Aphorismes et Carnet de voyage en Mauritanie

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Enigme de la pensée humaine ?

Par Roland Jacquet et corrigé par Pierre Bamony

I – Aphorismes ?

1) Ombre et lumière

-Cascades d’herbes

-Barbe blanche

-Gardien de la forêt

-Lac

-Voyage en train/ombre et lumière…

-Urgence – éclaire de lucidité

-Marionnettes

-Frémissement et scintillement de feuilles d’automne

-Lumière de Grande ville d’Asie la nuit.

2) Observations de la nature

-Associer les chasseurs, les promeneurs, les écrivains, les nonnes et leur sincérité {prédation} au côté nuisible, influence des hommes sur la nature {Digestion de l’écriture des autres pour écrire} Charles Julié (P.O.L.)

-Le réseau entendu, mais le réseau sanguin non aperçu.

-Feuille, tremblement envolé d’oiseaux migrateurs – origine de l’homme, survie de l’homme grâce aux migrations ? Survie des chasseurs cueilleurs 3% archaïque

Son des pas dans les treilles cassis = désert noir aride même son brûlé par le soleil

Forêt, arbres touchés par la foudre, envahis par le lierre étouffant

Lac, rivières microcosme du cycle de la vie

-Feuilles qui tombent, la vie s’écoule

-Quand les feuilles tombent, la lumière revient dans la forêt

Fougères, erres, logos, ermites

-animaux qui écoutent la musique

-Fermes des 1000 vaches

3) Le destin de l’homme

Ombre et lumière, vie et mort, l’ombre de la mort, la lumière de la vie. Naître à la lumière, naître dans l’ombre du chêne vert, et pousser vers le ciel, vers son éclat. Mais aussi grandir dans l’ombre d’un frêne, d’un sapin, puis laisser s’échapper une feuille, puis une autre, s’envoler vers d’autres cieux plus brillants et se retrouver sur d’autres contrées, inconnues.

Sortir de l’ombre et prendre son envol en pleine lumière, pouvoir porter la vie sur une terre aride, et voir ses branches s’ouvrir, ses feuilles s’épanouir de milles couleurs. Et puis, un jour mourir d’un éclair assourdissant, ou bien s’éteindre doucement, de toutes ses blessures, à l’ombre de ses…

La lumière de la mort, l’ombre de la vie…

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II- Voyage en Mauritanie

 30-12-2018 Départ pour Atar

       La contrepartie de voyager loin, c’est cette « obligation » de l’avion, du Train à Grande Vitesse, qui nous obligent à la Gare de la Part-Dieu, puis de Roissy CDG – 2h de train, lecture, calme- Le livre que je lis dit tout le contraire de Y. N. Harari (In Homo Deus). Il décrit la chute probable et imminente de la civilisation actuelle basée sur l’expression exponentielle de la consommation, de la surexploitation des ressources de la terre, naturelles, animales (la destruction accélérée des espèces…) ; la limite du système basé sur les énergies fossiles. L’effondrement en somme ! Et à la page 84 exactement, c’est le contraire de la base d’Homo Deus : il prévoit (plutôt, ils prévoient puisqu’ils sont deux) famine, épidémies (maladies) et guerres ! Qui a raison ?

   Bon, je n’ai pas encore fini la lecture du livre. Peut-être, y aura-t-il des raisons d’espérer dans la seconde partie ! En fait, les éléments de base sont les mêmes : on est trop nombreux sur la terre, on a entamé beaucoup de réserves (ressources ? ) de la terre, avec d’énormes avancées technologiques et scientifiques, qui (prolongent) la durée de vie des hommes… et aussi qui donnent plus de confort, ce qui incite quand même à continuer {dans la même logique de productivité}etc.

   En fait, il faut se déshabituer du téléphone, mais pourvoyeur d’informations, des télés (mais pas trop pour voir), vidéos, photos… que procure l’«Iphone ». De toute façon, son autonomie est limitée. Je prendrai quelques photos avec {cet appareil} puisque j’ai décidé de laisser mon appareil photo, qui ne sert qu’à cet office. Mais quand il sera déchargé je m’en accommoderai. Et ce serait bien ainsi. C’est comme la terre {en quelque sorte} : quand il n’y aurait plus rien {plus de ressources}, on ferait avec ce qui resterait ; du moins, pour ceux qui resteraient {encore sur cette terre}.

Quelle horreur ! C’est toujours la même chose au point de se demander ce qu’on vient faire ici !!! {dans ce pays}. Il fait chaud, il y a du vent, il y a des mouches ; marcher dans le sable, cela fatigue, on a du mal à lever les pieds… Mais, {patience}, ça va aller Inch’Allah. MBarek m’a laissé ici avec Hama et Abdou ; un peu gêné. Il a affaire à Nouakchott : il est en quête d’une machine à chercher de l’or (je comprends qu’il s’agit de détecteurs de métaux ! Les mêmes affaires dont s’occupait jadis Salek ?). Mon équipage est composé comme suit : Hama est la guide et Abdou, le chamelier. En outre, il y a trois dromadaires pour chacun de nous. Cela semble suffisant n’est-ce pas. Mes deux accompagnateurs sont sympathiques et les dromadaires ont l’air tranquilles et dociles… Notre départ est accompagné par un beau chant d’oiseaux avec une longue queue et une belle huppe. A la pose du midi, c’est un petit oiseau noir à la queue blanche, et le haut de sa tête est blanc aussi, qui nous fait un bel accueil. Les dromadaires mangent des branches d’acacias du désert avec des épines de 5cm. Si un être humain fait une chute ou s’il pose le pied par inadvertance sur l’une de ces épines, il se retrouverait très sérieusement invalidé. Quant aux dromadaires, ils les croquent sans gêne comme une friandise… Dans ma tête, c’est un peu le chaos, mais il faut que je me remue pour retrouver le sens de choses et l’ordre du jour… On verra si la théorie du chaos issu de l’ordre marchera pour moi aussi…

   Soirée du 31/12/2018 passée au calme près du feu. Hama et Abdou ont chanté quelques chants du prophète Mohamed et une chanson « profane » : « leili-leili-leili-leili Yallah  Ali Rahou jani mula guelte ! ! »

Quant à moi, j’ai chanté quelques chansons françaises comme « Jolie bouteille », « Les Champs Elysées », « Les copains d’abord ».

   Ce matin, j’ai résolu (enfin la nature a résolu !) la théorie du chaos ; et en même temps, elle fait du beau, de belles mosaïques naturelles dans les anfractuosités des roches plates qu’on vient de descendre ! Elles se remplissent avec parfois de gros morceaux, puis de moyens voire de petits. Tout ceci est fixé par le sable qui vient prendre aussi sa place. Certains éléments de cette architecture se construisent avec seulement de très petits éclats de roches ; d’autres avec de beaux mélanges de couleur. Non seulement le vide se remplit suivant un certain ordre, mais en outre, il se crée de la beauté dans ces phénomènes. La nature est une artiste !!!

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   Nous avons traversé Maden où la triste réalité des hommes reprend son droit : beaucoup de détritus envahissant tout l’espace environnant, tout autant dans la descente vers le village que tout au long de ce très grand village. Il s’agit surtout des sacs plastiques, des restes de chaussures ou de tongs usés, des boîtes de conserves diverses, des produits manufacturés à base de notre chimie carbonée, des caoutchoucs etc. Alors je signale ce désastre à Hama qui, pendant la durée de notre traversée, répétera mes remarques sur l’état des lieux à au moins trois personnes que nous avons rencontrées. Il s’agit des vendeurs dans la petite épicerie et d’un « chibani » (un ancien ou un vieux) à la sortie. Espérons que mes remarques conduisent à une bonne réaction ! Car il y a beaucoup de jeunes gens en ce village qui pourraient nettoyer tout cela en quelques jours. Toutefois, après ce nettoyage éventuel, que feront-ils des déchets ? Il faudrait une collecte organisée par le chef du village, puis par les autorités administratives régionales pour en venir à bout de tous ces déchets. Hama ne manque de le dire aussi aux vendeuses d’objets artisanaux aux touristes qui passent dans cette localité.

   J’avais déjà élaboré une petite théorie de la vie en petites communautés comme une sorte d’idéal, comme les nomades. Ceux-ci vivent avec très peu de besoins, donc peu de produits manufacturés. Je considérais ceci comme une vie saine et simple – même un peu spartiate -. Mais la vue de ce village, le fait que tout le monde (les vendeurs, Hama, Abdou, la personne qui vient nous rejoindre pour boire le thé avec nous pendant notre pose de midi), a désormais son portable en poche prouve que la vie a changé les gens même ici ; surtout depuis l’arrivée des portables ! Certes, on peut encore s’en passer pendant une semaine faute de rechargement de la batterie ou de réseau !!!

1-1-2019

   Nuit (sublime) à la belle étoile… Mais quelle étoile ? Il y en a tellement qu’on s’y perd {en levant les yeux au ciel} { Je ne retrouve pas mes petits ?}. Du vent, toujours du vent jusque même dans les dents !!! « Orion » est vraiment la plus belle des constellations. J’ai pu suivre sa course pendant une partie de la nuit. Puis, le matin, je découvre, enfin, la « Grande Ourse » et l’étoile polaire. Je n’ai donc pas perdu le Nord !!

3-1-2019

     Nuit à la belle étoile. J’ai trouvé laquelle ! Il y a « Orion » qui trône pendant la nuit et qui parcourt tout le ciel pour finir sa course derrière la montagne au petit matin. Mais ce n’est pas cette constellation qui est la belle étoile. « Orion », c’est la belle constellation. Il y a aussi Castor et Pollux, les Gémeaux. Je crois les avoir bien repérés maintenant. Il y a également Sirius. C’est certainement Sirius qui est la plus brillante étoile du ciel. C’est peut-être elle aussi qui est la plus belle ! J’observe aussi l’étoile Polaire, qui est beaucoup moins superbe. Néanmoins, tout le ciel semble tourner autour d’elle ! Elle possède sûrement des charmes bien cachés qu’elle ne dévoilera que pour les personnes qui savent se montrer patientes en l’attendant ou la cherchant dans les cieux. Et que dire de la Grande Ourse, qui attend mon réveil au milieu de la nuit pour se montrer sous ses beaux atours. Pourtant, dès le premier soir, je l’avais cherchée, mais en vain. M’avait-elle négligé ? Sans doute, elle a dû se dire à elle-même : «  Qu’est-ce qu’il croit celui-là ? Que je vais me dévoiler au premier venu dès le premier soir ? »

   Ce matin, j’ai devancé mon équipe pour aller monter seul le sommet du « Petit château ». J’ai évité de me fondre dans un groupe d’une douzaine de touristes « Toubabs » (Blancs) qui allait dans la même direction. Aussi, j’ai décidé de passer d’un côté où il y avait des rochers et peu de sable. Il y a une très belle vue depuis le sommet de la dune sur la vallée. J’entends dire : « écris ton nom sur le sable tout là-haut ! Inch’Allah, Mach’Allah, Bismillah, Allah est partout, mais le bon, celui des musulmans, qui pensent que les gens sont bons, qui respectent tout le monde. Le musulman fait ses 5 prières ; et pendant la période du ramadan on s’abstient de battre sa femme ; il respecte les autres religions, celles qui ne font pas la guerre ». « Ah oui ! Est-ce ainsi que les choses se passent ici ? C’est bien de vous entendre proclamer votre foi de cette manière ».

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     En traversant Toungat, on est témoin des mêmes états de pollution des villages comme Maden autant que les autres villages. Dès que le nombre d’humains est élevé, on a affaire au même état de détritus partout. Des déchets gisent ici depuis bien longtemps, comme des vieilles piles au plomb en état de décomposition… Je travers le marché avec les membres de mon équipée. Il y a une arrivée de poissons qui sont en vente chez une commerçante Hama me dit : « C’est l’Etat qui envoie les poissons jusque dans les coins les plus reculés de la Mauritanie ! C’est super non ! Et aux prix abordables pour tout le monde, semble-t-il ».

« C’est bien, mais il faudrait que l’Etat envoie aussi des véhicules pour collecter les déchets non recyclés sur place. Je vais le suggérer à Hama ; il va sûrement le transmettre à quelqu’un, ne serait-ce que pour me faire plaisir. Mais après cela, que va-t-il se passer réellement ? »

   Dès lors ; Hama entreprend de m’expliquer tout ce qu’il faudrait faire pour l’environnement dans son quartier avec le concours des jeunes. Il faut mettre en jeu le foot en vue d’une collecte collective des déchets, nettoyer ensemble et gratuitement l’hôpital. Il m’explique qu’en sensibilisant une ou deux ou trois personnes, il se pourrait qu’il y ait cinq ou six personnes qui pourraient s’engager dans ce projet ; et peut-être de plus en plus de personnes. C’est ce qui a été fait dans un quartier. Mais, concernant le sien, c’est à voir ; même s’il semble bien déterminé à faire changer les chose ce point de vue dans sa région. « Bravo pour cette initiative ! ».

   En cette région, on est plein cœur de la production des dattiers. C’est la principale production de cette vallée. Il en est de même des cultures des jardins potagers (carottes, oignons, choux etc.) La récolte des dattes (Guetna) a lieu en août. C’est aussi la période des vacances scolaires ; ce qui attire beaucoup de jeunes gens qui reviennent chez eux en vue de participer à cette récolte qui est un temps de fête (comme la périodes des moissons, des foins chez nous autrefois !).

     Le Château grand (K’Bir) ou « Château K’Bir », c’est l’enfer ! J’ai cru que j’allais mourir en gravissant seul le sommet de cette haute dune de sable. Hama me dit : « Je l’ai déjà souvent gravi ! » C’est sensé ! Pourquoi se faire du mal pour rien ? Néanmoins, la descente est un grand plaisir (Kif !). Mais elle est très rapide en raison de la pente raide de cette magnifique montagne de dune.

Vocabulaire :

marou : riz ;

j’mid : dromadaire ;

-mouss : le couteau ;

-nague : chamelle.

   Le vent, le vent, toujours le vent, le vent éternel… Le thé, le thé, toujours le thé.

4-1-2019

J’ai acquis le grade de stagiaire chamelier. Ce n’est pas facile, je l’avoue. Ce manque, il nous manque un dromadaire. Pourtant, Abdou a dû faire un long chemin pour aller à la recherche de nos dromadaires. Au bout d’un certain temps, il revient avec deux seulement d’entre eux. Néanmoins, nous prenons la décision de partir. Les charges seront réparties sur les deux dromadaires restant, au lieu des trois habituellement. Heureusement notre réserve d’eau a considérablement baissé en quantité ; ce qui fera moins de charges pour eux. Heureusement pour nous, le dromadaire manquant a pris la même direction que nous. Chemin faisant, nous nous emploierons à le rechercher. Abdou chercha dans les arbustes du côté gauche, Hama du côté droit et le stagiaire chamelier conduisit les deux dromadaires le long de cette vaste vallée (blanche), une immense plaine. Tout à coup, on entendit le cri d’un dromadaire. C’était le dromadaire que montait Abdou, en mode galop pour nous rejoindre. Il l’avait, finalement trouvé, malgré le le long trajet qu’il avait parcouru de l’autre côté de la vallée. Il sera puni pour cette escapade en portant les deux jerricanes pleines de 30 litres d’eau chacune. Pauvre créature !

       Passage dans le village d’Abdou pour aller pique-niquer non loin de là. Nous fîmes un coucou à sa femme qu’on aurait plus l’occasion de revoir. Comme les autres femmes, elle restera cachée dans le tickit. En revanche, ses trois filles, avec un bébé, viennent nous saluer. Je prends le bébé de leurs mains pour les soulager de son poids ; ce qui leur fit plaisir visiblement.

Je m’essaie à apprendre quelques chiffres en hassanya, langue officielle de la Mauritanie :

wahod : 1

Ezne : 2

Euzled : 3

-Arba : 4

Jamse : 5

Sette : 6

Sebbah : 7

S’meni : 8

Tessa : 9

Ach’ra : 10

Phrases courantes : Ataï, zenhatte : le thé est bon

Aïn : le puits (ce qui signifie un œil aussi ; Aïnin = les yeux)

Elme : l’eau

     Hier, j’ai découvert aussi les jardins où l’on plante les carottes, les betteraves rouges, les tomates dont on fait les repas de midi (salades…)

   Sous le soleil de 15h, nous sommes dans les carrés de carottes pour enlever les mauvaises herbes qui envahissent et empêchent les carottes de pousser correctement. Avec un couteau, accroupis, nous faisons ce travail en groupe, de nature très artisanale. Nous avons été payés en pastèque en guise de salaire horaire. Le propriétaire de ce jardin dispose d’une pompe à essence pour arroser ses carrés de légumes bien alignés.

     Visite de la palmeraie en création d’Abdou. Il y a des tuyaux qui s’abîment ( se cassent) à cause du soleil ardent, des pompes à essence « Made in China », qui tombent vite en panne à peine au bout de deux ans. Mais ces travailleurs ou créateurs de jardins potagers sont courageux : ils refont les tuyaux abîmés avec des bouts de tissus qui résistent à peine aux conditions physiques. Bref, tout le monde s’arrange comme il peut avec ces conditions de vie très dures. Quant aux dattiers, ils font des rejets et commencent à produire un peu près au bout de deux ans.

   Je suis monté au sommet de la petite montagne du lieu : « leb carra ». Il y avait des rochers et du sable qui facilitent la descente… J’ai même vu deux cavaliers sur des dromadaires qui passaient avec tout leur accoutrement.

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Le thé ! 3X (ou 4) 5X/jour !!!

     Nous avons passé la soirée chez Abdou, sous son beau « tickit » de trois ans, grand et spacieux, équipé de supers beaux tapis. Sa femme s’occupa de faire le thé, puis nous mangeons le couscous qui a été servi. Mais, nous avions déjà pris notre repas du soir dans notre campement composé de pâtes. Abdou a peu mangé ; visiblement en prévision de … Les trois filles jouent avec le portable de leur mère : des jeux dont je ne sais pas trop en quoi ils consistent. Et oui ! Le portable est bien présent, tout le temps au milieu du désert !

       Pendant ce temps, « un chibani » nous rejoint et prend place ; c’est un ami de la famille qui est venu prendre le thé avec nous ; puis, il s’en va. Quant à nous, nous rejoignons notre campement dans le calme, accompagnés de Mohamed, le petit frère de Miriam, l’épouse d’Abdou. Puis il disparaît dans la nuit sans dire un mot.

5-1-2019

    Départ avec un vent de plus en plus violent pour traverser une immense plaine avec les belles dunes de la vallée blanche au loin à notre gauche. Nous avons choisi d’emprunter un chemin plat, non loin de la piste en affrontant les bourrasques de vent. Par moment je me demande ce que je fais là avec de si terribles conditions climatiques. Qu’on en juge : la chaleur nous chauffe les cuisses ; aucune discussion n’est possible puisqu’on serait davantage épuisé. Alors, les pensées se bousculent dans la conscience, mémoire active du cerveau, l’ordre se met en place, les sentiments s’ordonnent… Un peu plus tard, lecture du livre de Pierre Bamony[1] qui est presque fini. Il fait réfléchir aussi. Il faudra mettre les choses en place, en pratique. C’est donc vain de s’obstiner à aborder les choses sur lesquelles on n’a aucun pouvoir d’action concrète etc.

     Du vent, encore du vent, toujours du vent du Nord dans cet immense terrain vague ! Et la mer de sable pour unique horizon, unique compagne ! Enfin, on s’arête pour le pique-nique : une pose longue du midi. C’est du riz comme plat aujourd’hui. Un chabani nous rejoint avec un chamelon qui refuse de se laisser entraver. Ces salutations qui durent indéfiniment !! L’un de mes accompagnateurs lui déplie un tapis pour s’installer. Il s’installe pour le thé et, sans doute aussi pour le repas. Il sort sa pipe, taillée dans un vieil os de chèvre et qui a bien cent ans !!! Les discussions entre lui et mes accompagnateurs vont bon train. Il en résulte qu’il est en train de chercher une chamelle depuis 10 jours au moins. Il explique les marques qu’elle porte sur son corps. Car les chameliers connaissent toutes les marques selon le nom des familles, du clan ou de la tribu, de la région etc. Abdou confirme qu’il ne l’a pas vu. Il est vrai que nous rencontrons des dromadaires errants. Un chamelier regarde toujours ses marques pour savoir à quelle tribu il appartient au cas où il serait questionné à son sujet. La plupart du temps, quand ils se rencontrent, il est toujours question de dromadaire errant. Ouled Aïlan = c’est sa tribu. Rien ne se perd dans ces immenses espaces désertiques.

   Cette nuit, j’ai trouvé un nouveau nom pour la « Grande Ourse » : « Chameau cherchant le meilleur acacias ».

   Ceci devient limpide quand on observe le dromadaire étirant son cou pour aller chercher la bonne feuille pleine de piquants !!

     J’ai découvert une autre constellation à laquelle j’ai donné le nom de « dromadaire couché ». Mais le matin, elle a changé de position se trouvant à présent proche de « La Grande Ourse » (ou « la tortue »). Hama m’a donné le nom d’Orion en Hasanya : « Esraïe ».

N’jmid Raaï : Etoile du berger.

6-1-2019

       Nous sommes arrivés à Tergit, la plus belle oasis. On y trouve une belle source, une piscine dans un endroit de la palmeraie, soit un bassin de 20/30cm d’eau. L’ensemble est agréable et on s’y baigne avec plaisir. Tergit est le lieu d’arrivée de beaucoup de circuits, en quelque sorte un havre de paix ! En ce dimanche, il n’y a personne et tout semble tranquille. Les groupes de touristes ont dû déjà repartir. Car c’est le jour de l’arrivée et du départ des avions à Atar.

      Je me laisse tenter par l’eau froide qui me fait frissonner en sortant ; un comble en plein désert. Sans serviette de toilette, je me sers de mon chèche pour m’essuyer. Qu’importe ! Ce matin, on fait du thé, un petit plat de lentilles pour nous ressourcer avant de quitter notre bivouac. C’est aussi le départ d’Abdou. Et je suis triste de le voir partir avec ses trois dromadaires ; d’autant plus qu’il est très gentil. C’est lui qui, tous les soirs, nous faisait la meilleure galette de la Mauritanie.

   J’ai rencontré une anthropologue du nom de Marta Alonso Cabré, à l’auberge de Jemal. Elle travaille sur les violences faites aux femmes, sur les conflits entre les gens tels les homicides involontaires du genre vendetta, sur l’extension de Nouakchott etc., (voir des informations sur ses publications Marta Alonso Cabré Consultora Étude qualitative sur les violences basées sur le genre en Mauritanie en Médicos del Mundo Mauritani. Save the Children axe son intervention sur la protection des enfants en mobilité. «L’étude anthropologique met en lumière des violations des droits de ces enfants en mobilité, différentes selon le type de profil considéré, mais leurs mobilités ouvrent également souvent des opportunités à certains de ces enfants», explique Marta Alonso Cabré, consultante pour l’élaboration de cette étude). Elle a évoqué aussi le problème de l’excision en Mauritanie. Selon Marta Alonso Cabré, 70% des filles mauritaniennes sont excisées en bas âge. Elle a également parlé de la question de l’intégrisme religieux qui semble monter dans certaines mosquées. Toutefois, elle n’a pas souhaité approfondir le sujet en public. Elle ne voulait pas non plus effrayer sa mère qui était présente avec nous. Je n’ai pas insisté comprenant tout à fait ses raisons.

Vocabulaire hasanya :

Z’bra : fromage de chèvre

Anz : chèvre

Ch’deï : chevreau

La coh : plusieurs chevreaux

Keubch : bélier

Nage /naje : mouton

L’jro/ L’ran ? : agneau

L’bil : dromadaire

Mar’ : âne

Bourhou : pain

Kess’hra : galette

Kedou : cuillère

Luced : coussin

L’haouli :chèche

Bedou : couverture

7-1-2019

   Je fais un plongeon dans le monde nomade à Amsaga, après 2h de route et un bon moment pour trouver le campement ! Les nomades sont ici depuis trois mois pour faire paître leur troupeau de 180 chèvres et moutons (en fait, je ne sais pas grand chose de précis pour le moment). J’ai eu un très bon accueil dans la famille de M’Barek, le guide. On discute et on se présente les uns aux autres comme on peut : les 2/3 de mots en hasanya que je ne comprends pas et un peu de français. C’est un plat de riz que nous mangeons, puis, comme toujours, accompagné de thé.

    C’était le temps de la transhumance après trois mois d’alpage ( ?) à Amsaga (novembre, décembre et janvier !). Puis, c’est le retour au village à pied pendant quatre à cinq jours avec les ânes, les dromadaires et les chiens – quand il y en a -. Quant aux rhaima (tentes) et le matériel lourd, ils sont transportés en voiture. La saison des pluies a lieu en septembre/octobre. L’année dernière (2018), il y a eu beaucoup de pluies ; d’où des pâturages abondants.

    Episode de transactions locales des affaires quotidiennes : je suis témoin d’une discussion longue et animée entre les trois citadins ou « gens de la ville » et les gens d’ici, c’est-à-dire les nomades. Pour autant que j’ai compris quelque chose, il s’agissait de négocier le prix d’un mouton. A un moment, Amoud, le propriétaire des moutons, se mit en colère et se retira du groupe en discussion pendant un long moment. Il m’est impossible de savoir de quoi il s’agit exactement ou si la négociation a pu aboutir à un compromis. Toujours est-il que le monde s’en mêla : les femmes, le papa, la maman etc. Il semble que de telles discussions sont courantes ici. On finit par aller voir le troupeau de moutons et de chèvres d’Amoud. Il sembla plus apaisé ; donc plus de signe de fâcherie. Sans doute, ces discussions animées font-elles partie des négociations relatives à la vente des animaux ici. Je ne sus jamais la fin de l’histoire. Toutefois, le soir, on égorgea un chevreau qui avait été choisi avec soin ! Un bon repas à l’intention du « Toubab » que je suis est en préparation avec des légumes comme les tomates, les carottes, les betteraves etc. On mélange à la « Kes’rah » des morceaux du chevreau avec le jeu de la viande cuite avec soin. Ce fut un grand repas. Je pris congé de mes hôtes pour aller dormir à la belle étoile.

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8-1-2019

     Ce matin, je me réveille tôt. Je désirais assister à la traite des brebis ; Hamidou le berger tenta de prendre les chevreaux l’un après l’autre pour les séparer de leurs mères et les enfermer dans un enclos d’épineux. Après la traite, il conduisit le troupeau aux pâturages environnants, mais sans les chevreaux. Puis, nous sommes censés partir à pied. Mais, il n’est pas aisé de marcher dans cet endroit fait de diverses ronces ou alors, « il faut être fou ! »

   Finalement, nous partons dans une mercedes, qui n’a plus rien d’un tel véhicule tant il est à bout de souffle à force d’usure. La preuve : comme il ne démarrait pas, à plusieurs, nous avons dû le pousser de toutes nos forces pour le mettre en état de marche. Nous sommes allés visiter une vieille ruine qui reste d’un bâtiment édifié par les Français pendant la période de la colonisation. C’était probablement un poste militaire abandonné. Nous avons vu aussi deux ou trois puits qui contenaient encore de l’eau. Nous avons bu du thé chez une « amie » de l’un des membres de mon équipage. Deux chameliers qui me semblaient plutôt louches nous y rejoignirent.

   Nous quittons cet endroit tranquillement. Mais avant de partir, j’en profite pour faire l’ascension d’une petite montagne de dune près de notre camp. Toutefois, à mon retour au campement, j’assiste à une vive discussion entre les locaux. Hamou, le chef, propriétaire de la grande partie des troupeaux de chèvres et de moutons – un petit troupeau appartient au père de M’Barek – décide de déplacer le campement à quelques kilomètres d’ici. Il a fallu tout démonter et recharger à cet effet ; ce qui nécessite beaucoup de travail, de remue ménage. Puis, une fois l’emplacement du nouveau trouvé, il nous a fallu tout remonter comme les rhaïmas, les abris pour les chevreaux etc. Quelqu’un est envoyé vers Hamidou pour lui apporter son repas de 15h et lui expliquer le lieu du bouveau camp. Au cours de la même journée, on assiste à la naissance de trois chevreaux dont deux jumelles. Ceux-ci sont portés sur des bras pour être envoyés au nouveau camp. Quant à Hamidou,   on m’informe qu’il est un berger peulh originaire du Mali. Il est embauché pour garder les troupeaux pendant les trois mois de pâturage.

   Dans note nouveau camp, on ne manque pas de me demander : « Es-tu fatigué ? Tu dois beaucoup manger. Tu as beaucoup travaillé avec nous aujourd’hui etc. » En fait, ce qui semblait annoncer une journée calme, fut enrichissante en surprises et en péripéties. Ce fut une bonne leçon de vie. Il ne faut pas toujours se fier à ce qui nous paraît évident car tout peut changer d’un moment à un autre. Il faut faire preuve de patience dans certaines situations humaines…

 9-1-2019 Choum

      L’après-midi, nous collectons quelques cailloux pour terminer le déménagement. En cours de route, la mercedes s’ensable. Recours à quelques astuces dont ils font usage en cas d’incident comme celui-ci, dont un petit compresseur pour regonfler les pneus. On aide le véhicule à redémarrer en le poussant.

   Dès notre retour au campement, je vais faire un petit tour dans les environs pour me dégourdir les jambes. Quand je reviens, j’aperçois Hamidou avec quatre chevreaux dans les bras. Il me dit qu’il y a même un cinquième, mais qui a disparu quand il dut les poser un instant pour se reposer. Il ne devrait pas être bien loin. Toutefois, on ne sait pas précisément où est le point de départ. On décide que j’irais à la recherche du chevreau manquant. Pendant ce temps, il doit chercher l’emplacement du camp afin d’y emporter les quatre autres. A son retour, je n’avais encore rien trouvé. Au terme d’une longue recherche, Hamidou retrouve son cadavre et sa mère près de lui. Nous rapportons son corps au camp en guise de preuve. Puis, le berger doit faire allaiter les chevreaux qui ont retrouvé leurs mères. Il doit agrandir l’enclos pour recevoir les nouveaux chevreaux. Il y a du travail en perspective. Toutefois, les abris sont faits avec tout ce qui lui tombe sous la main : quatre bouts de bois attachés par des bouts de ficelles.

10-1-2019

     Ce matin, départ pour Atar. Il y a encore beaucoup de discussion pour savoir combien de chevreaux il faut emmener à Atar pour vendre tout en profitant du véhicule qui devait m’y ramener. Finalement, ils s’accordent sur le nombre de six avec les bergers Mohamed Lamine (le fils d’Hamoud, c’est-à-dire l’autre Hamoud, qui devait rejoindre sa mère vivant dans un village près d’Atar. Je compris qu’un véhicule allant d’un lieu à un autre doit être utilement surchargé. Les adieux se font de manière rapide, voire minimale.

   Marché aux chèvres/moutons

    De longues discussions pour la vente des bêtes. Ce spectacle me rappelle les marchés de mon enfance ; ou les grandes foires où les maquignons passaient d’abord pour les bêtes. A cette occasion, ils disaient toujours que c’étaient « les pires qu’ils aient jamais vues » ; ou encore que « les prix ont baissé ces derniers temps ! » etc., avant de commencer à négocier durement avec les paysans qui ne se laissaient pas trompés facilement.

     Toutefois, ici, les choses paraissent se dérouler dans un grand désordre. Et c’est bien ce qui se passe sous mes yeux. En effet, les chèvres sont jetées sur la place du marché aux bestiaux ; certaines tentent de s’échapper ou se mélangent avec les autres. Mais, chacun doit reconnaître les siennes. Après une heure au moins de marchandage les uns avec les autres – Cheik et Domou y participent en tant qu’intermédiaires ; ils se serrent la main suivant des codes que j’ignore -, nous avons fini par vendre une chèvre et trois chevreaux. Il nous en reste trois qu’il faut emmener à Azougui pour une autre vente suivant les mêmes procédés ; Inch’Allah.

 10-1-2019 Azougyi

      J’ai repris la lecture de mon livre, Les âmes sauvages. Mais je n’ai lu que les pages 116-117. L’auteur aborde en ces pages, le questionnement sur les raisons actuelles de voyager : s’agit-il de retrouver nos « racines », du désir de retrouver ce qui est plus « naturel », donc plus éloigné de votre vie dans les métropoles contemporaines ? Et tant pis cela nous incline à perturber nos manières d’être, à transformer notre vision des choses, à critiquer même facilement le mode de vie des gens chez lesquels nous venons : les paysages saturés de détritus, la façon de vivre des personnes que nous rencontrons etc. Ces questionnements m’amènent à réfléchir sur mes propres motivations comme ce que je pourrais faire à la suite de mon départ à la retraite. Certes, j’essaie toujours de me remettre dans le contexte local.

   Mais je déteste traverser de grands villages avec des restes de plastiques qu’on ne prend pas soin de ramasser un tant soit peu. Je n’aime pas me retrouver sous la rhaïma avec des gens allongés et discutant avec leur portable. Sur quels réseaux le font-ils ? Pire sur Facebook ? J’en ai pour preuve le fait que le berger peulh qui passe son temps à courir après les chèvres me demande de l’aider à installer Facebook sur son nouveau Smartphone ; ou encore le chibani qui passe son temps à fumer sa pipe fabriquée avec un os de chèvre qui a aussi Facebook. Tout cela me fait réfléchir sur l’homogéneité du monde. Et la nature qu’on est venu chercher ici dans tout ça ? En fait, le thé bouilli au feu de bois sur un brasero l’eau puisée au puits avec de vieux bidons recyclés et transportée à dos d’âne côtoient ici les objets technologiques des pays développés comme Google, Samsun, Internet etc. Cependant, ces mêmes gens qui jouent avec l’ultra-technologie ne peuvent pas ou ne veulent pas, ne sont nullement intéressés ni sensibilisés au fait de ramasser les déchets non biodégradables qui jonchent la « belle nature ».

Vendredi 11-1-2019

    Episode XX : « on tue le dromadaire ». Il y a toujours quelque chose qui se passe, même si tout semble très lent, calme, vide d’activités, c’est-à-dire sans rien de précis. Les gens, notamment les hommes restent pendant des heures entière soit assis, soit couchés ou vautrés comme on dit en France. Il n’y a ni chaises ni canapés ! Pour se sentir à l’aise chez quelqu’un, il suffit de prendre un coussin puis bien s’étaler comme tout le monde. Plus on se vautre plus c’est le signe qu’on se sent bien chez quelqu’un auquel on rend visite. Du moins, c’est qu’il me semble avoir compris des mœurs des Maures.

     Donc, ce matin, je prends mon livre car je sens qu’il n’y aura vraiment rien à faire. Il n’y a pas de programme !!! Mais, j’ai d’abord eu la visite de l’une des femmes – je n’ai aucune idée sur elle – de la cour : celle qui a un bébé de 18 mois prénommé Hali. Elle me parle en espagnol ; ce qui a vite limité notre échange. J’ai cru comprendre que son mari – il doit être un membre de la famille où je me trouve, car les hommes mariés restent dans leur famille où viennent vivre leurs épouses -. Elle m’explique qu’elle s’ennuie à Azougui, qui est un trou, où elle n’a rien à faire. Elle semble être d’origine marocaine puisqu’elle dit qu’on est beaucoup mieux au Maroc etc. Puis elle me quitte aussi rapidement qu’elle était. Elle craignait d’être aperçue en discussion avec un étranger. Bref, une confidence pour le moins bizarre ; de surcroît en espagnol que je ne comprends pas bien.

   Je reçois la visite de Mohamed, un malien à ce que l’on dit. On m’informa qu’il vient de tuer le chamelon qui a été acheté il y a trois jours par Sid’Amed. Tout s’explique suite à un coup de fil qu’il venait d’avoir. En effet, on lui a proposé une chamelle et son petit d’un an. Elle est pleine et il est temps de tuer le chamelon qui a été bien nourri. Cela se passa dans la boucherie à même le sable. Ils sont donc partis à deux pour aller le chercher et le prendre. Car il est déjà en liberté, contrairement à sa mère qui est entravée ; ce qui ne facilite pas la tâche de la prédation. Bien, ils réussissent à le prendre et il l’attachent d’une manière très particulière : les deux jambes arrières sont repliées et la tête est attachée aux jambes avant. Le cou est tranché en une fraction de seconde.

     Aussitôt dépecé, on procède au partage de la viande entre les quatre familles qui ont contribué à son achat, soit 25000 ougias chacune. La bête est découpée en morceaux par le boucher aidé par son aide et les différents participants, y compris les enfants. Puis ils font quatre tas bien séparés parce que chaque partie de la bête est découpée en quatre parties de manière équitable. Mais cela n’empêche nullement les mécontentements. C’est le cas d’un homme qui désirait en avoir un peu plus que les trois autres. Tout compte, les échanges finissent toujours par un consensus, même si les discussions doivent durer pendant des heures. Une fois le partage achevé, on bande les yeux de l’un d’entre eux auquel on donne un couteau ou un objet quelconque dont il se servira pour désigner au hasard les tas de viande en question. Tout se passe comme un tirage au sort ; ce qui évite toute polémique, aucune contestation possible. Le procédé me paraît astucieux. L’équité est réellement respectée. Plus tard, c’est-à-dire après cette séquence de partage de viande, je leur ai promis de leur parler de notre système du partage de la galette des rois, qui ressemble quelque peu à leur partage des portions. Donc la matinée, contrairement à ce que je craignais, fut bien remplie.

   A propos des prix des bêtes en Mauritanie : de façon générale, un jeune dromadaire est estimé à 100 000 anciens ougias). Mais on m’a dit que ce prix peut varier. Une chamelle vaut entre 200 et 400 000 ougias en fonction de critères que je n’ai pas compris. Une chèvre d’un an vaut entre 20 et 25 anciens ougias, soit 50 à 60€. (% 400).

L’un des faits remarquables, qui m’a beaucoup étonné tient au mélange des générations dans les maisons et dans les familles. On y trouve les anciens (les Chabani), les enfants, les petits-enfants et arrières-petits enfants qui se côtoient en permanence au quotidien. Les enfants font des commissions pour les plus âgés et les plus vieux. Une certaine hiérarchie semble être, ainsi, instaurée. Mais elle est aisée à comprendre malgré notre vision occidentale. Toutefois, il y aurait beaucoup à dire sur la place des femmes dans les familles. Elles participent presque à tout. Mais, nulle ne sert la main, surtout la leur. Le dialogue n’est jamais facile avec elles. Elles font quotidiennement la cuisine, la lessive parfois. Elles s’occupent des enfants et de beaucoup d’autres choses encore. Dans ce monde du gynécée, il faudrait beaucoup plus de temps pour pouvoir les distinguer les unes des autres, savoir la place respective des unes par rapport aux autres

     En France, je remarque qu’on essaie de réinventer des maisons pour les personnes âgées où habiteraient aussi de jeunes et même de jeunes couples avec des enfants pour que les vieux aient une vie moins isolée du reste. Une telle modalité existe aussi ailleurs, comme ici en Mauritanie ; elle a déjà existé aussi en France autrefois. Je m’aperçois, ainsi, que les vieux, même s’ils sont souvent couchés, sont bien présents dans les familles. Les enfants viennent les voir pour discuter avec eux. Et je suis sûr qu’ils ne parlent pas de leurs maladies ni de leurs médicaments ; mais sûrement de ce qui se passe dans la cour et dans le village. Ils restent en lien intime avec la vie de la famille. Mais, jusqu’à quand ce mode de vie familial durera encore ? Les jeunes n’ont-ils pas le désir d’émigrer en ville ? C’est sans doute le cas. Pour le moment, il reste encore beaucoup de jeunes gens dans les familles pour perpétuer cette façon de vivre.

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Le choc du retour !!!

[1] La tragédie d’un philosophe face à la mort (Kindle /Amazon, décembre 2018)

Présentation du livre :

La vie d’un sujet humain est un emprunt. Elle est même comparable à une prison dont on ne se libère que par la mort : c’est l’ultime grâce ou la destination de notre condition d’être en ce monde. Aussi, le nom qu’on porte, le pays ou la nation qui semblent être ce à quoi nous avons le sentiment d’appartenir ne sont nôtres que dans l’espace de la brièveté de notre existence. Tout être humain, comme si la vie se joue de lui, se croit d’emblée immortel, et la mort qu’il côtoie au quotidien, qu’il voit ou dont il entend parler l’indiffère. Peut-il faire autrement ?

   Malgré tout, la vie humaine est comparable à la vue qui s’ouvre sur la lumière du monde ; ou, plus exactement, sur les merveilles de notre commune Terre. Naître, c’est comme ouvrir, pour la première fois, les yeux sur la lumière du soleil. Et mourir, selon le terme commun, c’est, en rendant son souffle à son origine, fermer les yeux sur cette lumière et, donc, passer dans l’ombre. La vie étant la lumière du soleil, et la mort, la privation de celle-ci, n’est donc plus à craindre ; même si elle fait si peur parce que la nuit triomphe de tout soleil singulier en guise de victoire.

 Ainsi, la vie-lumière fait entrer en nous quelque sentiment ensoleillé, tel un bel été invisible. Nous serions moins malheureux si chacun de nous pouvait s’accorder, ne serait-ce qu’un court instant, le temps de contempler la beauté du monde, qui se donne à nous gratuitement. Même lorsqu’il serait saisi par l’effroi de la menace de la mort ou la crainte de celle-ci, le désarroi de l’existence, la douleur de la maladie ou, au contraire, les bienfaits et autres délices de la vie, une telle contemplation réjouirait toujours le cœur de l’être humain par-delà les vicissitudes de notre existence précaire. Telle est l’une des finalités de ce livre et la vertu qu’il propose : prendre conscience de la fragilité de son existence, sourire à sa vie et l’aimer. Car on l’ignore encore et on ne le dit pas assez : notre existence originale est le trésor le plus précieux qui se puisse concevoir. Il mérite qu’on en prenne grandement soin.

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