hypothèse et les raisons de ma visite dans leur ville, cet élu m’a dirigée vers les travailleurs sociaux susceptibles de répondre à mes attentes.

     En téléphonant au préalable, j’ai pu regrouper tous mes rendez-vous dans une même semaine et, ainsi, faciliter et préparer correctement mon voyage. Il a été très bénéfique et constitué une étape importante dans mon travail de recherche.

LA SOLIDARITE FAMILIALE

    Avant tout, il paraît essentiel de définir ce que l’on entend par « solidarité familiale». Hubert BRIN, administrateur de l’Union Nationale des Associations Familiales, déclarait en 1992 « elle traduit les liens à la fois affectifs, psychologiques et matériels qui se tissent entre les membres d’une communauté familiale ». Il ne faut donc pas la confondre avec la politique familiale, ni avec les prestations familiales : les trois doivent être complémentaires.

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I – Comment se manifeste-t-elle et pourquoi ?

   La solidarité familiale existe depuis toujours, mais constitue aujourd’hui une aide précieuse et non négligeable pour les jeunes. Une rupture avec le réseau de parenté peut s’avérer gravissime pour eux.

 

I-A Historique et évolution par rapport à révolution de la jeunesse

 

I-A-l – Historique

    Les grandes familles de jadis qui soutenaient, de leur naissance à leur mort, chacun de leurs membres ont peu à peu disparu. Durant les années 60, nous vivions dans une civilisation de déracinement, où la solidarité était réduite à la durée d’une éducation. Une fois cette période éducative terminée, les liens d’obligations entre parents et enfants étaient rompus. Chaque cellule, l’ancienne et la nouvelle, vivait indépendamment sa vie. L’autonomie résidentielle, l’indépendance économique et le mariage allaient de soi. Les petites cellules conjugales y survivaient tant bien que mal grâce au marché du travail encore ouvert et à l’imposant appareil d’assistance que la collectivité avait peu à peu mis en place. De ce fait, dans les discours et les pratiques des responsables de la politique sociale, on trouvait peu ou pas d’incitation à entretenir ou reconstituer les liens familiaux intergénérationnels.

     Petit à petit, le soutien social public en était venu à se substituer à des liens qui étaient considérés comme « naturels », et personne ne croyait plus possible de les rétablir.

   « Ainsi, dans les années 1975-1980, la solidarité familiale entre les générations mourut et chacun vivait pour soi »[3]. C’est un constat qui semblait bien établi jusqu’à ces derniers temps.

   Cependant, depuis une vingtaine d’années, est apparu l’intérêt de poursuivre des études. Emergence au grand jour d’un phénomène qui cheminait souterrainement depuis de longues années. Parallèlement, la crise économique de l’emploi s’aggravait. Aujourd’hui, si crise il y a, c’est celle de l’État providence qui n’en peut plus de jouer « le substitut du père, du fils et du pourvoyeur » ; d’où un appel renouvelé aux familles pour qu’elles assument leurs devoirs et résolvent les problèmes auxquels la collectivité ne peut plus faire face[4].

I-A-2 – Les liens familiaux face à une entrée de plus en plus tardive des jeunes dans la vie adulte

   Entrer dans la vie adulte signifie occuper un certain nombre de statuts : avoir un emploi, être installé dans un logement indépendant de celui de ses parents, vivre en couple et fonder une famille. Or, le départ de chez les parents ou la formation d’un couple sont maintenant plus tardifs qu’autrefois.

 

a – Une cohabitation prolongée

    Le recul de l’âge auquel les jeunes partent du domicile parental n’a pas été linéaire. La proportion des jeunes vivant chez leurs parents a augmenté régulièrement jusqu’à la fin des années 80 pour ensuite se stabiliser, avant de croître de nouveau à partir de 1993. Une enquête récente de l’INSEE a évalué à 3 ans le recul de l’âge moyen du départ de chez les parents depuis 1980. D’après les Actes du colloque National de l’INED du 12/1991, 45 % des jeunes logeaient encore chez leurs parents entre 20 à 24 ans en 1982 (53 % de garçons et 38 % de filles) et 6 ans plus tard cette proportion est passée à 53 % (60 % de garçons et 45 % de filles). On remarque donc une hausse permanente de la dépendance familiale.

   Une analyse de ces évolutions[5] s’explique pour moitié par l’allongement des études et pour l’autre, par le chômage et l’impossibilité d’assumer un logement.

 

bUne scolarité toujours plus longue

   Cette cohabitation tardive est effectivement due en grande partie à la prolongation de la scolarité qui retarde le franchissement des autres étapes : l’accès à l’emploi, l’accès à un logement indépendant pour vivre en couple et fonder une famille.

     L’âge moyen de fin d’études des jeunes nés en 1963 était compris entre 18 et 19 ans, contre 21 ans pour ceux qui sont nés en 1971[6]. De 1980 à 1994, le nombre d’étudiants est passé de 800 000 à 128

5 000[7]. En effet, aujourd’hui, un jeune français sur quatre s’inscrit à l’université. Ce constat fait de la France le seul pays où les jeunes allongent autant leurs études[8].

   La généralisation de l’enseignement autorise en principe l’espoir pour quiconque d’obtenir des diplômes qui ouvrent droit aux emplois valorisés. Cependant, 30 à 40 % des jeunes continuent à arriver sur le marché du travail sans qualification précise. Ce sont en général ceux qui sortent des milieux les moins favorisés.

     La transmission familiale joue donc un rôle non négligeable dans la poursuite des études ou dans l’obtention d’un emploi[9]. Par exemple, si un jeune issu de la classe ouvrière acquiert un diplôme de l’enseignement supérieur, l’emploi qu’il obtiendra restera en deçà de ceux des enfants de familles favorisées. Il n’aura pas les mêmes ambitions forgées par ses parents, ni les mêmes réseaux d’informations ou de relations utiles.

   En général, le maintien prolongé au domicile familial des étudiants est librement consenti par les parents.

   A l’allongement des études, s’ajoute le chômage des jeunes à la recherche d’un emploi.

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c – Évolution de l’emploi des jeunes

     La période des « trente glorieuses », se caractérisait par une situation de quasi plein emploi, voire de pénurie de main-d’oeuvre. Lui a succédé une situation économique où la demande de travail excède les emplois disponibles. L’accès des jeunes à un emploi stable est en conséquent de plus en plus long et l’insertion professionnelle passe fréquemment, voire nécessairement par une phase de chômage. On peut voir dans l’annexe 3 que les 15-24 ans ont toujours eu plus de difficultés que les plus de 49 ans à rentrer sur le marché de l’emploi et ce, d’autant plus aujourd’hui. Ce phénomène peut s’expliquer par la réticence des employeurs ; il s’observe même chez ceux qui sont diplômés de l’enseignement supérieur : un sur dix est au chômage.

      Les premiers servis sont tout de même situés en haut de l’échelle des qualifiés, ceux du bout rencontre de plus grandes difficultés (cf. annexe 4). La file d’attente explique le processus de déqualification à l’embauche. Le flux de diplômés est à chaque niveau supérieur au « stock » d’emplois théoriquement destinés à les recevoir. Le surplus de qualifiés vient par conséquent occuper les emplois de qualification immédiatement inférieure, renforçant par ce glissement l’exclusion en bout de file[10]. Ainsi, sur 746 000 jeunes de 16 à 25 ans inscrits à l’Agence Nationale Pour l’Emploi (soit un taux de chômage de 24.8 %, Février 1994), un tiers correspondent à des non diplômés de niveau VI.

Cette réalité ne tend qu’à s’amplifier (d’après une étude du Bureau d’information et de prévision économiques). Autant dire que la structure du marché de l’emploi est relativement plus favorable aux diplômés.

    Par ailleurs, Patrick WERKIN[11]constate que sur 4 millions de jeunes de bas niveau de qualification sortis du système scolaire en 1989, 71 % de ceux qui ne sont passés par aucune mesure d’insertion professionnelle ont trouvé un emploi stable en décembre 1993 contre 48% de ceux qui étaient passés par au moins une mesure. Ceux qui passent par ces filières ont donc des revenus inférieurs et sont « marqués » vis-à-vis de l’employeur. Elles permettent aux jeunes de travailler, mais ils sont payés à faible coût. Elles correspondent donc à des emplois précaires qui ne leur permettent pas, généralement, une bonne réinsertion[12]. C’est pourquoi, la famille est un rempart contre la marginalisation des jeunes quant aux difficultés au niveau de l’emploi, du revenu et du logement.

      Ces données nationales vont effectivement dans le même sens que la moyenne des jeunes interrogés. Dans l’ensemble, leur âge est de 21 ans. Environ la moitié des jeunes gens est encore chez leurs parents hormis quelques cas, l’autre est constituée de jeunes SDF. Pour ceux qui logent chez leurs parents, leur scolarité a pris fin en moyenne à l’âge de 18 ans ½, contre 17 ans ½ pour les autres. On constate que les jeunes domiciliés chez leurs parents ont un niveau d’étude plus important que les jeunes SDF (cf. annexe 5). En moyenne, 21 % sont de niveau V bis, 43 % de niveau V, 36 % de niveau IV et voilà 3 ans qu’ils recherchent un emploi stable. La majorité a déjà travaillé en emplois précaires de type : travail saisonnier (43 %), petits boulots (43 %), CDD (15 %), intérim (8 %), CES (8 %)…

      Mme F. MORGENSZTEN0[13], chargée de mission à la délégation interministérielle affirme « que les adultes ont vu disparaître le monde du « vrai boulot » et les jeunes ne rencontrent désormais plus que le vide ».

    Les jeunes qui proviennent du milieu populaire et exerçant des formes particulières d’emploi (intérim, l’apprentissage, les stages de formation professionnelle, les contrats aidés, les contrats saisonniers…), sont ceux qui, souvent, viennent en aide à leurs parents en restant de façon prolongée au domicile familial. Ils donnent ainsi, tout ou une partie de leur faible pécule (allocation de stage, indemnité de chômage …).

   En tout état de cause, ce revenu serait insuffisant et trop instable pour leur permettre de vivre en toute indépendance. Le soutien familial peut donc s’exercer dans les deux sens de la filiation. Il en va différemment pour les filles qui, elles, décohabitent toujours plus tôt et ont plus souvent recours au mariage[14].

   En conclusion, la jeunesse n’est donc plus ce qu’elle était et les étiquettes « valsent » pour la désigner. Elle n’est évidement pas une classe, mais simplement « un nouvel âge de la vie » à part entière (d’après Olivier GALLAND, sociologue de la jeunesse). Elle est la transition qui ne cesse de s’allonger, au-delà de l’adolescence, entre l’enfance et l’âge adulte. Elle représente pour un grand nombre de gens, le cycle infernal de l’exclusion (orientation négative, déscolarisation, chômage, stages impuissants…).

   Le fait qu’il n’y ait pas d’aide financière pour les jeunes de 21 à 25 ans favorise la tendance à rester le plus longtemps possible chez ses parents.

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I-B – Importance de cette aide pour les jeunes

    Ce soutien de la part des parents est engendré par le fait que l’offre du marché du travail présente des carences et de telles rigidités qu’elle ne peut satisfaire tous les besoins des jeunes qui sont complexes et multiformes. Ce qui explique, en outre, le développement des services « hors marchés » telles les associations caritatives pour ceux qui sont exclus du toit parental. La solidarité familiale joue donc un rôle de substitut par rapport à une intervention extérieure, un intermédiaire entre le jeune et la société.

   Même s’il s’agit pour beaucoup de parents d’une charge lourde, l’hébergement complet ou partiel des jeunes apparaît comme une nouvelle norme, du moins, tant que ces derniers s’en accommodent. En effet, les jeunes constituent le pivot de la vie affective des Français. 86 %[15] des parents ayant des enfants de moins de 24 ans les placent au premier plan de leurs préoccupations.

   Ces liens familiaux maintiennent le jeune dans un réseau de « socialisation originel »[16], en lui apportant un soutien social, économique et psychologique. Ils lui permettent ainsi de garder un sentiment d’intégration, une capacité à rentrer en contact avec l’extérieur et facilitent une attitude positive dans sa recherche d’emploi.

     Si l’on reprend la différenciation établie par Agnès PITROU dans LA SOLIDARITÉ FAMILIALE, on distinguera respectivement deux aides suivant la situation du jeune :

            * l’aide de promotion, que reçoit l’étudiant, en bénéficiant du toit familial et des services matériels qui l’accompagnent. Elle est destinée à favoriser la préparation de son avenir socioprofessionnel. Sans elle, il mettrait plus de temps à atteindre une situation favorable.

            * l’aide de subsistance, que reçoit le chômeur pour parer aux difficultés du moment. Elle se définit par des coups de mains qui ne demandent pas de ressources financières importantes, mais lui permettent de faire face aux obligations de chaque jour. Cette aide est fondamentale même si elle ne modifie pas sa situation socioprofessionnelle.

     La solidarité familiale se manifeste donc par une économie de la parenté[17], c’est-à-dire un flux constant d’aides et de services circulant à l’intérieur du réseau familial.

 

I-B-1 – Le soutien psychologique

     La sécurité apportée par cette solidarité permet à chacun d’affronter efficacement un certain nombre d’expériences difficiles. Dans ce cas précis, le jeune face à sa situation actuelle, peut avoir de l’anxiété par rapport aux manifestations diverses pouvant aller de la culpabilité à l’angoisse du « vide », de l’effondrement aux sentiments violents tels la haine et le désir de mort.

     Les liens familiaux, et notamment ceux avec la mère, créent une sorte d’enveloppe psychologique qui évitent ou amoindrissent justement ce morcellement.

      Donc, le jeune reste également chez ses parents parce qu’il s’y sent bien. Il apprécie sa présence et celle de sa fratrie ainsi que les relations affectives qu’elles peuvent lui apporter, bien que celles-ci restent marquées par « le protectionnisme des psychologies adolescentes »[18].

   Deux jeunes en particulier se sont plaint de ce cocooning de la part de leurs parents : « c’est étouffant, j’ai l’impression d’être encore un enfant à qui on apprend les premiers pas. J’ai 22 ans, je voudrais être indépendant et adulte et personnellement, je trouve qu’ils me couvent ».

     Dans l’ensemble, si l’on observe les réponses des jeunes logeant chez leurs parents, à la question « ce qui vous paraît le plus important, mais difficile à concrétiser aujourd’hui », en moyenne, la première proposition était « de trouver un emploi », la seconde « acquérir une qualification reconnue » et seulement en troisième « avoir un logement autonome ». Ceci montre bien que pour la majorité de ces jeunes, avoir un logement indépendant n’est pas la priorité.

   Le dialogue entre les générations existe davantage qu’autrefois. La famille est devenue un lieu d’échange privilégié ou les jeunes peuvent raconter leurs problèmes où dans la majorité des cas, ils sont entendus. Tous ont mis en avant l’avantage d’un bon soutien psychologique de la part de leurs parents. Comme me témoignait plus particulièrement une jeune fille « heureusement qu’il y a ma mère pour discuter, je ne sais pas comment je ferais sans elle. Cela fait maintenant un an que je suis à la recherche d’un emploi et je commence vraiment à perdre confiance en moi, j’ai même honte de sortir avec mes amies. Ma mère me soutient et me motive ».

   Cependant, dans bien des familles encore, certains jeunes gens regrettent le manque de communication avec des parents trop absents ou trop occupés par une grande fratrie. On voit alors apparaître le phénomène et l’importance des groupes de copains où les jeunes peuvent « tchatcher » entre eux.

     Néanmoins, les liens entretenus avec la parenté ne sont pas uniquement tissés de sentiments, de principes, de valeurs et d’habitudes. Il faut également les préserver car ils proposent tout un éventail de biens et de services, qui sont en fait une obligation légale.

I-B-2 – C’est aussi un devoir de famille

   L’obligation alimentaire est réciproque (d’après l’article 207 du code civil) entre époux, ascendants et descendants légitimes, parents et enfants adoptifs. En effet, il ressort de l’article 203 du code civil sur l’obligation d’entretien des enfants, entrant dans le cadre de l’obligation alimentaire, que les parents doivent donner à leurs descendances les soins nécessaires. Ainsi, les nourrir, les entretenir et les élever résultent d’une obligation légale sauf si les parents démontrent qu’ils sont dans l’impossibilité matérielle de le faire.

     Dès lors qu’ils ne sont pas dépourvus de ressources, ils doivent contribuer, à proportion de leurs facultés, à ces obligations. Cette procédure peut être exécutée en nature ou par la voie d’une pension dont le montant est fixé par le juge des affaires familiales en cas de litige.

     Les « aliments » sont destinés à couvrir les frais indispensables à la vie, tels que la nourriture, le logement, les vêtements et les soins médicaux. Sauf disposition contraire du jugement, les effets de la condamnation à paiement d’une pension alimentaire pour l’entretien d’un enfant ne cesse pas de plein droit à sa majorité.

     Or, très peu de jeunes en errance ont recours à ce droit. Je n’ai moi-même rencontré aucun l’ayant fait valoir et ce pour plusieurs raisons. La première est le fait d’en être informé. Ensuite, faire valoir ses droits signifie aller en justice et attenter un procès à ses parents. C’est le cap le plus difficile à franchir puisque cela constitue un frein psychologique important. En effet, il est très traumatisant d’amener ses parents en justice. Si le jeune est parti de lui-même, il préfère ne rien réclamer par fierté.

    Dans le cas où il veut faire valoir ses droits, il doit prouver que sa situation nécessité une aide alimentaire de la part de ses parents ; d’où la complexité de cette intervention judiciaire. Ces deux éléments sont généralement très dissuasifs.

I-B-3 – Le soutien familial à plusieurs niveaux

   Ce soutien peut prendre des formes très diverses suivant les familles : l’entretien du linge, le prêt de voiture (43 % des jeunes logeant au domicile parental peuvent bénéficier de la voiture de leurs parents), les aides aux démarches administratives… Les plus importantes sont les relations et les informations utiles de la parenté contribuant à trouver un logement ou/et un travail.

 

a – Au niveau professionnel

   Un jeune sur cinq trouve du travail grâce à ses parents[19]. Cette aide peut aller du simple coup de pouce pour signaler un emploi disponible, à l’entrée pure et simple dans l’entreprise familiale. 89 % des ouvriers et 77 % des cadres supérieurs sont d’accord avec l’idée qu’il faut faire jouer ses relations pour aider son enfant[20]. On peut donc parler de « piston » de la part des parents avec des relations influentes. Ce soutien est de plus en plus déterminant à notre époque où les jeunes trouvent difficilement du travail.

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     Ce « piston » est plus facile quand les deux parents travaillent, bien que ce soit généralement le père qui se charge de cette tâche. La mère privilégie les relations affectives. Pour les classes sociales très défavorisées, ces possibilités sont minimes dans la mesure ou le réseau de « relations utiles » est limité.

     Néanmoins, les familles se sentent de plus en plus démunies devant l’impossibilité d’agir efficacement sur le plan de la recherche d’emploi de leurs enfants, ou d’une orientation professionnelle concrète.

b – Au niveau du logement

 

   Depuis la fin des années 80, la famille reste « un nid douillet » dans lequel il fait bon vivre. En 1996, 55 %[21] des jeunes de moins de 24 ans vivaient encore chez leurs parents. Certes, les difficultés économiques expliquent largement cette cohabitation prolongée, mais elle ne serait pas possible si l’entente avec les parents n’était pas bonne. Les parents font des efforts importants pour que cette dépendance s’effectue sans trop de heurts. Ils acceptent d’ailleurs épisodiquement le ou la petite amie à leur domicile. Certains accordent même la venue du conjoint de leurs enfants à demeure. D’après une enquête de Francoscopie (1997), 60% des ouvriers et 39 % des classes supérieures sont d’accord avec l’idée que les parents doivent accepter chez eux le jeune couple, s’il n’a pas les moyens de s’installer. Le taux relativement faible des classes supérieures par rapport à celui des ouvriers pourrait s’expliquer par le fait qu’ils préfèrent fournir un appartement indépendant à leurs enfants en difficultés.

     C’est le cas d’une jeune fille avec laquelle je me suis entretenue. Ses parents avaient à leurs charges l’ensemble de ses dépenses : du logement à la nourriture en passant par le chèque pour le médecin jusqu’à l’argent de poche. Comme elle le reconnaissait «je sais que j’ai énormément de chance d’avoir des parents qui ont la possibilité de le faire, mais le jour où il y a un conflit et qu’ils arrêtent de me donner cet argent, je vais être vraiment perdue ».

 

I-B-4 – le soutien économique

     L’évaluation de ce soutien est quasi impossible du fait de la difficulté de recensement. En effet, ces aides sont souterraines, distribuées « de la main à la main ». Elles échappent donc aux statistiques officielles. Elles peuvent se présenter sous des formes différentes, j’en citerai deux :

            * les aides pécuniaires qui se transmettent sous la forme de dons ou de prêts d’argent ;

             * les aides patrimoniales qui se transmettent sous une forme plus concrète, telle que l’équipement ménager, la voiture ou bien encore la maison…

       Les sommes versées sont variables suivant le niveau social et professionnel des parents. Les flux financiers circulent également à travers les générations et se multiplient lorsque les donateurs sont à la retraite. Après soixante ans, une personne sur trois aide financièrement son entourage familiale[22]. Elles permettent environ au quart de l’effectif total des jeunes de 18 à 29 ans, ne percevant aucun revenu d’activité, de « vivoter ». Cependant, le niveau de formation joue un grand rôle : les titulaires de diplômes supérieurs sont plus fréquemment aidés financièrement que les jeunes non diplômés[23]. En d’autres termes, mieux on est positionné socialement, plus on a de chance d’obtenir de l’aide de son entourage. Ce que l’on dénomme soutien économique peut participer à renforcer les inégalités, dans la mesure ou se sont toujours ceux qui en ont le plus besoin qui semblent le moins en bénéficier.

Comme nous venons de le voir, les formes d’accompagnement apportées par le réseau familial sont multiples. Il ne faudrait cependant pas croire qu’elles peuvent tout résoudre. Des limites peuvent survenir aussi bien de la part des aidants que des aidés.

I-C – La solidarité comporte aussi ses limites

   La solidarité familiale peut ne pas être au « rendez-vous ». Les liens affectifs entre parents et enfants peuvent également s’atténuer au fil du temps. Dans cette analyse de situation, je ne m’attarderai pas sur les problèmes de maltraitance physique ou psychologique, même si dans certains cas ils sont la cause du départ du jeune.

 

I-C-l – Prestations familiales et « grands enfants »

   Le système actuel de prestations familiales ne répond pas toujours de façon satisfaisante à ces nouvelles situations. A 20 ans, le jeune perd le statut « d’enfant à charge ». Au-delà de cet âge, sa situation matérielle ne sera plus prise en compte, ni même la charge supplémentaire que doit supporter leur famille du fait de leur présence (un jeune représente environ 35 % du budget d’un couple[24]. Pour les parents, eux aussi, touchés par la crise, les grands enfants peuvent devenir un poids trop considérable. Certains se révéleront incapables ou défaillants pour assurer la solidarité supposée par le système.

   Ces situations assorties d’une suspicion quant à l’inactivité du jeune (subie ou voulue), risquent quelquefois de se révéler difficiles et de peser sur les relations de cohabitation entre parents et enfants.

     Dans le cas où le jeune reçoit des prestations, cela signifie, qu’il a déjà commencé à acquérir son autonomie et perçoit l’APL, l’ALS…. Pour les autres, du fait qu’ils n’ont peu ou pas de revenu, le seul recours est de rester si possible à la charge de leur famille.

      Dans le cadre de la loi « famille » de juillet 1994, il a été prévu d’élargir la définition « d’enfant à charge » jusqu’à 22 ans, mais par étapes successives jusqu’au 31/12/1999[25]). Cette loi entend privilégier l’aide versée aux parents en faveur des jeunes, plutôt qu’une directement versée aux jeunes. Elle ne prendrait pas en considération les plus de 22 ans, principalement à la recherche d’un emploi, de même qu’ils sont exclus du RMI, versé à partir de 25 ans.

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I-C-2 – Existence d’un événement familial grave

   Un des facteurs entraînant le départ du jeune de chez sa famille peut être le décès de l’un ou de l’autre des parents, d’autant plus quand c’est le père. Cette situation diminue la probabilité de prolonger la résidence au domicile parental, soit par insuffisance de ressource pour garder à charge une personne supplémentaire sans revenu, soit à cause d’une mauvaise entente avec un nouveau concubin. Une tierce personne pourrait ainsi favoriser le départ du jeune en mettant en valeur « les tensions » de cette relation II arrive aussi que ce soit le jeune qui décide de partir afin de ne plus être confronté à son « beau père » ou à sa «’Belle mère ».

    Le divorce engendre les mêmes conséquences. C’est le cas de l’un des jeunes avec qui j’ai pu m’entretenir : « Ma mère est décédée quand j’avais 16 ans. Mon père s’est alors mis en concubinage avec une femme et ses deux enfants. A l’époque, il travaillait encore, moi je passais mon CAP de cuisine. A 18 ans, j’ai réussi mon examen et mon père s’est mis à la retraite. C’est là que tout a commencé. A la maison, on n’avait plus beaucoup d’argent. Moi, je ne trouvais pas de travail. A force qu’elle « monte » la tête à mon père comme quoi je leur coûtais cher, un jour, pour une dispute sans importance, il me dit de partir… »

       D’autres facteurs, comme le comportement alcoolique, peut inciter le jeune à partir de chez lui. C’est également le cas de deux jeunes SDF. Tous deux ont préféré quitter le domicile parental plutôt que de subir « les insultes perpétuelles et les remarques désobligeantes face à leur situation de chômage déjà très mal vécu psychologiquement et ceci, sans parler du reste ».

I-C-3 – Les conflits intergénérationnels

   Ces conflits peuvent être la cause d’une rupture à plus ou moins long terme.

a – Dus aux différences de statut économique

      L’inactivité ou la précarité du jeune peut être blâmée et incomprise par le groupe familial. Certains parents n’acceptent pas qu’il y ait une « descente sociale » de leur enfant par rapport à eux. Cela a été le cas de trois jeunes SDF, mis à la porte par leurs parents, qui n’ont pas compris les causes de leur chômage. « Je n’ai jamais été brillante à l’école. Après plusieurs redoublements, j’en avais marre d’être la plus âgée et j’ai arrêté ma scolarité en 3eme. Bien sûr, je ne trouvais pas de travail. Alors les conflits ont commencé et étaient de plus en plus sérieux. Ils croyaient que je profitais de la situation malgré le fait que mes démarches étaient régulières. Un jour de dispute, il m’ont dit que si je n’étais pas contente je pouvais prendre « mes cliques et mes claques et m’en aller ». Alors je suis partie. Refusant tout contact de ma part (par honte), maintenant je galère seule depuis 6 ans ».

   La solidarité est donc menacée dans les familles où vivent des jeunes qui sont sans espoir de trouver rapidement du travail. Le jeune « vivant aux crochets de sa famille » peut aussi mal ressentir cette situation et préférer quitter le « cocon familial » afin d’essayer d’acquérir son indépendance par ses propres moyens.

 

b- Lâge du jeune intervient

 

      Certaines personnes de 24 ans peuvent ne pas être « adultes », car elles ne rassemblent pas les facteurs d’indépendance financière et matérielle. Les relations des enfants avec leurs parents ne sont pas du registre relationnel de « jeune à adulte », mais « d’adulte à adulte », ce qui peut engendrer des confrontations intrafamiliales relativement fortes pouvant aller jusqu’à la violence de l’une ou de l’autre partie.

   Les causes de conflits sont dues généralement à l’opposition parfois sans fin, aussi bien au sujet de grands problèmes collectifs ou personnels que des détails infimes de la vie quotidienne. La plupart du temps, les jeunes interrogés mettent en avant les problèmes relationnels dus selon eux, au manque de communication et d’ouverture d’esprit de la part de leurs parents, tel que l’acceptation même occasionnelle de leur ami(e) au sein du foyer. En ce qui concerne les parents, ils revendiquent plutôt le respect que le jeune devrait avoir vis-à-vis de sa famille. Ainsi, les restrictions d’horaires de repas, « de matinée à ranger sa chambre », de l’arrêt immédiat d’utilisation de substances toxiques (cannabis, alcool, médicament…) doivent être respectées, au risque d’une rupture. Ces conditions nécessaires pour rester au domicile familial, peuvent être mal supportées par le jeune qui lui, voudrait un minimum d’indépendance afin de ne pas se sentir « surprotégé, étouffé, jugé et «violé» dans ses « activités ».

       C’est pourquoi, l’un d’eux s’est fait mettre à la porte. « J’étais au chômage et pour me faire un peu d’argent, je « dealais ». Un jour, mes parents se sont rendus compte de mon petit trafic et ils n’ont pas cherché à comprendre le « pourquoi du comment », ils m’ont jeté comme un malpropre. Une fois dans la rue, j’ai paniqué et je me suis réfugié dans mon trafic afin d’avoir de l’argent de côté pour manger et dormir. Manque de pot, je me suis fait attraper par la police et j’ai atterri en prison. C’était l’horreur !!! Une fois que tu y rentres, c’est très dur d’être comme avant ».

     Un jour de conflit plus fort que les autres, les parents ou le jeune « craquent », et voilà que commence pour ce dernier la galère de la rue. Ce départ est alors l’instant et l’acte qui marque concrètement une rupture avec la famille. A ce moment-là, il se retrouve sans le sou ou avec des ressources limitées, ce qui le place de fait en position d’exclu, et cela, quelles que soient ses capacités personnelles ou professionnelles.

   Il entre dans le monde des « sans domicile fixe », où sa survie dépend des autres et de leur bon vouloir.

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II – Le jeune face à lui-même

     Excentré du domicile parental de manière subie ou voulue, le jeune se retrouve confronté à de nombreuses épreuves difficiles à surmonter, d’autant plus qu’il cumule les handicaps.

II-A – Le monde des SDF

    Il y a derrière le mot SDF[26] un éventail de situations. Leur vie s’organise autour de trajectoires cycliques qui vont de l’habitat insalubre en passant par l’habitation de fortune ou l’hébergement chez des proches, en centres transitoires, d’urgence, jusqu’à l’habitation dans la rue.

     Pour essayer de comprendre le comportement des personnes sans domicile dans les années quatre vingt dix, on peut reprendre le processus de disqualification sociale décrit par Serge PAUGAM[27]. La détermination des traits caractéristiques des SDF dans l’espace public peut comporter les trois phases suivantes, qui sont les trois figures dans la carrière du SDF : la fragilisation, l’habitude et la sédentarisation.

La fragilisation : elle correspond au comportement des nouveaux venus dans l’espace public. Ce sont des individus tout à fait socialisés, mais vulnérables. Difficile à reconnaître dans la foule, ils cachent leur nouvelle condition sociale. Ils ont des références à un passé proche et des projets d’avenir. La majorité de cette population sont des jeunes qui n’ont pas connu précédemment de précarité, de rupture, d’impuissance et d’inadaptation importante au système. Cependant, pour des raisons conjoncturelles, ils se retrouvent en très grande difficulté. Ils sont les plus fragilisés par leur situation. La souffrance est la même pour tous, mais la différence tient au fait qu’elle est nouvelle, brutale, et qu’ils ne sont pas armés pour se défendre. Ce sont généralement des SDF sédentarisés c’est-à-dire qui restent au sein de leur ville d’origine, sans toit ni revenu, et qui revendiquent le droit au logement. Eux ne se considèrent pas encore comme errant et sont hantés par le désir de sortir de la rue.

L’habitude : elle décrit le comportement de ceux dont la vie est depuis un moment organisée autour des réseaux de survie individualisés et collectifs. La plupart du temps, l’arrivée dans cette phase n’est pas un choix, mais à long terme, ces jeunes sont bien obligés de s’adapter à la rue. Pour certains, déjà visuellement différents des autres utilisateurs des espaces publics de par leurs vêtements et leur mauvaise santé apparente, ils se définissent entre eux comme des Routards, des Zonards pour avoir consciemment choisi ce mode de vie dans une recherche de liberté (bien que souvent forcée). Ces jeunes errants, confrontés à cette dure réalité sont souvent vêtus, coiffés et parés de façon provocante et accompagnés de chiens. Ils se déplacent sans but et sans projet, en petits groupes informels. Ils sont généralement dans des états psychiques seconds liés à une utilisation massive d’alcool et de produits toxiques divers, comme dans la recherche d’un impossible équilibre. Ils sont incapables de trouver, sans aide, les ressources pour s’insérer.

La sédentarisation : c’est la phase de l’adaptation complète à la rue. Le refus des règles est le mode de vie, la misère est vécue avec indifférence ou défi. Ils ne vivent que de mendicité, refusant parfois le RMI. Leurs propres aspects ont fait de ces « clochards » des personnages idéalisés par le cinéma, la radio, la chanson ou le roman. Ils ont un rapport avec le temps de l’ordre de l’instant. Ils n’ont souvent aucun projet d’avenir et peu de souvenirs du passé. Ils peuvent être soit sédentaires dans une ville propre, soit routards et se déplacent de festivals en festivals pour mendier.

     Notons un point commun à tous : l’impossibilité de trouver seul sa place dans le monde d’aujourd’hui. Ceci peut s’expliquer par le laps de temps passé dans la rue. En effet, plus la période est longue et moins on est apte à se réinsérer. Devant les événements, les jeunes se sentent perdus en voyant cette société où ils ont de « plus en plus de mal à être admis ».

       On remarque actuellement une amplification du phénomène et une augmentation très importante de jeunes SDF. Ils se situent plus particulièrement dans la période de fragilisation et tendent à moyen terme à rentrer dans la phase « d’habitude », d’errance. C’est pourquoi, tout au long de ce chapitre, je m’attarderai plus sur les caractéristiques des 21-25 ans.

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II-B – Les jeunes en errance

   La population des jeunes SDF est indénombrable puisque, par définition, elle échappe à tout contrôle. Cependant, on constate une proportion grandissante de jeunes parmi les consommateurs de services offerts aux personnes en difficultés. Comme le dit J. DAMON, chargé de mission solidarité à la SNCF, « même si ce phénomène n’est pas nouveau, il est intolérable dans une société d’abondance comme la nôtre ».

   De 21 à 25 ans, leur seule possibilité d’aide est celle, ponctuelle, donnée par le Fond d’Aide aux Jeunes en Grandes Difficultés (FAJGD). Cette période de la vie est donc pour le jeune en errance celle de tous les dangers. Il est à la merci d’un risque de basculement définitif dans l’exclusion du fait d’un cumul de difficultés, tant au plan social qu’économique. Leurs moyens pour faire face à cette précarité peuvent avoir des conséquences gravissimes à long terme.

H-B-l – Les problèmes de santé physique et psychologique

   L’absence de ressource a des répercutions au niveau de la prise en charge de sa santé physique. Cependant, les 15-24 ans souffrent essentiellement de ne pas se sentir bien dans leur peau[28]. Un lien existe entre l’inaccessibilité au travail et le mal de vivre qui en découle, plus encore quand on est confronté à la galère de la rue. Un jeune homme me confiait sa situation délicate : « Ca me perturbe beaucoup de ne pas avoir de copine, ne serait-ce que pour l’affection qu’elle pourrait m’apporter et puis, je me confierais à elle. Je me sens si seul… Mais vu mon apparence et sans domicile, elles croient que je veux profiter d’elles. Pourtant mon troisième voeux après un travail et un logement c’est avoir une femme et des enfants ». La rupture sociale, affective et professionnelle peut entraîner un mal-être et ce phénomène tend à s’amplifier.

    Ainsi, la définition de la santé, d’après l’OMS, trouve ici une place primordiale : « La santé est un état de complet bien être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »

     On peut parler de difficultés psychologiques en termes de santé mentale et sociale. Or, on remarque que peu de jeunes s’en plaignent en dehors de quelques confidences. Le manque de stabilité au niveau du logement rend difficile les relations affectives et sexuelles. C’est pourquoi, peu ont de petit(e) ami(e), mais tous rêvent de fonder une famille. Comme me l’a expliqué une jeune fille sans revenu, logeant chez son copain : « je ne sais pas si je vais rester avec lui car comme disent ses parents, ma situation est trop difficile et tous ont l’impression que je suis avec pour son appartement : cela provoque chez moi des troubles sexuels importants et me rends désagréable et agressive même sans le vouloir. J’ai vraiment du mal à m’occuper de moi, alors de lui ! ».

      Ils font passer ainsi leur mal-être psychologique au second plan, puisqu’il leur est déjà difficile de traiter leurs problèmes physiques tels que l’absence d’un équilibre alimentaire, l’hygiène corporelle et vestimentaire (souvent problèmes de peau), problèmes dentaires et oculaires.

     Dans l’ensemble, leur santé est perçue comme une difficulté supplémentaire qui n’est affrontée que dans l’urgence. Certains sont alors victimes de troubles amplifiés par l’absence prolongée de soins et des conditions de vie précaires.

      Il en résulte que ce détachement de son corps prend des proportions non négligeables quand on en regarde de plus près les conséquences. Après le SIDA et le cancer, la dépression nerveuse fait partie des risques qui inquiètent le plus[29].

    Ces phénomènes sont présents chez les jeunes SDF, mais également chez les jeunes issus de quartiers difficiles, où les parents sont souvent absents socialement. Si l’on reprend l’analyse de l’ensemble des entretiens au niveau du ressenti de leur situation, tous ont honte d’être au chômage et vivent très mal cette situation précaire.

    L’exclusion sociale et professionnelle est vécue comme « un échec personnel et une dévalorisation de « soi » (termes employés par F. DUBET dans « La Galère »). Ainsi, certains sont atteints de troubles psychologiques se caractérisant par un repli sur eux-mêmes, dû à un manque de confiance en eux. On peut également noter des troubles du sommeil « ce n’est pas difficile étant donné les conditions dans lesquelles on dort », de l’anxiété et, à long terme, des difficultés à se projeter dans l’avenir. 57 % des jeunes interrogés n’osent pas faire de projets de peur d’être déçus.

      Pour d’autres, la prise banalisée de drogues douces (cannabis, alcool, tabac) permet d’oublier leur « galère ». La motivation de la prise de drogues dures (héroïne, cocaïne, médicaments…), est perçue comme une folie, une crise personnelle qui relève de problèmes psychiques profonds.

     Ce mal-être, que l’on peut qualifier de grande solitude intérieure, peut avoir de graves conséquences s’il n’est pas détecté à temps. On voit alors apparaître la « crise personnelle » débouchant sur la tentative de suicide. Cette pratique prend des proportions inquiétantes : elle est la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans, après les accidents de la circulation[30]. Selon une enquête réalisée[31], 32 % ont déjà fait des dépressions et pour plus de la moitié (54 %), ils assurent connaître une personne de leur entourage ayant tenté de se suicider. 38 % ont pensé à le faire une ou plusieurs fois. 17 % en ont fait une ou plusieurs.

     Le jeune en errance se débat plus que d’autres avec des difficultés dues à un rapport fragilisé avec son milieu social : trois jeunes SDF et deux jeunes logeant chez leurs parents, avec qui j’ai pu m’entretenir ont tenté de se suicider. D’après leurs témoignages, le jeune est isolé avec sa souffrance quand le besoin d’aide est le plus criant, quand le secours est le plus urgent. L’appel au secours reste sans écho. « Dans ces moments-là, ce n’est pas tant l’absence qui est la douleur, mais plutôt la présence silencieuse et indifférente ». En effet, l’auteur de la tentative de suicide « force » l’attention de son entourage. Cependant, les familles ne sont pas toujours prêtes à entendre la souffrance cachée derrière l’acte.

    Certains, et notamment les SDF, tentent de pallier à cette déficience relationnelle en prenant possession d’un animal et surtout d’une chienne. Cette présence leur permet de développer de liens sociaux, rendant possible l’élevage, puis le don de chiots autour de soi. Les arguments mis en avant par les propriétaires de ces animaux portent sur la compagnie qu’ils représentent, la fidélité dont ils font preuve et sur la fonction de protection qu’ils assurent. Ces animaux procurent un fonctionnement familial imaginaire, mais surtout une proximité affective et matérielle très importante.

     Ces jeunes se trouvent en mauvaises positions quant à l’utilisation du système de protection sociale. Il faut qu’ils aient de la vitalité et de la motivation pour aller à la recherche du dispositif auquel ils ont droit, dans les méandres d’une administration parfois peu accueillante.

     L’impossibilité d’accéder aux soins est due à l’instabilité de revenu. Consulter le médecin, acheter des médicaments, effectuer des actes spécialisés, se procurer une prothèse dentaire ou des lunettes leurs sont hors de portée. Bien qu’ils aient droit à l’Aide Médicale Gratuite (AMG), l’analyse des entretiens avec les SDF montre qu’un seul jeune a fait valoir ce droit et seulement un a une carte santé jeune proposé par la Mission Locale de Grenoble. Certains ne rentrent pas dans les conditions d’accès, d’autres n’ont pas d’argent pour la prendre (10 Frs par mois), d’autres encore ne sont pas informés de ces possibilités.

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II-B-2 – Les difficultés d’ordre économique

    La majorité des jeunes SDF n’ont pas de ressources « légales ». Pour ceux qui en ont, elles proviennent d’un emploi souvent précaire ou de l’allocation chômage, qui tend à diminuer et peut disparaître à tout moment. Sans argent, pas d’accès au logement, au travail, aux soins, à la nourriture, à la vie culturelle et sociale, à la vie dans la société.

   Cette carence de ressources produit deux effets : le premier est l’exclusion, le deuxième est la grande difficulté d’en sortir.

      Elle provoque l’impossibilité d’accéder au logement, car l’argent et la garantie financière sont indispensables. L’instabilité de la situation du jeune SDF constitue pour le bailleur un obstacle important. Il estime, à juste titre, que la structure de ses ressources et son avenir incertain représentent un risque majeur. Seule exception, ceux qui bénéficient d’un soutien familial suffisamment solide pour pouvoir et vouloir se porter garant du paiement du loyer auprès du bailleur. Pour ceux ayant un appartement autonome ou ceux « squattant » chez des amis, l’insuffisance de ressources produit également des situations difficiles : les dettes s’accumulent et mènent non seulement à la perte du logement, mais aussi à l’inscription durable dans la précarité / l’exclusion. Quand on sait que l’obtention d’un appartement est un atout, voire une nécessité pour la recherche d’un emploi, on comprend mieux l’extrême difficulté pour le jeune SDF de rompre le cercle infernal : sans logement, pas d’emploi, sans emploi pas de logement.

    Par ailleurs, la recherche d’un travail coûte cher en déplacements (notamment pour les jeunes habitant en milieu rural, puisqu’ils ne bénéficient d’aucune réduction au niveau des transports), en courriers, en téléphone…

Face à cette situation, les moyens utilisés par les jeunes pour s’en sortir sont nombreux. Exclus d’une société qui ne leur fait pas de place, certains tentent de subsister en trouvant un petit boulot mal payé, ou en suivant une formation à laquelle ils ne croient plus. D’autres profitent ou sont tentés de profiter du marché parallèle de l’emploi, illégal mais rémunérateur.

 

II-B-3 – L’économie parallèle devient un substitut à l’emploi

      Il ne faut pas généraliser la pratique frauduleuse chez cette population. La majorité des jeunes SDF ne tombe pas dans ces travers. Cependant, pour certains, s’orienter vers des pratiques illégales, qui vont du travail au noir au trafic de drogue en passant par le vol, peut être le moyen de se procurer un revenu, tout en essayant de continuer une démarche d’insertion professionnelle. Ils ont encore «la volonté et le désir de s’insérer», mais ils expliquent leur conduite dans le langage de l’intérêt et de la satisfaction rationnelle de besoins jugés normaux : « se nourrir, s’habiller, sortir, se déplacer, (acheter de l’alcool et des stupéfiants) ». Plusieurs marchés s’offrent alors à eux : services légaux mais non déclarés et services illégaux.

 

a – le travail au noir

 

   Le travail au « black » est une méthode fréquemment utilisée par les jeunes en général. 71 % domiciliés chez leurs parents ont recours à cette pratique en tant que « coiffeur, baby sitter, cuisinier… ». La proportion est plus faible chez les jeunes SDF et ne représente que 57%. On pourrait expliquer ces chiffres, qui peuvent paraître contradictoires, par le fait que les SDF sont plus désavantagés aux yeux de l’employeur. Il est donc plus difficile pour eux de trouver du travail quel qu’il soit.

   Il se retourne alors vers une pratique plus perverse : le trafic de drogue.

 

b – le trafic de drogue

 

    On peut répartir les jeunes trafiquants en deux catégories principales, mais non exclusives : la première met en avant le rôle de la consommation dans l’acte du trafic (l’usager trafiquant, pour qui la revente est un moyen d’assurer sa propre consommation), la seconde se base sur les possibilités de gains financiers et se décline en deux sous-catégories :

            * le trafiquant a une faible intégration socioprofessionnelle. Il tente donc de la compenser par la vente de stupéfiants. Les jeunes SDF font souvent partie de cette catégorie.

            * le trafiquant est relativement inséré. Le trafic constitue pour lui une source d’enrichissement.

         Parmi les jeunes « dealers » que j’ai pu rencontrer soit 71.5 %, tous ne vendaient que de la résine de cannabis. La plupart avouent connaître des vendeurs et consommateurs d’héroïne, d’acide, d’extasy…, mais ils déclarent ne pas être « tombés encore assez bas pour vendre ou consommer de telles substances », appelées drogues dures. Peut-être en ont-ils goûté, mais pour la majorité d’entre eux, ils pensent que la consommation de ces drogues signifient avoir « sombré dans le trou noir qui menace de t’aspirer et de te faire basculer vers la folie et l’autodestruction ».

   Pour les jeunes SDF, le type de drogue le plus répandu dans l’offre et la consommation est le haschich. Le revenu tiré de cette vente est, dans une grande partie, affecté à la consommation personnelle et aux dépenses courantes (paiement d’un hôtel à la nuit, nourriture, achat de vêtements ou sorties diverses). L’utilisation de drogues douces signifie, pour eux « le moment ou tu te retrouves en groupe et ou tu ne penses plus à ta galère », « un moment d’évacuation artificielle ». Ils en parlent en terme de « plaisir absolu »

     Ces jeunes ne se considèrent pas délinquants, ni toxicomanes. Ils parlent plutôt de « système D ». La tentation de « se débrouiller » de cette façon est d’autant plus forte que, du fait du statut illégal de ces drogues, leur prix est exorbitant et les gains rapides. Cela, en dépit du fait que ce petit trafic se situe à l’échelon final de la filière (cf. annexe 6). La banalisation du haschich facilite la multiplication « des plans de ventes » ; ils se situent la plupart du temps dans les quartiers dits défavorisés. Les SDF ne sont pas les seuls à être en rapport avec ce trafic. Certains jeunes, logeant chez leurs parents, y sont aussi (43 %), pour des raisons à peu près semblables.

      Les risques liés à cette pratique ne sont pas minimes. Une interpellation est suivie éventuellement d’une incarcération et d’une amende. Trois jeunes que j’ai rencontrés ont fait de la prison à cause de ce «business». Sortis du système carcéral, une fois que l’allocation d’insertion se termine, peu retrouvent la volonté de rejoindre les dispositifs officiels d’insertion. Le souvenir de périodes où ils arrivaient à « vivre » (manger normalement, dormir au chaud, se laver…) resurgit et la tentation de recommencer est forte, facile, d’autant qu’entre eux, ils se connaissent et les opportunités sont permanentes. « Arrêter quand on y a déjà touché, c’est une volonté indéfinissable et une fuite perpétuelle des endroits « à risques ».

   L’incarcération déstabilise davantage le jeune et rend son l’insertion professionnelle très difficile. « Le fait que l’on soit allé en prison nous met dans une classe à part, comme si l’on avait un numéro sur le front et malgré les dispositifs d’insertion, plus personne veut de nous. Trouver du travail, c’est encore plus difficile qu’avant. Forcément, on est tenté de recommencer notre trafic ne serait-ce que pour manger, ce qui aboutit, parfois, à une deuxième incarcération. C’est la misère, mais c’est le système. »

       Le trafic de drogue est une opportunité pour se procurer un revenu et acquérir une reconnaissance auprès d’autres jeunes. Néanmoins, la majorité des jeunes et, plus particulièrement, les filles (bien que de plus en plus touchées), rejette cette alternative pour des raisons aussi bien individuelles, sociales, qu’idéologiques… La corrélation reste quand même forte entre « exclusion » et « trafic de drogue ».

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c – le vol

 

   De nombreux jeunes pratiquent à l’occasion, pour leur usage personnel, des vols dans des magasins afin de s’y procurer des produits alimentaires, des boissons et des vêtements. Parmi eux, une minorité se situant plus particulièrement dans la période dénommé par PAUGAM « d’habitude », font des vols beaucoup plus importants de vêtements ou de matériel audiovisuel dans les grands magasins.

 

II-B-4 – Les problèmes sociologiques qui peuvent survenir

     Je pense qu’il est important de parler du décrochage social qui peut se produire chez ces jeunes SDF à moyen et long terme. En effet, à force de subir des échecs à tous les niveaux quasiment : emploi, logement, santé…, il se peut qu’après plusieurs mois de galère, ils soient épuisés, perdus devant les événements et ne fassent plus place qu’au désespoir. « Enfermés dehors», le risque devient grand que certains ne tentent plus rien, ni recherche d’étude, ni recherche d’emploi. Ils refusent alors de continuer à s’engager dans des démarches qui, selon eux, ne pourront se conclure que par un nouvel échec et une nouvelle dévalorisation de soi.

    Cette absence de projets et de ressources les conduit à la dépendance des services proposés et à d’autres combines de survie plus perverses. Ils assument et subissent les contraintes extérieures.

      Comme me l’a expliqué une jeune fille SDF depuis six mois « après tes études, tu ne trouves pas forcément de boulot, alors l’incompréhension de tes parents font qu’ils te mettent à la porte : c’est la rupture. Au début, tu as envie de t’en sortir, tu es motivée. Puis, tu te lèves tous les matins pour aller à la mission locale et autres institutions afin de trouver du travail et un toit pour dormir. Comme je suis sans logement stable (centre d’hébergement temporaire), je ne trouve pas d’emploi et encore, moi j’ai un BAC. Quand je passe des entretiens, les employeurs ne me disent même pas pourquoi ils ne veulent pas de moi. Tu fais ça tous les jours pendant une semaine, un mois, trois mois et puis petit à petit, à cause d’une grande dévalorisation et d’un manque de confiance en toi, tu en as marre et tu as tendance à décrocher. En fait, la société t’oblige à prendre des claques dans la « gueule » que tu ne mérites pas. »

    Cet exemple reprend bien le processus de désocialisation que subissent ces jeunes face au temps qui s’écoule et qui transforme les personnalités. La précarité et la recherche permanente d’argent débouchent sur la perte de valeurs morales, aboutissant à des pratiques économiques plus ou moins licites (mendicité, deal…), des conduites délinquantes et des habitudes toxicomaniaques, en somme, à la marginalisation. Plus le temps passé en errance est long, plus les « tactiques » pour se procurer de l’argent peuvent avoir des conséquences dramatiques.

a – les petits métiers

 

     L’absence d’emploi stable et la recherche d’argent conduisent certains jeunes à des petits métiers tels que le tressage de cheveux, la recherche de clients pour les tatoueurs, la vente foraine occasionnelle de produits artisanaux (posters, bracelets…), des spectacles de rue construits et organisés. Ils font donc preuve d’un vrai travail, ce qui leur permet de retrouver un statut jusque-là inexistant.

     Cependant, ces jeunes rencontrent de plus en plus de difficultés à pratiquer ce genre de métier du fait de « l’arrêté de mendicité» de 1993 adopté par certaines villes. Il rend plus stricte les autorisations de donner des spectacles sur la voie publique. Ce témoignage m’a été apporté par un jeune qui vendait des posters. Il allait de ville en ville et avait plusieurs fois été confronté aux forces de l’ordre, lui demandant de partir très rapidement…

b – la manche à l’argent et alimentaire

 

   La manche à l’argent est une pratique bien souvent exclue des jeunes SDF en phase de fragilisation. Revendiquant leur fierté, ils repoussent cet acte passif. Cependant, après quelques mois, voire quelques années de galère, ils laissent derrière eux leurs valeurs et s’adonnent à cette activité « qui devient vite routinière ». Elle se déroule la plupart du temps dans les zones piétonnes et les lieux touristiques. La présence d’un chien en laisse ou la mise en avant d’un handicap sont des éléments non négligeables dans la rentabilité de l’opération.

   La manche alimentaire fonctionne également dans des lieux de regroupement. Elle est pratiquée par des jeunes en mauvais état physique, pouvant alors inspirer la pitié. Elle va du morceau de sandwich quémandé à un passant, à la négociation avec les exploitants de stands alimentaires pour récupérer les invendus instockables. Il ne va s’en dire que ces jeunes rencontrent de gros problèmes dans certaines villes depuis l’arrêté « de mendicité ». Ce n’est pas un jeune qui m’a raconté ceci mais une personne de plus de 25 ans qui pratiquait la manche depuis bientôt 3 ans.

c – un trafic et une consommation plus importante de drogues

   Avec le temps, la recherche d’emploi avec l’aide du trafic pour subsister, laisse place à l’idée d’abandonner de travailler légalement pour s’adonner à des trafics beaucoup plus importants et pervers. Comme nous le voyons dans le tableau de l’annexe 6, des gains associés à la vente au détail mensuelle de drogues, les bénéfices du trafic d’héroïne sont deux fois plus importants, mais les risques sont proportionnels. Il en est de même pour les médicaments, les extasy, les acides…

   L’achat et la vente de ces stupéfiants ne cessent de s’accroître puisque les auteurs deviennent eux-mêmes de grands consommateurs de ces produits. Une dépendance psychique et physique peut alors survenir.

d- la prostitution féminine

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   Elle est présente sous deux formes. La première est à but purement financier, pratiquée avec une clientèle de passage ainsi qu’avec des forains. La seconde se pratique sur la base d’échanges de services ne donnant pas systématiquement lieu à une contre partie monnayée. Les échanges sont souvent des psychotropes tels que des acides, des extasy, de l’héroïne…

     Vivant au jour le jour, ces jeunes sont dans l’impossibilité de se projeter dans le futur et d’anticiper. A partir d’un certain temps dans l’errance, l’absence globale de perspectives ajoutée à la dure réalité de la vie quotidienne enferment encore plus les jeunes SDF dans leurs échecs. Elles les rendent incapables de se bâtir un avenir. Comme le décrit D. LE BRETON[32], « l’errance appelle, produit et renforce l’errance ». C’est d’ailleurs pour cela qu’une catégorie de population en errance vieillit en errance. On retrouve donc dans ce processus les phases de disqualification sociale : ces jeunes passent de la période de fragilisation, à celle de l’habitude et malheureusement à celle de sédentarisation.

     Michel JOUBERT[33] a, d’ailleurs, décrit ce processus de perte d’énergie :

«Prendre soin de soi, se soigner, se laver… suppose que l’on dispose de l’énergie qui permette d’effectuer les démarches que cela présuppose…

L’énergie de recours est une énergie relationnelle = c’est elle qui fait tenir l’individu dans son ensemble social de référence…

Ces énergies peuvent finir par s’user… certains sont conduits à ne « plus faire face », à fuir les confrontations. »

LES MESURES ET DISPOSITIFS ACTUELS

 

1 – Une panoplie pourtant élargie

   Les mesures et les dispositifs actuels en faveur des jeunes, ou dont les jeunes peuvent disposer sont nombreux. Je ne pourrai pas tous les détailler ni les traiter. Cependant, j’essayerai, dans la mesure du possible, d’expliquer les plus connus au niveau de l’insertion sociale et professionnelle. Parallèlement, j’étudierai leurs limites, puisque toutes ces aides ne participent que partiellement à leur insertion.

 

I-A – Pour favoriser l’insertion sociale

 

I-A-l – Le Point Accueil Jeune

   Né d’une réflexion commune d’intervenants sociaux grenoblois, le PAJ accueille des jeunes (sans condition d’âge) en grande majorité issus de l’agglomération Grenobloise. 100 % des SDF avec qui j’ai pu m’entretenir connaissaient le PAJ pour l’avoir fréquenté. Cumulant les précarités, les jeunes qui collaborent avec le PAJ sont principalement adressés par des partenaires tels que la Mission Locale, les assistantes sociales, le premier accueil du CCAS..

     Dans un premier temps, la mission du PAJ est d’accueillir sans rendez-vous les jeunes, pour un entretien leur permettant « de vider leur sac de misère ». Dans un deuxième temps, il agit concrètement de lutter contre la désinsertion progressive et l’exclusion. Cette action est donc prioritairement axée sur « le vital immédiat », c’est-à-dire un toit pour dormir et quelque chose à manger (en 1995, 127 ont pu bénéficier grâce au PAJ d’un hébergement transitoire).

     Dans ses principes, son action est transitoire, généraliste et de courte durée. Elle permet la transition entre une situation qui paraît sans issue, et une perspective d’insertion. L’intervention du PAJ a donc pour but la remise en lien avec la famille, avec les dispositifs d’insertion… et une redynamisation du jeune en l’accompagnant dans ses démarches afin de permettre la réalisation des orientations décidés (sollicitation de FAJ, recherche d’hébergement transitoire, contrat pour accès en Foyers Jeunes Travailleurs…). Ensuite, le jeune est orienté vers des associations spécialisées concernant les domaines « défectueux ».

   Le fait que le jeune accueilli ait de multiples problèmes, suppose que cette association ait une approche globale de sa situation pour ainsi donner une réponse adaptée à chaque cas.

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I-A-2 – Le premier accueil SDF

 

a – Historique et fonctionnement

 

      Cette association loi 1901 a été fondée en 1964 par des Grenoblois en partenariat avec différents organismes caritatifs et des services sociaux de la ville. Ses membres sont tous des bénévoles (30) qui travaillent à tour de rôle. Ses ressources proviennent essentiellement de dons des particuliers (85 %). Le reste est subventionné par le Conseil Général, la municipalité de Grenoble paie le loyer.

     Le premier accueil SDF a pour mission d’accueillir les SDF (50 à 70 personnes par jour) et de leur distribuer six jours par semaine le petit déjeuner au prix du Franc symbolique ainsi que de la nourriture à emporter le mercredi.

     Il a également pour but :

            – d’apporter une aide matérielle, morale et amicale aux sans abri : le lundi et jeudi repas chauds du 1er novembre au 30 avril. Les bénévoles orientent ensuite les SDF vers des associations ou organisations susceptibles de les aider (médecins du monde, point d’eau…) ;

            – de réduire la mendicité dans les rues de Grenoble ;

            – d’améliorer la tenue et l’hygiène de cette population afin de lui permettre de garder sa dignité : il y a une distribution de vêtements, sous vêtements et chaussures, neufs et usagés. Le lundi de 9 heures à 12 heures, un atelier couturé (retouches, ourlets, remise en état des vêtements) est proposé. Cette association distribue gratuitement des rasoirs, des savons, des peignes, des brosses à dents…

b – Les limites de telles associations

 

   Il existe à Grenoble plusieurs associations ayant ce type de missions. Il est tout de même important de spécifier leurs limites.

   Si pendant l’hiver, des repas chauds sont distribués le soir pour les jeunes SDF, à compter du mois de novembre jusqu’au mois d’avril, le reste de l’année les associations ne proposent plus que des repas pour le midi et ceci, une à deux fois par semaine. Malgré l’effort qui est fait pour se répartir les jours, aucune association ne propose de repas le dimanche et peu proposent des petits déjeuners.

   De plus, même si le coût des repas est faible, certains jeunes n’ont pas les moyens de manger tous les jours. Ce qui explique que la majorité des SDF souffrent de carences alimentaire. Il faut également noter que certains jeunes SDF sont réticents face à l’ambiance de ce genre d’associations. On n’y rencontre que des SDF « des fragilisés qui craquent, des sédentarisés qui te démotivent… » vivant les mêmes galères. Tous racontent leurs malheurs quotidiens. Comme me l’a dit un jeune avec qui je me suis entretenue « Voir ce qui nous attend et entendre toujours parler de la même chose, moi, ça me coupe l’appétit. On est bien obligé d’y aller, mais on mange quasiment rien ».

   Pour avoir mangé moi-même dans un tel centre, je comprends ce qu’il a voulu dire.

 

I-B – La mission locale : l’insertion professionnelle et par la santé

     La mission locale de Grenoble est une association loi 1901, qui travaille en partenariat avec de nombreux services, associations et organismes tels que l’Association pour le Logement des Jeunes en Isère (ALJI) ; le Point Accueil Jeunes… Ce partenariat se traduit par une information réciproque et la mise en oeuvre de solutions adaptées aux problèmes ou des demandes des jeunes.

     Elle est financée par l’État et la ville de Grenoble. Divisée en quatre secteurs, elle accueille, oriente et accompagne les jeunes de 16 à 25 ans, plus particulièrement sans qualification professionnelle et résidant à Grenoble. Elle leur apporte aussi un soutien dans la construction de leurs parcours de qualification professionnelle ou d’accès à l’emploi.

     Ainsi, chaque jeune est accueilli pour un entretien individualisé avec un conseiller emploi-formation. Ce dernier l’aide à l’élaboration d’un projet professionnel. Il oriente également le jeune vers l’ALSI, le P AJ pour ses démarches de logement, de santé…

 

I-B-l – L’insertion par l’emploi

     Plus spécifiquement, au niveau professionnel, la mission locale propose un service EMPLOI qui est animé par un conseiller emploi. Il se préoccupe plus spécifiquement de la recherche d’emploi direct.

     Un suivi et un soutien sont alors mis en place pour les démarches professionnelles.

L’organisation de modules collectifs est aussi proposé par la suite : atelier d’aide à la recherche d’emploi, préparation aux tests de recrutement…

 

I-B-2 – L’insertion par la santé

     Cette association a mis en place le dispositif « santé jeune» depuis 1989, mais ne concerne que les Grenoblois de 16 à 25 ans au chômage ou en situation d’activités précaires (CES, stage…). Ce dispositif permet de bénéficier d’une prise en charge à 100 % de tous les frais médicaux et de consulter tous les professionnels de santé sans avance d’argent. Ainsi, le bénéficiaire ouvre droit à une mutuelle pendant 4 mois, renouvelable jusqu’à 6 mois (il s’agit de la MACI qui a passé un contrat avec la mission locale).

   Les conditions pour pouvoir bénéficier de la carte « santé jeune » sont : les ressources, l’engagement à la recherche d’emploi ou de formation, l’obligation de rencontrer régulièrement un conseiller emploi-formation pour faire le point sur les démarches et renouveler la carte. Une participation financière de 10 Frs à 50 Frs est demandées.

     Si le jeune a plus de 20 ans, il faut distinguer deux cas :

            – il peut justifier d’une adresse, son dossier sera établi par l’agent d’aide légale du CCAS et l’assurance personnelle sera financée par le Conseil Général de l’Isère.

            – il vit à Grenoble depuis 3 mois, un premier accueil au service du CCAS qui s’occupe des SDF le recevra et instruira sa demande. L’assurance sera financée par l’État.

   Dans le cas où l’intéressé a des parents susceptibles de payer l’assurance personnelle, l’aide sociale peut leur en faire la demande dans le cadre de l’obligation alimentaire.

 

I-B-3 – Son action est cependant limitée

   La mission locale est une association très importante pour les jeunes. Cependant, vu le nombre croissant qui la fréquente, elle se consacre prioritairement à l’insertion professionnelle et délaisse (faute de temps) sa mission secondaire : l’insertion sociale. Ce phénomène va s’accentuer puisqu’un projet va lui être attribué : elle va devenir l’ANPE des jeunes de 16 à 25 ans.

   En ce qui concerne la carte « santé jeune », seulement 10 %[34] des chômeurs de 16-25 ans en font chaque année la demande. Ceci vient sans doute du dossier à constituer et des nombreuses démarches à faire. D’autres n’en sont pas informés ou n’ont pas les moyens financiers d’y adhérer. D’autres encore sont à Grenoble depuis deux mois. Il leur manque encore un mois afin d’y prétendre.

 

I-C – Insertion par le logement

   Aujourd’hui, le logement est un élément important de l’insertion, voire le principal moyen de reconnaissance sociale. Très souvent, l’accès à l’emploi ou à la formation qualifiante sont conditionnés non seulement par la garantie d’une adresse, mais auss par la possibilité de dormir tranquillement, se laver et entreposer ses affaires. Le logement constitue alors un facteur essentiel à l’autonomie sociale et professionnelle. De plus, il est reconnu qu’un logement « à soi » est un élément qui facilite la constitution d’un projet de vie, au même titre que le revenu permet l’autonomie financière.

 

I-C-l – Les foyers d’hébergement d’urgence et transitoire

   J’ai rencontré le directeur adjoint du foyer d’urgence, Durant Savoyat, afin qu’il m’explique le fonctionnement de son établissement. Il y a 40 ans, ce foyer était un asile de nuit construit, après l’appel de l’Abbé Pierre. Aujourd’hui, c’est un centre d’accueil mixte, pour les majeurs de tous âges. Financé par plusieurs services tels que les CHRS, la DISS, la DDASS…, il offre aux personnes 55 lits sous forme de chambres collectives de trois ou quatre lits. On compte sept chambres pour les hommes et huit chambres pour les femmes et les couples. La durée d’hébergement est de trois nuits gratuites, avec un petit déjeuner le matin, un repas midi et soir en hiver pour les femmes avec ou sans enfants et les couples et seulement le soir pour les hommes. L’été, un repas est proposé aux hébergés le soir uniquement. Il met également à disposition des douches et des machines à laver.

     L’hébergé peut demander de rester plus longtemps au sein du centre. On lui constitue alors un dossier qui passera en commission « accueil hébergement ». Un entretien avec le directeur sera également nécessaire. En cas d’acceptation, l’usager prolongera son séjour de un mois en « urgence relais ». Ce dispositif est renouvelable, mais la personne doit attendre deux mois avant d’en refaire la demande.

       Sur les sept jeunes SDF avec qui j’ai pu m’entretenir, trois étaient déjà venus dormir dans ce centre. Cependant, tous ne voulaient plus y retourner pour plusieurs raisons. « Là- bas, on est trois ou quatre par chambre, il y en a qui Fument, qui parlent pendant que tu essayes de dormir et j’en passe… Tu es même obligé de dormir habillé avec tes chaussure sous l’oreiller pour pas te les faire piquer ! ».

       Il existe également des centres d’hébergement transitoire de type CHRS. En moyenne, ils offrent, pour une durée de 3 à 6 mois renouvelables, une chambre dont les jeunes peuvent disposer. Certains sont mixtes, d’autres sont exclusivement pour les femmes avec ou sans enfants, d’autres encore sont pour les hommes. L’âge peut également intervenir suivant les foyers.

    Ces dispositifs d’accueil sont indispensables afin d’éviter que les jeunes se retrouvent sans aucun endroit où poser leurs affaires, bien que dans les foyers d’hébergement d’urgence, il soit déconseillé de le faire pour cause de vol.

   Ils présentent, cependant, des limites telles que « la solitude qui est encore plus grande dans une chambre où l’on ne connaît personne et où l’on est placé là juste pour quelques jours ». Bien que ces centres se soient améliorés en qualité et en quantité depuis une dizaine d’années, certains passent à travers les mailles du filet des rénovations.

 On peut aussi noter la difficulté pour les jeunes ayant des animaux domestiques d’avoir accès à ces lieux. La plupart d’entre eux préfèrent dormir dehors plutôt que de laisser leurs chiens.

   En ce qui concerne les centres d’hébergement transitoire, une jeune SDF avait souligné le fait que les messages téléphoniques n’étaient pas communiqués avant le soir. En cas de rendez-vous pour un entretien d’embauche, il n’y a pas de possibilité d’y aller avant le lendemain. Ce détail peut alors se révéler important dans de pareilles situations. « Je tiens à le signaler car ça m’est arrivée. Un employeur m’a appelée le matin. Je devais m’y rendre d’urgence l’après-midi. Malheureusement, j’ai eu mon message le soir. Le lendemain j’y suis retournée, mais malgré mes explications c’était déjà trop tard »

   Ces centres sont, en effet, d’un réel secours aux jeunes, afin de pallier à leur état de grande précarité. Malgré tous leurs efforts, ils ne couvrent pas entièrement les besoins d’insertion au niveau du logement.

 

I-C-2 – Les foyers de jeunes travailleurs

a – L ’Association pour le Logement des Jeunes en Isère

 

       Tout d’abord nommé l’association des FJT en 1955, elle prend le nom de l’ALJI en 1982. Cette date traduit une évolution importante de l’association puisque sa modification de statut engendre une vocation plus large. Elle ne fait plus référence uniquement à la structure et à la mission de gestion des foyers, mais plutôt à un rôle de promotion et d’expertise pour le logement des jeunes. De plus, elle a aujourd’hui pour objectif de « permettre l’accès à l’autonomie des jeunes résidents ».

   L’ALU gère 10 FJT en Isère dont 4 sur Grenoble. Elle a pour but l’insertion en utilisant l’outil logement tout en travaillant en partenariat avec d’autres structures spécialisées (mission locale – associations caritatives ou non) pour l’insertion par la formation, la santé, le loisir, en somme, tout ce qui peut concourir à la formation d’un « citoyen ».

b – Le F JT des îles de Grenoble

 

     Ouvert en 1968, réhabilité en 81/82 et réouvert en juin 1982, ce FJT met à la disposition des jeunes 115 logements conventionnés par les Aides Personnalisées au Logement (APL) pour accueillir 135 résidents.

   Les mesures d’entrées sont larges et directement en faveur des jeunes. Être célibataire, en couple sans enfant, être salarié, stagiaire, étudiant ou grand lycéen et âgé de 18 à 25 ans sont les principales conditions d’entrées. Cependant, les pièces à fournir pour la constitution du dossier sont très sélectives. En effet, le jeune doit être en possession d’une assurance multirisque habitation, d’un contrat de travail ou d’une attestation de stage, des déclarations de ressources de l’année précédente et d’un dépôt de garantie s’élevant à 1 300 Frs pour une personne seule, 800 Frs par personne pour les logements collectifs et de 1 600 Frs pour un T2.

    Les tarifs mensuels comprennent les charges (eau, électricité, chauffage, abonnement téléphone…) et s’élèvent à 2 650 Frs pour un Tl Bis (chambre individuelle, sanitaire…), à 2 800 Frs pour un collectif de trois personnes. Les résidents peuvent bénéficier de l’APL et peuvent avoir recours aux Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL), du Plan d’Action pour le Logement des Défavorisés en Isère (PALDI).

    Pour conclure, offrir « du logement beau et qualifiant » signifie que lorsque le jeune arrive, dans une situation de précarité, « il faut lui offrir quelque chose, de valorisant : c’est un droit ». C’est aussi l’une des missions des FJT. Cependant, la seule possibilité d’accès pour les jeunes est d’avoir un revenu stable et suffisamment élevé afin de fournir les pièces demandées et payer régulièrement son loyer.

      Ces structures permettent donc une bonne transition entre les foyers d’hébergement d’urgence/transitoire et un domicile fixe/stable de type HLM ou privé puisque le jeune est déjà engagé dans un processus d’insertion. Malheureusement, elles ne permettent pas à des jeunes en état de précarité d’acquérir leur autonomie résidentielle.

      Il faut également spécifier que le nombre de jeunes logeant en FJT est très important (50 000 places en France) et ne demanderait qu’à s’accroître. Aujourd’hui, ils sont transformés et réhabilités pour offrir de meilleures prestations, mais les constructions de places nouvelles sont rares.

I-C-3 – L’action des Caisses d’Allocations Familiales

   Par leurs compétences techniques, leurs fonctions d’expertise et leurs connaissances du terrain, les CAF participent à la définition des politiques locales du logement en intégrant des objectifs sociaux aux différents dispositifs (FSL…). Elles mettent également en oeuvre des mesures financières et participent à des actions de soutien et d’accompagnement des jeunes. Par exemple, elles contribuent au financement des 450 FJT. Les CAF travaillent donc en partenariat avec d’autres organismes afin de favoriser l’insertion par le logement.

     Les principales aides qui peuvent être attribuées aux jeunes afin de faciliter leur autonomie résidentielle sont : 1’Allocation de Logement à caractère Social (ALS), l’APL, le FSL. Ces aides sont individuelles et versées sous condition de ressources. Elles sont dues à la fin du mois de l’entrée dans les lieux, excepté pour le FSL.

a – L ’Aide Personnalisée au Logement

 

      Pour pouvoir bénéficier de l’APL, il faut que le logement, neuf ou ancien, ait fait l’objet d’une convention entre le propriétaire et l’État. Aucune condition d’âge n’est demandée. De nombreux facteurs interviennent dans le calcul de l’APL tels que le lieu de résidence, le montant du loyer, les ressources du demandeur…

    L’APL n’est pas versée directement à l’allocataire mais au propriétaire, qui la déduira du montant des charges du loyer. Cette allocation ne peut être cumulée avec une autre allocation logement.

b- L ’Allocation Logement à caractère Social

 

    Si le logement ne permet pas de bénéficier de l’APL, l’ALS offre d’autres conditions d’attributions tels que : être salarié ou stagiaire de la formation professionnelle, âgé de moins de 25 ans, bénéficier de l’allocation dünsertion… cependant, le logement doit répondre à certains critères de confort et de superficie. Tout comme l’APL, l’ALS comptabilise de nombreux facteurs pour le calcul de son montant (statut d’occupation, dépenses de logement…).

     Cette aide est versée directement au demandeur, mais une demande peut être effectuée afin qu’elle soit attribuée au propriétaire comme pour l’APL.

c – Le Fond de Solidarité pour le Logement

 

   Depuis la loi BESSON (loi 90-49 du 31 mai 1990) visant à mettre en oeuvre le droit au logement pour tous, chaque département a obligation de mettre en place un outil de solvabilité pour les personnes en difficultés. Ainsi, le FSL est alloué soit pour l’accès au logement, soit pour son maintien. C’est une obligation conjointe ÉTAT – DÉPARTEMENT. Le mode d’organisation n’est pas imposé, c’est un choix local.

   En Isère, le FSL a été mis en place par l’État et le CGI, en partenariat avec les CAF, les bailleurs et les associations.

   Les conditions d’attribution sont les suivantes : les bénéficiaires doivent être en situation régulière en France, résider en Isère ou arriver sur le département et avoir des ressources mensuelles inférieures à un certain plafond fixé annuellement.

Aide à l’accès au logement

 

      On sait que dans bien des cas, le jeune peut avoir des difficultés à trouver le garant demandé par le propriétaire, soit parce qu’il est en rupture avec sa famille, soit parce que celle-ci ne veut pas prendre un tel risque.

    Après avoir fourni les différents documents demandés, le FSL peut apporter au jeune une garantie financière de 6 mois sur 24 mois dans le parc HLM et 12 mois sur 36 mois dans le parc privé. Dans le cas où il ne peut pas faire face aux frais demandés à l’entrée dans les lieux (premier mois de loyer et dépôt de garantie, frais de déménagement…), la commission locale peut octroyer un prêt ou une subvention. Un accompagnement social pourra aussi lui être proposer.

Aide en cas de dettes de lover

 

     Dans le cas où le jeune est en attente de ses ressources (versement de l’allocation chômage, salaire…) ou dans bien d’autres cas, il se peut qu’il ait des dettes de loyer et qu’il soit menacé d’expulsion. Après avoir fait les démarches nécessaires pour rétablir sa situation (reprise de paiement du loyer, négociation d’un plan d’apurement avec le bailleur…), le FSL pourra lui accorder un prêt et/ou une subvention pour l’aider à régler sa dette. Il sera ensuite informé des modalités de remboursement du prêt.

    En conclusion, ces aides sont très importantes pour le jeune qui est déjà suffisamment autonome pour avoir pu trouver un logement. Le FSL permet de sécuriser le bailleur afin qu’il soit plus indulgent devant les conditions d’entrée. Le jeune est alors considéré comme un ménage ordinaire.

   Par contre, pour le jeune (non étudiant) qui reste chez ses parents au-delà de 18 ans, sa famille ne bénéficie plus pour lui ni des aides personnelles ni des prestations familiales.

   Ces aides présentent également d’autres limites. En effet, elles (APL, ALS) ne favorisent pas la location de courte durée, ne couvrant pas le premier mois de loyer. Par ailleurs, pour pouvoir bénéficier de tels dispositifs, il faut avoir des ressources relativement stables. Les FSL peuvent favoriser et faciliter l’insertion, mais en aucun cas, ils permettent au jeune d’accéder à l’autonomie du logement.

 

I-D – Les Fonds d’Aide aux Jeunes : une insertion ponctuelle par économie

     Les FAJ délivrent des aides financières aux jeunes en difficulté. Ces fonds ont été institués par l’article 9 de la loi du 9 décembre 1989 sur le retour à l’emploi et la lutte contre l’exclusion professionnelle. La loi du 29 juillet 1992 a généralisé et rendu obligatoire les fonds départementaux. Leur organisation est consultable en annexe 8.

 

I-D-l – Conditions d’attribution de l’aide

     Pour reprendre la définition des FAJ en Isère, « ils sont destinés aux jeunes de 18 à 25 ans révolus, sans ressource ou avec des revenus très faibles, qui ne peuvent bénéficier de la solidarité familiale et qui connaissent des difficultés d’insertion sociale et professionnelle (échec scolaire, rupture familiales, toxicomanie, chômage…) ».

     Cette aide favorise ponctuellement leur insertion. Ainsi, le jeune est accueilli par les missions locales et les permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO). S’il n’a pas de référent, il est directement orienté vers une mission locale, une PAIO, un service social ou un autre organisme compétent. C’est le référent qui sera chargé d’élaborer en collaboration avec le jeune, l’instruction du dossier et éventuellement un projet d’insertion.

l-D-2 – Modalités d’attribution

     L’aide apportée par le FAJ est modulée en fonction de la situation du jeune, et peut être distribuée sous deux formes :

            – secours temporaires : destinés à faire face aux besoins urgents ;

            – aides financières : destinées à la réalisation d’un projet d’insertion (achats de vêtement professionnels par exemple), ou aides de dépannage dans l’attente d’accéder à un stage ou à une action d’insertion.

aDistribution des aides

 

    L’instruction du dossier doit être la plus simple et la plus rapide possible. L’aide est en principe directement versée au jeune par le comité local d’attribution, soit de manière fractionnée, soit en une seule fois. La période peut aller de 1 à 3 mois, d’un montant ne dépassant pas 2 000 à 3 000 Frs par trimestre. Le renouvellement est exceptionnel, après réexamen de la situation du bénéficiaire.

     Dans le cas où le jeune ne tient pas ses engagements, la décision de suspension du versement de l’aide est prise par le comité local d’attribution.

      C’est le comité qui établit, son règlement. Une évaluation de ce dispositif doit être fait annuellement. Elle comporte plusieurs rubriques telles que : le public des FAJ ; les mesures prises par le FAJ ; le bilan financier et la participation de l’Etat, du département et des communes…

b – Le FAJ en Isère

 

    En 1995, le fond a été doté de 5 360 KF dont 2 680 KF à titre de l’État et 2 680 KF au titre du Conseil Général. Rapporté à la population des jeunes de 18-24 ans (163 162 jeunes[35]) la dotation du FAJ par jeune s’établit à 32.85 Frs.

– fonctionnement

Ces aides sont souvent destinées à assurer des frais dont la répartition se fait de la manière suivante :

Département de l’Isère Mission locale du Grésivaudan
Nombre de jeunes ayant reçu une aide 1 623 81
FINALITÉ DE L’AIDE
Subsistance – aide vital 26% 27%
logement 21 % 24%
transport 19% 25%
santé 7% 10%
examen – formation 22% 14%

     La solidarité familiale étant inexistante pour certains, on observe à ce sujet une augmentation des aides destinées à la subsistance. Vient ensuite la solution aux problèmes de logement.

-profil des bénéficiaires

 

       Les demandeurs du FAJ[36] sont en majorité des filles (53 %) de nationalité française (89 %). Nous pouvons voir, d’après l’annexe 7, que très peu de jeune SDF logeant en foyers d’hébergement d’urgence et transitoire ont eu recours à cette aide, alors que ce sont eux qui cumulent le plus de handicaps. On pourrait expliquer ce phénomène par le fait que les plus exclus ne sont pas informés des dispositifs existant en leur faveur.

     Près de 49 % des jeunes demandeurs ont abandonné leur scolarité sans acquérir de diplôme (niveau 6 – 5 bis – 5). Les jeunes situés en enseignement supérieur représentent 16 % des bénéficiaires. En ce qui concerne leur situation professionnelle, 29 % des demandeurs du FAJ ont été ou sont au chômage ou en situation d’inactivité. 26 % ont déjà eu un emploi au cours de leur parcours professionnel. 59 % d’entre eux sont inscrits à l’ANPE (100 % des 14 jeunes interrogés).

   Sur les 7 jeunes SDF interrogés, un seul a eu droit au FAJ, d’un montant de 1 000 Frs « pour manger le soir » et, cependant, 86 % fréquentent des institutions en proposant.

I-D-3 – Conclusion

     Ces Fonds d’Aide aux Jeunes en difficultés favorisent le retour à l’emploi et la lutte contre l’exclusion professionnelle, mais restent de nature individuelle et ponctuelle. Comme nous l’avons vu en « annexe 7 », 45 % des aides sont destinées à des jeunes domiciliés chez leurs parents et 28 % à des locataires. Cela signifie que le FAJ en Isere est attribué essentiellement à titre préventif. Il permettra également de donner « un coup de pouce » aux jeunes en grandes difficultés. Cependant, il ne pourra intervenir à titre curatif puisque trop ponctuel.

   Sur le terrain, cette aide est trop brève pour que le jeune SDF puisse se stabiliser, ne serait-ce qu’à court terme (2-3 mois). En effet, elle ne lui permettra pas de payer ses charges, manger à sa faim, acheter le nécessaire pour sa recherche d’emploi (crayon, enveloppes, timbres…) et dépenser l’énergie restante à son insertion professionnelle.

 

II – En quoi l’ensemble de ces dispositifs n’est qu’une aide partielle à L’insertion des jeunes

      La jeunesse, ce nouvel âge de la vie, est parsemée d’embûches auquel un grand nombres d’associations et de dispositifs essayent de faire face, dans le but de maintenir le jeune en état de socialisation.

   Cependant, comme nous avons pu le voir tout au long de ce chapitre, les dispositifs présentent tous leurs limites :

            – l’aide alimentaire n’est pas quotidienne ;

            – le revenu du jeune est insuffisant, voire inexistant pour accéder à une stabilité alimentaire, sanitaire et résidentielle proposée par les différentes institutions ;

            – Le FAJ, pour pallier à ces difficultés, est trop ponctuel.

   De ce fait, malgré l’âge déjà avancé de ces jeunes, certains se retrouvent encore en quête d’identité. Ils expriment le désir de trouver une place dans la société et ne pas être fatalement maintenus, des années durant, dans un état de transition trop long. Touchés par une précarisation générale aussi bien professionnelle qu’identitaire ils n’arrivent pas à être reconnus dans leur Pays.

     Pourtant, comme le dit A. REVERCHON[37] « pour avoir négligé l’insertion économique des jeunes, la société semble avoir forgé une génération certes prête à beaucoup pour s’adapter, mais peu motivée au fond par le travail ».

   Certains rêvent alors d’être célèbres pour ne plus être exclus, d’autres créent des groupes de musique. Ils voudraient « s’éclater, écouter ce qui leur plaît, s’habiller comme ils l’entendent et vivre à leur guise »… Or, l’urgence pour eux est devenue l’insertion à tout prix, comme si leurs identités, leurs désirs, leurs mouvements naturels, leurs qualités et leurs cultures personnelles n’avaient tout simplement plus cours dans leurs rapports avec ceux qui leur proposent des services. Ils oscillent donc tous entre « révolte et résignation », « explosion et àpathie ». « J’ai 21 ans, je suis SDF depuis trois ans et j’ai peur parce que je suis blessé, résigné, révolté d’être résigné…on ne va tout de même pas tout garder à l’intérieur ».

   Désireux de sortir de l’oubli social et de l’exclusion qui frappent leur classe d’âge, il leur faudrait tout de même un revenu minimum stable.

     Un RMI Jeune, ne serait-ce qu’à moyen terme, leurs- permettrait d’acquérir une stabilité de logement et, ainsi, prendre du temps pour s’occuper de leur santé, de leur insertion professionnelle… de pouvoir encore faire des rêves et des projets d’avenir. Le manque d’argent leur interdit, de fait, l’accès aux loisirs, à la culture, à la consommation en générale.

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   VERS UN REVENU MINIMUM D’INSERTION JEUNE

    De 18 à 21 ans, il existe une aide conventionnelle dite «Aide Mensuelle Jeune Majeur» (APJM). A partir de 25 ans, le RMI garantie la stabilité d’un revenu, comme le montre le tableau suivant :

   Entre ces deux périodes, le jeune n’ouvre pas droit à la garantie d’un minimum de ressources. On pourrait envisager une allocation s’inspirant du RMI, élargie aux jeunes de celle tranche d’âge et sortis du système scolaire. Elle permettrait une meilleure prise en compte de leur situation et augmenterait leur chance d’insertion. Cependant, la mise en place d’un tel dispositif au niveau national soulèverait des oppositions.

 

I – Historique et évolution du RMI

   L’amélioration de la protection sociale, au cours de ces dernières décennies, avait su réduire très largement la pauvreté, en particulier pour les personnes âgees. Ruptures familiales, diminution des solidarités habituelles, montée du chômage… créent de nouvelles formes de pauvretés. Une action forte des pouvoirs publics avait donc été réclamée, et notamment pour les personnes de plus de 25 ans en capacité de travailler, mais ne travaillant pas pour cause d’absence d’emploi.

   Le 1er décembre 1988, une nouvelle loi posait comme principe dans son article premier que « toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique et mental, de la situation de l’économie et de l’emploi, se trouve dans l’incapacité de travailler, a droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. L’insertion ou la réinsertion sociale et professionnelle des personnes en difficidté constitue un impératif national. Dans ce but, il est institué un Revenu Minimum d’insertion (RMI). Ce RMI constitue l’un des éléments d’un dispositif global de lutte contre la pauvreté tendant à supprimer toute forme d’exclusion, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la formation, de la santé et du logement (…) »

   Cette prestation différentielle, soumise à une évaluation, est payée à 80 % par l’État. Le département en finance 20 % pour l’insertion. Elle associe des droits (AMG, FSL, AL…) et un contrat qui « lie » la prestation monétaire à la réalisation d’un engagement. Ainsi, le RMI est assortie de la signature d’un contrat d’insertion entre le bénéficiaire et la collectivité, qui doit s’effectuer durant les trois premiers mois de versement. Ceci afin de permettre au demandeur de s’inscrire dans des dispositifs d’insertion et d’effectue un certain nombre de démarches :

            – des activités d’intérêt général auprès d’administrations, d’organismes publics ou

d’associations. Les Contrats Emplois Solidarités (CES) sont développés ;

            – des activités ou des stages à dominante professionnelle en entreprise. Les Contrats de

Retour à l’Emploi (CRE) peuvent être utilisés ;

            – des stages destinés à améliorer ou à obtenir une qualification ;

            – des actions d’autonomie sociale en faveur de l’accès au logement, à la santé…

   Ces démarches seront adaptées à la situation du demandeur et lui permettront de progresser vers une plus grande insertion professionnelle et sociale. Ce contrat d’insertion le fait passer de l’état d’assisté à celui d’acteur et peut être ressenti par les bénéficiaires comme une contrepartie aux ressources procurées. En échange, la société s’engage également à lui apporter les moyens d’effectuer ces efforts.

    Très éloigné du montant du SMIC afin de rester incitatif vis-à-vis de l’emploi, ce revenu a pour but de supprimer toutes formes d’exclusion tant au plan de la santé, de l’éducation, que du logement….

    Après évaluation de ce dispositif en 1992, il s’est avéré que le RMI a permis à plus de 2 millions de personnes de mieux vivre. Il a fait ses preuves dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion (cf. annexe 9). Il failait donc renouveler la loi, la renforcer et élargir le socle de droits sur lesquels elle reposait depuis le 1/12/1988. Une nouvelle loi a donc été mise en place le 29/07/1992 par le Gouvernement.

   Citons quelques exemples de réforme :

            – Le Conseil Départemental d’insertion (CDI), co-présidé par le préfet et le Président du Conseil Général, a élaboré et adopté le Programme Départemental d’insertion (PDI). Il a quatre grands objectifs : évaluer les besoins à satisfaire (dispositifs d’insertion) ; recenser ce qui existe déjà , définir les moyens supplémentaires à mettre en oeuvre et proposer l’harmonisation de l’ensemble des actions d’insertion conduites ou envisagées.

            – La loi de 1988 prévoyait l’affiliation automatique des bénéficiaires à l’assurance maladie, la seconde l’a consolidé et a généralisé ce mouvement en assurant la gratuité totale des soins des allocataires du RMI.

            – Les bénéficiaires ont droit à une consommation minimale d’eau et d’énergie afin de garantir des conditions de vie décentes.

            – Le gouvernement a décidé d’accroître l’effort en faveur de l’insertion professionnelle des RMIstes :

* 150 000 places de CRE ont été ouvertes,

* les CES sont passés de 24 mois à 36 mois,

* création d’emploi en sortie de CES concernant 20 000 bénéficiaires.

– Une augmentation du RMI de 1.8 %.

      La loi du 27/07/1992 a donc renforcé le volet insertion de ce dispositif RMI. Si le budget consacré par la collectivité en 1989 était de 7.5 milliards, il est de 20 milliards en 1994[38].

     Certains, comme P. SALIN[39] (économiste) pensent que le RMI est un revenu de substitution désincitatif à l’emploi pour un bon nombre de gens. D’autres contestent cette analyse comme J.B. FOUCAULD[40] (fondateur de l’association « Solidarité nouvelle face au chômage » qui pense « qu’entre le fait d’avoir un travail et le fait de ne pas en avoir et d’être au RMI, il y a des éléments qualitatifs en terme d’identité, d’utilité, d’autonomie, de reconnaissance sociale et de sens donné à sa vie ». En effet, il ne faut pas négliger le fait que le travail répond à d’autres mobiles qu’à des motivations pécuniaires : c’est la valeur la plus importante de notre société.

   D’après des travailleurs sociaux et des enquêtes d’évaluation : les érémistes aspirent à trouver un emploi plutôt qu’à calculer au plus juste. De plus, le RMI est la prestation sociale la plus surveillée. Les CAF font 13 000 contrôles par mois, ce qui représente 20 % des allocataires contrôlés chaque année. Les enquêtes montrent que la fraude est loin d’être massive. Mais le meilleur moyen de la combattre est de développer le suivi du contrat des RMIstes.

   Cependant, il est vrai qu’il subsiste certains problèmes dans la mise en pratique du volet Insertion :

            * Seulement 1/3 des RMIstes accèdent à un emploi ou une formation, mais comme le spécifie E. RAOULT, il ne faut pas confondre les causes et les conséquences : « c’est la société qui manque dramatiquement d’emploi à leur proposer ».

            * Autre réalité : il est difficile à l’ensemble de la société de s’engager à l’égard d’un individu donné. En effet, face à des besoins multiformes, les réponses sociales sont dispersées, relevant de collectivités publiques différentes (État, Région, Département, Commune) et d’administrations éclatées fonctionnellement et géographiquement (emploi, formation professionnelle, logement, santé…).

            * Enfin, il est d’autant plus difficile à la collectivité de sanctionner la non-réalisation des

démarches prévues dans le contrat d’insertion, qu’elle n’a pas elle-même les moyens de s’engager sur les résultats de sa propre action. La rupture de ces contrats signifierait dénoncer ceux qui sont découragés, désabusés ou tout simplement dépassés. Cela conduirait à rejeter dans l’insuffisance de ressources une grande partie des bénéficiaires, avec les effets sociaux que l’on imagine.

   Au départ, le projet de mise en place du RMI paraissait utopique puisqu’il nécessitait un budget considérable de plusieurs milliards de francs et la création de multiples emplois afin d’être mené à bien. A l’heure actuelle, le Revenu Minimum d’insertion a fait ses preuves au sein de notre société sur la partie des objectifs visés. Il est aujourd’hui indispensable pour permettre à plusieurs millions de personnes de vivre mieux avec un revenu, certes faible, mais stable.

II – En quoi un RMI élargi aux jeunes pourrait dégager des solutions

     Il est de plus en plus difficile pour les jeunes, même diplômés, de trouver du travail en Contrat à Durée Indéterminé (CDI). Des mesures d’aide à leur insertion se sont créées. Cependant, même ces emplois précaires deviennent durs d’accès. Prenons l’exemple des CES : il faut être au chômage depuis au moins un an, avant d’en faire la demande. C’est pourquoi, la création d’une allocation mensuelle, dont je vais brièvement citer des possibilités d’accès et de fonctionnement, pourrait être l’une des réponses aux problèmes rencontrés par les jeunes. La ville de Nantes, au vue de ces difficultés, a choisi d’instaurer le Revenu Insertion Jeune qu’elle autofinance.

 

II-A – Hypothèse de projet

   Mon hypothèse de départ était de savoir si la mise en place d’un RMI Jeune serait une solution. Mes recherches et mes entretiens relativement variés (élus, directeurs d’associations, gens de terrain mais également des jeunes) m’ont permis d’arriver à une réponse objective.

   En effet, il est apparu que 97 % des personnes interviewées étaient d’accord avec l’idée de base. Cependant, les propositions divergent quand aux conditions d’accès, au cadre d’attribution ainsi que sur le financement envisageable.

 

II-A-1 – Les conditions de l’attribution

   Mise en place au niveau national, cette allocation serait destinée aux 21-25 ans. 30 % des personnes interrogées préféreraient en faire profiter toutes personnes sorties du système scolaire. Quel que soit l’âge d’accès, il serait préférable qu’elle soit attribuée au cas par cas, suivant la situation du jeune. Un suivi global et rigoureux s’impose pour tous, mais plus particulièrement pour les jeunes qui pourraient bénéficier de la solidarité familiale, afin d’éviter que ce revenu soit considéré comme de l’argent de poche.

   En ce qui concerne le contrat d’insertion, il est intéressant de remarquer (annexe 1-C) que les jeunes SDF, pour 72 %, veulent un suivi régulier d’insertion, soit 22 % de plus que les jeunes domiciliés chez leurs parents. Comme disait un SDF : « le contrat est indispensable pour nous inciter à faire des démarches, sinon, on se laisse aller ». Dans l’ensemble, 60 % désireraient un contrat.

       Les agents sociaux interrogés trouvent, dans 90 % des cas, qu’il serait nécessaire d’en établir un.

Les 50 % restant, soit 40 % des jeunes et 10 % des acteurs sociaux, pensent qu’il serait préférable d’instaurer Revenu Minimum d’Existence, sans contrat d’insertion. Comme me l’a dit le directeur du PAJ « le contrat n’est pas nécessaire puisqu’un revenu minimum est un droit ».

    Dans le cas où il y a un contrat, il faudrait accentuer le suivi de l’insertion par rapport au RMI. Il obligerait ainsi les jeunes à faire leurs démarches professionnelles et sociales… et diminuerait par là même l’assistanat. « C’est aussi plus valorisant ».

    Autre point positif d’un contrat, la société garantit de mettre tous ses atouts en faveur des jeunes. Suivi par un seul référent, (par exemple une conseillère de la mission locale ou une assistante sociale), le jeune pourrait mettre en place un projet de vie et voir venir.

II-A-2 – Cadre de l’attribution

    Comme le spécifie 40 % des agents sociaux, ce revenu pourrait être distribué par les missions locales ou les PAIO, tout comme le FAJ. Les jeunes feraient la démarche de venir le chercher en ces lieux, en un temps limité (exemple 10 jours).

    Pour mener un diagnostic complet de la situation du demandeur, la création de poste paraîtrait nécessaire pour 40 % des acteurs sociaux interviewés.

    Son objectif principal serait de donner un montant à taux différentiel, qui pourrait être un peu plus bas ou similaire à celui du RMI, avec ou sans contrepartie. Cependant, comme le précisait l’élue aux Affaires Sociales d’un CCAS « Le montant du RMI est dérisoire. Il permet juste de ne pas mourir de faim et de dormir en lieux sûrs. Pour y être passée, je sais qu’il motive à rechercher un emploi ».

     Enfin, si l’on veut un contrôle rigoureux des démarches et de la situation du jeune, cette aide facultative pourrait être versée pour trois mois. Renouvelable plusieurs fois si le jeune a respecté sa part du contrat.

 

II-A-3 – Hypothèse de financement

    Comme pour le RMI, l’État pourrait verser la « partie revenu », mais un partenariat avec la région et les communes serait envisageable. La directrice du CCAS disait « la commune peut contribuer à de tels financements, puisqu’une telle aide permettrait un meilleur épanouissement social de la ville».

     Le volet Insertion serait payé par la Commission Locale d’insertion. C’est ce qui a été proposé dans 60 % des cas.

   Sachant qu’à Nantes un dispositif en faveur des jeunes avait été mis en place au niveau local, je m’y suis rendue afin de voir comment il fonctionnait.

 

II-B – Un essai qui a fait ses preuves à Nantes : le Revenu d’insertion Jeunes

     Bien avant le RMI, la ville de Nantes avait créé un Minimum Social Nantais pour les personnes défavorisées. En 1989, avec la mise en place de ce dispositif, elle s’est retrouvée avec 3 millions de budget inemployé. Les élus décidèrent alors de les réinvestir dans une mesure facultative en faveur des jeunes, conscients des difficultés des 18-25 ans, exclus de fait du RMI. Le Revenu d’insertion Jeunes a donc été créé en 1991. Cette mesure locale s’articule avec une mesure national : les Fonds d’Aides aux Jeunes.

   L’objectif de ce dispositif est d’aider financièrement les jeunes (2 000 Frs/ mois, 3 000 pour un couple) pendant trois mois. Cette aide est renouvelable s’ils font preuve d’insertion par la mission locale ou autres associations. Ce dispositif concerne des jeunes âgés de 18 à 25 ans, non étudiants, locataires depuis un an, confrontés à des difficultés et en démarche d’insertion sociale et professionnelle. Il est tenu compte de la solidarité familiale, mais cela étant très subjectif, cet outil est traité au cas par cas. Il s’accompagne d’un suivi social concernant l’accès à la formation ou à l’emploi, le logement, la santé, la gestion des ressources. Le formulaire de la demande de cette allocation se trouve annexe 10.

   En 1996[41], 522 dossiers ont été examinés par la commission d’attribution : 430 demandes ont été acceptées, 92 ont été refusées. Le nombre de jeunes aidé augmentent un peu plus chaque année, soit 3.22 % de plus qu’en 1995. Le budget 1995[42] s’élevait à 2.3 millions de Frs.

     D’après une analyse de ce public, il y a un équilibre entre le nombre des femmes et celui des hommes. Leur niveau de formation est relativement bas, bien que 15 % soient diplômés de l’enseignement supérieur. Au moment de la demande du RIJ, 73 % des jeunes étaient au chômage non indemnisé.

  Cette mesure, destinée aux Nantais domiciliés depuis plus d’un an dans un logement autonome, permet de préserver le jeune dans cette autonomie. Il fait en sorte qu’il ne retourne pas à la première « marche ». C’est donc un outil d’ordre préventif. Il a cependant su faire ses preuves. Après quatre ans d’utilisation, il s’avère qu’un peu plus de la moitié des jeunes reçus réussissent à assainir leur situation dans les six mois et à sortir du dispositif.

    Cette aide ne touche pas les jeunes SDF ou ceux domiciliés depuis moins d’un an à Nantes. En effet, si le temps d’habitation sur la commune était inférieur, il inciterait trop de jeunes à venir sein de cette ville. De plus, une telle mesure pour les SDF devrait dépendre du financement de l’Etat et non des communes.

      Le nombre de bénéficiaires du RIJ et son taux d’augmentation annuel montre bien l’utilité et la nécessité d’un tel dispositif dans une ville.

 

II-C – Les avantages d’un RMI Jeune au niveau national

   Il y a, actuellement, une difficulté pour les familles à maintenir de façon quotidienne les liens familiaux. C’est pourquoi, une telle aide permettrait à l’ensemble des jeunes en difficultés d’obtenir un revenu stable, quel que soient leurs handicaps. Ils pourraient ainsi commencer à vivre par eux-mêmes et à sortir peu à peu de leurs précarités. Comme le pensent 90 % des agents sociaux, elle assurerait au moins le minimum vital pour manger, dormir, s’hhabiller… C’est également ce que répondent les jeunes à la question « qu’en ferais-tu ? » En moyenne, 85 % prendraient un logement autonome (100 % pour les SDF) et 71 % des SDF l’utiliseraient pour couvrir leur besoins primaires : se nourrir, se soigner, 28 % pour survivre… et assurer financièrement leur avenir immédiat, d’après 60 % des personnes confrontées à leurs problèmes.

     La grande qualité d’une telle mesure serait de permettre un accès plus facile au logement et de s’y maintenir. Le fait d’avoir un revenu stable rassurerait le bailleur, et le jeune en rupture familiale ne serait plus désavantagé à ses yeux. « Je n’aurais plus à changer d’endroit à chaque fois que je veux : dormir, manger le matin, le soir, me laver, discuter… ». Il serait couplé avec d’autres aides telles que les APL, des titres de transport, des timbres, comme le suggèrent 50 % des responsables.

    Il permettrait également une diminution du travail au noir. Certains jeunes SDF pensent qu’ils arrêteraient de dealer. Comme le précisent 50 % des acteurs sociaux, cette allocation dépénaliserait les jeunes qui cherchent du travail, mais qui n’en trouvent pas à cause de la conjoncture actuelle. 40 % sont d’accord pour dire qu’un tel dispositif ne fainéantiserait pas les jeunes.

    Le suivi global du jeune en parallèle favoriserait son insertion social. Certains pourraient entamer des démarches au niveau de leur santé, se faire aider à gérer ses ressources ou tout simplement reprendre confiance en eux afin d’avoir moins peur de l’avenir.

     Le rôle de ce RMI Jeune aurait pour but d’être un tremplin et le début d’une reconstruction après un parcours très souvent précaire. Avec son suivi social et des ressources maintenues, le jeune aurait le temps de faire des choix et de trouver le ressort d’aller vers le milieu professionnel et, ainsi, de sortir rapidement de ce dispositif.

  D’après l’étude et les entretiens menés tout au long de ce mémoire, on peut penser qu’une telle aide serait l’une des réponses aux problèmes rencontrés par les jeunes.

     On peut alors se demander pourquoi, au niveau national, une telle mesure n’a pas été mise en place.

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III – Les oppositions à la mise en place d’une telle allocation

   Nous avons vu, jusqu’à maintenant, ce que dégagerait un RMI Jeune destiné aux 21-25 ans. Cependant, il est nécessaire de réfléchir aux conséquences et aux limites principales raisons qui pourraient survenir et pour lesquelles le RMI ne fait pas entrer cette catégorie d’âge dans son dispositif.

III-A – Les réticences d’une telle aide au niveau national

   Deux causes principales font que le RMI ait une restriction d’âge.

       La première est l’aspect financier non négligeable. En effet, une telle aide représenterait une somme phénoménale. A titre d’exemple, l’Etat a dépensé plus de 19.6 milliards de francs en 1994 pour le RMI. Certes, le budget d’un RMI jeune serait inférieur, mais resterait conséquent ; d’autant plus si un suivi d’accompagnement rigoureux nécessite la création d’emplois supplémentaires. Il serait préférable d’éviter les failles du RMI, à savoir : suivi incomplet faute de temps, installation durable dans le dispositif, éviter de décourager les jeunes face à leurs recherches professionnelles…           La deuxième raison se situe plus au niveau de la politique d’insertion sociale et professionnelle mise en oeuvre pour les 16-25 ans. En effet, il existe les missions locales, les PAIO… Le risque est qu’en instaurant une telle aide, leurs effets soient réduits à rien[43]. Or, ces associations en faveur des jeunes sont indispensables pour l’insertion qu’elles apportent en général. Cependant, elles ne distribuent pas de revenu stable aux jeunes en difficultés.

     La complémentarité des deux dispositifs permettrait une réponse globale aux problèmes de précarité et d’exclusion

   Un RMI Jeune destiné aux 21-25 ans, sortis du système scolaire en recherche d’emploi, pourrait engendrer des risques non négligeables. Tout d’abord, les parents pourraient mettre plus facilement leurs enfants à la porte, se reposant sur l’aide de l’Etat. Par conséquent, ce dispositif inciterait à une diminution de la solidarité familiale. D’autres jeunes seraient tentés de profiter des deux. C’est pourquoi, un diagnostic complet et une mise en garde devraient être effectués avant l’attribution.

   On comprend certaines réticences face aux conséquences perverses d’un tel dispositif. Ce dernier aurait également des limites. Comme toute aide, elle ne répondrait pas à l’ensemble des problèmes subis par certains jeunes et notamment les SDF.

 

III-B – Ses limites : en lui même, le RMI Jeune n’est pas une solution

  En effet, le revenu stable avec son contrat ne ferait que pallier aux conséquences de la crise économique de l’emploi. Il permettrait à des milliers de jeunes de vivre mieux, mais en aucun cas, il pourrait développer des emplois en leur faveur (à l’exception de ceux destinésà aux jeunes suivis). Comme disait l’élue d’un CCAS « la vraie solution serait du travail pour tous, à la mesure de leurs capacités et de leurs envies. Aujourd’hui, « sa place » dans la société se fait par le travail ».

     Le RMI jeune serait valorisant dans le cas où le jeune a déjà travaillé auparavant. L’attribution de ce revenu stable lui permettrait alors de retrouver un statut. Dans le cas inverse, il peut mal vivre le fait de commencer par une défaite. Il ne faudrait donc pas oublier de revaloriser le jeune en le repositionnant face à la conjoncture actuelle.

       La mise en place d’un dispositif de ce type nécessiterait enfin un travail de longue haleine pour que la société définisse ses choix d’attribution. Celui-ci présente de nombreux avantages tels qu’un revenu stable avec tout ce que cela engendre, mais aussi des inconvénients et notamment celui d’une restriction de population : celle qui est encore un peu socialisée.

CONCLUSION

 

   Les transformations profondes de notre société durant ces dernières décennies, ont généré une pénurie massive d’emplois. Bon nombre d’individus sont ainsi exclus du système productif et notamment les jeunes. Or, si l’emploi est source de richesse et facteur d’émancipation de la personne, à l’inverse le chômage constitue une épreuve difficile et douloureuse qui retarde les chemins vers l’indépendance financière du fait d’un cumul de handicaps. Incapable de renouer avec le plein emploi des années 60, notre société devient une source d’exclusion qui s’abat principalement sur les jeunes peu diplômés.

   Le prolongement de l’hébergement familial trouve alors une place déterminante dans le processus qui mène le jeune jusqu’à l’autonomie résidentielle et financière. La rupture avec ce réseau peu s’avérer dramatique pour les 21 – 25 ans.

   Confrontés à l’absence d’emplois et à la pénurie de logements sociaux, ces jeunes cumulent également les difficultés quotidiennes de la rue. Sans revenu d’activité stable, certains ne peuvent même pas faire face à leur minimum vital. Ces multiples contraintes les place alors à la merci de l’apathie, du désoeuvrement, de la toxicomanie… et leur dérive vers des stratégies illégales pour palier à cette précarité est quasi omniprésente.

     Dans un tel contexte, l’hypothèse de départ peut être vérifiée. Elle a d’ailleurs été confirmée par la majorité des personnes interviewées.

     Malgré ces limites et les réticences à la mise en place d’un tel dispositif au niveau national, il permettrait la prise en charge du jeune par de nombreux partenaires. Ensemble, ils, mettraient en oeuvre un projet de vie. Le RMI serait une reconnaissance afin d’assumer les besoins primaires du jeune.

     Par ailleurs, le nouveau gouvernement prévoit un budget conséquent pour la création d’emplois en faveur des jeunes d’ici cinq ans, et de nouveaux projets pour combattre le chômage devraient être proposés.

    Ce choix de la société réussira-t-il à lutter en profondeur contre ce fléau ?

     Dans l’attente, le jeune doit gérer son stress, sa souffrance, ses espoirs de stabilité… pour (sur)vivre décemment et surmonter l’épreuve qui lui est imposée.

    L’élaboration de ce mémoire a été pour moi très enrichissante sur le plan professionnelle. Mieux, elle m’a permis de rencontrer des personnes clés dans le domaine de la précarité, de la solidarité et de l’exclusion. Ainsi, j’ai pu améliorer considérablement mes capacités relationnelles avec autrui et plus particulièrement avec les jeunes en difficulté.

     Mes démarches et mon implication dans ce mémoire auront été très positifs pour la constitution de mon réseau professionnel futur.

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SOMMAIRE DES ANNEXES

Annexe 1 :       A – Entretien avec  les jeunes

B – Exploitation des entretiens avec trois des sept jeunes SDF C – Analyse de l’ensemble des entretiens avec les jeunes

Annexe 2 :       A – Entretien avec des personnes confrontées   aux problèmes des jeunes

B – Analyse des entretiens avec des personnes confrontées aux problèmes des jeunes

Annexe 3 : Les inégalités dans le chômage en fonction de l’âge

Annexe 4 : Evolution du taux de chômage des 15-29 ans selon le diplôme

Annexe 5 : Niveaux de formation concernés par le champ de l’étude

Annexe 6 : Gains associés à la vente au détail mensuelle de résine de cannabis et d’héroïne

Annexe 7 : Conditions de logement des jeunes demandeurs du FAJ

Annexe 8 : Organisation des fonds du FAJ

Annexe 9 : RMI : Bilan de l’année 1993

Annexe 10 : Demande de Revenu d’insertion Jeunes


Annexe 1 – A

SITUA TI ON ANTERIEURE

En quelle année ta scolarité a-t-elle pris fin ?……………………………………………………………………… 

Dans quelle classe étais-tu ?……………………………………………………………………………………………….  

Quelle était ta filière professionnelle exacte ?……………………………………………………………………..

Possèdes-tu des diplômes ?            O oui              le   ou lesquels

O non

Depuis la fin de tes études, as-tu eu des expériences professionnelles ?

O oui O Contrat à Durée Déterminée                      O MAP, MAPE, MAPI

O Contrat d’Orientation      O Petit boulot

O Contrat d’Apprentissage O Intérim

O Contrat d’Adaptation      O Travail saisonnier

O Contrat de Qualification  O Formation

O Contrat Emploi Solidarité                           O Autre(s)

O Contrat Emploi Consolidé

O non

Si oui, en quoi elles t-on permis ou non de t’insérer dans la vie actuelle ?                      

Ces expériences t’ont-elles :

O Motivé                              O Déçu   du monde du travail

O Démotivé                           O Autre

SITUA TION ACTUELLE

PROFESSIONNELLE :

Quelle est ta situation professionnelle actuelle ?

Fréquentes-tu des services tels que les missions locales, PAIO, ANPE ?

O oui                    O non

pourquoi :……………………………………………………………………………………….          

Si c’était possible, quelle serait la profession ou l’activité de tes rêves ?…………………………..

PAR RAPPORT AU LOGEMENT :

Dans quelle commune habites-tu ?…………………………………………………………………………………………..

O chez tes parents                                                                 O foyer d’hébergement transitoire

O seul(e)

O en couple

             O chez des amis                       O autre

Annexe 1 – A

Depuis combien de temps es-tu parti de chez tes parents?

……………………………….         ans

Quels sont les lieux de rencontre ou tu te rends ?

………………………………………………………………………………….

PAR RAPPORT A LA SANTÉ :

Vas-tu chez ton médecin dès que tu en éprouves le besoin ?

O oui

O non pourquoi ?……………………………………………………………………………………………………

Vas-tu chez ton dentiste dès que tu en éprouves le besoin ?

O oui

O non pourquoi ?…………………………………………………………………………………………………..

Vas-tu chez ton ophtalmologue dès que tu en éprouves le besoin ?

O oui

O non pourquoi ?…………………………………………………………………………………………………..

As-tu une mutuelle de santé ?

O oui                O parentale                                              O non

                                        O personnelle

 

PSYCHO-SOCIOLOGIQUE

 

Qu’est ce qui te parais le plus important mais difficile à concrétiser aujourd’hui ? (numérote par ordre croissant)

O avoir un logement autonome pour vivre O acquérir une qualification reconnue

O faire un stage ou un CES en attendant                      O trouver ou retrouver un emploi

O   gagner un minimum d’argent pour vivre                    O ne pas rester inactif

O rester proche de mon entourage                               O    fonder unefamille

O autre(s)………………………………………………………………………………

Quels sont les principaux obstacles que tu rencontres actuellement ?

O choix d’orientations                      O méconnaissance des mesures

O formation inadaptée                     O problème de locomotion

O crise économique de l’emploi       O déscrimination raciale ou autre

O trouver un logement                     O autre(s)……………………………..

 

Rôle de ta famille ?

Présence :……………………………………………………………………………………

Aide financière :……………………………………………………………………………….

Soutien :……………………………………………………………………………………….

Le fait de vivre chez tes parents/ami(es)/en foyer engendre-t-il des problèmes ? (selon ta situation)

Comment t’imagines-tu dans dix ans ?…………………………………………………………………………………

Annexe 1 – A

Dans ta vie quotidienne d’aujourd’hui : les dépenses qui sont à ta charge directe ?

O logement                O   déplacement transport

O nourriture               O   santé

O loisir dans l’année  O   vacances

O habillement            O   culture et spectacle

O un animal               O autre(s)   :……………………………………………

Participes-tu aux dépenses de ta famille/tes ami(es) ?

O oui, de quelle manière :…………………………………………………….

O non

A combien s’élève le montant mensuel dont tu disposes (APL et ASSEDIC compris) ?

O < 500                                 O 500 et 1  000

O 1001 et 2 500                    O 2 501 et 4 000

O 4 001 et 6 000                    O > 6 000

D’où proviennent tes ressources ?

…………………………………………………………………………………………….

A -tu déjà perçu des Fonds d’Aide aux Jeunes ?

O oui, pourquoi :……………………………………………………………..

O non

Que penserais-tu d’une Allocation mensuelle d’Aide aux Jeunes avec une mesure

d’insertion ? ……………………………………………………………………………….     

Pourquoi ?………………………………………………………………………………………………………..                                   

Si tu pouvais bénéficier de cette subvention qu’en ferais-tu ?

Personnellle

As-tu le permis de conduire ?               O Oui, lequel …………………………..  

                                                               O Non

Quels sont tes moyens de locomotion ?

tu as                                                       Tu peux disposer

O voiture                                          O

O moto                                            O

O un vélomoteur                             O

O une bicyclette                               O

 

  • ton âge :…..  ans
  • ton sexe : O féminin                 O masculin

 

– situation familiale :

                                                     O célibataire     O en couple

– as-tu des enfants :     O non O oui                                             O Oui, combien………….

                                                                                             Leur(s) âge(s) : ……………….

profession de ton père :…………………………………………………………………………….

profession de ta mère :………………………………………………………………………………

 

 

 

 

 

Annexe 2 – A

Entretiens semi directifs avec des personnes


confrontés aux problèmes des jeunes

– Pensez-vous qu’une allocation mensuelle de type RMI pourrait être une solutions aux problèmes rencontrés par les jeunes ?

  • D’après, un tel dispositif nécessiterait-il un contrat d’insertion ?
  • Pourquoi ?

– Dans quel cadre et sous quelles conditions pourrait-il être attribué ?

– Qui pourrait financer un tel projet ?

Annexe 5

Niveaux de formations concernés par le champ de l’étude

Niveau VI : abandon en cours de collège (6e, 5e, 4e, CPPN, SES)

 

Niveau V Bis : abandon en cours d’enseignement technique court, avant l’année de terminal ( 1ere et 2e année de CAP. 3e)

 

Niveau V : niveau CAP, BEP : avec ou sans diplôme, lere, 2nde

 

Niveau IV : niveau terminal, BAC, BAC + 1, BT

 

Niveau III : BAC + 2 et plusSource : Serge PAUGAM (dir.), « L’exclusion : l’Etat des Savoirs » éd La découverte. 1996












 

GLOSSAIRE

 

 


BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

  • PITROU, A. « Les solidarités familiales / Vivre sans famille ? », nouvelle éd. 1992 Privât
  • DUBET, et LAPEYRONNIE, D. « Les quartiers d’exil », éd. du Seuil, septembre 1992 1 * PAUGAM, S. (dir.) « L’exclusion: l’État des Savoirs », éd. La Découverte, 1996
  • GALLAND, O. (Sociologue de la jeunesse), « Les jeunes et l’exclusion »
  • WERQUIN, « De l’école à l’emploi : les parcours précaires »
  • DAMON, J et FIRDION, J.M. « Vivre dans la rue : la question SDF »
  • MARANGE, M.« Les jeunes », éd. Le Monde ‘poche’, 1995
  • CHOBEAUX, F. « Les nomades du vide », éd. Actes Sud, 1996
  • BARDET, « Le suicide », éd. Milan, août 1996
  • HURSEL, J « Jeunes au bistrot, culture sur Macadam », éd Syros, 1984

REVUES

  • FRANCOSCOPIE , MERMET, G. « Comment vivent les Français », 1997

V * INFORMATIONS SOCIALES. Revue publiée par la C N A F, « Les solidarités familiales », n° 35/36, 1994

  • INFORMATIONS SOCIALES, « Le logement des jeunes », n° 34, 1994
  • INFORMATIONS SOCIALES, « Les jeunes et le travail », n° 51, 1996
  • PRÉCIS DE SOCIOLOGIE, « Pauvreté et exclusion », éd. Nathan, 1996

N* ÉCONOMIE ET STATISTIQUE, CAUSSAT, L. , MONCEL, N. et CHAMBAZ, C.

« Les trajectoires des jeunes : transition professionnelle et familiale » n° 283/284, 1995

  • ACTUALITÉS SOCIALES HEBDOMADAIRES, Tribune libre, DAMON, D. « Les jeunes en errance », n° 1 989, septembre 1996
  • ACTUALITÉS SOCIALES HEBDOMADAIRES, les acteurs/terrain, STROESSER, E.

« Le travail social interpellé par les squatters », n° 2 011, février 1997

v * ACTUALITÉS SOCIALES HEBDOMADAIRES, Les acteurs/ terrain, VACHON, J.

C, « Errance des jeunes : Quelles réponses ? », n° 2 027, juin 1997

  • ACTUALITÉS SOCIALES HEBDOMADAIRES, Politique économique et sociale, « Les Fonds d’Aide aux Jeunes », n° 1 845, septembre 1993
  • ALTERNATIVE ÉCONOMIQUE, FREMEAUX, P. « Le RMI est-il dépassé », n° 116, avril 1994
  • PROBLÈMES ÉCONOMIQUES, BOISSARD, D. « L’indispensable RMI », hebdo n° 2 455, janvier 1996
  • RMI : Bulletin d’information de la Délégation Interministérielle au RMI, « La nouvelle loi

du RMI », n° 18, septembre 92

  • RMI : Bulletin d’information de la Délégation Interministérielle au RMI, « Le bilan de l’année 1993 », n° spécial 23, juillet 1994
  • LES NOUVELLES DE GRENOBLE : le mensuel d’information de la ville, JALABERT, B., Dossier « Exclure l’exclusion », octobre 1996
  • BILAN RÉGIONAL. 1995 DES F AJ EN RHÔNE ALPES, Groupe de travail DDASS/DRASS sur les FAJ, septembre 1996
  • CAF NEW, Le journal des allocations, « Allocation Logement (AL) et Aide Personnalisée an Logement (APL) »
  • Le FSL mode d’emploi, novembre 1995
  • MGEN, « La santé des jeunes », mars 1997
  • CFDT MAGAZINE, « Jeunes : les non diplômés de plus en plus pénalisés », mai 1997

SOMMAIRE

Page

INTRODUCTION                                                                                                                         1

MÉTHODOLOGIE                                                                                                                       3

1er PARTIE : LA SOLIDARITÉ FAMILIALE                                                                               5

            – Comment se manifeste-t-elle et pourquoi ?                                                                                   5

A – Historique et évolution par rapport à l’évolution de la jeunesse                                                 5

1 – Historique

            – Les liens face à une entrée plus tardive des jeunes dans la vie adulte

B- Importance de cette aide pour les jeunes                                                                                                 8

            – Le soutien psychologique

            – C’est aussi un devoir de famille

            – Le soutien familiale à plusieurs niveaux

            – Le soutien économique

C – La solidarité comporte aussi ses limites                                                                                   12

            – Prestations familiales et « grands enfants »

            – Existence d’un évènement familiale grave

            – les conflits inter générationnels

2 – Le jeune face à lui même                                                                                                            14

A – Le monde des SDF                                                                                                                  14

B – Les jeunes en errance                                                                                                                 15

/ – Les problèmes de santé physique et psychologique

            – Les difficultés d’ordre économique

            – L’économie parallèle devient un substitut à l’emploi

            – Les problèmes sociologiques qui peuvent survenir

 

2ème PARTIE : LES MESURES ET DISPOSITIFS ACTUELS                                             23

1 – Une panoplie pourtant élargie                                                                                                    23

A – Pour favoriser l’insertion sociale                                                                                                           23

            – Le Point Accueil Jeune

            – Le premier accueil SDF

B – La Mission Locale : l’insertion professionnelle et par la santé                                                  25

            – L’insertion par l’emploi

            – L ‘insertion par la santé

            – Son action est cependant limitée

C – Insertion par le logement                                                                                                              26

/ – Les foyers d’hébergement d’urgence et transitoire

            – Les Foyers de Jeunes Travailleurs

            – L’action des Caisses d’Allocations Familiales

D – Les Fonds d’Aide aux Jeunes : une insertion ponctuelle par l’économie                                      30

            – Conditions d’attribution de l’aide

            – Modalités d’attribution

            – Conclusion

2 – En quoi l’ensemble de ces dispositifs n’est qu’une aide partielle

à l’insertion des jeunes                                                                                                                       32

 

3ème PARTIE : VERS UN REVENU MINIMUM D’INSERTION                                               34

historique du RMI              :                                                                                                            34

En quoi un RMI mensuel élargi aux jeunes pourrait dégager des solutions                                      37

– Les conditions de l’attribution

– Cadre de l’attribution

– Hypothèse de financement

B – Un essai qui a fait ses preuves à Nantes : le Revenu d’insertion Jeunes ………………….38

C – Les avantages d’un RMI Jeunes au niveau national………………………………………39

3 – Les oppositions à la mise en place d’une telle allocation………………………………….40

A – Les réticences d’une telle aide au niveau national………………………………………. .40

B – Ses limites : en lui même, le RMI Jeune n’est pas une solution            …………………………..41

CONCLUSION………………………………………………………………………………..42

ANNEXES

GLOSSAIRE

Bibliographie

[1] Pittou A : « Lessolidarités familiales/Vivre sans famille », nouvelle édition 1992.

[2] « Les nouvelles de Grenoble, le mensuel d’information de la ville, Dossiers « Exclure l’exclusion », 1996.

[3] Pittou A : « Lessolidarités familiales/Vivre sans famille », nouvelle édition 1992

[4] Le Bras H, demographe, « Le Monde de l’éducation », 1992.

[5] Données INSEE, 1996

[6] Economie et stratistiques, « Les trajectoires des jeunes : transition professionnelle et familiale », N° 283/284, 1995

[7] « Le Monde de l’éducation », 29/10/1993

[8] « Le Monde », 31/07/1997

[9] Pittou A : « Lessolidarités familiales/Vivre sans famille », nouvelle édition 1992

[10] « Le monde de l’éducation », Mars 1995

[11] « Le monde », Mars 1995

[12] AIZICOV1CI, F., « Le Monde », Mai 1994

[13] MARANGE, V. « Les jeunes », « Le Monde » « poche », éd. 1995

[14] Informations Sciales, « Les jeunes au travail », N°51, 1996

[15] Francoscopie, MERMET, G. « Comment vivent les Français », 1997

[16] Informations Sociales, « Les jeunes et le travail », n° 51, 1996

[17] Recherches Sociologiques, LOUVAIN, Juin 1994

[18] PERRO LENAUD, M., « Le monde de l’éducation », Mai 1992

[19] SELAGEN, M., Directrice du centre d’Ethnologie Française (CNRS)

[20] Francoscopie, MERMET, G. « Comment vivent les Français », 1997

[21] Francoscopie, MERMET, G. « Comment vivent les Français », 1997

[22] Les sociologies du travail, DESHAlfX, J H. « Les échanges économiques au sein de la parenté », 1990

[23] PITROU, A. « Les solidarités familiales / Vivre sans famille », nouvelle édition 1992

[24] Economie et Statistique, « Les trajectoires des jeunes : transition professionnelle et familiale », n° 283/284, 1995

[25] Informations Sociales, « Les jeunes et le travail », n° 51, 1996

[26] Tout d’abord appelés «les sans logis» (terme employé par l’abbé Pierre au cours de l’hiver 1954). on les dénomma ensuite les « marginaux » pour se plaçaient volontairement en dehors du système socio-économique. Même si le qualificatif « sans domicile fixe » fut employé depuis le milieu du XIX e siècle par les bureaux de bienfaisance, ce n’est qu’au milieu des années quatre-vingt qu’ils apparaissent de façon significative en France avec, notamment, un accroissement chez les jeunes.

[27] PAUGAM, S. (dir), « L’exclusion, l’état des savoir », éd. La Découverte, 1996. « La question SDF : vivre dans la rue »

[28] MGEN, « La santé des jeunes », Mars 1997

[29] MGEN, « La santé des jeunes », Mars 1997

[30] « Le Monde » du 13/06/92, « Beaucoup de jeunes au chômage sont en mauvaise santé » Enquête auprès des 15-24 ans/DEFl

[31] « Le Monde » du 13/06/92, « Beaucoup de jeunes au chômage sont en mauvaise santé » Enquête auprès des 15-24 ans/DHFI

[32] CHOBEAUX, F. « Les nomades du vide », éd. I.es Actes Sud, 1996

[33] Rapport d’activité de l’ADESSI, Juillet 1995

[34] « Les Nouvelles de Grenoble : Le mensuel d’information de la Ville », Dossier « Exclure l’exclusion », Octobre 1996

[35] Projection OMPHALE, INSEE, 01/01/1995

[36] Bilan Régional 1995 des FAJ en Rhône-Alpes, groupe de travail DDASS / DRASS, Septembre 1996

[37] « Le Monde l’éducation », Avril 1994

[38] RMI : Bulletin d’information de la délégation interministériel au RMI, N° 24, Décembre 1994

[39]Problèmes Economiques, Broissard, D « L’indispensable RMI », Hebdo N° 2455, Janvier 1996

[40] Problèmes Economiques, Broissard, D « L’indispensable RMI », Hebdo N° 2455, Janvier 1996

[41] Rpport d’activité 1996 du CCA de Nantes

[42] Rpport d’activité 1996 du CCA de Nantes

[43] Thevenet, A. « RMI : Théorie et pratique », coll. Travail social, éd. Bayard 1993

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