
A- Un enfant à la destinée incertaine
L’éclatante réussite de Barack Obama aux Etats-Unis a fait oublier qu’il fut un enfant au destin tissé d’embûches. Au regard de la situation compliquée de sa mère, rien ne pouvait suggérer que cet enfant aurait pu devenir un jour le premier Président noir des Etats-Unis d’Amérique. Qu’on en juge par la brève analyse que j’en ferai dans cette annexe.
Sa mère, Ann Dunham, anthropologue, jeune fille très engagée politiquement contre toutes les formes d’injustices humaines, féministe avérée défendant la liberté, le pouvoir d’autonomie des femmes dans le monde et singulièrement aux Etats-Unis, était révoltée contre le racisme exacerbé dans son pays. Originaire d’Hawaï où ses parents s’étaient installés après avoir quitté leur Kansas natal, elle rencontra un jeune étudiant kényan, Barack Obama Sr, à l’université d’Hawaï. Il y faisait des études d’économie et, plus tard, il les terminerait à Harvard. Ils se marièrent et de leur union naquit Barack Obama Jr à Hawaï. Son père, suite au divorce d’avec Ann Dunham, s’en retourna au Kenya en abandonnant son ex-femme et son fils.

Pour autant, Ann Dunham n’avait pas manqué d’ambition quant à la réussite et au devenir de ses deux enfants, issus de pères différents et d’origine également. Malgré ses difficultés financières, mais avec le soutien de ses parents, elle put envoyer son fils à Punahou, la meilleure école privée d’Hawaï. Elle savait qu’en raison du racisme ambiant et féroce dans son pays, son fils ne pourrait, sans doute, accéder plus tard à aucune fonction officielle prestigieuse, comme ses camarades blancs, s’il ne faisait des études supérieures et prestigieuses. Il ne connaissait pas son père pour le comme prendre modèle, puisqu’il était reparti au Kenya où il travaillait pour le gouvernement de ce pays. Toutefois, quand il eut 10 ans, celui-ci revint à Honolulu pour leur rendre visite. Ce fut la seule et dernière fois qu’il le vit. Certes, Obama Sr entretint une correspondance avec son fils, mais qui dura seulement pendant quelque temps. Car ces liens s’arrêtèrent, sans doute, à la suite de son assassinat par les autorités politiques de son pays. Plus tard, Obama prit conscience, mais de loin, des tensions tribales qui secouaient les peuples du pays de son père. Ces faits lui semblaient être une forme quasi permanente des conflits entre des gens semblables par leur apparence physique ; c’est aussi une plaie géante en Afrique noire.
Puis, en raison de l’errance de sa mère en quête d’un emploi stable, Barack Obama dut vivre à Hawaï pendant quelques années avec ses grands-parents, lesquels étaient d’origine irlandaise. Pendant ce temps, sa mère travaillait en Indonésie comme anthropologue en s’occupant de sa demi-sœur, Maya. Aussi, la vigilance permanente de sa mère sur ses études et l’absence de ses tendres soins au quotidien ont dû lui manquer tellement qu’il se mit à les négliger ; ses résultats scolaires en pâtirent. Très vite, son refus d’apprendre, c’est-à-dire de s’astreindre aux exigences et à l’assiduité des études d’un niveau élevé, manqua de le conduire vers la voie de l’échec. Par un heureux hasard, il s’intéressa à la lecture assidue de divers ouvrages ; ce qui le ramena sur le droit chemin d’une possible réussite. Car l’amour de la lecture fit émerger en lui celui des études et, progressivement, de la réussite scolaire. Il avait 7 ou 8 ans quand il rejoignit sa mère à Jakarka. Plus tard, de retour aux Etats-Unis pour poursuivre ses études, il ne s’épargna aucun effort pour briller dans sa scolarité au lycée. Et il continua toujours de lire comme si, pour lui, le secret de la réussite résidait essentiellement dans la lecture : lire encore et toujours un grand nombre d’ouvrages aux thématiques diverses et ouvertes aux multiples dimensions des réalités humaines. C’est en ce sens qu’il écrit : « Mon goût pour la lecture explique sans doute non seulement que j’aie réussi à survivre au lycée, mais j’ai pu me prévaloir, quand je suis entré à l’Occidental Collège de Los Angeles en 1979, de posséder une culture politique correcte{…} Ces efforts acharnés ne furent toutefois pas en pure perte : une ébauche de vision du monde commença à prendre forme dans mon esprit que m’aidèrent à développer les rares professeurs qui toléraient mon attitude légèrement désinvolte en classe et mes affectations juvéniles »[1].

Au terme de sa deuxième année, Barack Obama décida de changer d’université en s’inscrivant à l’université de Columbia de New York. Il estima que ce changement de lieu, de vie et d’université allait lui permettre de prendre un nouveau départ. Malgré des conditions de vie très difficiles et précaires à divers points de vue, comme la solitude dans des appartements très décrépits, des problèmes financiers récurrents etc., il mit sous le boisseau et sous silence sa vie de jeune américain des années 1980. En dépit de ses désirs, c’est-à-dire de la pulsion biologique intense à cet âge, il réussit à les négliger pour continuer à s’instruire, notamment par son assiduité à la lecture incessante et abondante. Aussi, il connut un tel état de vie monacale que certains de ses amis ne manquaient de lui donner le conseil suivant :
« Il faut que tu te détendes, Barack.
Il faut que tu tires un coup.
Tu es tellement idéaliste » (p. 30).
En outre, on ne lui a pas fait de cadeaux au quotidien pour sa couleur de peau du fait du racisme blanc institutionnalisé. Car la question raciale en ce pays est toujours à fleur de peau, comme il le dit : « Je n’ai pas été épargné, à titre personnel par les attaques racistes, et les traces durables de la période de l’esclavage et des lois Jim Crow, régissant la ségrégation raciale, me sautaient aux yeux chaque fois que je marchais dans les rues de Harlem ou de certains quartiers du Bronx. Mais ma propre expérience m’a appris à ne pas me réfugier trop vite derrière le statut revendiqué de victimes et à me méfier de l’idée selon laquelle, comme j’entendais beaucoup de Noirs l’affirmer dans mon entourage, les Blancs étaient tous d’un racisme irrémédiable » (p.p. 31-32).


Quant à Barack Obama lui-même, son esprit le mettait dans la posture de ce Nietzsche appelle « La volonté de puissance », c’est-à-dire l’affirmation joyeuse, positive de soi comme forme en acte pouvant faire sauter des digues pour triompher des obstacles et réussir sa vie en ce monde et tel qu’on le veut soi-même en suggérant dans son dernier livre «Comment on devient ce qu’on est »[2]. Ainsi, par son investissement total dans son travail, c’est-à-dire ses lectures toujours aussi riches et ses études, il s’en est bien sorti. Et ceci contrairement à un grand nombre de ses camarades qui se plaignaient de la surcharge du travail. Et il se complaisait tellement dans ses activités intellectuelles que, écrit-il, « à l’automne 1988, je suis parti mettre à l’épreuve mes ambitions dans un endroit où l’ambition n’était pas vraiment une denrée rare. Major de promotion, président du conseil des étudiants, latinistes chevronnés, champion de concours d’éloquence – les étudiants de Harvard étaient pour la plupart des jeunes gens impressionnants qui, contrairement à moi, étaient convaincus depuis leur plus tendre enfance, et à raison, d’être destinés à accomplir de grandes choses de la vie {…} Pendant ma deuxième année, j’ai été élu à la tête de la Law Review ; c’était la première fois qu’un Noir accédait à ce poste, ce qui a piqué la curiosité de la presse nationale. J’ai signé un contrat pour écrire un livre. Des propositions d’embauche sont arrivées d’un peu partout, et tout le monde pensait que mon avenir était désormais tout tracé » (p.p. 38-39).
B – Seul contre un Etat ségrégationniste et viscéralement raciste par tradition
La grand-mère maternel de Barack Obama lui avait livré un jour, avec raison, cette formule conforme à la nature des faits, mais qui demeure dans l’esprit des Etats-uniens comme un principe philosophique abstrait : « Il n’y a pas une Amérique noire et une Amérique blanche, une Amérique latine et une Amérique asiatique. Il y a les Etats-Unis d’Amérique »[3] (p.159). S’agit-il d’un idéal humaniste ou, au contraire d’un rêve, d’une illusion ? Certes, cette belle remarquable est louable. Mais, elle reste un vœu pieux. En effet, sa grand-mère elle-même, Madelyn Payne Dunham, comme tous les Etats-uniens, ne se réveilla de son état duonique[4] qu’à force d’apprendre à aimer son petit-fils noir, jusqu’à montrer une forme élevée de tendresse et d’un amour presque féroce. Entre autres exemples de dévouement, elle était prête à tous les sacrifices financiers possibles pour l’aider à faire d’excellentes études. Car en vertu du conservatisme ambiant, comme l’explique Obama, son coeur se brisa en silence de stupéfaction quand sa fille lui annonça qu’elle avait invité un Noir à venir dîner à la maison. Entre Blancs et Noirs états-uniens, existe toujours une haine irrationnelle, un racisme viscéral qui dépasse l’entendement humain. Et l’une des raisons de la hargne des Blancs contre Barack Obama, qu’une majorité des populations de ce pays avait bien élu Président des Etats-Unis d’Amérique s’expliquait naturellement par cette posture mentale quotidienne, historique mais inconsciente, comme on dit couramment, y trouve son enracinement. Tout se passait alors comme si les Etats-uniens venaient de se réveiller d’un sommeil, d’un rêve ou d’une émotion vive qui les aurait trompés, les aurait frappés de stupeur, pour se demander, alors, comment un Noir a pu être élu Président des Etats-Unis d’Amérique. Tel le sens des remarques que l’on ne manquait de faire à Obama : « Le fils d’un Africain noir, avec un nom musulman et des idées socialistes installé à la Maison-Blanche, aux manettes de l’Etat américain : c’était précisément contre cela qu’ils {les Blancs}voulaient être défendus » (p. 395). Dès lors, on peut se rendre à l’évidence que, malgré le niveau de développement économique, les progrès technologiques et scientifiques, rien ne change au niveau des mentalités humaines fortement vissées dans le marbre de l’histoire, des réalités des mondes du passé, même les plus lointains. Comme Obama le dit lui-même, il n’est pas aisé pour les Humains de « tenter de libérer le monde des vieilles cruautés, hiérarchies, hypocrisies, divisions et injustices qui entravaient l’esprit humain… » (p. 439).

Cette campagne de violence politique, d’agressivité gratuite, de rumeurs complotistes et mensongères alimentées par presque toute la presse de droite et extrême-droite dont Fox News Channel, mais aussi de gauche pour vendre du papier, toute aux mains des Blancs, contre Barack Obama s’est exacerbée à partir de 2009 à 2010. C’était la période où il avait engagé, avec son équipe ultra-compétente, des lois majeures pour protéger les Etats-uniens des catastrophes sociales et sanitaires. Cette confrontation entre les deux populations (Blancs et Noirs), à l’image de l’exacte opposition de leur apparence physique, est le fruit d’un héritage culturel historique par la manière dont les unes et les autres sont arrivées sur le territoire américain. Les Noirs y sont arrivés par contrainte en tant qu’esclaves pour effectuer des travaux subalternes (le travail dans les plantations de coton, entre autres). En tant que tels, leur statut d’esclaves leur confère le rang d’humains inférieurs. Ils y sont arrivés en leur faisant subir toutes sortes d’humiliations : meurtres, tortures, castrations, violences inouïes. Ils leur ont dénié, par une volonté permanente, devenue un mantra, leur statut d’êtres humains. En leur refusant la conscience, qui, autrement, en ferait des êtres humains comme les autres, ils les ont déportés vers l’animalité et, donc, les réduits au rang de bêtes de somme etc. Les Blancs seuls avaient le rang de maîtres de ces troupeaux d’esclaves. C’est pourquoi, malgré l’abolition de l’esclavage, la Guerre de sécession dont le but était d’accorder la liberté, la dignité et l’égalité à toutes les populations des Etats-Unis d’Amérique, il y eut des lois fondées sur la ségrégation pour tâcher de créer deux entités avec deux statuts de développement disjoint. Car dans l’esprit des Blancs, l’idée relative à leur rang d’êtres humains supérieurs aux Noirs l’emporte sur toute autre considération. Telles sont les justifications de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique : on ne peut rien y changer.
Pourtant, leurs ascendants ne furent guère les meilleurs d’entre les êtres humains que l’Europe ait expédiés sur les territoires américains du Sud, du Centre et du Nord. Hormis les scientifiques, les explorateurs dûment payés et équipés par les Etats européens, il ne serait pas venu l’esprit d’un Européen intellectuel, riche, noble, financièrement et économiquement aisé d’entreprendre une aventure aussi incertaine, aussi monstrueuse, brutale et inhumaine ; à commencer par les fondateurs du nouvel Etat. En effet, les premiers anglo-saxons à s’installer en Amérique du nord y arrivent le 21 novembre 1620. Ils se nomment eux-mêmes les « pilgrims fathers« , soit les « pères pèlerins »[5]. En substance, leur histoire dit qu’en Grande-Bretagne, durant le règne de Jacques Ier (1603-1625), des croyants dits les « puritains » sont considérés comme des « hors la loi », des « marginaux ». A ce titre, ils sont activement recherchés. Alors, ils décident d’émigrer vers une terre lointaine où ils seraient libres de pratiquer un christianisme puritain. Sur cette nouvelle terre (le Nouveau Monde), ils fondent la colonie de Plymouth. Ils signent alors le « Pacte du Mayflower » ou « Mayflower Compact« , l’un des textes fondateurs ayant inspiré la « Constitution des Etats-Unis d’Amérique« . C’est en ce sens qu’ils sont considérés comme les premiers colons fondateurs des futurs Etats-Unis d’Amérique. Mais, très vite, la classe sacerdotale réussira à aliéner les esprits et, donc, à soumettre toute la société à leur volonté en lui dictant des lois scélérates, iniques, pernicieuses qui resteront gravées dans les mémoires de génération en génération. En s’imaginant élus par un dieu et au nom duquel, les Pères fondateurs de ce nouvel Etat ont porté partout, au fur et à mesure de la conquêtes de nouvelles terres prises sur les peuples amérindiens, l’intolérance, l’investissement sans bornes dans la réussite matérialiste à outrance. Leur idéologie fondée sur la ségrégation raciale et l’application dogmatique de celle-ci, le sentiment de supériorité et de pureté etc., a semé partout la violence, la guerre aux femmes, de la négation radicale par rapport à tous ceux qui étaient différents d’eux comme les Amérindiens, puis les Noirs, les populations d’origine européenne non anglo-saxonnes, tels que les Irlandais, les Slaves, les Juifs, les Italiens etc. Dès lors, la doctrine et les institutions politiques et sociales de la démocratie états-unienne sont gangrenées par cette funeste idéologie, peu chrétienne parce qu’elle a trahi l’humanisme universel et fraternel de Jésus, consigné dans les Evangiles.

Il en est de même de tous les autres, parmi les premiers arrivants. Ils étaient des aventuriers, des pauvres, des délinquants, des voyous, des anciens prisonniers, comme ceux que la Grande Bretagne envoya en Australie etc. Certes, en ce Nouveau Monde, ils ont beaucoup travaillé, avec leurs esclaves, pour réussir et s’enrichir. Mais, même l’aisance financière, les réussites diverses sur le plan économique n’ont pas pu effacer de leur conscience, héritière de la violence permanente pour survivre, qui a marqué leurs premiers pas sur ces terres nouvelles.
Comme ils se réservaient les richesse produites de manière commune, et les transféraient à leurs descendants, ils en sont venus à croire que, seuls les Blancs ont droit à tout et à toutes les échelles des réalités sociales. Ce faisant, la présence des Noirs n’est seulement tolérées qu’à la seule condition qu’ils restent à leur place de gens inférieurs destinés aux travaux de niveau médiocre. Quand bien certains d’entre eux parviennent à obtenir des réussites éclatantes dans les domaines de compétences des Blancs, une telle réussite n’est pas estimée. Elle n’est pas visible et elle ne leur enlève pas, pour autant, le penchant ségrégationniste et raciste au quotidien. Ile ne peuvent non plus échapper au contrôle vexatoire au faciès pratiqué quotidiennement par les forces de l’ordre. Mieux, les Noirs ont beau se dire Américains, dans la tête des Blancs des classes inférieures et moyennes, il n’y a d’Américains que Blancs. C’est pourquoi, leurs souffrances, leurs misères, leur douleur etc., n’émeut personne dans leurs rangs. Tout semble indiquer que la réussite, la richesse, la célébrité étaient illégitimes pour eux. Au quotidien, Blancs et Noirs se côtoient, certes, mais ils s’ignorent parce que les uns (les Blancs) jugent qu’ils n’ont pas les mêmes valeurs que les autres (les Noirs).
On comprend alors leurs récriminations quand Barack Obama osa faire des lois pour tous les Etats-uniens. Car la ligne de faille de la question raciale, comme on dit ordinairement, est toujours omniprésente et à tous les niveaux de l’Etat. C’est en ce sens que l’auteur de cet ouvrage sur lequel je me fonde ici pour clarifier un aspect des réalités humaines, toujours en soi très complexes : « C’est devenu l’antienne de Fox News et des radios conservatrices, le texte fondateur de toute cellule de réflexion ou autre comité d’action politique financé par les frères Koch : l’Etat détournait l’argent, les emplois, les places à l’université et le statut des gens méritants qui bossaient dur, comme nous autres, pour les donner à des gens comme eux – qui ne partageaient pas nos valeurs, qui ne travaillaient pas aussi dur que nous, des gens qui ne pouvaient s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils n’étaient pas content de leur sort » (p.355).
Même si un Noir, par sa compétence, son intelligence, ses efforts personnels, sa combativité réussit brillamment dans un champ des savoirs, il n’est pas, pour autant, respecté comme peut l’être un Blanc ayant obtenu le même statut d’élévation sociale ; ni considéré selon son rang dans la hiérarchie de la société. S’il habite dans les quartiers blancs les plus tolérants, malgré une telle réussite, pour un Noir, « il demeurait impossible d’échapper aux ombres héritées de notre histoire raciale » (p.495). C’est pourquoi, la forte impulsion de ce penchant hérité du passé, fondé généralement sur des raisonnements spécieux qui sont, au fond, des croyances populaires, incline au mépris généralisé des forces de l’ordre vis-à-vis des Africains-Américains, des Latinos aux Etats-Unis. Ces forces, au regard des lois d’Etat injustes et ségrégationnistes, peuvent les violenter à leur guise lors d’une arrestation. Elles peuvent même les tuer sans en être importunées puisque les agents des forces de l’ordre sont protégés par les lois ségrégationnistes et iniques des Etats. L’inverse est sévèrement sanctionné : un Noir ou un Latino qui agresse un policier est condamné à passer une grande partie de sa vie en prison, sans jugement objectif, juste. A propos, de la violence policière à l’égard d’un intellectuel noir, professeur célèbre à Harvard, Obama écrit : « Quoi qu’il se soit passé par ailleurs ce jour-là à Cambridge, une chose était certaine : s’il avait été blanc, jamais un professeur de Harvard, renommé et fortuné, un homme âgé de 58 ans, qui mesurait 1,70 mètre, pesant 65 kilos et marchant avec une canne à cause d’une blessure remontant à l’enfance, n’aurait été menotté et emmené au poste au prétexte qu’il s’était montré injurieux envers un policier qui l’avait sommé de lui présenter ses papiers sur le seuil de sa propre maison » (p. 495). C’est donc cette question raciale à fleur de peau des uns et des autres qui rend problématique les amours entre les individus blancs et noirs aux Etats-Unis d’Amérique. Car de telles amours conduisent à une sorte d’exil par rapport à ces deux groupes de populations si antagonistes dans leurs relations quotidiennes.
C – Un Président noir pour résoudre une situation de crise financière gravissime

La crise financière dite « krach automne 2008 » aux Etats-Unis avait commencé bien avant l’élection de Barack Obama ; c’est-à-dire sous le dernier mandat de George Bush Jr. C’est le constat qu’Obama et son équipe firent peu de temps après leur prise de fonction respective. En effet, écrit-il, « Au cours de l’année écoulée, plus de la moitié des vingt-cinq plus grandes institutions financières des Etats-Unis étaient en défaut de paiement ou avaient dû fusionner, ou étaient en restructuration pour éviter les dépôt de bilan ; ce qui avant débuté comme une crise à Wall Street avait à présent contaminé l’économie au sens large. La Bourse avait perdu 40% de sa valeur. Des dossiers de saisies immobilières avaient été déposés concernant 2,3 millions de foyers. La richesse des ménages avait chuté de 16%, ce qui, comme Tim le ferait remarquer par la suite, était un pourcentage cinq fois supérieur à celui de la chute qui s’était produite à la suite de l’effondrement boursier de 1929 » (p.p. 307-308). George Bush et son secrétaire au Trésor américain, Hank Paulson, avaient tenté le tout pour le tout par l’adoption de plans financiers gigantesques, en terme de milliards de dollars, tel le projet TARP, pour tâcher de juguler la crise et éviter, ainsi, la faillite de l’économie états-unienne. Mais en vain ! En effet, le 15 septembre 2008, Lehman Brothers, l’une des plus grandes banques financières états-uniennes dont la valeur était estimée à 639 milliards de dollars, avait annoncé son dépôt de bilan. Car elle était en très mauvais état en matière de liquidités.

Après son élection à la présidence des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama a dû s’entourer d’une équipe très compétente dans tous les domaines pour gérer cette grave crise et sauver le pays de la faillite économique et financière. Contrairement à ses homologues des Etats de l’Afrique noire, qui s’entourent généralement de politiciens à leur bottes et de courtisans incompétents et incapables d’être utiles à leur pays – il faut souligner sur ce point, que ces chefs n’ont rien fait d’autre que de copier fidèlement les pratiques politiques françaises, mais en pire -, Barack Obama fit le choix de s’entourer d’une fine équipe dont la mission était claire : résoudre la crise économique et financière qui avait mis à genou l’Etat le plus puissant du monde. En outre, aucun d’entre eux n’a été recalé au cours de leur passage devant le sénat, après des enquêtes de moralité obligatoire sur leur profil pour le poste qui était proposé à l’un ou à l’autre. Le sénat juge leur compétence à gérer avec lucidité et rationalité, voire objectivité les secteurs dont ils auraient la charge. Barack Obama exprime, dans les lignes suivantes, sa philosophie de la conduite générale des affaires de son pays pour plus d’efficacité sous sa présidence. Une telle conception de son action pourrait servir de leçon aux chefs d’Etats des pays africains d’aujourd’hui et de demain. Car sur ce point, il écrit : « En tant que président, je pourrais exprimer une vision et fixer un cap pour le pays, promouvoir une culture organisationnelle saine, et établir des lignes claires de responsabilité et de mesures afin de veiller à la transparence. C’est moi qui prendrai la décision finale concernant les questions ayant été portées à mon intention et qui expliquerais ces décisions au pays dans son ensemble. Mais, pour accomplir tout cela, je dépendrais d’une poignée de personnes qui me serviraient d’yeux, d’oreilles, de mains et de pieds – ceux qui deviendraient mes directeurs, responsables de projets, conseillers, analystes, organisateurs, chefs d’équipes, porte-voix, conciliateurs, solutionneurs de problèmes, fusibles face aux critiques, médiateurs, caisses de résonance, critiques constructifs et loyaux soldats » (p.277).
Parmi son équipe de combat – car il s’agissait bien d’un combat contre l’hostilité des Républicains qui s’employèrent à tâcher de saper son action et à le faire échouer sa politique générale, mais aussi des groupes politiques ou non de l’extrême-droite, d’une frange majeure de la population blanche ; un combat pour sauver le pays de la crise financière et économique –, il choisit comme directeur de cabinet Rahm Emmanuel. Pour occuper le poste de secrétaire au Trésor, il préféra deux éminentes personnalités éclairées, compétentes et très efficaces ayant très haut niveau d’études universitaires. Il s’agissait de Larry Summers, directeur du Conseil économique national, qui est le plus haut poste économique à la Maison-Blanche, Il l’aida à comprendre ce qui était pertinent à entreprendre et à faire dans cet état de crise grave ; ou à éviter d’aggraver la situation ; et de Tim Geithner. Celui-ci accepta le poste de secrétaire au Trésor. Ce fut grâce à son ingénieux plan, le Recovery Act, qui fut approuvé au terme d’une bataille acharnée au Congrès, et qui sauva les Banques des faillites et de dépôt de bilan, Wall Street, voire l’économie du pays avec une enveloppe de 800 milliards de dollars. Christin Romer, brillante universitaire, occupa la direction du groupe des conseillers économiques. Ce groupe avait pour mission de fournir au Président les meilleures données et analyses possibles pour toutes les questions économiques. Peter Orszag fut nommé au poste de directeur du Bureau de la gestion et du budget ; Melody Barnes, prit la tête du Conseil de politique intérieure. Jared Bernstein fut intégré à l’équipe de Joe Biden, Vice-Président des Etats-Unis. Obama maintient Robert Gates, secrétaire à la défense du Président Georges Bush, à son poste. Susan Rice fut nommée ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations-unies ; Léon Panetta, patron de la CIA ; Hillary Clinton, Secrétaire d’Etat etc. C’était, en définitive une équipe composite de femmes et d’hommes d’origines différentes, de classes sociales diverses, de partis ou de choix politiques divers qui embrassait toutes les compétences et les intelligences du pays que ce pays comptait[6] alors. C’était aussi une mosaïque d’individus par la couleur de leur peau.
Au terme de leur activité et de leur gestion des affaires de l’Etat, malgré une surveillance permanente des faits et gestes du Président et de son gouvernement par des forces hostiles, la situation générale se stabilisa. En effet, ils ont pu relancer le système financier, stopper les récessions, remettre un grand nombre de gens au travail, permettre à beaucoup de familles de garder leurs maisons etc. Tout le monde pouvait, par la transparence imposée au sujet de leurs actions, avoir accès aux données économiques et aux résultats positifs du système financier et de l’économie du pays. C’est pourquoi, malgré les vociférations des Républicains qui avaient tout mis en œuvre pour faire échouer Obama dans sa gestion des affaires du pays et, ainsi, démontrer son illégitimité, son incompétence naturelle propre aux gens de couloir noire, le soutien public du Recovery Act n’avait cessé d’augmenter au fil des semaines, des mois etc. C’est en ce sens que se comprend fort bien la remarque de Tim Geithner : « Un plan, ça vaut toujours mieux que pas de plan » (p.375).
Puisque « la Présidence bouleverse notre horizon temporel » (p. 597), reconnaît Barack Obama, en générant une béance, une faille entre la vie d’un Président installé dans les fastes de son palais et la réalité triviale du peuple qui l’a élu, pour éviter un tel éloignement de ses lecteurs ou non, celui-ci avait eu l’idée de créer une institution humaniste. Il s’agissait de lettres par lesquelles les citoyens qui le désiraient pouvaient lui adresser en lui exposant les données de leur vie quotidienne. Qu’elles soient critiques, douloureuses ou joyeuses, calomniatrices ou laudatives, qu’elles expriment leur déception ou, au contraire, l’encouragement de leurs auteurs à l’égard de l’exécutif pour son action, il s’était engagé à en lire personnellement le plus possible et à y répondre. C’est ce qu’il écrit lui-même : « C’avait été mon idée, les lettres, une idée qui m’était venue le deuxième jour de mon mandat. Je m’étais dit qu’une dose quotidienne de courriers de mes concitoyens serait un moyen efficace de sortir de ma bulle présidentielle et d’avoir directement des nouvelles de ceux que je servais. Les lettres étaient comme une perfusion en intraveineuse du monde réel, un rappel quotidien de mon engagement envers le peuple[7] américain, la confiance placée en moi et de l’impact humain de chaque décision que je prenais. J’insistais pour avoir un échantillon représentatif. (Je ne voulais pas juste des lettres joyeuses de la part de mes sympathisants qui disent que tout va bien ») (p. 346).
D – Un homme seul au milieu d’une meute de loups enragés

Par ailleurs, la lecture des mémoires de Barack Obama nous instruit amplement sur le mode de fonctionnement de la démocratie états-unienne. En effet, les élites politiques sont divisées en deux entités totalement opposées, en l’occurrence, les Républicains et les Démocrates. Ils agissent suivant la force de deux institutions politiques : le Senat, généralement dominé par les Républicains et la chambre des Représentants, où les Démocrates sont régulièrement majoritaires. Disons, en passant, que ce qui fait l’essence de cette démocratie consiste dans le mode de désignation des représentants aux deux Chambres. Ceux-ci, s’ils désirent être élus, ils doivent labourer le terrain, en faisant même le porte à porte pour solliciter les voix des électeurs. Mais, ce qui rend ce système bancal ou inégalitaire tient au fait que sans moyens financiers colossaux pour engager des jeunes gens pour aller au contact des électeurs ; mais aussi pour payer des annonces publicitaires sur les radios, les télévisions publiques ou privées, la presse écrite quotidienne ou hebdomadaire etc., tant au niveau des grandes villes, de la campagne qu’à l’échelon de chaque Etat, voire au niveau de tout le pays. Telle est l’une des raisons du coût exorbitant. En effet, il faut compter, pour chaque candidat, des millions de dollars de financement sous forme de dons pour financer les campagnes électorales : présidentielles, sénatoriales, représentants à la Chambre etc.
Hormis se système initialement démocratique, une fois le but atteint, les élus n’en font qu’à leur guise à Washington, capitale de tous les maux de la démocratie états-unienne. On y trouve, en effet, tous les moyens ou groupes de pression : lobbys, complots, conflits d’intérêt des secteurs privé/privé, guerre de tous contre tous, luttes à mort entre entités politiques ou militaires, services secrets etc. Tout ceci s’apparente à une véritable arène de gladiateurs romains. Dans ce contexte, cette atmosphère délétère et hostile, les élus s’enracinent dans leurs traditions conflictuelles qui les conduisent comme par nécessité à devenir des autocrates autistes. Car lorsqu’il s’agit de voter des lois dans l’intérêt du peuple, ils n’ont cure des besoins de leurs électeurs, qu’ils prennent en otages par leur agir malveillant. Au contraire, ce qui prime chez les uns et les autres, c’est leurs intérêts personnels qui consistent, entre autres facteurs néfastes, à faire échouer le camp adverse et, ainsi, à se manifester publiquement comme les plus forts, les plus puissants en terme d’opposition au parti au pouvoir, même si celui-ci travaille bien, c’est-à-dire dans l’intérêt du peuple. Pire, les élus des deux chambres ont même inventé une sorte de Novlangue qui, pour être intelligible par tous, exige un déchiffrement des éléments opaques de ce langage purement inventé par les politiciens autocrates de Washington. Qu’on en juge par le long extrait suivant des échanges en le Président et les élus en vue de s’accorder sur l’urgence de lois relatives aux problèmes sociaux :
– « Monsieur le Président élu, a dit Nancy, je pense que le peuple américain comprend très clairement que vous avez hérité d’une pagaille épouvantable. Et, bien entendu, nous autres démocrates sommes prêts à agir de manière responsable pour mettre de l’ordre dans la pagaille épouvantable dont vous avez hérité. J’espère simplement que nos amis de l’autre camp se souviendront que ce sont les démocrates, vous compris, Monsieur le Président élu, qui ont pris leur responsabilité… malgré ce qui était, nous le savons tous, une politique néfaste…ce sont les démocrates qui ont accepté d’aider le président Bush avec le TARP. J’espère que nos amis républicains sauront faire preuve d’une même approche responsable dans ce qui est, comme vous l’avez dit, un moment critique »
Traduction : N’allez pas croire un seul instant que nous ne rappellerons pas au peuple américain, chaque fois que nous en aurons l’occasion, que ce sont les républicains qui sont à l’origine de la crise financière
– « Ca ne va pas plaire à notre camp, a dit Harry, mais nous n’avons pas vraiment le choix, alors il va falloir y aller, d’accord ? »
Traduction : Ne vous attendez pas à ce que Mitch McConnel lève le petit doigt pour vous aider.
– « Eh bien, nous vous écoutons avec intérêt, mais sauf votre respect, je ne crois pas que le peuple américain envisage davantage de grosses dépenses et d’autres sauvetages, a dit Boehner. Les gens se serrent la ceinture, et ils espèrent que nous ferons de même ».
Traduction : Mon groupe parlementaire va me crucifier si je dis quoi que ce soit qui laisserait à penser que je suis coopératif.
– « Je ne peux pas dire qu’il y ait un grand engouement pour ce que vous proposez, monsieur le Président élu, a dit McConnel, mais vous êtes le bienvenu à notre déjeuner hebdomadaire pour plaider votre cause ».
Traduction :Vous semblez commettre l’erreur de croire que j’en ai quelque chose à faire (p.323).
Dans cette perspective, peu importe les attentes et la misère de la population états-uniennes qu’ils se contentent de regarder avec cynisme et indifférence, chaque camp se contentant de se livrer à un jeu pernicieux de dupes, de mensonges et de tromperies, cruel, aberrant et machiavélique. Dès lors, le bien-être des électeurs passe au second plan. Sur cette scène de théâtre macabre, les élus ont fini par devenir les fossoyeurs des conditions de vie décentes ou meilleures de leurs peuples. D’autant plus que la question raciale, indépassable aux Etats-Unis d’Amérique complique singulièrement les lois en faveur de l’intérêt de tous les Etats-uniens par-delà leurs différences physiques.

Barack Obama explique ce problème crucial de la manière suivante. Selon lui, et en vertu de son programme politique et socio-économique, il tenait effectivement à faire voter des lois pour que les uns et les autres soient dédommagés de la perte de leurs maisons, soit par des catastrophes naturelles, soit par des erreurs humaines (la mauvaise conduisant aux crises financières comme celle de 2008), aient une assurance qui puissent compenser de telles pertes dans les meilleures conditions possibles. Il s’agissait aussi de créer une assurance chômage en cas de perte d’un emploi, voire un système de protection sociale et sanitaire comme, le Medicare, pour assurer des soins optimaux en cas de maladie grave ou pour atténuer « les outrages du grand âge ». En terme de progrès et de conditions de vie décentes, il songea, par des dispositifs ad hoc, à permettre l’accès à l’électricité et au téléphone pour les habitants des zones agricoles reculées ; des écoles et des universités publiques pour démocratiser l’enseignement et pour assurer une éducation de qualité pour tous. En outre, son intention était de donner à chacun sa chance pour construire le mieux possible sa vie afin d’éviter de tomber en-dessous d’un plancher optimal des conditions de vie. Mais il s’est rendu compte que la confiance de bon sens qu’il accordait à tous les Etats-uniens était difficile à maintenir. D’où l’expression de son amertume, de sa déception par rapport à la confiance qu’il pensait avoir scellée avec eux : « la ligne de faille de la question raciale l’a mise à rude épreuve. Accepter que les Afro-Américains et d’autres groupes minoritaires aient besoin d’une aide particulière de l’Etat – que l’on pouvait imputer les difficultés spécifiques qu’ils connaissaient à une histoire brutale de la discrimination plutôt qu’à des caractéristiques immuables et des choix individuels – supposait un niveau d’empathie, de solidarité que de nombreux électeurs blancs avaient du mal à éprouver. Historiquement, des programmes conçus pour aider les minorités, de la promesse de donner à chaque ancien esclave « quarante ares et une mule » à la « discrimination positive », ont été accueillis avec une franche hostilité. Même les programmes universels très largement appréciés – comme l’enseignement public et l’emploi dans le secteur public – sont bizarrement devenus des sujets de controverse à partir du moment où les gens noirs et de couleur ont été inclus parmi les bénéficiaires » (p.354-355).
Parmi les opposants au premier Président noir des Etats-Unis d’Amérique, outre quelques groupes d’élus démocrates, on comptait surtout les Républicains. Ceux-ci se scindaient en trois groupes animés par une haine raciale qui dépassait l’entendement humain. Il s’agissait du GOP (Old Ancient Party), des adhérents du nouveau mouvement interne au parti républicain mené par Boehner er Mc Connel, le Tea Pary de Sarah Palin. Par opportunisme, Mc Cain, l’adversaire républicain de Barack Obama, avait sollicité Sarah Palin comme sa Vice-Présidente. Il pensait, grâce à celle-ci, sauver sa campagne électorale désastreuse en cours de route. Il y avait aussi un homme, obscur à ce moment-là, issu du monde de l’image, en l’occurrence, Donald Trump ; sans oublier la quasi totalité des médias états-uniens. Chacune de ces entités politiques ou politisées partageait un même sentiment, de manière quasi consensuelle comme si elles avaient scellé un accord commun pour avoir la peau d’Obama. Il leur fallait empêcher le vote au Séant du Recovery Act destiné à résoudre la crise financière et socio-économique du pays. C’est ce qu’écrit Obama au sujet de la lutte menée par Mc Connel et Boehner : « S’il est vrai que nous avions accompli l’équivalent de deux ans de travail en un mois, nous avions aussi dépensé tout aussi rapidement l’équivalent de deux ans de capital politique. Il était difficile de contester, par exemple, que Mc Connel et Boehner nous avaient amochés en terme de communication. Leurs attaques incessantes continuaient d’influence la manière dont les médias parlaient de Recovery Act, la presse faisant des gorges chaudes de la moindre accusation fallacieuse de gabegie et de malversations. Certains pontes des médias ont pris à leur compte les racontars colportés par le GOP selon lesquels je n’avais pas réussi à associer assez de Républicains à l’élaboration de ma loi, et que je n’avais donc pas tenu ma promesse de gouverner de façon bipartite. D’autres ont insinué que notre accord avec Collins Nelson, Snowe et Specter relevait du marchandage cynique caractéristique de Washington, plutôt que du changement auquel nous pouvons croire » p. 343). En fait, malgré ses efforts et les compromis obtenu par les divers niveaux de son équipe, les Républicains ont seulement consenti à un accord minimum. A l’inverse, ils ont pris beaucoup de plaisir à faire preuve de mauvaise foi vis-à-vis d’Obama et de son gouvernement. Ils ont jugé qu’il n’était dans leur intérêt partisan d’accepter la gouvernance bipartite qu’avait proposée Obama. D’où leur complaisance scandaleuse dans toutes sortes de mensonges, de fausses publicités via tous les médias du pays.
Le Tea Party de Sarah Palin, « un mouvement orchestré par la droite la plus conservatrice pour récupérer à son avantage les appréhensions sincères qu’inspiraient aux gens les changements à l’œuvre en Amérique » (p. 504), criait partout dans le pays : « A bas l’Obama care », sa loi Medicare qui avait pour finalité d’accorder une assurance maladie à la majorité des Etats-uniens. Cette « Obama care » était considérée comme une abomination qui allait amener l’instauration d’un nouvel ordre socialiste répressif aux Etats-Unis d’Amérique. L’essentiel n’était pas de chercher à comprendre l’apport éminent, juste et universel à tous les Américains, mais de nuire à sa réalisation pour pouvoir accuser, par après Barack Obama d’incompétence et d’incapacité à faire aboutir des lois nationales aux influences heureuses pour le peuple américain. A toute cette hostilité exacerbée dans tout le pays, est venue s’ajouter celle soulevée par Donald Trump. Il a émergé et devenu célèbre aux USA par ses attaques contre Obama sur ses origines. Car il n’avait cessé de l’accuser d’être né à l’étranger et, donc, de n’être pas Américain en vertu du droit du sol. Même s’il débitait des sottises, des considérations sans un aucun fondement, la presse de droite dont Fox News et les autres presses même modérées lui accordaient une ample place sur leurs antennes, aux heurs de grande écoute, en vue de déstabiliser ce Président noir illégitime.
Je termine ces analyses par une longue citation sur cette problématique relative à l’illégitimité de Barack Hussein Obama, et de ses origines étrangères : « En fait, je remarquais de plus en plus que l’état d’esprit que nous avions vu apparaître dans les derniers jours de la campagne de Sarah Palin, puis tout au long de l’été de Tea Party s’était déplacé des marges du GOP jusqu’au centre : une réaction émotionnelle, presque viscérale, à ma présidence, indépendante de nos divergences politiques et idéologiques. A croire que ma seule présence à la Maison-Blanche avait provoqué une panique profonde, un sentiment que l’ordre naturel avait été perturbé.
En cela, Donald Trump le comprenait parfaitement lorsqu’il a commencé à prétendre que je n’étais né aux Etats-Unis et que j’étais donc un président illégitime. Aux millions d’Américains terrifiés d’être dirigés par un Noir, il a offert un élixir contre leurs angoisses raciales. Il n’était toutefois pas le premier à insinuer cela. Depuis 2004, et ma campagne sénatoriale dans l’Illinois, il y avait au moins un hurluberlu conservateur pour soutenir cette théorie. Pendant la primaire, des partisans déçus d’Hillary l’avaient, eux aussi, fait circuler, malgré la franche désapprobation de la direction de campagne, et des blogueurs et personnalités médiatiques conservatrices s’en étaient saisies, ce qui avait donné lieu à des chaînes d’e-mails effrénées dans les cercles militants de droite. Lorsque le Tea Party l’a attrapé au vol durant ma première année de mandat, l’insinuation s’était changé en authentique théorie du complot : en plus d’être né au Kenya, j’étais un socialiste musulman, un pantin des puissances ennemies, formaté depuis l’enfance et introduit aux Etats-Unis grâce à des documents falsifiés dans le but d’infiltrer le sommet de l’Etat.
Lors d’un discours à la Conservative Political Action Conference, Trump a laissé planer la possibilité qu’il se présente à la présidentielle, affirmant que « notre président actuel est sorti de nulle part… Les gens qui étaient à l’école avec lui, ils ne l’ont jamais vu, ils ne le connaissent pas. C’est fou ».
Au début, je n’y avais pas prêté attention. Ma biographie était amplement documentée. Mon acte de naissance était enregistré à Hawaï et nous l’avions publié sur notre site Internet en 2008, pour contrer la première vague de ce mouvement de remise en question de la citoyenneté qui allait prendre le nom de « birtherisme ». Mes grands-parents conservaient dans leurs archives l’encart de Honolulu Advertiser daté du 13 août 1961 qui annonçait ma naissance. Enfant, sur le chemin de l’école, je passais tous les jours devant le centre médical kapio’olani, où ma mère m’avait donné la vie » (p. 798-799).
Si l’on considère ce problème irrationnel entre les deux populations, c’est-à-dire les Blancs et les Noirs des Etats-Unis d’Amérique, problème créé essentiellement par la dissemblance de la peau, depuis l’Europe, on pourrait être étonné par le caractère crucial d’un tel état des choses. Mais si surprise il y a, elle se situe au niveau intellectuel ; elle est abstraite. Car le problème des rapports entre Blancs et Noirs est partout le même. Et l’«humanopathie »[8] éprouvée par les premiers à l’égard des seconds est tellement ancrée dans les consciences, depuis le XVIe siècle qu’elle se transmet telle quelle par-delà la soi-disant évolution des mentalités. Hélas, les mentalités des peuples, quels qu’ils soient, n’évolue aucunement. Il en est ainsi des haines d’hier qui sont toujours celles d’aujourd’hui. A titre d’exemple : au Proche-Orient, le vieux conflit entre Hébreux et Cananéens, qui date des origines des peuples Hébreux, soit le XVIIIe siècle av. J-C est toujours d’actualité. De nos jours, il s’est transformé en une guerre entre Juifs et Palestiniens avec la même violence véreuse et les mêmes formes de haine entre ces deux peuples frères : ils ont les mêmes origines. Autrement, comment comprendre que dans la France contemporaine, il n’y ait guère de maires noirs dans l’Hexagone ? Ils ne peuvent pas être nommés ministres aux postes les plus importants de la République. Certes, sous le gouvernement Rocard, il y a eu la nomination de Roger Bambuck au poste de secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports en 1988. Bien qu’Antillais, c’est-à-dire français depuis des siècles, il a fallu que Michel Rocard déploie beaucoup d’énergie à la télévision pour justifier sa nomination à ce poste subalterne.
Il a fallu attendre l’avènement d’Emmanuel Macron, avec son mouvement politique de la République en marche (LREM) pour voir des Noirs de la métropole élus députés dans les banlieues et même hors de ces zones. C’est la première fois qu’un mouvement politique accède à la réalisation des principes de la République : une Nation une et indivisible ayant une diversité de populations d’origines diverses. Auparavant, aucun parti politique, de droite comme de gauche, n’a eu l’ouverture d’esprit nécessaire pour accueillir ses adhérents noirs ou arabes parmi les candidats désignés aux différentes élections. Mais, même Emmanuel Macron n’a pas eu l’audace ni le courage de poursuivre l’amorce de la « républicanisation » de son parti en nommant des ministres noirs ou arabes à des postes régaliens. Il a renoncé à affronter les réticences de la partie du peuple qui demeure toujours dans l’obscurité de l’extrême refus lié au problème de la couleur de peau des citoyens français. Ceci traduit bien le sentiment qu’on ne considère ni les Noirs ni les Arabes de la République comme d’authentiques français, même s’ils remplissent toutes les conditions juridiques à cet effet. L’ex-porte-parole du Gouvernement d’Edouard Philippe, Sibeth Ndiaye a été tellement été moquée, critiquée, vilipendée, attaquée, agressée, regardée sous le coup de l’illégitimité sur les fameux réseaux sociaux qu’elle a fini par jeter l’éponge, comme on dit ordinairement.
Pourtant, par rapport à d’autres populations d’origine étrangère à l’Hexagone (Juifs, Italiens, Espagnols, Roumains, Portugais etc.) dont les membres occupent les devants de la scène politique, entre autres, les Noirs, depuis le règne de Louis XIV, ont activement participé à l’histoire de la France ; et ce jusqu’aux guerres du Vietnam et de l’Algérie. Ceux qui sont instruits ne peuvent le nier, à moins de faire preuve de mauvaise foi. Ils ont versé leur sang pour que la France triomphe dans ses guerres. Mieux, Félix Eboué a permis à De Gaulle d’avoir un pays, le Congo Brazzaville et, ainsi, d’avoir une légitimité pendant la seconde Guerre Mondiale. Mais on continue de les ignorer, de les considérer comme des citoyens de seconde zone qu’on tâche de cacher par rapport à l’espace public, comme la télévision. On hésite toujours à baptiser des avenues, des rues, des places en Métropole du nom des plus célèbres personnages noirs ou immigrés dans l’histoire de la France[9]. On les méprise toujours et leurs enfants subissent au quotidien le contrôle au faciès des forces de l’ordre (ou du désordre ?). En somme, tout se passe comme si la France a honte de ses Noirs qui ont contribué à l’éclat de son histoire ; et de leurs descendants en Métropole, en raison essentiellement de la virulence des mouvements de l’extrême droite française. Sur ce point, l’attitude des Européens par rapport aux Noirs n’est mieux que celle des Etats-uniens blancs par rapport à leurs compatriotes noirs.

[1] Barack Obama : Une terre promise – Trad. De l’anglais américain (Etats-Unis) par Pierre Demarty, Charles Recoursé et Nicolas Richard- (Fayard, Paris 2020, p.28). Dans le cadre de cette analyse, je me fonderai seulement sur cet ouvrage.
[2] Ecce Homo –Comment on devient ce qu’on est – Trad. Henri Albert (Denoël/Gonthier, Paris 1976)
[3] On remarque, d’emblée, l’absence de la présence des Amérindiens, premiers peuples occupants des territoires devenus les Etats-Unis d’Amérique, dans cette affirmation. Dans la tête des uns et des autres (Blancs, Noirs, Asiatiques), tout se passe comme si les Amérindiens n’avaient jamais existé ou n’existent plus. On peut voir dans cet oubli, pourquoi les Blancs éprouvent une telle hargne, une violence féroce contre les Noirs qui continuent à exister et à les égaler dans tous les secteurs des productions et activités du génie humains. Il eut fallu qu’ils fûssent réduits au silence comme les Amérindiens afin qu’ils restent seuls à jouir pleinement de tous les avantages du travail humain ; ce qu’ils considèrent, d’ailleurs, comme leur apanage. Tout semble avoir été produit par eux seuls et tout leur appartient de manière exclusive.
[4] J’ai proposé ce concept dans mes travaux, à la place du fameux inconscient freudien qui semble tout expliquer, mais qui n’explique tien ou pas toutes les zones obscures des comportements humains. L’état duonique est un pan de la conscience qui nous caractérise le plus souvent dans nos attitudes qui ne tombent pas sous le coup de la conscience lucide et lumineuse. Nous ne nous en rendons pas compte, sans être pour autant inconscient. Comme la grand-mère d’Obama, qui a hérité du fond culturel raciste et ségrégationniste sans être ouvertement raciste comme on dit. Son était duonique, trésor de l’ensemble de ses préjugés hérités de ses propres parents et des réalités quotidiennes ambiantes l’empêche d’être soi-même : un personne humaniste ouverte à tout être humain, par-delà ses différences. Ce qui l’incline en premier lieu à réagir négativement face à un Noir, c’est la force de son état duonique. Seule sa fille, par révolte contre ces comportements hostiles à autrui, à pu échapper, par la grâce de sa nature, à la pesanteur de son propre état duonique.
[5] Bernard Vincent (sous la direction de) : Histoire des Etats-Unis (Flammarion, Coll. « Champs », Paris 1997)
[6] Il en est tout différent des chefs d’Etats de l’Afrique noire. Les gouvernements sont composés en fonction de choix essentiellement politiques, même si les individus en question, ministres et autres hauts postes de l’Etat sont des incompétents. En outre, il y a le problème, dans certains pays comme le Burkina Faso, où une majorité de la population veut, de manière sournoise, imposer des gens qui sont issus de leurs tribus au prétexte qu’ils ont déjà de grands chefs qui gouvernent parallèlement le pays. C’est le cas des Mogho naba. Or, comment peut- on édifier une nation, une patrie en mettant en avant le principe de la priorité ethnique numérique et non pas les principes du droit et des lois de l’Etat moderne et contemporain ? Cette forte prégnance des mentalités traditionnelles, archaïques au regard des principes de la démocratie ou de la République, constitue un réel handicap à l’intégration au sein d’un même Etat de l’ensemble des populations de chaque pays. Dès lors, depuis leurs fameuses indépendances, les pays de l’Afrique noire, fonctionnant de manière bancale en vertu de cet esprit ethnique rampant, n’ont pas encore atteint le statut de réels Etats. L’esprit de communauté l’emporte toujours sur le souci de l’édification d’une patrie : l’ethnicisme sur la volonté patriotique unifiée d’un Etat comme idée ou idéal d’une démocratie ou le gouvernement par et pour le peuple dans sn ensemble, c’est-à-dire privée de tout penchant de préférence des membres d’une population par rapport à ceux d’une autre.
[7] C’est moi qui souligne ces phrases pour montrer que la fonction réelle des élus est de servir la volonté du peuple qu’ils représentent par les statuts qu’ils occupent. Ils doivent servir le peuple souverain et défendre ses intérêts.
[8] J’ai conçu ce terme pour qualifier se qu’on appelle ordinairement le « racisme », qui est inadéquat. Car il n’y a pas de race dans l’espèce humaine. Le mot « race » fait son apparition en français en 1480, orthographié « rasse ». Il vient de l’italien « razza », du vieux français haraz, ou haras, terme emprunté à l’arabe fars, qui veut dire cheval. Selon Wikipédia « La notion de « race » humaine, par analogie avec les races d’animaux d’élevage, fut employée pour établir des classifications internes à l’espèce humaine selon des critères morphologiques ou culturels Des études scientifiques, fondées depuis le milieu du xxe siècle sur la génétique, ont montré que le concept de « race » n’est pas pertinent pour caractériser les différents sous-groupes géographiques de l’espèce humaine car la diversité génétique est beaucoup plus importante entre les individus d’une même population qu’entre groupes différents. Le consensus scientifique actuel rejette, en tout état de cause, l’existence d’arguments biologiques qui pourraient légitimer la notion de « race »
[9] Certes, de nos jours, Emmanuel Macron, un Président qu’on considérer comme réellement républicain, s’est soucié du silence de l’histoire contemporaine de la France sur les divers apports des personnalités issues de l’immigration. C’est ce qu’écrit francetvinfo.fr : « Le gouvernement a dévoilé une première liste de personnalités issues de la diversité pour renommer des rues, ou pour ériger des statues en leur mémoire, comme le rapporte le Journal du dimanche (article réservé aux abonnés). Emmanuel Macron, lors de son interview au média Brut vendredi, avait déjà évoqué une « espèce de catalogue de 300 ou 500 noms ».
Selon Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la Ville, le registre « Histoires d’en France. Le recueil des noms des quartiers, des immigrations et des diversités territoriales » est déjà en cours de rédaction, explique-t-elle dans le Journal du dimanche ».
Inhttps://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/le-gouvernement-propose-des-noms-issus-de-ladiversite-pour-renommer-les-rues_4209233.htmlCherif Cadi, Lino Ventura…