Lycée Saint-Marc 2015, à Nivolas-Vermelle, Pauline Khalifa, TL.
L’Homme selon Sade
Alphonse Donatien François de Sade (1740-1814) est un auteur du XVIIIème siècle considéré comme un philosophe des Lumières provocateur et radical. Il a été enfermé dans le donjon de Vincennes, puis à la Bastille. Méprisé ou adulé, il a longtemps été un symbole anarchique et également polémique. Sade est un athée violent et virulent, une figure emblématique de la littérature sordide, à teneur pornographique, qui par ses idées, condamne la religion catholique. Sade a été honoré et reconnu comme « l’Apôtre de la Liberté », le « Divin Marquis » par les Surréalistes au XXème siècle, qui ont revendiqué sa conception de la liberté et de l’amour. Son nom est entré dans notre vocabulaire par le biais de néologismes tels que « sadique » ou encore « sadomasochisme » qui signifie : « celui qui aime faire mal » et « celui qui aime avoir mal. »
Homme aux conceptions du monde particulières, il est encore aujourd’hui sujet de curiosité et d’études.
Quelques œuvres de Sade
Justine ou les Malheurs de la Vertu 1788
Aline et Valcour ou le Roman philosophique 1788
La Philosophie dans le boudoir ou les Instituteurs Immoraux 1795
La Nouvelle Justine ou les Malheurs de la Vertu 1799
Dorci ou la Bizarrerie du Sort 1788
Les 120 journées de Sodome ou l’École du Libertinage 1785
La philosophie dans le boudoir
I/ L’histoire, l’organisation du livre et les protagonistes
Cet ouvrage semble être sous la forme d’une pièce de théâtre divisée en cinq dialogues offrant des enseignements libertins, que ce soient des morales, des conseils, de vie et de comportements. Sous-titré « Les Instituteurs Immoraux », le livre est un aperçu des pratiques de libertins extrêmes selon la conception de l’auteur, le Marquis de Sade, c’est-à-dire que ce sont des êtres qui semblent suffisants, égoïstes, rusés et opportunistes. Son contenu est majoritairement pornographique : se mêlent violence, sexe, larmes, et sang entrelacés avec des leçons d’ordre philosophique qui sont hermétiques, provocantes et dures. De plus, La Philosophie dans le boudoir a un rôle didactique aussi bien destiné aux libertins confirmés qu’aux jeunes filles. En effet, l’auteur signale qu’il est à prescrire aux adolescentes car il les éduque, et leur apprend à se comporter correctement en tant que femmes « libres » et femmes « de plaisirs ». Le dénouement et la situation finale sont d’une cruauté inconcevable aux yeux de l’homme de culture qui prend conscience que son espèce est capable de revenir à son état naturel, basé sur la suppression d’une censure dite morale : toutes les valeurs sociologiques sont supprimées au détriment d’une loi dite naturelle. Toute chance de salut est tout simplement annihilée comme si l’auteur avait convaincu le lecteur et fermé toute forme de discussions, de débats à son argumentation : littéralement, il écrase et insulte ceux qui ne partageraient pas ses thèses.
1) Les cinq dialogues
*Le premier dialogue présente très brièvement la situation par la présence de deux libertins incestueux qui souhaitent s’occuper personnellement de l’éducation d’une adolescente de quinze ans, tout juste sortie du couvent et n’ayant aucune connaissance relative aux pratiques libertines et sexuelles. La femme frivole a réussi à séduire le père, ce qui lui permet d’obtenir les faveurs de sa fille sans aucune résistance.
*Le second concerne l’arrivée de la jeune fille qui revoit son amie dans le but d’avoir des relations lesbiennes.
* Le troisième traite les enseignements d’un libertin confirmé, avec l’amie de la jeune fille et cette dernière. Début de l’apprentissage théorique et pratique.
*Le quatrième dialogue n’est autre que le retour du frère de l’amie de la jeune femme. A son tour, il se livre et se présente comme cobaye et sujet d’expérience.
*Le cinquième a une particularité : celle de mettre en lumière la pensée réelle de l’auteur dans un tract révolutionnaire que lisent les libertins. Il mentionne sa conception de la religion et des mœurs.
*Le sixième : le père de la jeune fille, qui est aussi libertin, donne sa permission à l’éducation de sa fille. Il encourage les autres participants.
*Le dernier dialogue n’est autre que le dénouement. La mère de la jeune fille tente de raisonner cette dernière, qui reste opposée au monde culturel en soutenant la conception sadienne. La mère est maltraitée par les libertins, victime de viol, d’attaques qui la blessent. Finalement, elle part du domaine avec sa fille et le livre se termine par la citation : « Je ne mange jamais mieux, je ne dors jamais plus en paix que quand je suis suffisamment souillé dans le jour de ce que les sots appellent des crimes. » La leçon a été donnée.
2) Langage, style d’écriture
L’auteur est simple à comprendre : il est direct ; son style d’écriture n’insère pas de termes complexes. La seule difficulté se limite peut-être uniquement à l’utilisation du vocabulaire du XVIIIème siècle, propre à l’époque mais dans l’ensemble il n’est pas tâche ardue de lire cet ouvrage. En revanche, le registre de langue est familier voire vulgaire ; il emploie des grossièretés, des injures car il serait un peu paradoxal de ne pas employer une manière d’expression propre aux libertins. Ces termes sont d’ailleurs répétés un nombre incalculable de fois par les protagonistes, ce qui montre l’identification d’une appartenance à une mouvance (à celle des libertins) qui se doit d’être inaccessible aux autres hommes. Pourtant, il semblerait que l’auteur entrelace un langage soutenu, dû à la classe sociale élevée de ses créations, tout en jouant avec l’utilisation de ce registre familier : il montre véridiquement son désir de transgresser tout ce qui a pu être établi par des concepts moraux, de politesse ou encore d’usage. Ainsi, il est fortement possible de trouver ces termes dans cet ouvrage « le foutre, la sodomie, le vit (le pénis), le sperme… »
De plus, il est intéressant de remarquer, comme l’a souligné Yvon Belaval dans la préface (Folio classique, édition Yvon Belaval), qu’ « il ne faut pas demander à Sade d’être plus philosophe qu’il ne l’est, lui amateur, lui romancier, lui qui n’a qu’un mince bagage littéraire au moment de son incarcération définitive à Vincennes. » Ce fait peut attester véridiquement sa simplicité d’écriture, son manque de descriptions précises et détaillées de ses personnages : Sade semble peindre qu’une infime partie de l’Homme, sans cerner entièrement son être. Ses protagonistes ressemblent également à des sortes de stéréotypes, employés banalement pour une démarche expérimentale : ils n’ont aucune fioriture, caractéristiques pouvant leur donner une véritable contenance ; seule leur morale et leur conception de la vie sont décisives et importantes, le reste n’est que bagatelle. Ils sont le symbole uniquement de l’Homme et de la Femme, imparfaits, certes, mais libertins. La jeune fille est décrite, ainsi, de cette manière : « ses cheveux châtains, qu’à peine on peut empoigner, lui descendent au bas des fesses ; son teint est d’une blancheur éblouissante, son nez un peu aquilin, ses yeux d’un noir ébène et d’une ardeur ! […] on lui donnerait dix-sept ans ; sa taille est un modèle d’élégance et de finesse, sa gorge délicieuse…Ce sont les deux plus jolis tétons ! … A peine y a-t-il de quoi remplir la main, mais si doux…si frais…si blancs ! » Le choix de l’archétype de la femme « maléfique et vicieuse » n’est pas un pur hasard. En effet, Sade cherche à rompre le code traditionnel littéraire : il ne choisit pas un personnage positif, innocent, symbolisé par la couleur blonde de sa chevelure. Le noir démontre la noirceur de l’âme à venir de la jeune fille et la multiplication de ses aventures galantes. Le nez aquilin est considéré comme signe de cruauté, de méchanceté et de sorcellerie. La blancheur de la peau est synonyme de beauté car il était très répandu chez les femmes d’avoir une peau pâle car cela leur donnait un aspect relativement angélique. Sade crée ainsi un personnage attirant, charmant physiquement, bien qu’opposé au physique vertueux. Pour lui, la vertu est beaucoup moins intéressante à exploiter que son ennemi, à savoir, la galanterie et c’est la raison pour laquelle il a utilisé une jeune femme belle, certes, mais au physique digne de celle-ci.
Nous, lecteurs, nous ne connaissons pas vraiment la vie d’antan, ni la personnalité des créations sadiennes, ce qui peut franchement nous déstabiliser et nous empêcher d’avoir réellement une attache particulière. Il est impossible de s’identifier à ces personnages : ils sont trop simples pour être véritablement intéressants dans leur histoire, leur vie, leur quotidien et cetera. Comme le souligne une fois de plus Yvon Belaval, cette écriture épurée et simplifiée qui ne contient que des adjectifs imprécis (comme par exemple « joli », « belle voix »…) prouve bien l’enfermement et l’isolement de Sade. En effet, ce dernier ne peut qu’uniquement travailler avec ses souvenirs, son imagination, son ressenti de prisonnier de Vincennes pour décrire les intonations des personnages durant l’acte sexuel (l’interjection « Ahé. » démontre ce fait). L’auteur est incapable de « se souvenir » précisément de sensations, de ressentis et de les peindre littérairement. Ainsi, se forme une certaine distance entre la situation réelle et concrète de l’auteur, c’est-à-dire son enfermement, et le domaine de la liberté morale, attestée par l’utilisation de son imagination : Sade est plus libre qu’il ne l’est réellement, c’est-à-dire physiquement.
3) Les personnages
*Les deux premiers personnages rencontrés dès les premières lignes du livre ne sont autres que Mme de Saint-Ange et Le Chevalier de Mirvel : ils sont frères et sœurs. La particule nobiliaire « Saint-Ange » apparaît comme une marque de cynisme de la part de Sade, car, le personnage en lui-même est loin d’être une femme pieuse, respectable et dévote : « les plaisirs dont je voulais me priver ne sont venus s’offrir qu’avec plus d’ardeur à mon esprit, et j’ai vu que quand on était, comme moi, née pour le libertinage, il devenait inutile de songer à s’imposer des freins : de fougueux désirs les brisent bientôt. » (Premier dialogue, p 40 édition d’Yvon Belaval, folio classique). Ils ont commis l’inceste un nombre incalculable de fois ; ils sont libertins et hédonistes au point qu’ils cherchent à multiplier les aventures galantes, les amants, à vivre dans la débauche et les plaisirs liés au domaine charnel. Ils sont des éternels insatisfaits, toujours en quête d’un plaisir plus intense, d’une situation plus délicate voire dangereuse, capable d’éveiller l’adrénaline, pouvant leur procurer davantage de ressentis. Mme de Saint-Ange est mariée à un mari qui ne semble pas dérangé par ses aventures extra-conjugales ; en fait, lui aussi est dans le même cas qu’elle et lui demande occasionnellement « des services » sexuels. Elle est également l’une des premières initiatrices au libertinage de la jeune fille, tout juste sortie de son couvent. Pour le cas du Chevalier de Mirvel, nous savons qu’il a été l’amant d’un homme âgé de trente-six ans, avec des charmes et des pratiques homosexuelles à plusieurs. Dans le livre, il devient, plus tard, acteur dans l’éducation libertine et sujet car il accepte d’être traité comme une sorte de cobaye.
**Eugénie est la « victime » à « convertir ». Elle vient de sortir du couvent. Âgée de quinze ans, elle ne perçoit pas encore la notion du bien et du mal mais elle a connu la dureté, l’autorité dans le couvent. Elle a d’ailleurs toujours été sous la tutelle d’un être humain (sa mère, les religieuses et, par la suite, les instituteurs immoraux, puis sûrement les hommes ou les femmes libertines qui « deviennent » ses conquêtes dans le futur…). Le choix de son prénom n’est pas un pur hasard. En effet, il a été porté par de nombreuses religieuses responsables d’actes de charité et de générosité :
Eugénie: vierge et martyre, fille de saint Philippe (✝ v. 257)
Eugénie d’Alsace : abbesse (✝ 735)
Eugénie Joubert : religieuse (✝ 1904)
Eugénie Picco : religieuse des Petites Filles des Saints Cœurs de Jésus et Marie en Italie (✝ 1921)
Eugénie Ravasco : fondatrice de l’Institut des Filles des Sacrés-Cœurs de Jésus et Marie (✝ 1900)
Eugénie Smet : fondatrice des Auxiliatrices des Âmes du Purgatoire (✝ 1871)
De plus, l’étymologie de son prénom vient du terme eugenios, « celle qui est bien-née ». En outre, Eugénie aurait la chance d’avoir été choisie par les libertins pour devenir l’un des leurs et être aux yeux de la philosophie sadienne une fortunée, sujet libre d’accomplir une révolution morale et sociale. Elle présenterait un potentiel idéal au développement de ses facultés sadiennes. Sa beauté serait une fois de plus un atout majeur dans sa vie future.
Nous pouvons également nous poser une question fondamentale quant à sa résistance morale et à sa décision : serait-elle une victime consentante ? Contrairement au personnage de Choderlos de Laclos, Cécile Volanges, dans Les Liaisons Dangereuses, Eugénie ne semble pas si fragile et ni inconsciente que le protagoniste de Laclos, car elle se livre finalement à la pratique sadienne sans se poser de réelles questions à propos de sa conduite. Au début de l’apprentissage libertin, Eugénie détient une forme de puérilité, une curiosité parallèle à celle d’un adolescent quelconque qui découvrirait sa capacité sexuelle et sexuée : elle n’est pas une vraie menace, ni une enfant avec des idées différentes de celles des autres. Elle ne cherche qu’à s’émanciper de l’embrigadement de son éducation religieuse dans son couvent et ne souhaite que « combattre sa mère », lui prouver qu’elle aussi est capable d’avoir un comportement d’une femme adulte, c’est-à-dire de détenir la sexualité tant interdite par la figure de sa mère. D’une certaine façon, elle envie sa mère et tente de « s’en débarrasser » comme si elle n’était qu’une terrible marâtre qui l’enlaidirait de jour en jour par le besoin insatiable d’être toujours la femme désirée de sa jeunesse. Mais Eugénie est en quête également d’une forme de libération sexuelle, d’un enseignement ou d’un objet qui pourrait la rendre sexuellement plus désirable. Dans sa Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim, à la p 320, décrit le cas de Blanche-Neige qui essaye un corset, objet symbolique de la féminité et de la sensualité acquises. Elle est finalement trompée par sa belle-mère qui tente de l’étouffer. Tel semble être le cas d’une crise identitaire et la quête de réconfort du mal-être de l’adolescente.
A la fin de l’enseignement des libertins, Eugénie a accompli et résolu son problème : elle est consciente qu’elle détient un savoir contre la culture humaine, une denrée rare et inhabituelle qui lui ouvrirait les portes d’un bonheur hédoniste. De cette manière, elle a trouvé son équilibre et se sent prête à affronter le monde extérieur. Toutefois, nous pourrions très bien discuter de son choix : Eugénie doit tout de même être assez naïve pour accepter le traitement de son sexe féminin, souvent qualifié comme inférieur aux hommes, sans se révolter mais aussi être en accord avec les idéaux extrêmes des libertins. Elle n’a peut-être pas réellement conscience de ses actes, de ses refus, de ses provocations et pense sûrement que la conséquence de ses actes n’est pas tellement dangereuse, ni impardonnable alors que pour cette société catholique du XVIIIème siècle son attitude est condamnable et même punie gravement. Elle n’est qu’une jeune fille « révoltée » mais passive, en effet les libertins se sont contentés de profiter de sa faiblesse, de son malaise pour la façonner à leur image : elle n’a pas obtenu sa véritable liberté car elle est le fruit de la pensée et de la manipulation des autres. Elle n’est plus sujet capable de réflexion parce qu’elle a été aveuglée par leurs promesses de liberté. Vu sous cet angle, nous pouvons véridiquement établir un parallèle avec les pratiques de contrôle des sectes : ces actions, ces manières de procéder pour ajouter des membres à une cause sont similaires aux méthodes des libertins de La Philosophie dans le boudoir.
D’un autre côté, Eugénie peut représenter l’animalité, le retour aux sources, car Sade s’oppose farouchement aux principes comme par exemple la morale ; il renie la culture dans le but d’encourager l’extériorisation de la nature profonde et bestiale de l’Homme, qui, débarrassé de l’hypocrisie de sa nature (à savoir, cacher ses actes car le regard des autres pourrait le perdre), est capable de vivre de nouveau sans honte. Eugénie montre ainsi cette tendance, ce penchant à s’écarter de la société culturelle instaurée : cela atteste la fin de l’innocence et l’épanouissement de sa véritable personne. De l’autre, elle est parvenue à prendre conscience de la jouissance de son corps et, comme Narcisse, elle revient à l’idée de la contemplation et « tombe amoureuse » de son nouveau physique. De cette manière, les éléments autour d’elle ne l’intéressent guère car elle s’occupe et pense égoïstement à sa personne. Narcisse vient du terme grec narkê qui signifie « sommeil » : il commet l’introspection profonde au point où il risque sa vie tout comme Eugénie compromet d’une certaine façon la sienne. Narcisse meurt. Quant à Eugénie, cette issue pourrait très bien être similaire par exemple si nous admettons que les catholiques découvrent son comportement et décident de la punir.
***Dolmancé est, « par excellence », le personnage clé de l’histoire car il est « le gourou » des libertins. Athée, immoral du point de vue de la religion, virulent et toujours à la recherche de plaisirs multiples, variés et sexuels, il obtient le plus haut grade du libertinage. Il devient la figure emblématique de cette mouvance et la peinture de la perfection libertine de la conception sadienne. Il est l’instituteur d’Eugénie et partage ses connaissances en la matière avec ses disciples libertins, en l’occurrence, Mme de Saint-Ange, le jardinier Augustin ou encore le Chevalier de Mirvel. Pour ce qui est de la personnalité de ce protagoniste, il semble cruel, vicieux et égoïste. Il est décrit physiquement comme âgé de trente-six ans, « grand, d’une fort belle figure, des yeux très vifs et très spirituels, mais quelque chose d’un peur dur et d’un peu méchant se peint malgré lui dans ses traits (p 41). » Sa description physique est une correspondance entre son état moral, son âme influencée par les aventures galantes. Ainsi, son corps semble être le simple reflet du fond de son être et, de cette façon, le lecteur peut d’ores et déjà juger brièvement le personnage. Nous pouvons également attester que Dolmancé semble être la projection mentale de Sade lui-même par sa manière de se comporter, par son langage, son aisance et son assurance ressentie dans le protagoniste. Physiquement, Dolmancé ressemble à Sade. En réalité, nul portrait authentique de l’auteur n’existe mais il est dit que Sade aurait été bien de sa personne, du moins, physiquement. Un procès le décrirait de cette manière : « une jolie figure, visage rempli, yeux bleus, cheveux blonds, petite bouche avec la lèvre inférieure proéminente, élégamment vêtu d’un frac gris doublé de bleu, portant canne et épée ». Dolmancé est une copie conforme romancé de son auteur qui s’implique dans son ouvrage et qui tente d’imposer sa conception de la vie.
Les 120 journées de Sodome
Ce roman présente le libertinage extrême et souhaité par son auteur. En d’autres termes, il met en scène des personnages habités par la conception de vie sadienne qui décident d’organiser une sorte d’école du libertinage où se dérouleraient des théories soutenues par l’auteur et également des mises en pratique. Entre autre, des maîtres libertins écoutent tous les jours une histoire racontée par des filles de joies expérimentées et les actes principaux sont reproduits. De plus, les personnages sont nombreux car dans cette école, des novices, c’est-dire des adolescents pré pubères désignés contre leur volonté et arrachés à leur famille, ont l’obligation d’obéir aux moindres désirs des maîtres libertins. Ils sont même parfois punis et subissent les agissements cruels de leurs maîtres. Par les récits des « historiennes », le lecteur découvre avec minutie et précision les traitements et pratiques du libertin idéalisé par le Marquis de Sade. Étant un livre assez conséquent, il semble évident que de nombreux enjeux sadiens soient exposés comme par exemple la place de la femme, la haine de la vertu religieuse ou encore le désir.
Le langage employé est toujours le mélange d’un registre soutenu mais aussi d’un registre cru. Ce livre est accessible et ne présente aucune difficulté de compréhension dans l’écriture.
Les 120 journées de Sodome sont divisées en quatre grandes parties correspondant aux sessions des récits. Les trois dernières parties sont des esquisses, des plans de la situation et de l’évolution des personnages. La première est entièrement rédigée et s’arrête par la trentième journée ; elle concerne les récits de Duclos. En outre, l’organisation de ses parties est ascendante dans les pratiques sexuelles relativement violentes. La première partie est la plus tendre, en termes de traitements humains ; la seconde est dite de « seconde classe » par l’auteur ; la troisième mentionne les « passions criminelles » et enfin la dernière le meurtre.
Ce livre étant complexe, il me semble plutôt difficile d’en parler avec précision. Les personnages, dans tous les cas, présentent une fois de plus une certaine forme d’ironie notamment par le choix de leur nom, par exemple Constance qui n’est pas du tout un pur hasard. La religion est une fois de plus critiquée, démantelée entièrement et la place de la femme se voit être réduite au rang d’esclave : « Nous autres libertins, nous prenons des femmes pour être nos esclaves ; leur qualité d’épouses les rend plus soumises que des maîtresses, et vous savez de quel prix est le despotisme dans les plaisirs que nous goûtons » (Les 120 journées de Sodome, partie I p 16. Édition 10/18)
II/ Les revendications de Sade dans les grandes lignes
« Un de mes grands plaisirs est de jurer Dieu quand je bande. Il me semble que mon esprit, alors mille fois plus exalté, abhorre et méprise bien mieux cette dégoûtante chimère… »
Sade est le prolongement extrême du révolutionnaire du XVIIIème siècle qui est prêt à aller jusqu’à la pratique de sa conception de vie pour détruire la monarchie, la religion et la société en vue d’en bâtir une nouvelle, plus apte au développement humain. De nombreux philosophes des Lumières étaient athées. En effet, ce mouvement est essentiellement européen, touchant des pays comme l’Angleterre, la France mais aussi l’Allemagne. Il a été décrit comme « une crise de la conscience européenne » d’après Paul Hazard, historien et essayiste de l’Académie française du XXème siècle. Cette appellation décrit cette prise de conscience, ce désir de changement et de remises en question. Les Lumières ont cherché à éclairer les consciences et les esprits, en leur inculquant des connaissances qui n’étaient pas réservées uniquement à une classe élitique, contrairement aux Humaniste au XIVème siècle et XVIème siècle. L’instruction de la classe populaire a aussi été une des priorités aux yeux des philosophes. En outre, il est évident que ces derniers présentent des idées nouvelles, des désirs de changements pour améliorer la vie de l’Homme et pour œuvrer pour un droit élémentaire : la liberté. L’Homme n’est plus asservi par le roi : il n’est dorénavant et ne peut plus être sujet du monarque ; il ne peut être que sujet libre. Sade a contribué à cette libération en dévoilant sans aucune honte la réalité des actes humains, en décrivant les actions dissimulées par honte ou par pudeur. Ainsi, il rompt définitivement avec l’hypocrisie humaine qui consiste à se comporter lâchement en cachant tout élément susceptible d’éveiller le déshonneur, le mépris vis-à-vis du regard des autres autour de soi.
1) Condamnation de la religion catholique et de ses valeurs
Pour l’esprit hédoniste (du grec hēdonḗ, « plaisir » : doctrine philosophique grecque basée sur la recherche perpétuelle de forme de plaisirs multiples en évitant de cette manière la souffrance, ou le déplaisir) de Sade, toutes formes de systèmes qui imposeraient une morale, des lois, des obligations et des chaînes à la liberté sont ses ennemis potentiels en outre, ils nuisent à la libération de l’Homme. Sade, dans ses ouvrages, remet en question l’existence de Dieu d’une manière catégorique et agressive : pour lui, cette notion de créateur n’est « qu’une dégoûtante chimère ». Il blâme alors tout homme qui participerait à l’animation allégorique de la notion des origines. En effet, l’Homme a besoin de trouver des réponses à ses origines et mentionner un dieu ou des dieux comme uniques créateurs, car pour lui, celui-ci est une figure connue, rassurante et logique. Sade démolit littéralement ce concept par son athéisme et au point d’être qualifié de déicide aux yeux des croyants car il blâme Dieu et, de cette manière, lui accorde paradoxalement une existence propre. Nietzsche, philosophe du XIXème siècle, dans Crépuscule des Idoles, soutient également le fait que l’Église est source d’hostilité dans la vie courante et qu’elle a été longtemps responsable de la sévère condamnation des désirs.
Pour Sade, le catholicisme a une place trop importante dans les mœurs et n’est pas du tout adaptée à celles-ci. Selon lui, des changements ont eu lieu et cette religion ne peut plus exister car elle est traditionnelle et ne reflète pas le désir humain de son époque : « Il nous faut un culte, et un culte fait pour le caractère républicain, bien éloigné de jamais pouvoir reprendre celui de Rome. » (p 187, Cinquième dialogue, La Philosophie dans le boudoir). Cette citation soulève un autre point intriguant qui serait alors lié au sujet de la religion : d’un côté, Sade critique avec entrain le catholicisme et ses valeurs, de l’autre, il promeut une autre forme de soutien pour l’Homme, qui serait sous la forme d’un culte adapté à ses besoins. Pourtant, le terme athée a pour signification : atheos (littéralement « sans Dieu ».). Sade encourage l’idée d’un culte (cultus : « action de cultiver », spécialement : « action d’honorer (les dieux, les parents) ») donc un élément à respecter, à bénir qui serait autre que Dieu : « la religion doit être appuyée sur la morale, et non pas la morale sur la religion, il faut une religion qui aille aux mœurs, qui en soit comme le développement, comme la suite nécessaire, et qui puisse, en élevant l’âme, la tenir perpétuellement à la liberté précieuse dont elle fait aujourd’hui son unique idole. »(p 187 et 188 La Philosophie dans le boudoir, Cinquième dialogue). Il s’agit ici de la liberté. Et, de plus, l’auteur n’hésite pas à se référer à la société polythéiste et romaine en encourageant le paganisme. Sade semble ainsi paradoxal : il dénonce un dieu, critique son adoration mais encourage une autre forme de croyance.
Sade dénonce le poids du catholicisme dans la société du XVIIIème siècle en l’accusant d’embrigader les esprits et de leur donner des restrictions, des souffrances et des obstacles à l’épanouissement de leur personne et surtout au chemin commun : le bonheur. Il reprend aussi certains enjeux des autres philosophes des Lumières comme Condorcet dans Esquisse d’un tableau historique de l’esprit humain : « les écoles formées par ces hommes célèbres, combattirent en faveur de la vérité, employant tour à tour toutes les armes que l’érudition, la philosophie, l’esprit, le talent d’écrire peuvent fournir à la raison ; prenant tous les tons, employant toutes les formes, depuis la plaisanterie jusqu’au pathétique, depuis la compilation la plus savante et la plus vaste, jusqu’au roman, ou au pamphlet du jour ; couvrant la vérité d’un voile qui ménageait les yeux trop faibles, et laissait le plaisir de la deviner ; caressant les préjugés avec adresse, pour leur porter des coups plus certains ; n’en menaçant presque jamais, ni plusieurs à la fois, ni même un seul tout entier ; [….] s’élevant, avec une infatigable énergie, contre tous les crimes du fanatisme et de la tyrannie ; poursuivant dans la religion, dans l’administration, dans les mœurs, dans les lois, tout ce qui portait le caractère de l’oppression, de la dureté, de la barbarie ; ordonnant, au nom de la nature, aux rois, aux guerriers, aux magistrats, aux prêtres, de respecter le sang des hommes ; leur reprochant, avec une énergique sévérité, celui que leur politique ou leur indifférence prodiguait encore dans les combats ou dans les supplices ; prenant enfin, pour cri de guerre, raison, tolérance, humanité. » Sade s’oppose également à la monarchie qu’il considère comme nuisible à la liberté morale de chaque individu. Un système arbitraire, aux yeux des philosophes des Lumières, est source d’injustices trop grandes, de privilèges, voire de manipulation au détriment du domaine populaire, qui semble de cette manière, être exploité. Sade a dit : « Songez qu’il vous est impossible de l’affranchir de la tyrannie royale sans lui faire briser en même temps les freins de la superstition religieuse : les liens de l’une sont trop intimement unis à l’autre pour qu’en laissant subsister un des deux vous ne retombiez pas bientôt sous l’empire de celui que vous avez négligé de dissoudre. » (La Philosophie dans le boudoir, Cinquième dialogue, p 190).
2) La nature comme idéal de vie
A l’instar de Rousseau ou encore de Buffon, Sade se réfère constamment à la nature comme source d’inspiration et concept de vie. En effet, il attaque violemment une structure organisée, c’est-à-dire la société, basée sur des valeurs, des règles, des interdictions, des droits, des devoirs, qui impose des limites aux comportements humains par exemple : « Tu ne tueras pas ton prochain. » Il est évident que l’Homme est véritablement incapable d’utiliser sa raison dans toutes situations pour diverses raisons : il est avant tout un être relativement subjectif, écoutant son cœur tout en étant assailli par des désirs. De ce fait, Sade mène un combat contre la culture, symbolisée par la société, et revendique le retour au stade naturel. Cet état aux yeux de l’auteur est absolument banal et normal. Selon lui, l’Homme n’a absolument rien d’innocent même durant sa plus tendre enfance : il est avant tout un être habité par la violence comme l’atteste cette citation : « La cruauté, bien loin d’être un vice, est le premier sentiment qu’imprime en nous la nature ; l’enfant brise son hochet, mord le téton de sa nourrice, étrangle son oiseau bien avant d’avoir l’âge de raison. » Contrairement à lui, l’Ancien Testament avec l’épisode de la Genèse montre d’une certaine façon, tout comme Rousseau dans Discours sur l’origine et les fondements, que la nature primaire de l’Homme était l’innocence. Adam et Ève, dans le Jardin d’Éden, ont tout ce qu’il faut pour vivre ; il a juste fallu désobéir à Dieu pour être sévèrement punis alors qu’ils détenaient tout ce qu’un cœur aurait désiré et la liberté. Pour Rousseau, l’instauration des propriétés et le début des relations humaines liées aux marchandises, aux échanges puis aux biens ont engendré cette rupture définitive avec l’innocence. Sans facteurs dangereux (pour la Bible le serpent comme élément déclencheur ; pour le cas de Rousseau, le désir d’avoir des biens), l’Homme serait resté à ce stade primitif. Ainsi, l’avis de Sade est fortement discutable. Le meurtre ne devrait pas non plus être condamnable pour le Marquis, car lorsque des guerres ravagent les pays, des soldats et des civils meurent tous les jours. Pour Sade, une vie ne vaut rien du tout. Alors, sa vie ne vaut pas non plus grande chose. Fait paradoxal, il dénonce la peine de mort car il pense qu’aucun homme n’a le droit de vie ou de mort sur son semblable. Alors, quel est l’intérêt premier de soutenir qu’une vie n’a aucun prix ?
Selon Sade, le but premier de l’Homme est d’être une créature de plaisirs, qui a pour objectif de voler de jouissances en jouissances sans se soucier d’autres choses : « Livrez-vous, Eugénie ; abandonnez tous vos sens au plaisir ; qu’il soit le seul dieu de votre existence ; c’est à lui seul qu’une jeune fille doit tout sacrifier, et rien à ses yeux ne doit être aussi sacré que le plaisir. » L’Homme ne devrait également pas s’attacher à l’amour : pour Sade, il est le principal ennemi du libertinage car il entrave d’une manière affective les Hommes. Pour le cas extrême de l’amour qui n’est autre que la passion, elle crée une dépendance physique et morale. « Passion » vient du latin patior à savoir la souffrance, la douleur et peut se référer au terme grec pathos, la maladie, d’où l’idée de difficulté d’être « soigné » et de s’en libérer. Il condamne ainsi les sentiments humains propres à l’affection qu’il accuse d’être irréaliste et opposé au libertinage : « Je ne sais ce que c’est que le cœur…je n’appelle ainsi que les faiblesses de l’esprit. »
De plus, Sade soutient que les corps humains doivent être une propriété publique. De cette façon, il atteste que le viol n’est en aucun cas un crime car il est l’accomplissement final d’une démarche dont le but est de satisfaire un désir charnel et qu’au lieu de voir cela comme un crime, cela devrait être aperçu comme un noble dessein. Il est naturel à ses yeux que le corps appartienne aux autres et non pas forcément à soi-même. De cette manière, il remet en question, d’une part, la fonction du corps humain, d’autre part, l’individualité et la notion de volonté propre à soi-même : « Une jolie fille ne doit s’occuper que de foutre et jamais d’engendrer. » L’aliénation de son propre corps est-elle réellement un fait à envisager ? Utiliser son corps uniquement pour une raison physique et non morale est-il véridiquement nécessaire ? Ces enjeux philosophiques ne sont pas, bien sûr, exhaustifs car les ouvrages du Marquis de Sade présentent tellement de sujets polémiques, de visées (parfois paradoxales, contradictoires) et de buts divers qu’il serait très difficile de les présenter tous dans cet article.
III/ L’influence sadienne
1) Les Surréalistes
Sade, par ses idées anarchiques et sa conception de la vie assez particulière, a attiré de nombreux auteurs qui, comme lui, ont cherché de nouvelles inspirations littéraires et artistiques. Le surréalisme est l’un des mouvements qui a choisi comme figure emblématique le Marquis de Sade. Ce mouvement artistique a été officiellement crée en 1924 avec le Manifeste du surréalisme d’André Breton, considéré comme le « Pape du surréalisme » et le conciliateur de ce mouvement. Ce dernier le codifie en soulignant le fait qu’il est novateur dans de nombreux domaines, notamment par ses nouveaux processus de créations tels que la dictée automatique en écriture, le frottage ou encore la décalcomanie en peinture, mais également les sommeils hypnotiques. La liste de ces procédés est d’ailleurs longue et met en lumière des manières originales de procéder. Les Surréalistes ont été inspirés par diverses particularités de mouvances littéraires comme par exemple l’amour courtois (« fin’amor »), les correspondances et synesthésies de Charles Baudelaire dans le Symbolisme et tant d’autres détails littéraires. Pourtant L’amour courtois semble être totalement opposé à la conception de l’amour sadien et, sa présence dans de nombreux textes peut paraître assez paradoxale. En outre, l’amour sadien se base sur la souffrance : c’est une relation obligatoirement douloureuse. Mais il s’agit avant tout, d’un plaisir lié à cette blessure. En effet, certaines pratiques sexuelles sont prônées par les Surréalistes influencés par la conception sadienne, notamment le sadisme (sadomasochisme, sadique), la « femme-objet », la liberté dans certaines pratiques sexuelles et cetera.
L’amour sadien consiste en une humiliation physique et morale prouvant que l’Homme est avant tout un être de violence, d’énergie négative et destructrice, qui refoule constamment ces éléments corporels et psychiques. On peut comprendre le fond de cette thèse de Sade sur l’Homme suivant la conception freudienne du psychisme. En effet, Freud, dans sa deuxième topique, démontre l’existence de trois pôles majeurs et complémentaires présents dans l’appareil psychique : le Ça, le Moi et le Surmoi. Ils sont actifs et agissent de diverses manières. Le Ça répond au principe de plaisir qui se voit être tout bonnement naturel car l’Homme est constamment en quête de satisfactions ou aux actes « bestiaux » pouvant être qualifiés comme pratiques antisociales. Le Surmoi présente les interdits liés à l’éducation de l’être humain (culture, famille, traditions, morales…) et enfin le Moi a rapport au principe de réalité, c’est-à-dire qu’il représente l’équilibre entre le principe de plaisir et le principe de réalité. Il tente de concilier les deux. Il est la zone d’instabilité psychologique car il est constamment influencé par les deux autres instances. Ainsi, la philosophie de Sade prône le Ça et ses débordements : selon lui, il est la vraie nature humaine, non censurée donc non hypocrite. De ce fait, il est évident qu’il délaisse la morale religieuse, les interdictions, les brimades de celle-ci pour opter pour un retour aux racines de l’essence humaine. Cette introspection permet de voir que l’instance du Ça n’est autre que la solution aux désirs hédonistes des libertins comme Sade car il les pousse à multiplier les expériences galantes (plaisir charnel et sexuel) et à se préoccuper uniquement de leur propre personne au détriment des autres, de la société et des devoirs. L’amour sadien serait l’un des résultats provenant du Ça consistant à trouver le plaisir par la douleur, à être narcissique et uniquement à être intéressé par soi-même. Sade, dans ses œuvres, démontre sa philosophie du Ça en décrivant des situations sordides : viols, fustigations, meurtres, relations sexuelles à plusieurs…. Il atteste ouvertement sa volonté de rompre définitivement avec les codes sociaux et éthiques liés au Surmoi ainsi que le principe de réalité déstructuré, déformé. Sade cherche à accéder au principe de plaisir suprême.
Sade a toujours été assez ambigu à propos de la place et des droits de la femme. Certaines de ses œuvres présentent les femmes comme des êtres dits inférieurs qui doivent répondre obligatoirement au désir masculin. Cependant, elles sont également défendues sur le plan du mariage. En outre, Sade les avertit sur le malheur du mariage et de l’adultère de leur mari. On comprend alors que les Surréalistes soient relativement partagés sur l’idée de la femme.
Tantôt elle est libre, maîtresse et inaccessible, tantôt elle est dominée et contrôlée comme un pantin tout en étant victime de la violence masculine (« Pouvoir » dans Les Mains Libres). Sade est salué par de nombreux auteurs comme André Breton dans Signe Ascendant ou encore Paul Eluard et Man Ray dans Les Mains Libres. Pour ces artistes, Sade symboliserait également la liberté par ses pratiques sexuelles, son écriture crue et son contenu pornographique. Cependant, d’après André Breton, les deux thèmes majeurs du Surréalisme seraient la liberté et l’amour, et, le Marquis de Sade peint justement ces deux enjeux d’un œil neuf et relativement particulier. Les Surréalistes ont toujours été attirés par des figures provocantes, des éléments originaux qui s’avèrent être parfois sordides et étranges. Par exemple au Centre Georges-Pompidou à Paris, les objets ayant appartenu à André Breton sont exposés et, parmi eux, nous pouvons voir des crânes de formes particulières, des statues africaines, des petites constructions, un chien empaillé, des peintures, des têtes réduites et pleins d’autres détails surprenants qui peuvent, à première vue, impressionner celui qui les voit, à la fois par leur nombre et par leur étrangeté. Ainsi, il est parfaitement évident que les écrits de Sade ont pu séduire les Surréalistes.
2) La révolution sexuelle et la société actuelle
Sade a également influencé, d’une certaine manière, notre société. En effet, la révolution sexuelle a officiellement débuté à la fin des années 1960 et s’est prolongée sur les années 1970. Certes, celle-ci a souvent été un sujet polémique depuis de nombreuses années. Auparavant des mouvements féministes existaient déjà pour cette même cause. Cette mouvance a eu pour but d’instaurer l’égalité des sexes, l’émancipation sexuelle de la femme ou encore l’idée d’avoir une sexualité non conjugale et non procréatrice : elle englobe tous les changements du comportement des mœurs à propos de la sexualité. Elle met également en avant la conception de « l’amour libre », et renouvelle de nouveau le plaisir sexuel qui a souvent été fortement critiqué, censuré et banni de la parole humaine. De nombreuses réformes ont également permis l’existence et enfin l’acquisition de cette nouvelle liberté comme le traitement des maladies sexuellement transmissibles, l’invention de techniques contraceptives et la diffusion de celles-ci, le droit à l’avortement (Loi Veil du 17 janvier 1975 en France notamment). La musique a aussi connu un impressionnant essor : dans les années 1960-1980, le rock contestataire commence à dénoncer certains abus de pouvoir, la guerre, à réclamer la liberté de pensée, d’expression et la liberté sexuelle.
Les hippies des années 1960 nommés également les « flower children » (les enfants floraux) ont été par excellence le modèle communautaire libre sur de nombreux points : relations amoureuses, arts psychédéliques (du grec psyche, âme et dẽlein, clair, visible, dans le sens d’une révélation de l’âme), sérénité de l’âme notamment avec l’utilisation de psychotropes hallucinogènes. En quelque sorte, cette communauté vit selon un modèle de liberté totale comme l’envisage Sade dans ses œuvres ; d’anticonformisme et pour le cas de Sade, la lutte contre le catholicisme et son extension ; d’égalité : dans l’idée sadienne, cela s’explique par le rejet de la monarchie et la voix accordée enfin au peuple.
La révolution sexuelle, d’une certaine façon, a modifié la définition, la notion d’amour pour pouvoir envisager plutôt un plaisir charnel, parfois au détriment du sentiment. Certaines responsabilités sont modifiées : il n’existe plus forcément d’engagements liés au mariage. Aussi, l’utilisation de contraceptifs implique la responsabilité et la maturité des êtres humains, à savoir, respecter les heures de prises, savoir s’en servir. D’une certaine façon, la libération sexuelle a énormément de points positifs mais, elle présente néanmoins des failles. En outre, le principe de plaisir semble avoir été fortement encouragé, et la sexualité devient une denrée banale, aisément accessible à tous. Certaines sociétés (américaine ou encore française) semblent prôner exagérément le sexe. Nous constatons cet abus dans les publicités à la télévision, dans les films, ou encore les séries télévisées. Toutefois, ce désir de vouloir l’imposer plus profondément dans les mœurs, alors qu’il est déjà ancré véridiquement dans ces dernières, tendent à provoquer une pression sur les individus. Une pression qui pourrait encourager l’homogénéité des individus par cette obsession, à savoir, imiter l’image renvoyée par la société à propos de la sexualité sans écouter sa propre personne. Il s’agit d’une image qui n’est qu’une représentation diffusée selon la vision du monde d’un individu, ou d’un groupe, parmi tant d’autres conceptions.
Sade a véritablement contribué à cette révolution sexuelle par le contenu de ses œuvres pouvant être jugé pornographique. C’est uniquement ce fait qui a pu attirer l’attention des Hommes et leur permettre d’agir. Son travail a été censuré jusqu’en 1960. Cette date coïncide avec les premiers mouvements en faveur de la libération sexuelle : nous pouvons redécouvrir ses œuvres, provocantes, certes, mais qui encouragent les esprits à se révolter et à acquérir leur liberté, et à assumer leur sexualité. De plus, les idéaux sadiens sont tout de même assez radicaux ; ce qui peut expliquer la crainte de les présenter à un public « pudique » car ces écrits seraient capables d’éveiller les consciences en leur proposant une nouvelle perspective des relations humaines, sexuelles, ou encore politiques. De nombreux enjeux de la révolution sexuelle rejoignent ceux de Sade tels que la liberté d’expression ou encore d’agir, la recherche du plaisir (hédonisme) sous toutes ses formes comme aspiration et libération de la réelle nature humaine basée sur la satisfaction perpétuelle de ses désirs, l’égalité. Mais ce fait doit être nuancé car Sade est assez paradoxal à propos de la place de la femme.
Opposition
En définitive, Sade est une figure emblématique connue pour sa franchise, l’absence d’autocensure dans son écriture ou encore par les caractères oppressants, violents de ses œuvres. Il est véritablement une figure de liberté et reste encore aujourd’hui une source d’inspiration dans de nombreux domaines comme par exemple l’art. Par son excentricité, Sade s’est gravé dans les mémoires et demeure comme un auteur qui éveille l’admiration mais également le mépris. En outre, Sade, sur certains points, semble paradoxal et peu clair. Aussi, le fait de renier le monde de la culture, qui pourrait être défini par l’organisation et la structure rigoureuse de la société, pose véritablement des questionnements d’ordre politique ou encore social. En effet, supprimer, renier, condamner une société dite de culture, avec des valeurs instaurées, des lois, des constitutions, peut paraître dangereux. En outre, les Hommes, sans lois, sont censés être autonomes et régis par leur propre conscience. En revanche, seule une minorité d’Hommes est capable d’écouter leur raison au détriment de l’importance que la majorité de ceux-ci accordent à leurs désirs incessants. Jean-Paul Sartre, dans L’Existentialisme est un humanisme, a dit : « L’homme est condamné à être libre. » Cependant, si l’Homme est un être de liberté, il est censé respecter la liberté d’autrui. Ce n’est pas tout à fait le cas dans un monde organisé par le domaine de la culture. Alors, comment l’Homme, sans limites, pourrait-il être capable d’appliquer ce droit ? L’anarchie est-elle réellement la liberté ? Une liberté sans limites pourrait être compromise et sa notion n’existerait d’ailleurs plus, car elle serait d’une certaine façon acquise. Comme l’atteste Kant dans Réflexions sur l’Éducation, la soumission sous une contrainte légale et une éducation adéquate permettent à l’Homme de se servir de sa liberté. La liberté sans contrainte n’est pas réelle et l’indépendance, l’autonomie ne peuvent pas s’instaurer si cette étape n’a pas été assumée avec succès. De ce fait, si Sade souhaite une sorte d’anarchie, l’Homme serait incapable d’être un être libre comme il l’avait désiré.
De plus, Sade précise et dessine un modèle de vie à suivre, basée sur la construction de maisons closes comme lieux majeurs de plaisir, entre autre, avec une organisation politique qui conviendrait à tout le monde et une religion polythéiste. Une fois de plus, nous pouvons nous demander comment se fait-il que Sade soit si virulent avec la religion. D’un côté, il dénonce le catholicisme pour son contrôle, ses valeurs, sa trop grande importance au sein de la société, insultant les pratiques accordées en faveur d’un Dieu unique mais d’un autre côté, il veut une religion sur un modèle romain, c’est-à-dire polythéiste. Pourtant, Sade est athée, ce qui signifie qu’il ne croit pas en un Dieu. Il accorde, d’une certaine façon, l’existence d’un être supérieur : cela peut paraître plutôt contradictoire et fortement discutable. Alors, Sade renoncerait simplement aux religions existantes pour une nouvelle. De cette façon, Sade, implicitement, devrait redéfinir le sens premier de l’athéisme.
Aussi, si l’Homme revient à sa nature originelle, à savoir, un état habité par la violence, il pourrait nuire à son espèce, à l’humanité toute entière. La maîtrise de cette part d’ombre est le seul moyen d’existence dans la quiétude, la sérénité : espérer une harmonie avec le retour à l’état premier voulu par Sade est véridiquement impossible. Thomas Hobbes, dans Léviathan (« Proud ») a affirmé par sa célèbre citation que l’état naturel humain est un état « de guerre de tous contre tous », qui renvoie directement à la discorde, au conflit et à la difficulté de s’accorder pour une cause commune. Ainsi, l’Homme est avant tout habité par l’orgueil, le désir de s’affirmer au détriment des autres : ce désir d’être supérieur conduit véritablement à l’opposition constante entre les Hommes et non l’entraide, ni le partage, ni l’amitié. Si l’Homme est orgueilleux alors il rejette toutes fautes sur les autres, peut les mépriser et de ce fait, s’attirer les foudres de ses congénères. Ces disputes peuvent entraîner des conséquences plus désastreuses (guerre, meurtre, viol, inceste…) d’où la nécessité d’être gouverné par la raison, au détriment du plaisir. Car seule la raison nous permet d’accomplir, par la volonté de belles choses et, pour cela, il est véritablement indéniable de la conserver pour l’amélioration de ce monde.
Il semble aussi dommage de condamner toutes les valeurs instaurées par l’Homme. Si cela est appliqué, il serait trop compliqué d’en instaurer de nouvelles. L’habitude a fait que l’Homme ne peut se débarrasser de celles-ci. Ravaison dans De l’habitude, a prouvé que l’habitude est insidieuse, inconsciente et qu’elle empêche le fonctionnement normal de la conscience. Aussi, elle est très difficile à éliminer car elle s’installe progressivement dans le quotidien. Il est rare d’être libre par rapport à ses entraves. Pourtant, ce phénomène est banal, normalisé et encouragé d’une certaine façon par le travail, la société, la vie quotidienne. L’auteur démontre ainsi qu’il est facile d’être prisonnier de l’habitude, mais difficile de l’éliminer. Si nous acceptons la conception sadienne, quelles pourraient être, dans ce cas, les nouvelles valeurs sadiennes ? Si la générosité est traitée d’hypocrisie, si l’amitié n’est qu’une relation opportuniste, si la liberté s’explique par la déstructuration de la politique et l’anarchie, ou même si l’amour devient l’ennemi de l’Homme, alors que restent-ils de nous ? L’Homme, selon son éducation, selon sa conception de la vie, selon son psychisme, selon ses volitions, selon sa volonté, et selon mille autres raisons, se voit être dans l’impossibilité de détruire les anciens acquis du passé. Une révolution peut changer cela. En revanche, lutter contre une tradition, un héritage, instauré depuis des années, semble être une tâche ardue pour modifier ces faits. La monarchie française est tombée par une révolution. Mais une révolution n’est pas toujours efficace ou désirée avec assurance par les êtres humains, et les manifestations peuvent être d’une certaine façon étouffées.
De plus, il est inacceptable pour un homme des Lumières prônant la liberté de condamner les femmes. Sade, tout comme Jean-Jacques Rousseau, s’est permis de prôner la domination masculine sur la femme. Il n’existe aucune raison au monde, qu’elle soit imaginaire, constructive, réelle qui puisse véridiquement tolérer, accepter et justifier cette haine. Dans la Genèse, Ève a partagé la pomme avec Adam et lorsque Yahvé Dieu arrive dans l’Éden en punissant le couple originel, Adam accuse sa compagne de l’avoir influencé. Pourtant, étant un homme, Adam devait être capable d’être mature, responsable et d’assumer ses fautes au lieu de les fuir par la parole, et d’avoir une attitude lâche. Il était libre d’accepter ou de refuser le fruit défendu et assez réfléchi et responsable pour accepter sa défaillance. Dans son livre Ève, fille d’Ève, Pierre Bamony montre qu’Ève est courageuse et assume sa faute face à Yahvé Dieu sans mentir : « Ce faisant, elle s’élève à son niveau comme pour lui faire face, pour le regarder, même si ce face à face se fait encore dans le vide. » (p23) A l’inverse, Adam se cache en accusant sa compagne alors que lui aussi a commis une erreur : « […] on voit le rôle éminemment subjectif d’Ève par rapport au fameux Adam qui fait preuve d’irresponsabilité et d’infantilité remarquables. » (p18). Il est aussi intéressant de noter que sans la séduction du serpent, sans l’absorption de la pomme par Ève puis par Adam, sans la prise de conscience et l’acquisition du savoir, l’espèce humaine ne serait jamais éveillée au monde bien qu’elle connaisse des tourments (la perte de l’immortalité, entre autre). C’est uniquement grâce à Ève que l’Humanité est née. Entre autre elle détient la connaissance. Cette faute est donc véritablement le commencement de l’ère du savoir humain. De plus, l’auteur atteste le fait que la femme, par sa complexité, sa différence aussi bien physique que morale, est, selon le point de vue du masculin, une menace car elle est intelligente, rusée et elle est entièrement capable d’être son égal (ex : en politique). Et c’est justement parce qu’elle détient ses atouts que l’homme tente de l’oppresser, de la réprimer et de la brimer car il sait que le féminin est compétent et audacieux. C’est le cas, comme Pierre Bamony le montre, avec Tamar et Juda, aux pages 32-33, le fait qu’elle soit capable de découvrir ses mauvais desseins, puis de le tromper, de le dénoncer pour lui faire, d’une part honte, d’autre part pour lui faire reconnaître sa faute : « Devant les preuves indubitables, Juda s’avoua vaincu et dû reconnaître sa tromperie ou son intention malhonnête vis-à-vis de Tamar, sa responsabilité en même temps que la juste conduite de sa bru : ‘Elle est plus jeune que moi. C’est qu’en effet je ne lui avais pas donné mon fils Shéla’ (Gn 38-26) »
Sade, dans Les 120 journées de Sodome, soutient le fait qu’une femme « n’est bonne qu’à torcher le cul » (p231), doit « se mettre à genoux » (p64), est un objet banal, sexuel, un jouet qui mériterait un traitement cruel (« il frotte une femme avec une certaine drogue qui cause des démangeaisons si violentes que cette femme se met en sang elle-même » p375). Pour un philosophe des Lumières, Sade est entièrement condamnable car au lieu de se libérer des préjugés, il se permet de les entretenir, notamment par la place qu’il accorde aux femmes. Sans femme, Sade ne serait non plus jamais venu au monde même s’il soutient qu’il est le fruit d’une copulation qualifiée comme animale et que dans ce cas, la femme ne mérite aucun respect. De plus, Sade n’a aucune raison valable et ne présente aucune argumentation pour justifier et expliquer sa haine des femmes. Ce point démontre une forme de manque d’arguments et qui prouve simplement qu’il est habité par le préjugé, voire par la crainte du féminin. En outre, s’il rabaisse l’autre sexe, c’est que, d’une certaine manière, il redoute ses qualités, ses influences et ses pouvoirs. Aussi, de nombreuses femmes ont été des génies comme Émilie du Châtelet au XVIIIème siècle, qui a été l’amante de François-Marie Arouet, dit Voltaire. Elle est, par excellence, une des figures féminines majeures du XVIIIème siècle : elle a été une femme brillante, caractérielle, autoritaire, rigoureuse et scientifique à qui aujourd’hui le monde doit de nombreuses découvertes mathématiques telle que la probabilité. Aussi, elle rédige son Discours sur le bonheur, qui n’est autre qu’un essai démontrant sa conception du bonheur, de l’amour, du désir et des passions. Il semble ainsi absurde de réduire l’importance de la femme en raison de sa différence physique et morale. En outre, la complémentarité humaine des deux sexes garantit la construction d’un monde de différences. A propos de l’enjeu de la liberté, les philosophes des Lumières l’ont prôné, adoré. Cette liberté concerne l’émancipation de la femme mais aussi la liberté pour tous comme par exemple l’abolition de l’esclavage voulue par Montesquieu dans De l’esclavage des nègres qui est un texte satirique. Sade, par son dégoût de la femme, ne peut appartenir à cette catégorie de philosophe des Lumières véritablement délivrés de leurs chaînes de préjugés. Cette notion de liberté, selon cet auteur, est, de ce fait fortement discutable.
Pour aller plus loin :
* « Attaquer le soleil » exposition artistique sur le thème de l’influence sadienne en art (Musée d’Orsay, Paris.)
*Les Liaisons Dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos à propos du libertin manipulateur et hédoniste.
*Les Bijoux indiscrets de Diderot à propos du domaine sexuel et de l’hypocrisie.
*Rousseau, Rêveries d’un promeneur solitaire sur le thème de la nature, de la société et de l’exil. Du Contrat Social/ Discours sur l’origine et les fondements.
*L’Amour Fou, André Breton à propos de la conception de l’amour surréaliste ; Signe Ascendant pour les thèmes de la nature, de l’amour et prouvant l’utilisation de la dictée automatique (section « Le la », 1961).
*Les Mains Libres Paul Eluard et Man Ray avec comme sujets des thèmes sadiens (la douleur, la femme-objet…) avec notamment « La Couture », « Pouvoir », «La peur».
*Ève, fille d’Ève livre de Pierre Bamony à propos de la femme et des préjugés nombreux sur son sexe.
*Cours de philosophie de Mr. Bamony sur la notion désir, bonheur, et inconscient.
*Discours sur le bonheur d’Émilie du Châtelet sur l’importance du désir dans l’accès au bonheur.
*Discours de la méthode et Traité des passions de Descartes à propos des désirs.
*Le Phédon, Gorgias, La République de Platon sur la condamnation des désirs.
*La République Livre VII, paragraphe allégorie de la caverne de Platon sur la raison.
*Philosophie Magazine mensuel n°85 décembre 2014/janvier 2015 avec l’article : « Sade, la part d’ombre des Lumières. » *Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim avec les complexes incestueux.
J’ai adoré cette lecture, du début à la fin.
Chère Mina,
Merci pour votre commentaire. Avec du recul et par souci d’exactitude, en raison de mon jeune âge à l’époque et de mon ignorance, cet article présente énormément de biais : attention ! À lire avec précaution et indulgence.
Si vous souhaitez approfondir votre lecture, et convoquer des sources fiables, et non pas des réflexions subjectives fortement préjudiciables, je ne saurai que vous recommander de regarder du côté des Œuvres complètes d’André Breton, circonstanciant le débat opposant les surréalistes à Albert Camus, ce dernier considérant la figure de Sade, comme de Lautréamont, sous le prisme nihiliste. L’ouvrage de Pierre Klossowski a également fait couler beaucoup d’encre, puisqu’il replace Sade dans un système de croyance chrétien, analyse répudiée par les surréalistes des années 1960. On y trouve en revanche une très belle analyse consacrée à la filiation sadienne. Annie Le Brun a écrit également l’ouvrage Soudain un bloc d’abîme, Sade ; d’autres intellectuels comme Maurice Blanchot se sont attachés à interroger Sade en tant qu’incarnation de la transgression. Concernant la censure des années 1950, Jean-Jacques Pauvert a dressé un historique et des témoignages de son procès pour outrage aux bonnes mœurs : il est intéressant d’y jeter un œil. On peut également pour commencer lire Dominic Marion et Éric Marty.
Bonnes lectures !
Bien cordialement,
L’autrice.