In PIERRE BAMONY : Pourquoi l’Afrique si riche est pourtant si pauvre ? -De la faillite des élites de l’Afrique subsaharienne- Tome 1 (Editions Le Manuscrit, juin 2010, 449 p)
Dans cette analyse sans aménité sur la technique gouvernementale des élites politiques africaines subsahariennes – et il semble que toute personne de bon sens, apologue des intérêts vitaux des peuples de cette zone du continent africain, pourrait s’accorder avec moi sur le sens de ma révolte – on ne peut passer sous silence l’expérience politique de deux leaders du Burkina Faso. Malgré la pauvreté de ce pays, les dures conditions de ses habitants, les hommes de ce territoire sont restés attachés à la défense de leur liberté, quelle que soit la nature de leur gouvernement. Car certains parmi les peuples de ce pays, comme les Lyéla, les Nuna, les Kassena etc., ont toujours fait preuve d’un esprit de liberté, d’indépendance et de l’art de la dispute démocratique. Il en est, d’ailleurs, ainsi de la quasi-totalité des peuples africains subsahariens, avant l’instauration du système maffieux des trucages des élections dites démocratiques et qui n’ont de démocratique que le nom, grâce à l’appui des gouvernements français ; plus précisément, de la fameuse et monstrueuse « Françafrique ». A titre d’exemple, les Voltaïques et, de nos jours, les Burkinabés font montre d’un esprit et d’une maturité politiques qui seraient admirables, voire exemplaires si les débats et contradictions politiques ne touchaient, parfois de façon essentielle, à la personne même des adversaires en jeu. Jusqu’à l’arrivée de la fameuse rectification militaire, ancrée résolument à droite, l’essentiel des joutes politiques consistaient dans la défense des valeurs de gauche. Même encore aujourd’hui, on compte un nombre fort important de mouvances gauchistes qui rendent, d’ailleurs, vaines les diverses tentatives d’unité de formation d’un groupe politique solide autour d’une personnalité de grande envergure ; et qui serait en mesure de constituer une formation politique d’opposition crédible. Celle-ci aurait alors pour effet de conduire à une alternance politique en ce pays. Et c’est la forte représentation syndicale, dans l’enseignement, comme dans les autres corps de la fonction publique, voire dans certaines structures importantes du secteur privé qui a toujours avivé la flamme de la politisation en ce pays, avant l’avènement du CDP de Blaise Compaoré. Ce parti politique et son chef lui ont brisé les reins par la baisse des conditions de vie économiques et par la dissémination des germes du venin de la division des syndicats. Cette flamme politique constituait, en amont et en aval, la seule force d’opposition réelle face aux différents gouvernements. Quels qu’ils furent, cette puissance des syndicats les avait toujours fait trembler.
Par exemple, cette « organisation de masse », comme ses diverses entités syndicales se définissent elles-mêmes, a contraint le premier président de ce pays, Maurice Yaméogo, à la démission, après le soulèvement populaire du 3 juin 1966. Ce dernier, au mépris de la modestie des moyens économiques et financiers de son pays, l’ex-Haute Volta, avait entrepris de bâtir dans sa ville natale, Koudougou, un palais luxueux. Pendant ce temps, les populations souffraient de famine et les fonctionnaires d’Etat étaient moins bien payés que ceux des pays voisins ; pire, ils l’étaient de façon irrégulière. Cette folie des grandeurs, qui était une pâle imitation des œuvres pharaoniques de Félix Houphouët-Boigny en son village de Yamoussoukro, fut cause de sa démission et de son exil en Côte d’Ivoire, grâce à la pression sociale générale et aux grèves syndicales ; voire à l’arrivée au pouvoir, malgré lui, du général Sangoulé Lamizana. Le peuple, spontanément, lui confia le destin du pays. Ce dernier s’employa à lui rester fidèle en le servant avec droiture et équité de 1966 jusqu’au coup d’Etat militaire du colonel Seye Zerbo le 25 novembre1980. Ce changement politique advint également à la suite de grèves déclenchées par le syndicat des enseignants et qui furent, peu à après, généralisées à tous les secteurs du monde du travail. Ces grèves n’étaient pas dirigées contre la personne d’Aboucar Sangoulé Lamizana, ni contre son action politique à la tête de l’Etat, mais contre le dysfonctionnement de son gouvernement, qui avait eu tendance à oublier les intérêts du peuple. En effet, la lecture de ses mémoires[1]lève le voile sur une personnalité remarquable.
D’abord, cet homme fut scrupuleusement respectueux des principes et de la loi fondamentale de l’Etat voltaïque. Dès le 14 juin 1974, il fit adopter une nouvelle constitution, suivie d’élections législatives en décembre 1970. Suite à des querelles stériles et incessantes de préséance politique entre le premier ministre, Gérard Kango Ouédraogo et le président de l’Assemblée Nationale, Joseph Ouédraogo, le président Sangoulé Lamizana fut mis comme entre-parenthèse. Cette situation ubuesque conduisit, par nécessité, à la paralysie de l’Etat ; d’où l’adoption d’une nouvelle Constitution le 27 novembre 1977, pour tâcher de résoudre ce dysfonctionnement de l’Etat, en vertu uniquement d’une guerre fratricide entre deux individus d’un orgueil et d’un égoïsme démesurés. Lors d’élections libres et démocratiques en mai 1978, Aboubacar Sangoulé Lamizana fut mis en ballotage face à son adversaire Macaire Ouédraogo ; mais il fut élu au second tour avec 56,27 % des voix. Il refusa de suivre les conseils de ses pairs africains subsahariens qui lui avaient fortement conseillé d’utiliser la technique mise au point dans tous les pays francophones par la « Françafrique » : le trucage des élections, par le bourrage des urnes, qui font que des chefs d’Etat sont élus à 99,99% des voix dans leur pays.
Donc, avant l’avènement de Thomas Sankara, le 4 août 1983, la Haute Volta avait un chef d’Etat ayant le même sens aigu de l’intérêt majeur des peuples de son pays que ce jeune capitaine. En effet, hormis les fonds de la présidence pour la réception des hôtes de ce pays, comme les chefs d’Etat, les délégations diplomatiques etc., cet homme n’a jamais touché à un sou de son pays, à titre personnel. Il a toujours vécu de sa pension militaire pour services rendus à la nation française. Mais, c’était une pension dérisoire, en raison de l’iniquité commise par l’armée ou l’Etat français à l’égard des anciens combattants de la coloniale d’origine étrangère, notamment africaine, arabe, indochinoise etc. Pourtant, l’on reconnaît qu’ils s’étaient investis à fond pour la défense des intérêts de leur patrie française, parfois, pour beaucoup d’entre eux, au péril de leur vie. C’est dire si Aboubacar Sangoulé Lamizana était un chef d’Etat d’une grande simplicité, d’une personnalité attachante pour ses concitoyens. Malgré la durée de ses mandats successifs à la tête de son pays, il sut mettre à distance les vertiges du pouvoir politique. Contrairement à un grand nombre d’élites politiques africaines subsahariennes, qui oublient vite leurs racines paysannes ou celles de leurs parents pauvres, dès qu’elles accèdent au pouvoir, il savait qu’il était issu du peuple. Et il resta fidèle à ses origines sociales très modestes en demeurant dans l’intimité de ses liens avec les peuples de son pays. D’ailleurs, ceux-ci voyaient en lui plutôt un père de famille qu’un « Père de la Nation », contrairement à la position adoptée par la majorité de ses pairs présidents africains subsahariens.
Aboubacar Sangoulé Lamizana savait faire corps avec les peuples de son pays, vivant presque en eux, en partageant leurs joies et leurs souffrances. On le regarde encore aujourd’hui, dans son pays, comme un modèle de gestion rigoureuse du pouvoir. On comprend alors qu’un journaliste de « L’Indépendant » (N° 664, 30 mai 2006), Talato Sûd Saya, puisse écrire à son sujet : « le général Aboubacar Sangoulé Lamizana fut pour ses concitoyens et pour beaucoup de ses contemporains, un exemple de modestie, d’humilité, de tolérance et de sagesse[2] surtout. Rarement, unanimité est faite au sujet d’un homme, de son action politique, de sa gestion du pouvoir et de l’Etat, de sa vie militaire et civile, de sa vie au milieu des siens pour tout dire… Quand on parle du président Lamizana, l’image du grand homme qu’il fut, nous renvoie à la IIIe République : c’est Sangoulé Lamizana. Un régime qui a fait la fierté des Burkinabés chez eux ou en déplacement sur le continent et hors du continent. Lors des rencontres internationales, le délégué voltaïque était l’objet d’une attention. On lui demandait d’expliquer le fonctionnement de la démocratie dans son pays présenté pourtant comme étant le plus pauvre de la planète. A l’époque où partout en Afrique, les chefs d’Etat prenaient en otage les urnes et modifiaient les résultats du scrutin à leur convenance ; à l’époque où ailleurs en Afrique les opposants politiques, les syndicalistes et autres défenseurs des droits de l’homme étaient contraints à l’exil, soit à être des prisonniers politiques s’ils ont la chance de ne pas être à deux mètres sous terre dans une tombe politique, le Burkina Faso vivait une démocratie réelle qui se traduisait par un pluralisme politique, une presse libre et politique ». Ce journaliste insiste aussi sur le respect du bien commun dont Aboubacar Sangoulé Lamizana faisait preuve. Sa propre conduite inspira à ses concitoyens un comportement général semblable. Ce respect du bien commun était même érigé en une sorte de dogme quasi religieux. D’où la confiance légitime des peuples de son pays en lui, en raison aussi du respect de la vie humaine qui était au cœur de son éthique personnelle. Il semblerait même qu’il ne porta atteinte à la vie d’aucun de ses concitoyens pendant les quatorze années de pouvoir en tant que chef d’Etat. Il fut un homme détaché des charmes et des excès du pouvoir, de la fascination et du désir démesuré de l’argent : il croyait aux vertus d’une démocratie qui libère l’intelligence des citoyens au lieu de les aliéner ; qui cultive en eux le sens de la vertu politique. En ce sens, il incarna l’Etat républicain, l’éthique politique ; une qualité rare dans le champ de la chose politique en Afrique noire et ailleurs.
Si Thomas Sankara n’avait pas le même sens de la tolérance politique, en raison de la violence inhérente à toute révolution, il n’en demeure pas moins qu’à l’instar de son aîné – il aurait pu être aussi son père – à la tête de ce pays, il fut l’incarnation achevée du sens de l’intérêt public. Qu’il me suffise, avant de poursuivre cette analyse, de rapporter ici l’indignation de Denis Sassou N’Guesso, président du Congo, quand il apprit sa mort. C’est, du moins, ce qui est écrit dans l’un des ouvrages de Sennen Andriamirado, consacré à l’œuvre et à l’assassinat de Thomas Sankara : « je suis profondément bouleversé, choqué et indigné, dit-il ce jour-là, par la disparition brutale et inacceptable du camarade Thomas Sankara, grand ami du peuple congolais, avec qui j’avais tissé des liens très étroits d’amitié et de lutte. Le président Sankara était un dirigeant intègre, dynamique et entièrement dévoué à la cause de son peuple[3] »[4]. Si Thomas Sankara avait dirigé un pays très riche, comme la Côte d’Ivoire ou l’Angola, si son peuple avait consenti à le suivre sur le chemin des privations des charmes des biens matériels, voire sur la voie de la défense de l’intégrité morale en politique et en économie, dans la lutte à mort contre les traces de la corruption (corrupteurs et corrompus étaient combattus par ses soins), il aurait fait du Burkina Faso un pays aussi prospère et physiquement aussi propre que la Confédération Helvétique. Hélas ! Son frère d’armes lui ôta l’occasion de conduire un tel projet à son terme. Thomas Sankara voulait la liberté pour son peuple même si les syndicats, généralement très politisés, fiers de leurs prérogatives (le pouvoir acquis de faire et défaire les gouvernements si ceux-ci trahissaient l’intérêt du peuple, violaient les principes des libertés, etc.) lui ont vivement reproché d’avoir tenté de les museler, de briser leur statut d’unique force d’opposition face aux pouvoirs exécutifs, militaires ou civils.
Cet attachement à défendre la liberté des particuliers l’amena à commettre des excès. En effet, il se fondait sur le principe qu’il n’y aurait pas de réelle égalité des sexes tant que des femmes et des filles étaient livrées, volontairement ou par contrainte, au commerce du sexe. Il s’engagea donc à combattre essentiellement la prostitution en épargnant la personne des prostituées elles-mêmes. Mais son initiative fut mal comprise ou interprétée de façon maligne par ses détracteurs, ses ennemis et /ou adversaires. La désinformation tenait au fait qu’il parlait de « rééduquer » les prostituées pour les préparer à d’autres genres de métiers où elles mettraient en valeur leur intelligence et non plus uniquement les charmes de leur corps. Pour ce faire, ses adversaires/ennemis n’hésitèrent pas à le traiter de misogyne. Pourtant, dans cette volonté de supprimer la prostitution, en lien avec son idéal de « mobilisation de la société », Thomas Sankara procéda par ordre. Alors qu’il avait les pleins pouvoirs de mettre un terme immédiatement à ce genre de commerce, il commença par réglementer, de façon, certes, sévère, cette « profession », si on peut l’appeler ainsi. Cette initiative inaboutie (il a été impossible de supprimer totalement la prostitution), relevait, néanmoins d’un principe humain fondamental, d’un acte politique d’égalité majeure. C’est, du moins, ce qu’écrit Sennen Andriamirado : il s’agissait, selon Thomas Sankara, de se « débarrasser du proxénétisme et de l’exploitation de la femme par l’homme ». Au programme : chasse aux proxénètes souvent « déguisés en tenanciers ou tenancières de bars et de buvettes ; mais aussi reconversion des prostituées en chauffeurs de taxis, en « soldats » de la révolution, en secrétaires, en couturières ou cuisinières[5] ».
Cette révolution des mœurs, qu’il voulait opérer, n’était pas fort éloignée de la recherche d’une éthique personnelle de vie placée sous le signe de la simplicité et de la frugalité. C’était même un ascète qui se serait éventuellement passé de manger s’il y avait eu un autre moyen plus simple, genre comprimé, pour se nourrir. Il ne buvait même pas d’alcool, comme la bière, dont ses compatriotes sont friands. En ce sens, on peut dire que Thomas Sankara avait quelque chose à voir avec le philosophe-roi dont Platon dessine l’éthique de vie dans sa République. Il ne lui était pas semblable par le niveau intellectuel élevé dont faisait preuve le philosophe, gardien de la République de Platon, mais par le mode de vie frugal et simple. Platon recommandait, en effet, au gardien d’unir la générosité et la grandeur d’âme à la tempérance et au courage. Sans aller jusqu’à la chasteté parfaite du philosophe platonicien, Thomas Sankara, à sa manière, dut contribuer au développement des vertus de l’âme en fortifiant le corps par des activités physiques et sportives assidues ; ce qui évitait l’indolence du corps et la mollesse de l’esprit. Car la gymnastique et autres activités sportives, alliées à la culture de l’esprit, contribuent à former des femmes et des hommes complets et harmonieux dans leur être. Comme le philosophe platonicien, sa maturité spécifique, malgré son jeune âge, lui permettait de cultiver au plus haut degré le sens de l’intérêt commun. Comme lui, Thomas Sankara ne possédait, à titre personnel (ses comptes étaient transparents et son salaire connu de tous ses concitoyens), ni argent, ni terre, ni habitation, ni richesse quelconque. Et c’était à ce titre qu’il était la fierté de ses compatriotes et regardé comme le serviteur des peuples de son pays. Car il était soucieux de leur bonheur (bien-être au niveau des conditions de vie matérielles et spirituelles) ; et pour tenter de les rassurer, il se dévouait sans réserve ni limite à cette fin en assumant dignement sa tâche de président citoyen égal à chacun d’entre ses concitoyens. Autrement, il semblait qu’à ses yeux, la poursuite d’un but, de nature égoïste, aurait pu le détourner subrepticement de ce dévouement à la cause des peuples de son pays.
Thomas Sankara savait que son pays est pauvre, et il ne rêvait pas d’en faire un pays riche, mais autonome d’un point de vue de la satisfaction des besoins essentiels des peuples de cette contrée, à la manière de Kadhafi. Selon Sennen Andriamirado, c’était l’une des raisons d’opposition entre ce président citoyen et son compère Blaise Compaoré ; une vision radicalement contradictoire des choix économiques pour le devenir de leur pays. C’est, du moins, ce qu’il rapporte dans son ouvrage. En effet, Blaise Compaoré avait résolument choisi son camp : l’enrichissement personnel, l’endettement de son pays si pauvre, après avoir partagé, auparavant, les vues de son frère d’armes, Thomas Sankara. D’où l’antagonisme des thèses souligné par cet auteur : « alors numéro deux du Conseil National de la Révolution, le Ministre d’Etat délégué à la présidence, Blaise Compaoré, nous disait en avril 1987 : « Nous n’avons pas besoin de signer un accord avec le Fonds Monétaire International : les mesures d’austérité que nous prenons sont déjà suffisamment draconiennes et notre impasse budgétaire est minime ». Dix mois plus tard, devenu numéro un du Front Populaire, le même Blaise Compaoré professe : « Tous les pays du monde s’endettent. Pourquoi pas le Burkina Faso ?[6] ». Contre une telle thèse, le visionnaire Thomas Sankara savait que l’enrichissement des particuliers risquerait d’engendrer l’oisiveté et la mollesse de la population. Il y avait aussi le risque de voir surgir le mépris des acculturés (élites politiques, économiques, intellectuelles), plus aisés et plus fortunés à l’égard des plus pauvres d’entre les citoyens de ce pays ; voire leur indifférence, comme c’est le cas aujourd’hui, par rapport à leurs problèmes vitaux de santé, de famine chronique, bref de survie sur tous les plans.
Cette simplicité dans le mode de vie de Thomas Sankara, Président citoyen, se remarquait à tous les échelons de son existence et de ses actions politiques. Ainsi, selon Sennen Andriamirado, dès sa désignation par le C.N.R. (Conseil National de la Révolution) à la tête du pays, « les Sankara avaient emménagé, en 1984, au palais présidentiel, laissé à l’abandon depuis le renversement, en 1966, de Maurice Yaméogo…En fait de palais, il s’agissait d’un immeuble vétuste, que Mariam, qui n’aime guère le style négligé, avait su faire aménager : les murs décrépits avaient été repeints, l’immense et inhospitalière salle à manger partagée en deux pièces, ce qui avait permis de dégager un modeste boudoir où le président recevait ses visiteurs nocturnes. Blaise et Chantal Compaoré n’ont pas voulu de ce palais-là. Mi-1988, un nouveau bâtiment a commencé à être construit, à l’écart de Ouagadougou, sur la route de Pô[7] ». Comme Thomas Sankara visait à atteindre l’autosuffisance économique de son pays (il insiste sur le fait que les Burkinabés devaient compter sur leurs propres moyens) et l’autarcie alimentaire, il contraignit les cadres de la révolution, en particulier, les fonctionnaires de tous les échelons, à porter le faso dan fani ou production de vêtements traditionnels locaux. Il voulait ainsi encourager l’artisanat local, faire marcher l’industrie de production des tissus implantée à Koudougou et éviter de la sorte toute importation qui signifie sortie importante d’argent. Cette initiative permettait d’absorber une partie de la production cotonnière burkinabé dont l’accès aux marchés internationaux commençait à connaître de sérieuses difficultés, en raison de la concurrence des pays producteurs occidentaux, comme les Etats-Unis. Thomas Sankara fut le seul Président de tout le continent africain à faire usage d’une Renault 5 comme voiture présidentielle et/ou officielle. Mieux, il fut aussi le seul chef d’Etat de ce continent, à ne pas avoir, à sa disposition, d’avion personnel. Même si de telles conditions de voyage à l’étranger le rendaient dépendant de certains chefs d’Etat amis, comme la Chine, la Libye ou Cuba, ce fut également un exemple unique de chef d’Etat au monde à faire de l’avion-stop pour effectuer ses voyages officiels à l’étranger.
En l’espace de quatre ans, malgré ses moyens financiers modestes, Thomas Sankara fit opérer un bond extraordinaire à la ville de Ouagadougou au niveau de l’innovation de l’habitat, de l’hygiène sanitaire et de la propreté de la ville. Il permit un changement brutal des mentalités en faisant prendre conscience aux peuples de son pays de la nécessité de savoir compter sur eux-mêmes, malgré la pauvreté de cette contrée. Il lutta férocement contre la corruption (corrupteurs et corrompus) et la gabegie par une surveillance accrue des réseaux qui les pratiquaient. Il combattit, de façon impitoyable, la criminalité en épurant le fameux « Bois de Boulogne », ce parc vert de Ouagadougou, qui fut, avant son ère, un repaire de dangereux bandits. Ces derniers semaient la terreur dans certains quartiers ou certaines banlieues de cette ville. Cette lutte sans merci contre ces délinquants permit à tout citoyen, tout étranger de pouvoir circuler dans la ville de Ouagadougou et ses environs sans crainte d’être attaqué comme à Lagos (Nigéria) ou encore à Abidjan (Côte d’Ivoire) ; ces villes où la peur d’être attaqué par des voleurs, des voyous est partout, en plein jour comme pendant la nuit, qu’on soit touriste ou qu’on même originaire de ces pays.
Dès lors, on peut dire qu’à l’instar d’Aboubacar Sangoulé Lamizana, Thomas Sankara, en l’espace de quatre années de révolution, obtint des résultats remarquables. Son sens profond de la justice et sa volonté d’être proche du pays réel, de se conformer aux attentes et aux besoins vitaux des peuples de son pays, le conduisit à prendre soin de ceux-ci. Il ne put, malheureusement, tout accomplir en ce laps de temps très court, eu égard à l’échelle d’une vie humaine. Mais, ce qu’il réalisa était déjà considérable : l’assiduité dans la fonction publique, la moralisation au niveau des biens publics, l’amélioration des conditions de santé pour tous, y compris jusque dans les villages les plus reculés du Burkina Faso, le taux de scolarisation élevé par la gratuité de l’école pour tous, le logement décent pour beaucoup de salariés dans toutes les provinces du pays etc. Sennen Andriamirado résume bien les succès de la politique de Thomas Sankara en si peu de temps : « désormais deux repas et dix litres d’eau par jour et par Bukinabé. Trente barrages et retenues d’eau réalisés chaque année contre une moyenne annuelle de vingt auparavant. Six-cents puits et onze cents forages en 1986. Six-cents kilomètres de routes bitumées par an contre une moyenne annuelle de cinquante-neuf kilomètres au cours des vingt précédentes années. La création d’un système de transport en commun auquel les Burkinabés n’avaient jamais droit auparavant. Un taux de scolarisation de seize pour cent à vingt quatre pour cent en quatre ans de révolution, grâce à la multiplication des infrastructures scolaires, à la baisse des frais de scolarité et au plafonnement des prix de fournitures scolaires. La mise en place d’un poste de santé primaire dans chaque village. Tous ces résultats et bien d’autres, ont été récusés par les assisses[8]».
A l’inverse de ce beau palmarès de succès d’une politique économique, l’état actuel du Burkina Faso, tel qu’il est peint par les agents de l’Etat apparaît comme un tableau apocalyptique. Selon eux, les plaies du Burkina Faso d’aujourd’hui sont les suivantes : « la corruption, l’impunité des délinquants à la tête de l’Etat, la fraude, la pauvreté, l’expansion du Sida, l’analphabétisme, le vol, l’injustice, l’argent facile, etc. ». En ce qui concerne l’éducation, secteur prioritaire par excellence, il semble, d’après les Burkinabés, que la mise en œuvre du « Programme Décennal pour le Développement de l’Education de Base », financé à 235 milliards environ (la participation de l’Etat burkinabé est estimé à 20% seulement) par les pays et des organisations internationales, tarde à démarrer ou à prendre son envol. Personne ne comprend ce qui se passe. Les Burkinabés sont donc enclins à supputer sur cette affaire. Leur raisonnement est le suivant : en raison des lenteurs dans la mise en branle de ce projet, on eût dit que les responsables (élites politiques essentiellement) désignés pour conduire à bien ce projet, déjà financé, cherchent à puiser le plus d’argent pour remplir leurs poches sans aucun égard pour la finalité du projet. On sait que sur certains projets d’un milliard de francs CFA, 800 millions sont détournés au profit des élites politiques ; une voracité sans commune mesure avec les excès de celles d’autres pays. Pourtant, ce « Programme Décennal… » avait suscité beaucoup d’espoir au Burkina Faso : l’augmentation du taux de scolarisation des enfants, ce qui permettrait à ce pays pauvre d’atteindre un certain niveau de développement. C’est cette finalité qui a conduit les partenaires de ce projet à adhérer à ses objectifs et, donc, à miser des fonds importants, dans un panier commun, en vue de l’expansion de cette éducation prioritaire. Jusqu’à ce jour (juillet 2006), on est bien loin du compte. Les acteurs bukinabés sont les seuls responsables et coupables de cette lenteur inexplicable.
En dépit de ces progrès patents de la révolution sociale et économique, de l’autarcie, de l’indépendance réelle et de la liberté, qui auraient dû emporter l’élan de toutes les couches sociales, beaucoup d’entre ses concitoyens acculturés (les Hérodiens de la pire espèce imaginable, élites politiques, intellectuelles, économiques) se coalisèrent, au contraire, contre Thomas Sankara. Puisque c’est, en dernier ressort, l’exigence de satisfaire la politique du ventre et du bas-ventre qui l’emporte toujours, chez l’espèce humaine, sur les considérations rationnelles de l’intérêt général d’un pays, Thomas Sankara ne fut pas totalement suivi dans ses initiatives de la moralisation de la vie publique, à l’instar de ce qui se joue au sein des sociétés dites traditionnelles. L’on sait qu’en raison de la vigilance de tous, de l’observation des uns et des autres, de l’omniprésence d’autrui, les déviances sexuelles, les formes d’infidélité, les coups tordus, les délinquances dans la gestion des biens communs etc., sont vite repérés et les auteurs sévèrement sanctionnés. Ainsi, chez les Lyéla du Burkina Faso, l’auteur d’un adultère commis avec la femme d’un membre du même clan, quel que soit l’éloignement, dans l’espace, des coupables par rapport au village où est érigé l’autel du clan ou kwala, est passible de la peine de mort par sorcellerie[9]. C’est ce qui explique, entre autres, que les individus fuient vers les villes ou des contrées lointaines (Ghana, Côte d’Ivoire, etc.) pour vivre leur liberté sexuelle.
Or, Thomas Sankara aurait voulu imposer à tout le pays, et à tous les niveaux des structures sociales, un tel degré de sévérité au niveau des mœurs, entres autres sexuelles, par la culture de la vertu morale, le culte de l’intérêt public, le progrès de l’esprit par l’instruction généralisée, le sens du patriotisme, qui sont des valeurs spirituelles universelles. Cet échec montre bien, malheureusement, que le Burkina Faso et ses habitants sont comme les autres hommes, hormis leur inclination générale à la bienveillance envers l’étranger, au respect d’autrui, à leur sens de l’hospitalité, à leur générosité, bref leur sens de l’amitié. La preuve en est qu’après avoir annoncé une pause dans la réforme de la société et la tolérance d’une forme de prostitution, aussitôt les citadins avaient retrouvé le sourire, la gaieté. Ils pouvaient à nouveau aller au bordel, renouer avec le système des maîtresses et, surtout, se livrer aux plaisirs de l’alcool (la bière).
D’où la révolte irrationnelle des élites politiques et intellectuelles de son pays : au nom de la tendance naturelle à l’égoïsme et à la surenchère du désir, cette convoitise inextinguible que des philosophes rationalistes de la Grèce antique ont combattue en vue d’atteindre le bonheur par la paix de l’âme (Platon, Epicure, Epictète, etc.), au pire moment de la révolution, elles n’ont pas hésité à le traiter de « déséquilibré mental ». Elles s’en sont prises à sa personne au lieu de l’affronter sur le plan des idées, de l’argumentation politique, comme si elles s’évertuaient à fuir le vrai débat qui vaille. Pire, des tracts appelaient même au meurtre en parlant des « débuts de la fin du fou » ; ce qui traduisait leur haine de son action politique et des conséquences que celle-ci avait entraînées sur la qualité de la vie des agents de l’Etat, telle la baisse du pouvoir d’achat de tout le monde de manière à rendre, autant qu’il se peut, les conditions de vie égales pour tous. Thomas Sankara était devenu une personnalité gênante tant à l’extérieur du pays (il constituait, par son mode de vie simple et austère, et son attachement à défendre l’intérêt général des peuples de son pays, une leçon de moralité permanente pour ses pairs africains subsahariens) tant qu’à l’intérieur. Cependant, dans son propre pays, il ne l’était pas pour la majorité de ses concitoyens qui le soutenaient, malgré les dures réalités imposées par la marche en avant forcée, mais essentiellement pour les élites politiques et intellectuelles, ce monde impitoyable des acculturés ou Hérodiens.
A l’extérieur, d’abord : l’on sait l’importance de la « Françafrique » dans le destin des élites politiques africaines subsahariennes. Depuis la colonisation, puis les indépendances, l’attitude des politiques français n’a guère varié : regarder les chefs d’Etat africains francophones comme des pantins manipulables à merci dans l’intérêt économique de la métropole. Pierre Joxe[10], tout autant que Jacques Attali, a insisté sur la passion de François Mitterrand pour « l’union française ». Dans son ouvrage Aux frontières de l’Union Française, François Mitterrand écrit : « Paris est l’authentique et nécessaire capitale de l’Union Française […] Des Flandres au Congo, le troisième continent s’équilibrera autour de notre métropole[11]». Ce qu’on appelle communément « le Pré carré » est la preuve que les élites françaises de la génération contemporaine de la période de l’occupation ou de la colonisation et leurs descendants n’ont jamais regardé leurs collègues du « Pré carré » autrement que comme des larbins chargés par la Métropole de veiller sur le maintien du statu quo. La preuve tient à la présence massive des armées françaises en Afrique subsaharienne. Hormis la zone anglophone, les pays sont comme encerclés de partout. Ainsi, selon « Le Monde » du mardi 29 août 2006, on compte 1100 soldats au Tchad, 1100 soldats au Sénégal, 3000 soldats à Djibouti, 750 au Gabon, 3800 en Côte d’ivoire, 200 en République Centrafricaine, 1048 en R.D. Congo, 50 au Cameroun, 100 au Togo, 300 marins dans le Golfe de Guinée etc. Comment, dès lors, ces pays peuvent-ils prétendre être indépendants, libres et autonomes ? On comprend alors le besoin des élites politiques de ces pays soumis de venir à Paris pour faire la danse du ventre, voire du bassin devant leurs compères français pour mériter d’être élevés au statut de chefs d’Etat par la grâce et le soutien de Paris. Car selon Stephen Smith et Antoine Glaser, c’est toujours Paris qui décide du sort des uns et des autres dans leurs pays respectifs. Il faut que tous ceux qui veulent se faire élire président dans leur pays viennent se faire connaître à Paris, obtenir l’aval de Paris. Même cinquante ou soixante ans après les indépendances, l’esprit de « l’Union Française » demeure en tant que pouvoir politique sournois qui, dans les anciens pays francophones subsahariens occupés, continue d’avoir une mainmise pesante, voire encombrante sur les affaires économiques et politiques de ces Etats, qui ne sont tels, d’ailleurs, que par le seul nom « d’Etat ». Imagine-t-on des élites chinoises, indiennes ou mêmes algériennes se livrer à cette indigne scène politique ? A cette mascarade infantilisante ? Tel le sens de ce que ces auteurs écrivent avec un humour cinglant : « à l’instar de l’Elysée avec sa « cellule africaine », chaque grande entreprise ou banque en France a sa « structure » où règne un « monsieur » ou, comme longtemps à la BNP, une « madame Afrique». Toujours dotée d’un statut « particulier », cette structure est chez les pétroliers Elf et Total une véritable forteresse, avec des salles de commande souterraines mal contrôlées depuis l’étage des chefs… Les « Messieurs Afrique » profitent de la non-concurrence et de leurs réseaux tissés pour certains, depuis les indépendances de 1960 : l’époque « heureuse » où le « dispositif français » se résumait à l’ambassadeur, la « barbouze », le chef d’escale UTA et le directeur du grand comptoir de la place… Il y a ainsi des « anciens » au village franco-africain où chacun a son rôle, ses pays de prédilection, ses « parrains » et ses « protégés[12]».
En outre, cette « Union Française » tant rêvée par François Mitterrand et par tant d’autres élites de sa génération, était déséquilibrée. Elle ne présentait d’avantage que dans un sens, celui de la métropole. Comme l’ont bien montré Stephen Smith et Antoine Glaser dans leur ouvrage, les grandes entreprises françaises font la pluie et le beau temps dans ces pays francophones. Martin Bouygues ou encore Bolloré, par exemple, règnent en maîtres en Côte d’Ivoire. Bouygues pourrait même décider de mettre ce pays à genoux s’il le désirait, comme ITT le fit au Chili en 1973 en renversant le président élu de ce pays, Salvador Allende. Par ailleurs, l’inégalité de traitement entre les métropolitains et les membres de l’Union française aurait continué à empoisonner les relations au quotidien. Les Antilles sont françaises depuis le XVIIIe et ses habitants, hormis la couleur de leur peau, qui semble gêner plus d’une personne en métropole, sont des Français de souche de par le droit du sol décrété par la République. Et pourtant, quelles précautions ne prend-on pas quand on nomme un Antillais à une fonction importante ? Tel est le cas de Roger Bambuck que Michel Rocard, alors Premier Ministre, avait nommé ministre des sports en 1988 dans son gouvernement. Il a fallu qu’il vienne lui-même sur les antennes de la télévision publique pour insister particulièrement sur la compétence de ce dernier. Ce faisant, il prête aux Français de la métropole un sentiment de résistance ou de refus de voir la nomination d’un Noir à ce genre de fonction. Il prend son propre malaise et son hypocrisie politique pour ceux du peuple tout entier, comme si celui-ci était incapable de comprendre par lui-même une telle nomination.
Disons au passage que les Noirs et les Arabes de ce pays se trompent grandement quand ils pensent que militer dans les partis de gauche leur ouvrirait plus de possibilités politiques. Ils n’ont pas encore compris qu’au-delà du discours politiquement correct, il y a beaucoup d’hypocrisie qui empêche les partis de gauche d’intégrer davantage leurs compatriotes dits de couleur dans les instances de direction ; même quand ils sont devenus pleinement métropolitains (il y a, en effet, des gens originaires des DOM-TOM qui vivent en métropole depuis des années ; ils sont donc métropolitains, hormis les préjugés imbéciles de personnes ordinaires, quel que soit le statut social de celles-ci). Ces Noirs et ces Arabes de la métropole le savent bien : chaque parti politique, en particulier le parti socialiste, a ses clans qui s’adonnent respectivement à la préférence d’individus non seulement conformes à la normalité métropolitaine (couleur physique locale), mais aussi ceux dont l’esprit est enclin à défendre la hiérarchie interne. Sur le plan national et local, la hiérarchie politique place les individus en question, c’est-à-dire ses « hommes » à des postes clefs pour défendre ses intérêts lors d’occurrences majeures, comme les élections nationales et locales. Ce faisant, cette hiérarchie agit à l’instar des chefs d’Etat qui choisissent arbitrairement leurs conseillers et/ou collaborateurs sans tenir nécessairement compte de leurs compétences spécifiques. Or, tous les militants conformes (« normaux ») se bousculent aux portions de tous les niveaux de la hiérarchie pour accéder aux meilleures places, aux postes intéressants (financièrement) et ne laissent aucune chance aux « vilains canards ». Ces derniers sont, pourtant, généralement militants par conviction et non pas nécessairement par intérêt pour la « soupe populaire gratuite » (les postes ministériels et autres strapontins de la République). Que la vie politique en France est cruelle et impitoyable comme le monde lui-même à l’égard des singularités ! Noirs et Arabe, métropolitains ou non, doivent s’armer de patience encore s’ils veulent que leur militantisme aboutisse à quelque récompense un jour, s’ils désirent bousculer, de l’intérieur des partis politiques, cette mentalité centenaire, ce « fait du prince » quant à la nomination des individus aux postes les plus enviés ou honorables de l’Etat français. Car en ce beau pays, on aime les beaux principes (égalité, liberté, humanité), les belles idées (pays des droits de l’Homme). Mais, dans les faits, on (l’individu du commun et/ou de la masse) tolère peu la différence. On s’en tient toujours à la « dictature de la peau » ou du patronyme. La grandeur de soi-même, quand on est différent (peau, origine, religion) dans les succès des merveilles de l’esprit (réussite intellectuelle), n’a aucune importance, ni incidence sur la considération qu’on mérite de la part des autres citoyens ; ou qu’on est en droit d’attendre d’eux. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler ce qui est arrivé à M. Azouz Bega : Lyonnais, écrivain et chercheur français, en économie et en sociologie (auteur d’un grand nombre d’ouvrages, qui ont connu un succès en France), homme politique. Nommé ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances sous le gouvernement de M. de Villepin (du 2 juin 2005 au 5 avril 2007), il n’a pas échappé pour autant au mépris manifeste de certains de ses collègues, ministres comme lui du même gouvernement. En effet, son différent avec M. Nicolas Sarkozy l’a fondamentalement humilié (Un mouton noir dans la baignoire). Il a été meurtri par cette affaire. Qu’un si grand intellectuel comme lui, qui n’a rien à envier à aucun autre, ait été à ce point méprisé, en raison de ses origines ou de sa religion, lui a paru absolument incompréhensible. En France, et dans les faits au quotidien, son cas n’est pas isolé. Noirs ou Arabes métropolitains sont toujours rejetés hors du champ du politique, voire, parfois, des hautes fonctions nobles de la République (armée, administration, certains ministères etc.)
Malheureusement, de telles mœurs, en France, ne sont pas spécifiques aux seuls partis politiques ; elles ont cours également dans d’autres institutions de l’Etat, même parmi les plus nobles comme l’université ou le CNRS (Centre national de recherches scientifiques). J’en ai moi-même fait l’amère expérience au cours des années 2000. S’agissant des candidatures au C.N.U. (le Conseil national des universités) pour la qualification aux postes de Maître de Conférence, un ami sociologue d’Aix-en-Provence, lui-même M.C.F. à Nantes, auquel j’avais écrit pour avoir quelques informations relatives à la meilleure manière de constituer le dossier de candidature, m’avait répondu en ces termes : « vous risquez de perdre votre temps dans ce « panier de crabes ». Ils ne sont pas sérieux et il n’y a pas de meilleur dossier qui vaille si vous n’êtes pas soutenu. Dans ce cas, ils ne prendraient même le temps d’examiner votre dossier. Tout n’est qu’hypocrisie et mascarade. Car les différents jurys ne se donnent pas la peine de lire et d’étudier des milliers de dossiers de candidature qu’ils reçoivent chaque année. Les jeux sont faits à l’insu des candidats, et avant même les commissions. Si vous n’êtes pas recommandé ou soutenu par un grand ponte ou un chef de département de votre discipline, (ce qui inclinerait à regarder votre dossier de plus près ; et s’il est sérieux, à être qualifié), vous n’avez aucune chance de figurer parmi les qualifiés ; même si votre dossier est bon ». Ceci a été confirmé, au cours des mêmes années, par un autre ami. En effet, M. André Holley, ancien directeur du Laboratoire de recherches sur l’olfaction de l’université de Dijon, m’avait fait la remarque suivante, comme par boutade : « il faudra que vous fassiez des recherches anthropologiques sur les mœurs de recrutement de l’enseignement universitaire en France. Nous recrutons soit les candidats qui nous sont vivement recommandés par nos collègues des autres universités, qui ont des étudiants diplômés à placer, et qui sont susceptibles de nous rendre de pareils services un jour ; soit des candidats que nous connaissons bien ou que nous avons nous-mêmes formés. Ne savez-vous pas qu’un chef de département, un directeur de recherches dans un laboratoire quelconque ne s’avisera pas de recruter un candidat inconnu, de peur que celui-ci ne lui fasse de l’ombre au cas il serait plus intelligent ou plus compétent que lui ? Personne ne veut de concurrent dans le poste qu’il occupe, quand celui-ci est source d’avantages et/ou de privilèges multiples et variés ». Enfin, à propos du CNRS (Centre national de recherches scientifiques), lorsque j’étais candidat à un poste, des amis chercheurs au sein de cette institution me posaient la question suivante : « connais-tu quelques membres de ton jury susceptibles de défendre ton dossier ? » Hélas !
Je n’ai jamais connu une personne de ce genre. Je suis issu d’une population qui inculque à ses membres, dès l’enfance, l’esprit d’indépendance par rapport à autrui. Elle les incite à rechercher la liberté intérieure souveraine. Elle nous apprend à respecter autrui, à lui témoigner de l’amitié, qu’il soit familier ou étranger. En revanche, elle juge qu’il est déshonorant de se soumettre à autrui, de lui faire allégeance (sans raison objective), de sorte que l’on puisse lui dire en face, en cas de conflit et de provocation : « je ne te dois rien ; je ne mendie pas chez toi (dans ta cour) et ma survie quotidienne (nourriture et boisson) ne dépend pas de toi ». L’on n’a de maître que celui qu’on s’est librement choisi : non pas celui qui nous rabaisse, mais celui qui nous élève humainement, moralement, intellectuellement. Ainsi, je puis reconnaître comme maîtres des philosophes ou des anthropologues qui, par leur pensée, m’ont aidé à grandir, comme Platon, Descartes, Rousseau, Nietzsche, ou encore mon ex-éminent professeur de philosophie, François Dagognet, voire Robert Jaulin. Ce dernier, en anthropologie, tout comme Nietzsche en philosophie, m’ont influencé par le concept d’« esprit libre». Nietzsche, qui l’a pensé de façon originale et profonde, le définit d’ailleurs en ces termes : « on appelle libre esprit celui qui pense autrement qu’on ne l’attend à cause de son origine, des ses relations, de sa situation et de son emploi ou à cause des vues régnantes du temps. Il est l’exception, les esprits serfs sont la règle ; ceux-ci lui reprochent que ses libres principes doivent communiquer un mal à leur origine, ou bien aboutir à des actions libres, c’est-à-dire à des actions qui ne se concilient pas avec leur morale dépendante »[13]. Dans Ecce Homo, il précise même ce qu’il entend par « esprit libre » : « un esprit affranchi, un esprit qui a repris possession de lui-même »[14]. Sans doute, je reconnais que l’on m’avait toujours prévenu que je ne pourrais jamais avoir accès à l’université française en faisant preuve d’une telle disposition d’esprit (l’on m’a même appelé un « électron libre »). Nonobstant, mes échecs tiennent au fait que je me suis toujours conduit inconsciemment suivant mes deux sources d’influence culturelle : celle de mon peuple d’origine et celle de la philosophie. Aussi, concernant mes échecs à accéder à un poste dans une université française ou au CNRS, ne puis-je incriminer personne sur ces problèmes de fonctionnement humain !
En revanche, en matière de politique et de reconnaissance explicite des individus issus des minorités dites visibles comme membres à part entière de la République, la droite française semble plus franche que la gauche. En effet, M. Nicolas Sarkozy n’a pas eu besoin de prendre les mêmes précautions que M. Rocard : il a nommé des individus au gouvernement, qui sont conformes à la diversité de la France contemporaine ; même si les personnes en question n’ont pas toujours fait preuve de tenue politique irréprochable, ni de travail de qualité. Il démontre ainsi qu’il faut cesser de mentir au public en prétendant que les Français (ceux de l’imaginaire de certains politiques français) ne sont pas prêts à voir figurer, parmi les grands commis de l’Etat, des hommes noirs, verts, bleus ou oranges. Il s’agit de pures sottises politiques. D’ailleurs, ne vaut-il pas mieux adhérer, non pas à un parti politique, mais à un projet qu’un candidat présente pour le peuple français ?
Cependant, toujours à propos de cette mascarade de Michel Rocard, il n’en a pas été ainsi, quand, plus tard, les gouvernements de droite ont nommé des ex-sportifs ministres, comme Lamour. Personne n’est venu à la télévision pour déclarer qu’ils sont compétents. Dès lors, dans cette « Union Française », il y a naturellement deux poids deux mesures entre les mêmes citoyens selon la teinte de leur peau. Il en est de même du présentateur antillais, Harry Roselmack, qui a remplacé Patrick Poivre d’Arvor au 20h au cours de l’été 2006 ; ce qui est courant, banal même dans les pays anglo-saxons, devient en France un événement d’une importance nationale. D’où l’ironie acerbe du « Canard enchaîné » : qui titre « n’en jité plus ! ». Il a fallu un sondage dans lequel « 81% des personnes interrogées souhaitent revoir à l’antenne le jeune journaliste martiniquais[15]» pour que les responsables de la chaîne daignent admettre ce fait : le succès d’un journaliste. « Du coup, TF1 ne se contient plus, Namias toujours, à propos du même « remplaçant » : « Il n’est pas exclu qu’un jour un présentateur noir présente régulièrement le 20h, mais actuellement il n’est pas du tout dans notre intention de remplacer Poivre». La remarque du « Canard » s’impose comme pour rafraîchir la mémoire collective : « vous avez bien entendu : il n’est pas inconcevable que d’ici quelques décennies un black se voit attribuer le 20h ! Deux cents ans seulement après l’abolition de l’esclavage, c’est d’une audace, d’une témérité ! Et puis, il sera bien temps au XXIIe siècle de se mettre en quête d’un Arabe qui sache lire ».
Il s’agit bien de rapports inégaux, même lorsque les individus en question, en l’occurrence, les Antillais, appartiennent depuis longtemps à la même nation la française. En effet, les uns sont blancs, les autres noirs ; et ces derniers sont considérés comme des extra-terrestres qui ne doivent pas être visibles partout, en métropole, dans les hautes structures du même Etat ; sauf si l’un d’entre ces derniers fait preuve de qualités exceptionnelles, qu’il montre à tout le monde qu’il est nettement au-dessus des autres, etc. Par ailleurs, au niveau salarial, même avec les indépendances, les métropolitains sont toujours mieux payés que leurs collègues locaux, qu’il s’agisse d’institutions publiques ou privées. Pire, des métropolitains confessent aimer travailler et résider dans les départements et territoires d’Outre-Mer (Réunion, Antilles, Nouvelle-Calédonie etc.) parce qu’ils sont mieux payés : « on a un salaire de coloniaux, disent-ils ouvertement. Nous sommes toujours comme en vacances. Le soleil des tropiques est agréable ». Or, c’est l’inverse qui devait avoir lieu : les salariés des DOM-TOM, qu’on oblige de venir travailler en métropole, devaient être mieux payés. En effet, en métropole, ils subissent les rudes saisons de l’automne et de l’hiver etc. En quoi une telle initiative serait-elle inconcevable ? N’est-elle pas plus juste au regard des règles républicaines qui veulent qu’on paie plus des individus pour aller en France tropicale ?
Or, Thomas Sankara avait rompu avec ce système dit néocolonial d’allégeance à la métropole et de soumission à la volonté des élites politiques françaises[16]. La remarque de François Mitterrand, rapportée par Sennen Andriamirado, après avoir appris la mort de Thomas Sankara en dit long sur la gêne que ce jeune homme président citoyen devait causer à ces hommes politiques français : «c’est un homme dérangeant. Il vous titille, vous pose des questions, vous empêche de dormir. Il a le tranchant d’une belle jeunesse, dévoué à son peuple, mais il tranche trop[17] ». En un sens, F. Mitterrand n’éprouvait pas de regret de le voir éliminé du milieu de ses pairs fantoches, prêts à entendre des discours politiques lénifiants et vains, voire à s’en contenter, même si, sous ces discours flatteurs, les intérêts majeurs de leurs peuples étaient menacés.
A l’intérieur, ensuite : la dialectique politique était engagée entre deux positions adverses : les partisans de la défense des intérêts d’une oligarchie droitière, étaient, de fait, ubuesques dans un pays pauvre, comme le Burkina Faso dont les peuples font preuve d’esprit culturel social, lequel est d’essence communautaire (ou presque) et les apologues, avec Thomas Sankara, des valeurs patriotiques fondées sur le culte de l’intérêt général, des idées humanistes. C’était même un leitmotiv dans les discours politiques de Thomas Sankara. Ce dernier avait eu le malheur d’avoir, en face de lui, son homme de confiance, son frère d’armes, l’ami qui l’avait auparavant sauvé de situations scabreuses, Blaise Compaoré. Celui-ci était un farouche défenseur de l’économie libérale et de ses dérives, comme l’enrichissement personnel et égoïste et, inversement l’appauvrissement des peuples du Burkina Faso. La situation présente des habitants de ce pays confirme le triomphe de cette ligne. Selon Sennen Andriamirado, il s’agissait bien d’un « conflit sur les « principes organisationnels » entre « la tendance droitière et opportuniste » et « la tendance authentiquement révolutionnaire[18]… ». Finalement, « la tendance droitière et opportuniste » l’a emporté dans la tragédie. La preuve en est que, selon les dires de Blaise Compaoré lui-même, après le drame du 15 octobre 1987 et le triomphe de la Rectification, le Burkina Faso en avait fini avec les idées généreuses et idéalistes de la Révolution. On fit place désormais au réalisme économique libéral plat et ses lots de misères populaires. Dans un article du « Monde », Blaise Compaoré affirme expressément : « notre révolution se déroulera dans un cadre bourgeois. Notre objectif, c’est la croissance. Nous avons besoin d’un développement du capitalisme… Pour nous, il n’a jamais été question de socialisme[19]».
Cependant, l’assassinat de Thomas Sankara entraîna un éloge mondial légitime. Car, pourrait-on dire, on a assassiné un espoir pour la jeunesse de l’Afrique subsaharienne. On comprend aisément la manifestation de mouvement d’hostilité, à travers tout le continent africain subsaharien, pendant près de trois ans, à l’égard de celui qui est présumé être l’instigateur de son assassinat, en l’occurrence, Blaise Compaoré. De l’Ouest à l’Est, du Nord au Sud de ce continent, la révolte de la jeunesse africaine était la même : la mort inacceptable de Thomas Sankara, leur idole, leur espoir politique ; une même indignation partagée par les pays étrangers au continent africain, soucieux, pour plusieurs d’entre eux, que les élites politiques africaines subsahariennes aient, enfin, un souci de la misère, des souffrances, des douleurs pandémiques (guerres incessantes, maladies contagieuses, famines, réfugiés, dégradations des conditions de vie, etc.) de leurs peuples, à l’instar de Thomas Sankara. Selon Sennen Andriamirado, une année après la mort de cette personnalité d’exception, «l’Union de la Jeunesse Africaine Thomas Sankara (U.J.T.S.), créée en juin par une soixantaine de jeunes de toutes nationalités, organise également une grande réunion au Lycée Blaise Diagne. Parmi les fondateurs de l’association et les organisateurs de la journée, des Sénégalais, bien sûr, mais aussi de jeunes Mauritaniens, Nigériens, Ivoiriens, Gabonais, Tchadiens, ainsi que Burkinabés. Ces derniers, dont certains militent dans un mouvement clandestin d’opposition au nouveau régime de Ouagadougou, le Konsavour (autrement dit « ceux qui refusent », se sont fondus dans la foule, se sachant étroitement surveillés par les observateurs officieux dépêchés par le Front Populaire » (p.p.155-156). On assista à des mouvements semblables au Congo organisés par l’Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise, à Kampala ; voire ailleurs hors d’Afrique, à Budapest, Moscou, Montréal, New York etc.
Ainsi, « à Genève, l’association Thomas Sankara, créée à l’initiative du député suisse, Jean Ziegler et d’Africains expatriés, occupe, pendant une demi-journée, une rue de la ville que ses membres ont décidé de baptiser symboliquement « rue Thomas Sankara » ». La police intervint, la presse aussi. L’incontournable Jean Ziegler a réussi son opération : il a obligé ses concitoyens à se souvenir, à travers leur télévision, d’un certain Thomas Sankara, dont la réputation les avait convaincus, en octobre 1987, d’organiser, une semaine du Burkina Faso à Genève. Une semaine alors interrompue par la nouvelle de son assassinat » (p.156). En France même, lorsqu’on annonça la mort de Thomas Sankara, le soir du 15 octobre 1987, les chaînes de télévision publiques durent interrompre le cours de leurs émissions ordinaires pour programmer des reportages sur ce jeune président citoyen d’un petit et pauvre pays de l’Afrique subsaharienne et des débats politiques sur son action. Il est vrai : Thomas Sankara avait tant frappé les esprits dans le monde par son audace, sa vision politique novatrice d’une future Afrique où devaient régner, non pas l’enrichissement personnel, comme cela a cours aujourd’hui dans tous les pays de ce continent, de façon indécente, en tant qu’ils figurent parmi les pays les plus pauvres de la terre, mais la justice sociale, la libération de la femme noire de la tutelle du masculin et des traditions locales ; l’indépendance économique réelle, la liberté et l’égalité pour tous les citoyens africains, voire l’accueil des gens de tous les horizons, Africains ou non, en son pays pauvre. Il voulait ainsi travailler main dans la main avec toutes les compétences individuelles de tous les cieux en vue du bonheur des peuples africains. Et c’est cette idole, cet espoir, cette source d’inspiration politique pour la jeunesse africaine, en sa totalité, qu’on assassina au cours de ce maudit jour du 15 octobre 1987. Que reste-t-il aujourd’hui à admirer ? Des fantoches assoiffés d’enrichissement personnel au détriment des peuples de leurs pays respectifs ; des âmes aux relents catilinaires, indifférents au futur de la jeunesse du continent africain, potentiellement si riche et capable de combler tous les besoins de ses peuples, sans mendicité ni endettement, ni non plus aide extérieure intéressée.
[1]Général Sangoulé Lamizana : Mémoires (2 tomes) Préfacé par M. Adama Fofana et DR Bonguessan Arsène Yé (Edit. Jaguar Conseil, Paris 1999)
[2]Il fut l’un des artisans politiques, en Afrique subsaharienne, à militer en faveur de la libération de Nelson Mandela. Du moins, il demanda à Félix Houphouët-Boigny, d’intégrer, dans l’accord de coopération avec l’Afrique du Sud, que ce dernier avait entrepris avec ce pays de l’apartheid, une clause en faveur de la libération de ce grand homme.
[3]C’est moi qui souligne ces passages.
[4]Il s’appelait Thomas Sankara (J.A. Livres, coll. « Actuel », Paris 1989, p.234
[5][1989 : 146]
[6] [1989 : 150]
[7][1988 : 148]
[8] [1989 : 163-164]
[9]Le Père Meinrad P. Hebga, dans son ouvrage Sorcellerie et prière de délivrance, remarque qu’à l’inverse de « l’adorcisme » dont l’action consiste à restituer à « quelqu’un sa force vitale ou plutôt l’instance de sa personnalité » (p.161), la suppression de la vie par sorcellerie est une « technique occulte par laquelle est inhibée ou expulsée l’instance mobile de la personnalité », que les langues bantoues appellent « kon » (Présence Africaine, Paris 1982).
[10]Pourquoi Mitterrand ? (Philippe Rey, Paris 2006)
[11]In C’était François Mitterrand (Fayard, Paris 2005, p. 272)
[12]Ces Messieurs Afrique –le Paris-Village du continent noir- (Calmann- Lévy, Paris 1992, p.XI)
[13] Humain trop humain-Mieux connaître l’homme-tome 2 (Denoël/Gonthier, coll. « Médiations », Paris 1975, p.p.7-8, § 225)
[14] Ecce Homo-Nietzsche par lui-même – (Denoël/Gonthier, coll. « Médiations », Paris, 1976)
[15]« Le Canard enchaîné » du mercredi 30 août 2006-8
[16]Le peuple français n’est aucunement responsable du maintien des liens et de la situation de dépendance politiques et économiques des pays africains subsahariens. C’est le jeu malicieux et pervers des seules élites politiques et économiques fortement dénoncé par d’éminents intellectuels de gauche, comme Gérard Destanne de Bernis, entre autres.
[17] [1989 : 142]
[18][1989 : 161]
[19][1989 : 152]
Bonsoir mon oncle
Je dois, en ses lignes, vous féliciter du long travail que vous aviez abattue sur le rêve modeste de tous les burkinabe qui se reposait sur un intrépide, un vaillant et un homme courageux qu’etait Thomas Sankara. L’Afrique a perdu son rêve de vivre en vrai enfant africain depuis la mort de cet homme qui voulait faire du Burkina Faso un pays capable de s’auto-suffire lui-même…Mais les vampires, les hommes véreux, les sanguinaires, tels sont les mots qui conviennent pour qualifier son assassin.
Impunité, mange et tais-toi : vol, analphabetisme…la liste est longue. Tels sont les comportements que Blaise a infligé à cette population durant son règne. Si nous revenons sur l’alphabétisation, celle-ci, pour Thomas Sankara, était le socle du développement d’un pays. C’est le contraire de son compère Blaise Compaoré, qui a transformé le peuple burkinabé en un peuple moutons et analphabète à tous les niveaux et tirait profit de l’ignorance pour imposer tout ce qu’il voulait. Or, le socle de la liberté est l’éducation des masses populaires. Car la vision de Sankara était de voir tous les burkinabé jouir des biens de ce pays en les invitant à se développer par leurs efforts, la force de leurs bras, de leurs dix doigts. Il a bien appuyé cette thèse par le : « produisons et consommons burkinabe ». Cette thèse a fait de ce Burkina Faso un pays ou les regards des citoyens des autres africains étaient dorénavant tourné. Sankara a semé dans le coeur des burkinabe la bravoure, l’excellence, le goût du travail, l’honneur et l’honêteté par rapport aux biens publics. Chacun s’y mettait. Ooooh Thomas!!! Tels sont les cris de regrets de nos vieilles femmes et des hommes…Mais, c’était trop tard !!! Car son binôme et compère s’était emparé de son fauteuil.
Apres la mort de Sankara, ce véreux et vampire acharné et assassin a commencé le nettoyage c’est-à-dire l’assassinat de tous ceux qui de près et de loin étaient impliques dans le développement et le progrès du Burkina. Cet homme a inculqué désormais a ce pays l’art du vol, du pillage des biens publics. Il a permis la légalisation de la corruption et le pauvre fermait la bouche devant les billets de Banque dont ses partisans faisaient usages sans limite et sans honte au regard de l’extrême pauvreté du peuple. Ces derniers faisaient ce qu’ils veulent…
To be continue !!! Bien à vous. Un travail excellent qui incite à la lecture! !!
Hyacinthenaga hyacinthenaga06@yahoo.fr