Le cas de l’homme noir en l’Humanité : Entretien avec Marie-Thérèse Taqui, écrivaine

Barack Obama, Président des Etats-Unis d’Amérique, figure contemporaine de la réussite d’une individualité noire dans le monde

De la réussite d’individualités africaines dans l’Europe du plein esclavage du XVII au XIXe siècle. Quelques exemples typiques dont celui du philosophe allemand d’origine africaine Antoine Guillaume Amo

Introduction

      L’histoire ne retient que des aspects particuliers et partiels des faits humains en tant que ceux-ci répondent aux attentes des politiques ou à l’intérêt d’un peuple – ce que, dans mes travaux politiques, j’ai appelé le « narcissisme des nations ». On comprend alors le sens de la critique de Georges Davy qui réfute l’histoire événementielle, laquelle laisse dans l’oubli la vie réelle des gens. Autrement, le sens commun, par l’enseignement de l’histoire à l’école, saurait que, à côté de l’Europe marchande d’esclaves, il y a eu la finesse et la beauté de l’intelligence d’une certaine intelligentsia européenne. Il saurait également que, malgré l’esclavage des Noirs, certains d’entre eux ont émergé des ténèbres à la lumière de la méritocratie sous ses diverses figures.

     Certaines de ces individualités ont essentiellement triomphé grâce notamment à la fraternité d’esprit, universelle et essentielle, de la Franc-maçonnerie. Car elle a su reconnaître la compétence de leurs frères noirs, les a accompagnés dans leur élévation, les a défendus même, en cas d’infortune. En ce sens, l’esprit fraternel franc-maçon fait penser à la manière dont Claude Bernard concevait l’« esprit philosophique » dans son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, qui, non seulement nous permet de tout comprendre, mais même d’accéder à l’élévation de notre intelligence à l’Universel. Un tel esprit expliquait le triomphe de la philosophie stoïcienne au cours de l’apogée de l’empire romain au IIe et IIIe siècle après J-C.

     C’est ce que montre Pline le Jeune dans son Panégyrique de Trajan. La philosophie stoïcienne s’était répandue dans l’empire, notamment à Rome, consolidant les bases des institutions républicaines. Ses illustres représentants furent sans conteste Epictète, Sénèque et Marc-Aurèle. Cette philosophie matérialiste défend l’idée que tout est substance traversée de part en part par un Souffle qui donne vie à tout. Le monde est Dieu. Cette philosophie panthéiste devient comme une religion d’Etat. Car le Souffle ordonnateur qui est Dieu est une loi immuable ; et Dieu est présent en tous les hommes. C’est ce qui leur confère leur égalité et leur dépendance les uns par rapport aux autres. Il existe une harmonie dans le monde qu’il appartient à chacun d’observer ; et la morale consiste pour chacun à donner à autrui ce sens de l’harmonie. Une telle morale universaliste avait favorisé l’ascension sociale en concédant aux esclaves la même dignité qu’aux autres hommes nés libres. Bref, il s’agissait de réconcilier les êtres humains avec l’univers et le monde humain.

   Hélas, au cours des siècles qui ont suivi, ce n’est pas cette philosophie qui a triomphé ; ce qui aurait donné à l’histoire humaine une dimension plus paisible, plus fraternelle et plus transcendante ; à tout le moins, elle n’aurait pas ce visage lugubre, sombre, sanguinaire qu’on lui reconnaît à présent.  Car comme l’affirme Nietzsche, le face à face de l’empire de Rome avec la Judée a tourné à l’avantage de celle-ci. Le monde, en devenant chrétien, a épousé sa morale intolérante, faite de haine dissimulée de l’autre comme le constat est patent à travers le triomphe de l’Europe, qui est aussi le sien puisque le christianisme s’est servi de l’Europe triomphante pour envahir toute la terre et la soumettre à son idéologie.

   Certes, ces individualités dont je vais vous entretenir de l’histoire n’ont pas tous été des Franc-Maçons. Toutefois, la majorité l’a été comme Severiano de Heredia, premier maire noir de Paris au XIXe siècle, plus précisément en 1879. Car on aurait de la peine à concevoir cette réussite de nos jours et qui montre manifestement que le progrès des mentalités est une superbe illusion ; hormis l’esprit des personnes éclairées par les savoirs ; ou par leur propre nature bonne et belle comme le rayonnement de la lumière sur des spectres lugubres, figure de la personnalité d’un grand nombre d’êtres humains.

  Malheur aux esprits éclairés issus de l’Afrique subsaharienne

       Le pouvoir exorbitant de manipuler ce que nous appelons Matière/Eneragentie[1] sous toutes ses formes possibles, visibles ou invisibles, est essentiellement l’une des raisons majeures qui expliquent que les peuples africains subsahariens se refusent à suivre le mouvement, réel, des autres peuples de notre commune Terre. À leur sujet, on parle volontiers de retard dans toutes les formes de développement similaire aux autres peuples ; d’absence de progrès sous ses diverses figures, etc. En réalité, ce n’est pas leur intelligence intrinsèque qui est en cause. En effet, on compte de brillantes réussites individuelles dans le monde entier et dans toutes les activités humaines, entre autres les sciences et les technologies, etc. L’exemple le plus brillant est l’accession de Barack Obama à la Présidence de la République des Etats-Unis d’Amérique, malgré le racisme atavique de la majorité des populations blanches états-uniennes à l’égard des Noirs et la ségrégation institutionnelle visant à leur domination perpétuelle. Donc, des Noirs ont brillé partout dans le monde, sauf en Afrique noire. D’où vient ce paradoxe ? Nous citerons quelques exemples de réussite de Noirs à travers l’histoire occidentale et même japonaise pour prouver que l’intelligence des Noirs ne peut être remise en cause. Le retard économique des pays de l’Afrique noire résulte de pratiques religieuses obscurantistes essentiellement mortifères. Elles nuisent à l’émergence et à l’éclat de l’intelligence des membres des communautés.

    D’abord, dans le cadre de l’histoire de la France, la lecture d’un ouvrage de Claude Ribbe nous instruit fort bien sur l’histoire d’un éminent musicien classique français du siècle des Lumières. Cet auteur retrace la vie d’un métis né d’un père noble, protestant, Georges de Bologne de Saint-Georges, et d’une esclave noire guadeloupéenne, Anne, dite Nanon. À travers la vie de leur fils, on entre dans l’univers trouble et ambigu des sentiments d’un grand bon nombre de Français envers les individus à peau sombre.

      Il est vrai que les thèses simplistes et pseudo-scientifiques de Blumenbach en 1775 (ancêtre, par affinité, des thèses racistes de Gobineau au dix-neuvième siècle) sur les groupes humains, avec la hiérarchie  qui met le caucasien au-dessus de toute l’humanité, avaient semé le trouble dans l’esprit des gens de ce siècle. Pourtant, ce « sang mêlé » qu’était Joseph de Bologne de Saint-Georges, considéré comme le « Mozart noir » en matière de composition de musique classique, contredisait, par sa brillante réussite, sa vie bien remplie, de telles inepties. En effet, ce musicien est ainsi présenté : « escrimeur réputé invincible, cavalier de la garde du roi, agent secret, colonel d’un régiment d’Africains et d’Antillais de l’An II, celui qui passe pour l’un des plus grands séducteurs de son époque a eu une vie digne d’un film de cape et d’épée. Son chemin le mènera de la Guadeloupe à Paris et à la cour, où il deviendra l’intime de Marie-Antoinette, croisera Laclos, le chevalier d’Eon, le général Dumas [père d’Alexandre Dumas, lui aussi Antillais], Hayden, Philippe Egalité, Mirabeau et, bien sûr, les plus belles femmes de son temps »[2].

     Un siècle auparavant, soit le XVIIe siècle, il y a eu le cas du prince Aniaba. Selon Frédéric Couderc[3], celui-ci était le fils du roi Zénan d’Assinie (aujourd’hui la Côte d’Ivoire). Ce prince, fut envoyé à la cour de Louis XIV pour être instruit de la culture et des mœurs françaises. Il vécut à Versailles avec Louis XIV qui l’avait adopté en 1701 en en faisant son filleul. Il était l’attrait du tout Paris. Chacun voulait voir, toucher le More (Maure) du Roi-Soleil. Il fut même baptisé à l’église Notre-Dame de Paris par Bossuet ou Monsieur de Condom, évêque de Meaux, en présence de Louis XIV ; ce qui est impensable en France de nos jours, malgré les effets éclairants du soi-disant progrès des sciences et des esprits. On le nomma Louis Jean Aniaba. En France, où il vécut pendant seize ans avant de retourner en Afrique, on lui donna une formation militaire à la manière des jeunes aristocrates français. Il parvint même au grade de capitaine de régiment de la cavalerie du Roi Louis-XIV, puisqu’il fit partie des Mousquetaires du Roi. Par ce lien privilégié avec ce prince et avec son pays, le roi Soleil voulait-il construire un comptoir pour développer le commerce de l’or ?

    Ensuite, à la même époque, c’est en Allemagne que brilla le premier philosophe allemand d’origine africaine (le Ghana d’aujourd’hui) dont la pensée est encore mentionnée dans des travaux traitant des problèmes humains générés par le capitalisme[4]. Amo fut arraché à sa mère à l’âge de trois ans. C’était en 1707. La délégation néerlandaise, qui l’a emmené en Europe,  le confia à un convoi postal qui le conduisit en Allemagne où il fut confié au duc Antoine Ulric de Brunswick-Wolffenbüttel. Il séjourna quelques mois dans son château, juste assez de temps pour apprendre les mœurs et l’étiquette de l’aristocratie allemande. Ensuite, il fut envoyé chez son fils Auguste Guillaume. Aussi, quand il fut baptisé le 9 juillet 1708 dans la chapelle du château, ce fut sous l’autorité de ces ducs, ses protecteurs et « pères ». Et il porta leurs deux noms : Antoine-Guillaume. Lorsqu’il prit conscience de sa situation singulière en Europe, en 1727, il s’inscrivit à l’Université de Halle sous le nom d’Antonicus-Gulielmus Amo Ab Axim in Guinea-Africana, ce qui devient en français : Antoine-Guillaume Amo, originaire d’Axim en Guinée africaine. 

   Après de brillantes études de Philosophie, il accéda au statut de professeur de philosophie à l’université. Car il dut passer beaucoup de temps à voyager entre l’Université de Wittemberg et celle de Halle où il enseignait. Il était également soucieux de dispenser ses cours dans une grande partie des meilleures universités de la Prusse, partout où les Lumières du siècle brillaient. À cet effet, le 29 juin 1729, il adressa une demande à la faculté de philosophie d’Iéna (un siècle avant Hegel) en vue d’y enseigner, sous forme de conférences publiques. Sa requête fut agréée par une note qu’il reçut quelques semaines plus tard, précisément le 17 juillet. Par ce courrier, l’Université spécifia la nature de son enseignement et la liste des cours. Il portait sur des parties de la philosophie qu’on considérait comme valables et dignes d’être connues d’un public averti, celui des étudiants et de l’élite. Il est l’auteur d’un certain d’ouvrages[5] et de théories philosophies dont des journaux contemporains citent des passages relatifs aux problèmes de l’être humain dans l’économie.

    L’universitaire et épistémologue camerounais, Simon Mougnol, remarque que Amo a été le premier philosophe au XVIIIe siècle à avoir fait usage du concept de « la chose en soi », bien avant Emmanuel Kant, même si celui-ci n’en a fait mention nulle part dans ses ouvrages. Dans une présentation de la philosophie d’Amo[6], il écrit notamment : « Plusieurs philosophes se sont penchés sur ce concept. Mais aucun n’est revenu sur l’usage qu’en fit Amo. Le philosophe nègre le dénicha probablement dans son érudition, puisqu’il maîtrisait ses humanités ; il avait pu en parler avec Baumgarten, chez qui Kant avoue avoir puisé le mot et l’idée. J’ai signalé qu’Amo était d’abord camarade d’université de Baumgarten, puis son collègue enseignant dans la même université… Ces deux vieilles connaissances pouvaient avoir parlé de ce concept qui apparaît dans De arte philosophandi, c’est-à-dire en 1738 et chez Baumgarten, au plus tôt en 1750…

    Dès le début de Arte, on voit surgir une notion qui est utilisée une trentaine de fois, c’est le concept de la « chose considérée en soi », ou, en plus court, de la « chose en soi », « res secundum se », en latin. Voici sa première apparition : « Est subjectif, ce qui est en rapport avec la cause efficiente, est objectif, ce qui se rapporte à la chose considérée en soi » » (p.102).

   Au cours de ce même siècle, soit le XVIIIe, il y eut un autre phénomène célébrissime d’une individualité noire d’exception. Il s’agit d’Abraham Hannibal (1696-1781)

    En fait, comme bien d’autres enfants noirs arrachés par les pirates ou les marchands d’esclaves à leurs parents et à leurs pays, cet enfant était originaire de Lagone. Cette localité était une cité-Etat située sur un fleuve qui portait le même nom. Elle se situait aux confins du Tchad et du Cameroun actuels. Ses habitants se nommaient Kotokos et pratiquaient les religions chtoniennes. Ils étaient farouchement opposés aux tentatives d’islamisation par les Arabes, en particulier leurs voisins ennemis de la zone nord africaine. Le roi de cette cité portait le titre de Miarré. Fils du roi lui-même, notre homme y naquit donc en 1696.

     Cet enfant y fut enlevé en 1703 par des trafiquants d’esclaves qui s’empressèrent de le vendre aux Ottomans. Il fut ainsi conduit à Istanbul à l’âge de sept ans. En fait, son enlèvement s’inscrivait dans le cadre d’une loi musulmane rétablie en 1703 à Constantinople par le Sultan Ahmed III. Le devshirme, nom de la loi en question, obligeait la levée de mille enfants chrétiens dans les royaumes d’Occident sous la domination de l’empire ottoman. Mais, les Turcs poursuivaient leur chasse d’enfants jusque dans les contrées africaines non musulmanes. On emmenait ces enfants esclaves à Constantinople où on les convertissait à l’Islam et on les éduquait convenablement avant de les affecter à divers services, comme pages ou comme soldats dans les armées des Janissaires. Cette conduite manifestait, d’ailleurs, un humanisme certain chez les musulmans qu’on ne trouvait pas chez les chrétiens, lesquels se proclamaient humanistes. Ainsi, vers le premier quart du XVIIIe siècle, on dénombrait jusqu’à cent trois mille africains et arabo- africains dans les troupes ottomanes. Ils servaient surtout dans la cavalerie et l’infanterie lors des guerres tant en Occident qu’en Orient.

    En raison de ses origines nobles, et comme les souverains de cette époque tenaient à l’étiquette ou au statut antérieur des individus acquis, même sous la condition de servitude, le jeune garçon fut conduit au sérail du Sultan Ahmet III. Il fut converti à l’Islam et prénommé Ibrahim. Pour des raisons non élucidées, un riche marchand russe le racheta, de façon discrète, au cours de l’été 1704. En fait, il accomplit cette mission au nom du Chancelier Golovine, alors confident du Tsar Pierre Ier de Russie. Il avait acquis en même temps deux autres jeunes noirs, du même rang que notre héros, c’est-à-dire noble.

    Mais, pourquoi le Tsar Pierre 1er voulait-il absolument acheter ces enfants ? Désirait-il avoir des esclaves noirs à son service ? Ou voulait-il faire une expérience culturelle avec ces jeunes garçons, puisqu’on le considérait comme un monarque éclairé en son temps ?

    Le Tsar éprouva une grande affection pour l’un des trois garçons, en l’occurrence, Ibrahim, qui devint son filleul et en assura personnellement l’éducation. Cet attachement du monarque russe envers le jeune africain fut si solide qu’il favorisa l’éclatement et la fulgurance de sa carrière à son service. Il suffit d’en juger par les faits ci-dessous.

    Le jeune Ibrahim vécut dans l’intimité du Tsar pendant douze ans. On lui enseigna la langue russe ; il fut converti à la religion orthodoxe sous le prénom d’Abraham. Le filleul devint plus tard le secrétaire particulier du tsar. En accompagnant le monarque sur le champ de bataille, Abraham eut l’occasion de faire preuve de son génie militaire. On dit même qu’il sauva un jour Pierre 1er le Grand d’une situation scabreuse sur un champ de bataille. Il triompha à plusieurs reprises dans des combats difficiles et il remporta des victoires pour le compte du Tsar. Le courage exceptionnel dont son filleul fit preuve le persuada qu’il pouvait en faire l’un de ses meilleurs officiers.

   C’est pourquoi, il l’emmena à Paris en 1717, lors d’un voyage officiel et l’y laissa pour compléter et achever des études supérieures. Abraham séjourna dans cette ville jusqu’en 1722 ; tous ses frais (hôtellerie et études) étant assurés par Pierre Ier en personne. Pendant sa formation militaire en France, Hanibal s’engagea dans l’armée française, sous le commandement du Maréchal Berwick, pendant la guerre de la France contre l’Espagne en 1719. L’élève ingénieur participa même à la prise de Fontarabie et de San-Sébastian. Il fut même blessé dans les tranchées pendant les combats qui aboutirent à la victoire française sur l’armée espagnole ; ce qui lui valut son titre de capitaine. Il profita également de ce séjour pour maîtriser la langue française, qui était la plus répandue en Europe comme langue des Cours, de la diplomatie et de l’intelligentsia. Outre le russe, il maîtrisait aussi le néerlandais, l’allemand, le suédois.

   Abraham Hanibal réussit ainsi son diplôme d’ingénieur de génie militaire et expert en artillerie et fortification. Il étudia ces disciplines dans le collège réputé de La Fère, dans l’Aisne, aujourd’hui Collège Marie de Luxembourg. En effet, Pierre Ier ou Pierre Le Grand, reconnu comme l’un des despotes éclairés du siècle des Lumières, eut besoin de moderniser son pays en le tirant de l’état du moyen-âge, disait-on, où il se trouvait encore par rapport aux pays voisins de l’Ouest. A cette fin, il fit venir en Russie de brillants esprits de l’Europe occidentale, notamment de l’Allemagne et de la France. A l’inverse, il envoyait dans ces pays ses meilleurs sujets pour parfaire leur formation dans les divers domaines dont le Tsar avait un grand besoin pour « civiliser » ses peuples ; du moins, pour les éclairer à la manière de la France, de l’Angleterre ou encore de l’Allemagne.

   Ainsi, Abraham Pétrovitch quitta la France en 1723 après avoir réussi le brevet d’ingénieur du Roy, et obtenu le grade de capitaine dans l’armée française. Comme il était curieux de tout, il rapporta chez lui, en Russie, une grande et riche bibliothèque. Ses diplômes et ses grades élevés et sa haute formation militaire française lui ont permis de connaître une ascension militaire fulgurante en occupant les plus hauts postes de la hiérarchie impériale. On lui décerna des décorations prestigieuses comme les cordons réunis de Sainte Anne et de Saint Alexandre Nevski. Il eut, comme privilèges, beaucoup de domaines dont des centaines de villages et de serfs russes et étrangers. Mieux, au terme de sa carrière prodigieuse, il fut anobli avec le titre de Chevalier. Il fut, sans doute, l’unique noir dans l’histoire russe, voire européenne à accéder à de si hautes fonctions et à obtenir tant de distinctions ; ce qui serait inimaginable aujourd’hui en Russie. Il eut une très longue carrière politico-militaire selon les faits suivants. En effet, il servit sous :

-Pierre Premier le Grand lui-même ;

-la Tsarine Catherine Première. A la mort de celle-ci, il fut exilé en Sibérie en 1727. Car, suite à ce changement de règne, il traversa des revers de fortune et fut donc exilé. Les courtisans, notamment, devinrent ses ennemis, lesquels avaient décidé sa perte à tout prix. Ils lui intentèrent un procès, entre autres, en 1743, car Abraham Pétrovitch Hanibal ne supportait pas de voir ses serfs spoliés par la force brute des aristocrates, parasites qui vivaient pourtant aux dépens de ces derniers. Il n’admettait même pas qu’ils furent maltraités de façon arbitraire. Un général russe noir, qui défendait la cause de ses serfs russes blancs et, pour cette raison, des Russes blancs qui lui intentèrent un procès  retentissant, paraissait fort cocasse. Après cet exil, il revint à Moscou et servit sous :

– Pierre II ;

-l a Tsarine Anne Vanovna, Impératrice ;

– La Régente d’Ivan VI, bébé-empereur, Anne Léopoldovna. Celle-ci le fera libérer en 1730 ;

– La Tsarine Elisabeth Petrovna, Impératrice :

– Pierre III, Empereur de toutes les Russies, vite assassiné ;

– Catherine II, impératrice.

    En 1726, il écrivit un volumineux ouvrage de géométrie et de fortification destiné aux élèves ingénieurs, volume qui est aujourd’hui conservé dans son musée en Russie.

    Il dut se marier deux fois. Il fut contraint de divorcer de sa première épouse russe, Eudoxie, en raison de l’infidélité notoire de celle-ci ; même avec certains de ses officiers subalternes.

    En secondes noces, il épousa une aristocrate suédoise, Christine-Régine de Schoëberg, une femme fidèle jusqu’au terme de  leur vie. Ensemble, ils eurent sept enfants dont les garçons s’illustrèrent dans la carrière militaire.

    Il donna une solide éducation à tous ses enfants. A cet effet, il écrivit le 21 février 1750 à Jacob Baumharten, professeur de théologie à l’université de Halle pour demander un précepteur pour ses enfants. Celui-ci devait parler couramment le Français.

    L’un de leurs fils, Ossip, était réputé indiscipliné. Il épousa une fille du nom de Pouchkine. De cette union naquit un petit fils prénommé Alexandre (1799-1837), qui devint le plus célèbre poète russe de son temps. Alexandre Pouchkine, cet écrivain si emblématique de la Russie[7], était fier du sang de son aïeul noir qui coulait dans ses veines. Il conçut même le projet de lui consacrer une volumineuse biographie pour célébrer sa grandeur. Mais il  fut tué trop tôt au cours d’un duel en 1837.

  Mais, les hommes étant jaloux, intrigants, envieux, haineux, les Russes de cette époque ne faisaient pas exception à la règle. Aussi, parce qu’il était brillant et aimé des Tsars et Tsarines qu’il servit, et qu’il était d’origine étrangère aux peuples de l’empire russe, Abraham Pétrovitch Hanibal souffrit de certaines tracasseries de la part de ses compatriotes et contemporains. Durant sa longue vie en Russie (1703-1781), il connut plusieurs Tsars et Tsarines.

  Même s’il dut souffrir de ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui « racisme », Abraham Pétrovitch Hanibal (il s’attribua ce surnom aussi en souvenir du fameux général carthaginois Hannibal, vainqueur à plusieurs reprises des armées romaines, mais avec un seul pour rappeler ses racines noires et montrer sa différence par rapport à ce dernier) demeura, malgré tout, un homme d’une bonté exceptionnelle. Il s’efforça d’être toujours juste et indépendant jusqu’à la mort. En quittant cette vie, il légua à sa progéniture non seulement son illustre nom, mais aussi son patrimoine foncier considérable. De nos jours, sa maison de Petrovskoe est transformée en musée. (In Gnanmankou Dieudonné : Abraham Hanibal- L’aïeul noir de Pouchkine (Présence africaine, Paris 1999).

    Puis, une autre individualité noire d’exception a marqué l’histoire du Japon du XVIe siècle. C’est Yasuke, le Samouraï noir. Les auteurs de « A la conquête de l’histoire », vont se fonder sur le livre de Serge Bilé pour rapporter l’histoire d’un Noir qui a contribué à l’unification du Japon au XVIe siècle. Qu’on me permette de citer longuement cet article, qui figure parmi tant d’autres sur le Web au sujet de ce Noir. Selon les auteurs de cet article, son histoire se déroule, dans les grandes lignes, de la manière suivante : « Yasuke (c’est son nom japonisé, son véritable nom est inconnu) est originaire de l’ile Mozambique (ile située dans le canal du Mozambique) où il nait au milieu du XVIème siècle.

Abraham Hannibal, généralissime sous des Tsars de la Russie au XVIIIe siècle

Il est capturé par des trafiquants d’esclave africains puis vendu aux Portugais qui l’emmènent à Goa (en Inde).

    Goa est un comptoir portugais, où Yasuke sera utilisé comme porteur d’eau (tache qui bien que peu épuisante est répétitive et habituellement réservée aux femmes).

Le 6 septembre 1574, sa vie est de nouveau sur le point d’être bouleversée quand un groupe de jésuite débarque à Goa. L’un d’entre eux, Alessandro Valignano, est un prêtre chargé d’inspecter les missions jésuites de l’Inde et de l’extrême orient. Après plusieurs mois passés en Inde, le prêtre décide de se rendre au Japon et il cherche un garde du corps pour l’accompagner et assurer sa protection.

   C’est Yasuke qui est choisi et les deux hommes quittent Goa le 20 septembre 1577 et entament un voyage de près de deux ans lors duquel ils feront des escales en Malaisie et à Macao avant d’arriver au Japon le 25 juillet 1579.

Une fois arrivés au Japon il se rendent à Arima sur l’ile de Kyushu où se trouve le siège de la mission jésuite.

   À l’époque le Japon n’est pas encore renfermé sur lui-même et les étrangers et les missionnaires sont acceptés sur l’archipel. Ce ne sera plus le cas lors de l’époque Edo (Époque durant laquelle les Shoguns prennent le contrôle total du pays, l’Empereur n’a plus qu’une fonction religieuse et spirituelle) qui commence en 1600, date à partir de laquelle tous les étrangers seront expulsés et tous les contacts avec l’extérieur interdits jusqu’en 1868 ou débute l’ère Meiji.

Si en cette fin de XVIème siècle les japonais ont commencé à s’habituer à voir des commerçants blancs, ils n’ont pour la plupart jamais vu de noirs. Yasuke provoque une hystérie collective sur son passage car tous les habitants veulent voir ce qu’ils considèrent comme une curiosité.

    Après presque deux ans sur l’ile de Kyushu, Yasuke et Alessandro Valignano rejoignent Kyoto (ile de Honshu) le 8 mars 1581 où règne Oda Nobunga un puissant seigneur de guerre.

Le dirigent de Kyoto est alors en train d’essayer d’unifier l’archipel japonais. Entendant des rumeurs de la présence d’un noir dans les environs, il demande à le rencontrer. Surpris et suspectant un subterfuge, Oda lui fait prendre un bain pour s’assurer que sa peau est réellement noire et que ce n’était pas de la peinture ou de la suie.

    Par la suite, apprenant que qu’Alessandro Valignano doit quitter le Japon, Oda Nobunaga lui demande de lui laisser son serviteur, ce qu’accepte le jésuite. Nobudaga est un personnage singulier pour le Japon de l’époque, en effet il ouvre son pays aux chrétiens (bien qu’il ne se convertisse pas lui-même), développe le commerce avec les étrangers, collectionne les objets occidentaux et porte parfois même des tenues venues d’Europe.

    Il n’hésite pas à récompenser des hommes issus des classes les plus modestes de la société et c’est surement cette ouverture d’esprit qui rend possible la présence de Yasuke dans le cercle de confiance du seigneur japonais.

    L’ancien esclave devient le garde du corps de Nobudaga et est élevé au rang de samouraï ce qui fait de lui le premier étranger à se voir accorder ce privilège. Il est autorisé à porter les deux sabres caractéristiques du rang de samouraï ce qui est un privilège exceptionnel car seuls les guerriers ont le droit de porter ces attributs.

    Yasuke participe aux combats de son seigneur qui rêve toujours d’unifier le japon (il est présent lors de la bataille de Tenmokuzanen 1582 notamment) qu’il contrôle désormais aux deux tiers.

  Cependant, un jour de 1582, alors qu’il se trouve à Kyoto entouré de sa garde rapprochée (une dizaine de soldats dont Yasuke), Nobudaga est trahi par un de ses généraux. Le général en question, Akechi Mitsuhide, encercle la place forte où les assiégés se retrouvent vite en infériorité numérique.

    Plutôt que de se rendre, Nobudaga pratique le seppuku. Le seppuku se pratique à l’issue d’une défaite au combat, être fait prisonnier ne constituait pas tant un échec qu’un déshonneur, non seulement pour soi mais pour ses compagnons et son maître ; pour éviter de souiller le nom de ce dernier, un samouraï vaincu et sans possibilité d’échapper à l’ennemi, préférait se donner la mort dignement.

   Yasuke n’a pas le courage de suivre son seigneur dans la mort, il reprend ses armes et retrouve le fils de ce dernier pour poursuivre le combat mais l’africain fini par être arrêté par les troupes de Mitsuhide.

Considéré comme un animal par le nouvel homme fort du Japon, Yasuke n’est pas digne de mourir comme un homme et il décide de le livrer aux jésuites.

   On ne sait pas ce qu’il est advenu de Yasuke, s’il est retourné à Goa, resté au Japon ou encore retourné au Mozambique ».

(In À LA CONQUÊTE DE L’HISTOIRE

L’Histoire, toute l’Histoire, rien que l’Histoire

https://www.conquetehistoire.com/yasuke-samourai-noir/ ON: 17 JUILLET 2020 

 IN: HISTOIRE DU MONDEHISTOIRE MODERNE 

 TAGGED: JAPONSAMOURAÏ  Serge Bilé : Yakusé, la samouraI noir (2018)).

      Enfin, au XXe siècle, Margot Lee Shetterly[8] a fait sortir de l’ombre l’histoire des mathématiciennes états-uniennes Dorothy Vaughan, Mary Jackson, Katherine Johnson et Christine Darden qui étaient employées à la NASA dans les années mille neuf cent soixante[9]. Margot Lee Shetterly démontre que, grâce à ces mathématiciennes américaines-africaines, une catastrophe spatiale fut évitée à l’astronaute John Glenn en 1962, alors en orbite. Cet éventuel déboire faisait suite à une série d’échecs dans la mise en œuvre du programme de la NASA jusqu’à leur intervention. C’est ainsi que ce dernier fut le premier astronaute états-unien en orbite, dix mois seulement après Youri Gagarine. Par leur travail acharné et leur génie mathématique, armées seulement de simples crayons, de règles et de calculatrices, ces trois scientifiques sont parvenues à sortir de l’ombre, voire à propulser les États-Unis au sommet  de la conquête spatiale.

   Cependant, en raison de la ségrégation raciale qui altérait les liens interhumains, notamment en Blancs et Noirs, dans les années 1960, leurs noms sont restés inconnus du public non cultivé pendant plus de cinquante ans. C’est donc grâce au fabuleux travail de recherches de Margot Lee Shetterly qu’elles vont émerger à la lumière, être réhabilitées et accéder à la célébration mondiale par le film du même nom. Ainsi que l’auteur de cet ouvrage le souligne, à juste titre, désormais, il s’agit de s’engager à faire changer qualitativement le regard des États-Uniens les uns sur les autres : « Un Américain qui voit un Blanc en capuche pense que c’est un  »Zuckerberg » ou un joggeur… S’il voit un Noir en capuche, il a peur. Mon livre va, je l’espère, lui permettre d’imaginer qu’il s’agit peut-être d’un mathématicien qui va travailler à pied. Comme les héroïnes de mon livre » (p.316).

   Donc, comme le prouvent ces quelques exemples parmi tant d’autres qu’il nous semble vain de multiplier, c’est essentiellement la structure de fonctionnement de leurs cultures, de leur espèce d’idiosyncrasie propre, voire de leur vision du monde qui est fondamentalement en cause[10]. Nous avons proposé, depuis nos primes années d’enfance et d’école primaire[11], puis d’étudiant en France, une solution de sortie de cet univers scabreux pour les individus faibles : la mentalité culturelle métisse. Pourquoi pas biologique aussi ?

    Dans ce monde témoin des combinaisons virtuelles des actions humaines, on se plaît à nier les perspectives de réussite de l’autre, notamment dans les familles polygames où les demi-frères sont en guerre perpétuelle les uns contre les autres pour éliminer les uns et les autres de façon impitoyable[12]. On cause le mal à autrui pour l’empêcher de s’élever au-dessus de soi ; et, ainsi, pour garder le statu quo multimillénaire de coutumes et de traditions qui, par essence, sont ennemies du changement, d’une figure de progrès, mental et culturel, voire de toute forme d’excellence et d’élévation. Pour empêcher la réussite de celui qui est considéré tel un frère, on n’hésite pas à s’allier aux puissances de la nuit des uns et des autres pour causer sa perte. Même en cas de réussite de quelqu’un qui porte un grand projet pour son pays, par la grâce de combinaisons heureuses, les forces de destructions restent toujours vigilantes contre lui et contre le destin de son ouvrage ; la finalité étant toujours la même : l’humilier ou le faire échouer lamentablement dans ses projets porteurs de changements utiles pour tous afin qu’il devienne, de la sorte, un objet de moquerie publique. Dans ce contexte, on comprend aisément le triomphe de l’étranger, c’est-à-dire de celui qu’on ne connaît pas du tout, parce qu’il est censé ignorer les moyens ésotériques de nuire à autrui. Et c’est ce qui explique que n’importe quel imbécile, originaire d’un autre continent, puisse, avec beaucoup de facilité, jouer au roitelet sous les cieux africains.

   En revanche, on emploiera tous les moyens pour nuire aux succès du frère, du voisin, de l’ami, etc. Tels s’expliquent le triomphe et l’expansion, sur le plan des sciences ésotériques – les pouvoirs maléfiques, grâce à des combinaisons négatrices, du cerveau quantique – de la psychologie du meurtre gratuit sans effusion de sang. Sur ce point, nous défions quiconque de contredire cette thèse tristement réelle de l’idiosyncrasie des individus dans les pays africains subsahariens. C’est en ce sens que les ennemis des peuples noirs de ce continent ont toujours triomphé d’eux et triomphent toujours en raison de cette psychologie auto-mortifère, peu fraternelle et peu solidaire. Dans certains nos ouvrages, nous avons déjà montré ces données contemporaines de la vie réelle de ces peuples suivant des points essentiels. Mais, ceux-ci laissent de côté une infinité d’autres que nous ne pouvons, hélas, embrasser dans le cadre de ces entretiens relatifs à la parution de mes derniers livres :

   – LA RÉALITÉ DÉVOILÉE DES CAUSES DE L’ÉCHEC ECONOMIQUE DES PAYS AFRICAINS –ESSAI DE GÉOPOLITIQUE- (Tome I)

LA MALÉDICTION DU POUVOIR POLITIQUE- Quel  avenir pour les peuples de l’Afrique noire ? – ESSAI DE GÉOPOLITIQUE (Tome II) (KDP/Amazon, Mai 2021)

  LE NOIR, VICTIME DE PART LE MONDE DES PRÉJUGÉS DES AUTRES PEUPLES DE NOTRE COMMUNE TERRE

   Les représentations péjoratives d’autrui que tout le monde s’accorde à nommer les « préjugés culturels », sont communes à tous les peuples, y compris les peuples Noirs eux-mêmes. Mais, à l’égard de tout étranger à son continent, notamment les peuples à peau claire, ceux-ci nourrissent et véhiculent des représentations qui sont non pas péjoratives, mais laudatives. En revanche, il n’en est pas ainsi de leurs frère humains à leur égard. Toutefois, plutôt que de m’attacher à rechercher les causes de la malédiction qui pèse sur les Noirs sous cet angle, il me semble plus pertinent d’examiner la nature même des préjugés et les dégâts psychologiques qu’ils génèrent sur la conscience des individus. Car elles sont de l’ordre de ce que Jung qualifie d’inconscient collectif de peuple ou d’ethnie.

    De manière générale, celui-ci incline les individus à la défense du semblable, à l’estimation innée de celui-ci. C’est pourquoi il est source d’opposition, de luttes, de conflits, de haine même entre les différents peuples. On lui doit, donc, les prismes déformants des représentations collectives en raison la conscience collective qui a ceci de dynamique qu’elle génère et perpétue des idées péjoratives, obscurantistes des peuples les uns à l’égard des autres. Cette malheureuse donnée fondamentale des cultures humaines est également source de comportements culturels spécifiques traversés par des stéréotypes difficiles à surmonter. Il suffit, à cet effet, à chacun de prêter attention à son comportement vis-à-vis d’autrui, différent de lui par sa culture et par la couleur de sa peau, pour se rendre à l’évidence de ce fait dont il est prisonnier.

    Il découvrait par lui-même à quel point ses préjugés peuvent constituer un écran entre sa conscience et la perception des autres. Il lui faudrait alors beaucoup d’efforts, de culture savante et d’expériences pour s’en délester. Autrement, ils gouvernent en chacun de nous, se donnent à percevoir, à voir et à penser comme la réalité. Ils nous dictent leurs lois et nous soumettent à leur puissance d’illusion. Nous en devenons malades sans pouvoir en prendre conscience comme une personne dépressive, incapable de se rendre compte par elle-même de la nature de sa pathologie psychique.

    C’est pourquoi, même chez les intellectuels, les écrivains, voire les soi-disant philosophes contemporains, ce qui a cours dans les pensées, c’est le réel concret et quotidien bien plus que la force des idées, la pensée conceptuelle ; bref, c’est le miroir courant des préjugés aux prismes déformants qu’un grand nombre d’êtres humains véhiculent nécessairement. Autrement, comment comprendre qu’en notre beau pays qu’est la France, des fils d’immigrés passent le clair de leur temps à s’en prendre à d’autres fils d’immigrés d’origine différente de la leur ? Que pour vendre des livres ils ordonnent au nom de je ne sais quel peuple de changer de prénom malgré leur propre nom à consonance étrangère ? Des prétendus philosophes courent les médias en vociférant sans cesse, depuis les événements des banlieues Nord de Paris contre une composante de la France sous prétexte qu’elle est différente et, à ce titre, elle ne peut participer à la civilisation européenne à la quelle ils n’appartiennent pas eux-mêmes en vertu de leurs origines doublement étrangères ? Pire, ne sortant jamais de leur Paris intramuros – on peut le supposer à tout le moins -, ils ne peuvent prétendre qu’ils connaissent cette frange de la population française. Ils n’y ont fait aucune étude sociologique qui en donne la preuve qu’ils ont la moindre idée de leurs réalités, de leur vie quotidienne. Donc, ils vocifèrent des choses puériles et vaines en se fiant à leurs seuls préjugés anti ceci ou cela. Malgré tout, ils toujours  accès aux à la place publique, j’entends l’espace des médias qui leur est largement ouvert en permanence sans contradicteurs valables en face d’eux. En ce sens, il n’est pas exagéré de soutenir que ce qu’on appelle « racisme » (puisqu’il n’y a pas races humaines) est une figure de pathologie mentale, de délire (=trouble mental manifesté par un verbalisme incohérent) psychologique. Or en France, on combat avec vigueur ce genre de sentiment antihumain. Il n’y a donc aucune raison de dérouler le tapis rouge devant quelques individus égarés par des hallucinations ; sauf peut-être quand il est exprimé par de tels individus. S’agit-il d’un privilège qui leur est accordé ? Mais au nom de quoi et de qui ou par quelle autorité occulte ?

    Les élections en France sont toujours l’occasion de faire resurgir et de se servir de la thématique de l’immigration pour tâcher de les gagner en vue d’accéder à des statuts politiques payés par l’argent public. Ce faisant, ils raisonnent comme si tous les Français ressemblent à leur petitesse d’esprit, alors que, sur ce point, ils n’ont aucune légitimité civile et souveraine en tant que citoyen particulier de parler au nom du peuple français. Ils caricaturent, sans le savoir, l’esprit français qui n’a rien, mais absolument rien à voir avec ce marécage nauséabond de la culture commune et de la politique qu’on nomme le « racisme ordinaire ». Des racistes, il y en a en France comme dans tous les pays du monde, chez tous les peuples de la terre. Mais il s’agit toujours d’une minorité de la population. Or les sciences du vivant, notamment la génétique, ont prouvé depuis des décennies qu’il n’y a pas de « races » concernant le genre humain, mais des populations différentes et diverses. Qu’on permette donc aux Français eux-mêmes de s’exprimer légitimement afin de savoir s’ils ont de tels sentiments conformes aux imaginations de personnes ineptes. Celles-ci feraient mieux d’user de leur raison pour concevoir des programmes économiques solides pour résoudre les problèmes quotidiens des Français, c’est-à-dire leurs misères et leur pauvreté. Car quoi qu’il en soit, à supposer que ce genre d’individus, indignes de la République des Lumières, puisse accéder au pouvoir exécutif souverain, que feraient-ils des immigrés, sujet prétexte de leurs campagnes politiques ? Les renverraient-ils ? Mais où puisqu’ils n’ont d’autre pays que la France ? Qu’ont fait les partis politiques d’extrême-droite qui ont pu déjà accéder à ce statut dans des pays comme la Hongrie, l’Autriche, etc ? Les ont-ils expulsés ? Non ! Alors qu’on arrête de tromper les gens, de provoquer des confusions dans leur esprit en France avec ce thème creux, vil et vain de l’immigration. L’Allemagne vient de se montrer magnanime en mettant à distance ce même thème pour rechercher des solutions politiques et économiques en vue d’améliorer les conditions de vie de la population allemande après avoir reçu plus d’un million d’étrangers venus de l’Orient ; autant dire d’une autre civilisation.

   Avec un tel processus culturel qui se poursuit toujours, par-delà les siècles en devenir, sous forme d’a priori ou préjugés indéracinables, l’autre, Le Noir, entre autres, ne peut être perçu autrement qu’à travers ces prismes déformants de la conscience. Le rapport avec l’autre s’en trouve péjorativement affecté puisque ces idées négatrices viennent spontanément se mettre entre le miroir de sa conscience perceptive et l’autre en face de soi. Elles deviennent comme des gouvernantes impératrices ; et pour certains individus, une pathologie singulière qu’on appelle couramment « racisme ». De manière générale, dès qu’on voit un Noir dans l’espace public, aussitôt la litanie des préjugés se met décliner à tel point qu’on ne perçoit plus un individu en particulier, celui qui je vois, qui est en face de moi, mais un genre d’êtres humains dont il fait partie. Cela suffit pour opérer une fracture sérieuse dans les relations mutuelles.

    Ainsi, à l’instar du fameux « Sur-Moi » de Freud, les préjugés saturent la conscience de ceux qui sont victimes ou malades, à leur insu, de représentations qui ne sont pas les leurs. Toutes les formes de haine, de négation, de conflits, d’opposition sans motifs valables, qui se déclinent en « isme », comme « racisme », « antisémitisme », « antiféminisme » etc., en raison de la différence, physique ou culturelle, de l’Autre, Etranger ou non, ne sont rien d’autre que la manière dont les préjugés se jouent de la conscience des individus qui sont prisonniers de telles idées ou pseudo représentations. Car, et dans cet état d’esprit, la rencontre avec l’Autre est, d’emblée, placée sous l’angle des prismes déformants de ce genre d’images. Ce n’est pas l’Autre qu’on perçoit en tant que tel : on ne voit, le plus souvent, que la projection inconsciente des reproductions héritées de l’éducation familiale et de la culture d’origine des individus, qui viennent immédiatement se placer entre le miroir de la conscience et la perception tangible. Globalement, un certain nombre d’individus sont malades de telles idées qui gouvernent leur conscience en leur enlevant, pour ainsi dire, la saveur qu’ils pourraient tirer de la rencontre authentique avec l’Autre, le dissemblable ; elles leur ôtent même l’inconnu et la richesse potentielle qu’une telle occurrence recèlerait. 

    Donc, par rapport au Noir, il importe de s’interroger pour chercher à le connaître tel qu’il est dans sa singularité, d’une part, et d’autre part, à comprendre les raisons, les causes fondamentales et les mécanismes de ses échecs en matière de développement économique et de progrès social. C’est une telle démarche que j’entreprends grâce aux entretiens ci-dessous avec Madame Marie-Thérèse Taqui, écrivaine ivoiro-américaine ; lesquels ont rapport à mes deux derniers livres.

Questions-réponses à découvrir soit sous forme d’audio synthétique soit sous forme écrite et analytique, c’est-à-dire détaillée, approfondie et élargie

Dimensions géographiques du contient africain : c’est l’Europe, les Etats-Unis d’Amérique et la Chine réunis

1https://drive.google.com/file/d/1SiUPQMch6AuhhEAkZBXAOYnwLpwCUlLM/view?usp=sharing

https://drive.google.com/file/d/1mrMszUNqywWTZt0GfGZgjPxI9WIO7tK-/view?usp=sharin

3- https://drive.google.com/file/d/1vBunXzN96IiAzcMdU_0yUmke3Mo-gqqa/view?usp=sharing

4- https://drive.google.com/file/d/1C2fG0BoSLEdfi2J5m3tnO3pWDlQ0XPS0/view

Question I – Vous venez d’écrire un livre intitulé LA RÉALITÉ DÉVOILÉE DES CAUSES DE L’ÉCHEC ECONOMIQUE DES PAYS AFRICAINS, pour démontrer pourquoi l’Afrique noire qui a beaucoup de richesses et de ressources naturelles est pourtant toujours très pauvre. En quoi consiste ce paradoxe ?

1- Les dimensions réelles du continent africain

   D’abord, pour nous donnez une idée de l’immensité de ce continent, voyons ses dimensions géographiques : avec Madagascar, l’Afrique, c’est 30 415 873 km². Autant dire qu’on peut y inclure l’Europe, moins la Russie, (10 millions de km2), les Etats-Unis d’Amérique (9,834 millions km²) et la Chine (9 596 960 km2,) soit 28597794 km2). Dans le reste du monde et dans l’esprit des gens, on considère toujours le continent africain comme un pays, même un tout petit pays. Pourtant, il compte 54 pays souverains qui semblent comme compressés pour ne constituer qu’un bloc. Les seuls pays qui s’en détachent nettement sont ceux du Maghreb que l’on distingue, d’ailleurs, nettement ; ou encore l’Egypte, l’Afrique du Sud. Cette confusion relève d’un préjugé rémanent de l’histoire.

  Dans les années 1967, les Etats-Uniens ont fait procéder à des études géographiques afin de déterminer quelle est la zone de la terre qui offrirait un futur possible aux Humains de demain en cas de catastrophes accidentelles c’est-à-dire provoquées par la volonté humaine. Il en a résulté que c’est le continent africain qui offrirait de telles opportunités au genre humain pour les raisons suivantes :

  • c’est le continent le moins peuplé au regard de sa superficie ;
  • il dispose d’un espace cultivable considérable par rapport, par exemple, à l’Amérique du Sud qui est très montagneuse, donc peu propice à l’occupation humaine ;
  • en outre, sous le Sahara, d’est en ouest et dans la zone sahélienne, les nappes phréatiques sont considérables ; donc tout aussi propices à l’exploitation agricole de grande envergure ;
  • enfin, l’Afrique est une gigantesque terre de mines regorgeant des ressources immenses à la fois pour les industries d’aujourd’hui et les technologies de demain. On trouvera ses sources dans le livre du couple Paul et Anne Ehrlich : Population, Ressources, problèmes d’écologie humaine (Fayard, Paris 1972).

Voici quelques ressources en vrac sans l’estimation potentielle de leur quantité : or, diamant, pétrole, gaz, uranium, zinc, cuivre, cobalt, fer, basalte, phosphate, nickel, charbon, étain, manganèse etc. ; et pour les industries des technologies contemporaines, on compte le coltan, le scandium, l’yttrium, les lanthanides, le cérium, le samarium, le terbium, etc. Bref, outre les terres rares, il n’y a point de matières premières utiles aux ouvrages humains qu’on ne trouve pas sur le continent africain ; et en très grande quantité. Donc, les pays africains ne sont pas pauvres. Ils ne sont pas en voie de développement ni totalement développés en raison des structures de santé publique qui n’ont guère changé depuis la période de l’occupation ; et le progrès des sciences, des technologies voire le développement économique et industriel font encore grandement défaut. Il convient de les qualifier plutôt de PPR soit les pays potentiellement riches dans l’attente de leur mise en valeur économique effective. Cependant, les Africains doivent prendre conscience que toutes ces richesses inouïes sont épuisables, tôt ou tard, c’est-à-dire non renouvelables, telles certaines mines d’or du Pérou dont on disait que l’exploitation s’étendrait sur des millénaires. Hélas, ce ne fut guère le cas.

Richesses naturelles

2 – Les richesses naturelles de ce continent fort utiles aux ouvrages du genre humain

   Ensuite, malgré toutes ces richesses en très grande quantité qui n’ont jamais été exploitées dans l’intérêt des peuples africains, même s’ils sont les premiers propriétaires des terres, aucun pays africain ne figure parmi les pays en développement du monde présent. Car leurs élites politiques et économiques les ignorent totalement comme propriétaires de ces terres. Je me souviens que quand j’étais élève à Lyon, notre professeur d’histoire et de géographie nous enseignait que le Nigéria a toutes les ressources et les potentialités pour devenir l’une des puissances économique de la fin du XXe siècle. Hélas, ce pays qu’on appelle à tort le « géant de l’Afrique » est réduit, aujourd’hui au rang d’une puissance économique, financière, militaire naine. J’ai longuement examiné les raisons réelles et profondes du désastre, de l’échec et de l’impasse économique de ce pays qui n’honore pas du tout le continent africain dans ce livre.

     Il en est de même des pays riches de la zone francophone : la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Cameroun, les deux Congo. En revanche, la Corée du Sud, qui était plus pauvre que la Côte d’Ivoire dans les années 1960, a connu, depuis lors, un progrès économique et industriel extraordinaire. Elle règne aujourd’hui dans toute l’Afrique par ses produits technologiques (smartphone, ordinateurs, voitures, télévision et j’en passe). C’est, pourtant, un tout petit pays : 100 210 km². Mais, il y a des raisons objectives qui rendent compte de cette situation d’inégalité. D’une part, en raison de la guerre froide entre l’Occident et l’Union soviétique, les Etats-Uniens ont généreusement apporté leur soutien financier pour démontrer au Bloc communiste que le Capitalisme est une économie de développement et de progrès. Il fonctionne beaucoup mieux que l’économie communiste. La preuve manifeste de cette économie dynamique et du progrès, c’est l’exemple même de la Corée du Sud par rapport à son voisin, la Corée du Nord. Ils ont pu s’appuyer sur le volontarisme économique du général Park qui a créé les bases et les conditions du « miracle économique » coréen. D’autre part, pour ce qui est du cas de la Côte d’Ivoire, d’après le livre de Sylvie Brunel (Le gaspillage de l’aide publique –Seuil, Paris 1993), l’Etat français et son hydre, la France-Afrique, se sont employés méthodiquement à siphonner les richesses produites par ce pays en l’empêchant de voler de ses propres ailes grâce à des réformes économiques innovantes et à la mise en place de structures de développement et de progrès autonomes. Alors, il est facile de faire porter le chapeau de cet échec économique aux seuls Ivoiriens et de juger les Noirs de manière péjorative. Les élites politiques et économiques de ce pays, j’en conviens, sont coresponsables de cet état. Et je vais le montrer.

    Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, il n’y a rien qui puisse ressembler au miracle économique de la Corée du Sud. Malgré ses richesses extraordinaires, richesses du sous-sol (or, diamant, pétrole, gaz etc.,) et ses productions d’exportation (café, cacao, hévéa, ananas etc.), les habitants n’en tirent aucun bénéfice. Pire, les planteurs, qui étaient très riches du temps de Félix Houphouët-Boigny (ils pouvaient payer les études de leurs enfants en France, comme moi-même), sont aujourd’hui très pauvres. Autant dire que contrairement aux Sud-Coréens, ils n’ont fait aucun progrès ou presque, n’ont connu aucune amélioration de leurs conditions de vie ou presque, hormis la belle apparence flatteuse des amis du pouvoir en place, soit une minorité de la population ivoirienne. Ceux-ci sont riches, jouissent d’une manière orgueilleuse de tous les conforts de la vie : belles villas, belles voitures etc. C’est de l’hubris pure, au sens grec du terme. Au contraire, ils sont en situation de régression depuis les années 1990. Les différents successeurs d’Houphouët-Boigny n’ont pu arrêter ni corriger ce processus de régression continue. Certes, Laurent Gbagbo, a tâché d’augmenter le prix de ces produits d’exportation au grand contentement des planteurs. Ceux-ci en gardent encore un bon souvenir des années Gbagbo comme des années fastes pour eux. En revanche, sa gestion (plutôt celle de son entourage) de l’économie ivoirienne a été marquée par des désastres innommables et la dilapidation éhontée de l’argent public, sans avoir rien construit comme entreprise, usines, industries pour donner du travail aux jeunes gens, ou pour préparer l’avenir des peuples ivoiriens. A ce sujet, j’ai rapporté quelques faits dans le tome 2 de ces travaux d’investigations (La malédiction du pouvoir politique). Qu’on en juge : Selon J. A. du 11 au 17 avril 2010 (N° 2570), l’une des principales productions agro-industrielles de la Côte d’Ivoire, en l’occurrence, le café-cacao, a été sujette à des détournements pharaoniques pendant toute la période du désordre politique de ce pays. Selon cet hebdomadaire, « la lecture des différents audits café-cacao réalisés par les cabinets KPMG et Sec Diarra, à la demande des institutions de Bretton Woods, donne le vertige. Les experts n’ont pu que constater la disparition, entre 2002 et 2008, de 370 milliards de F. CFA des caisses des organes de gestion de la filière : le Fonds de régulation et de contrôle (183 milliards), le Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao (136 milliards) et l’autorité de régulation du café et du cacao (8 milliards) » etc. Un autre article de J.A. (N°5281-du 27 juin au 3 juillet) révèle que « les audits de la filière attestent de nombreux détournements des organes de gestion, qui ont reçu près de 600 milliards de FCFA (914 millions d’euros) pour leur fonctionnement entre 2002 et 2008 ». Pendant ce temps, la seule raffinerie de pétrole du pays (économie réelle), la SIR (Société ivoirienne de raffinage) est si endettée et abandonnée à son sort par les Banque du pays qu’elle a été « obligée d’arrêter ses activités durant une semaine en février (2010)… » (N° 2570). Ainsi, dirais-je, le secteur des détournements de la richesse du pays, produite par le travail des paysans ivoiriens (ces richesses qui sont leurs propres biens) a été bien plus prospère que celui de l’économie réelle. Triste bilan d’une décennie vaine !

L’émiettement du continent africain par les puissances européennes au XIXe siècle, symbole de sa faiblesse contemporaine

   Evidemment, les peuples ivoiriens ne savent rien de cet état de fait. La preuve : ils continuent à rêver des années de Laurent Gbagbo. Ce n’est pas étonnant. Car la tendance naturelle des élites politiques et économiques du continent africain consiste à dénier à leurs peuples la liberté de penser et d’opinion, à les maintenir dans l’ignorance de tout. Autrement, il y aurait la création de bibliothèque dans chaque commune pour favoriser la lecture et la culture intellectuelle. Ce n’est pas le smartphone qui suppléerait à cette lacune : C’est un outil qui sert à séduire par la fascination des images et empêche la contention de l’esprit. Ces hommes politiques auraient favorisé la création de maisons d’éditions de dimension internationale pour favoriser les vocations de l’écriture etc. Ceux-ci, au lieu d’encourager la liberté de penser ont surtout eu tendance à combattre farouchement la liberté de la Presse. Elle est alors réduite à la flagornerie d’une presse servile par rapport aux chefs d’Etat, qui préfèrent vivre dans les mensonges et les illusions de toutes sortes au regard de l’état de leur pays ou des souffrances de leurs peuples. Pourtant, la liberté de la presse est essentielle pour éclairer les peuples. Dans la zone francophone, bien plus aliénée que l’anglophone, on compte peu de pays où la Presse est réellement libre : le Burkina Faso dont les peuples sont fiers de leur liberté naturelle, quels que soient les régimes politiques qui gouvernent ce pays, le Sénégal, le Mali etc.

    Pour terminer sur le cas de la Côte d’Ivoire, il est vrai que depuis les années 2015, en raison de la gestion rigoureuse de l’économie par Alassane Ouattara, la croissance économique de ce pays est très forte : 8% par an depuis 2012. Mais cette croissance est très pauvre en termes de créations d’emplois dans le pays. Car l’essentiel des richesses produites est destinée aux investisseurs qui, depuis des décennies, ont tendance à le considérer comme une rente. Ils investissent dans le pays pour eux-mêmes, pour plus de rentabilité puisque les économistes disent que la Côte d’Ivoire est un pays attractif. C’est cela la raison de cette attractivité. Quant à la majorité des Ivoiriens, ils ne voient pas la couleur de cette richesse, fruit de leur travail quotidien. Mieux, la Côte d’Ivoire connaît même une santé financière stable. Mais, ces données économiques n’ont que peu d’effet sur la vie des gens au quotidien : surtout celle des planteurs qui contribuent pour une part substantielle aux richesses de cet Etat. Car, ce n’est un secret pour personne, les prix de leurs produits d’exportation sont payés au rabais depuis quelques années au grand désespoir des paysans appauvris et qui, pour cette raison, peinent à trouver des ouvriers pour travailler dans leurs plantations.

   Dès lors, pour résumer sur ce 2e point, tout se passe comme si les élites politiques et économiques elles-mêmes de l’Afrique noire ne savent pas bien gérer leurs richesses naturelles et leurs productions par devoir vis-à-vis de leurs peuples, par amour ou par fierté de leur pays, de leur patrie. Elles sont donc les premières responsables de leur désastre économique et coupables des misères récurrentes de leurs peuples.

  Qu’on arrête donc avec ces préjugés imbéciles suivant lesquels l’Afrique serait un continent pauvre qui a toujours besoin d’être secouru. Bien au contraire, c’est un continent riche, très riche dont une bande de « délinquants économiques » locaux et leurs complices étrangers exploitent les richesses pour leur compte exclusif en appauvrissant les propriétaires des lieux, soit les peuples africains eux-mêmes. On n’est donc pas étonné de constater, après 60 ans de soi-indépendance politique, que ces peuples vivent encore dans la misère crasse et leurs pays respectifs sont toujours dépendants des puissances étrangères. C’est une honte pour l’Afrique noire, un déshonneur même.

   Alors, il est temps de changer de paradigme et aussi de vision du monde pour se fixer des étoiles, symboles d’idées nouvelles révolutionnaires, c’est-à-dire susceptibles de transformer les réalités des peuples africains. Par exemple, il est tout à fait possible de créer des pôles industriels de transformation des matières premières en Afrique même. A titre de suggestion : la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Guinée, la Sierra Leone peuvent parfaitement s’accorder pour créer une zone internationale du travail du diamant en construisant une usine aux frontières de la Côte d’Ivoire et du Libéria. Ils feraient alors venir de la Belgique (Anvers) les spécialistes de la taille du diamant ; ce qui permettrait à ces pays d’avoir une plus value sur cette matière en donnant du travail à leurs concitoyens et en les initiant à l’art de la taille du diamant. Dans une perspective similaire, la Côte d’Ivoire et le Ghana sont en mesure de s’accorder pour construire une immense usine de transformation du cacao entre ces deux pays vers Aboisso ou vers Abengourou. Comme précédemment, ils pourraient faire appel aux grands spécialistes du chocolat de la France, de la Hollande, de la Belgique, de la Suisse, etc., pour transformer cette matière première recherchée dans le monde entier en tant que produit agro-alimentaire de luxe. Alors, on verrai sortir des Africains chocolatiers spécialisés dans la transformation du cacao de ces usines. Les producteurs seraient mieux payés et auraient des moyens financiers nécessaires et suffisants pour améliorer leur travail et leurs récoltes du cacao.

Donc, il faut se fixer comme finalité d’atteindre des objectifs qu’on s’est fixés et, surtout, de les accomplir concrètement dans l’intérêt des générations africaines de demain. Autrement, il serait facile de parier que les Africains risqueraient toujours d’être des peuples soumis aux diktats des autres peuples de la Terre.


[1] Pierre Bamony : Anthropologie contemporaine et Philosophie (KDP/Amazon, mai 2019)

[2] Le chevalier de Saint-Georges, p.140

[3] Prince Ebène (Presses de la Renaissance, Paris 2003)

[4] C’est le cas dans Le Monde du 10-10-2014. Il s’agit d’une enquête intitulé “aux origines du capitalisme” par Adrien de Tricornot. Parmi les critiques du capitalisme, il cite, entre autres, Antoine Guillaume Amo. Au sujet de ses thèses sur l’économie, il écrit : “Si son oeuvre a été moins conservée et moins connue, Amo a été le premier à écrire sur l’irrationalité profonde de la prétendue rationalité économique qui transformait les hommes en marchandises, et sur les dangers de séparer les réalités humaines et sociales des réalités économiques”.

[5] Nous citons les titres de ses livres qui ont été conservés dans les archives en Allemagne:

Tractatus de arte sobrie et acurate philosophandi

Dissertatio de humana mentis apatheia

Disputation philosophica continens ideam distinctam eorum quae competunt velmentis corpori nostro vivo et organico

Tractatus de arte sobrie et acurate philosophandi.

[6] In Amo Afer- Un Noir professeur d’Université en Allemagne au XVIII siècle – (L’Harmattan,  coll. « Logique-sciences-Philosophie des sciences, Paris 2010, p.102)

[7] Dans une récente interview à « Télérama » (N° 3356, 07/05/2014), Gérard Depardieu, parlant de l’« hybris » de l’âme russe, cite, entre autres russes célèbres qui ont manifesté une telle démesure de la nature russe, Alexandre Pouchkine. A la question pourquoi aime-t-il tant la Russie, il répond : « J’aime sa folie, sa violence, ses paradoxes,. Ivan le Terrible tue son fils parce qu’il n’a pas aimé la manière dont s’est habillée sa belle-fille. Pouchkine, l’immense poète romantique, métis comme Dumas, écrit en français, s’invente des biographies, meurt en duel ? Tolstoï n’aime pas son chef-d’eoeuvre Anna Karénine, et ses serfs le supplient de ne pas les libérer tant ils le vénèrent ».

[8] Les figures de l’ombre (Harper Collins Poche, 2018)

[9] En 2017, cette histoire a inspiré le film de Harper Collins du même nom

[10] Nous avons ouvert aux anthropologues de demain la voie des recherches en anthropologie quantique pour tâcher de mieux comprendre ce qu’est le monde africain. Il nous a fallu plus d’une vingtaine d’années d’investigations continues, d’articles divers sur l’univers des cultures des peuples africains pour comprendre, enfin, quelque chose. Il faut de la patience, de l’audace, du courage même pour subir une transmutation de son cerveau afin d’avoir accès aux pouvoirs cachés de celui-ci et que les peuples de ce continent n’hésitent pas à exploiter de manière démesurer. Car l’ethnographie est une non-science, voire une caricature. Les études ponctuelles (quelques semaines, quelques mois, quelque trois ans, tout au plus, etc.), dans le cadre d’un projet de thèse d’anthropologie, est une forfaiture, au sens de la trahison de la confiance d’autrui qui dit une parole, mais qui est modifiée en vertu de la rigueur d’une pensée, d’une analyse rationnelle. Quel que soit le degré d’intelligence d’un individu, il ne peut jamais prétendre “connaître” un groupe humain, un peuple, à plus forte raison, un ensemble de peuples par le biais d’enquêtes hâtives et suivant l’instruction d’informateurs/traducteurs. Souvent, ceux-ci s’abstiennent de tout dire, quand ils ne sont pas autorisés à dévoiler certaines informations, certains faits. De façon générale, le monde des cultures et des peuples africains subsahariens est un univers à plusieurs étages de mystères, de réalités, de données, de voiles épais et de sous-mondes

      Aussi, nous avons toujours reproché à nos prédécesseurs et anthropologues contemporains leurs méthodes d’investigations superficielles, hâtives dans leur désir de connaître quelque chose aux cultures du monde africain subsaharien – cela nous a valu la fermeture des portes de l’université en France. Même les chercheurs et philosophes grecs et romains n’y ont rien compris. En revanche, ils ont laissé à la postérité le voile épais de leurs préjugés sur cet ensemble de peuples alors si lointains pour eux.

[11] Nous avons passé l’essentiel de notre enfance à observer, à étudier et à consigner dans un tapuscrit le réel, douloureux et terrifiant du monde des familles et des couples noirs, dont notre propre famille. Ce texte porte divers noms que nous n’avons pas encore eu le courage de proposer à la publication parce que c’est peu glorieux pour la réalité intime des familles de l’Afrique noire : La marâtre, Moi, Bebou Négalo, fils de polygame et victime de l’horreur polygame ou encore L’autre mère etc.

[12] Nous-mêmes avons été pris dans ce jeu et victime de cette lutte à mort des demi-frères les uns contre les autres.

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