
Conférence (Lyon du 11novembre 2021)
Au terme de plusieurs années de recherches au Cameroun et de plusieurs tentatives d’initiation à la bi-vision, le Père Jésuite Eric de Rosny dans Les yeux de ma chèvre, tire plusieurs conclusions de ses travaux qui confirment bien l’idée que l’intelligibilité des peuples subsahariens réside dans la nécessité de lever le voile sur la double structure ambivalente physico-psychique de leur organisation sociale.
D’abord, son maître nganga a beaucoup hésité à lui faire franchir le pas de la vision du monde commun à celui d’une infra-réalité réservée à ceux-là qui sont nés avec des pouvoirs singuliers du cerveau. J’appelle l’appelle dans mes propres travaux de les savoirs-pouvoirs neuroniques. On comprend son découragement qu’il exprime en termes : « Il me fallut attendre ce 24 août, à quelques jours de mon départ, pour que tout d’un coup, je comprenne le sens de mon initiation, et la raison qui m’avait empêché de le saisir plutôt. L’initiation à la fonction de nganga[1]consiste à ouvrir les yeux du candidat sur les actes de violence qui se commettent autour de lui. Din me l’avait rabâché depuis des années. C’était l’évidence pour tous ceux, clairvoyants ou non, qui abordaient le sujet. Moi, je cherchais ailleurs. Il ne me venait pas à l’esprit qu’il faille une initiation pour oser regarder la violence en face. J’en étais empêché par un vice de culture, par l’incroyable peine que l’on trouve à entrer dans les vues des autres… »
Ensuite, après son initiation ou ouverture des yeux infra-sensibles qui renvoie à des facultés du cerveau, l’intelligence de cette réalité profonde des peuples subsahariens illumine alors sa conscience auparavant aveugle. Cette transmutation des pouvoirs de son cerveau conduit Eric de Rosny à faire les remarques suivantes : « Pitié pour l’étranger ! L’étranger doit compenser par une démarche intellectuelle sa cécité, son inaptitude à sentir et à réagir au diapason de ses hôtes. Il lui faut reconstruire ce que les autres possèdent par héritage. Je n’avais pas compris, jusqu’à l’intervention finale de Din, pourquoi il fallait la longue patience de l’initiation, ses peines et ses privilèges, pour accéder au spectacle de la violence. J’étais comme un élève obtus. Pourquoi une initiation, quand la violence s’offre quotidiennement et publiquement au plus commun des mortels ? Je ne savais pas qu’une pièce de l’édifice culturel des nganga me manquait pour en embrasser la vue. »
Enfin, désormais non seulement il la comprend dans toute son horreur, mais il la voit manifestement, au quotidien. Il pourrait même, s’il appartenait à une communauté, à une famille des peuples du Cameroun en devenir un acteur. Car en dehors des cercles familiaux, elle est inefficiente parce que, dans ce cas, elle ne peut se justifier. On ne tue que celui à qui on peut porter atteinte en vertu des liens de sang, jamais à un étranger. Mais, la violence n’est pas manifeste, comme Eric de Rosny le souligne par rapport aux sociétés occidentales : « Les sociétés européennes ont sans doute autant de raisons de craindre la violence que toutes les autres. Les gouvernements disposent de garde-fous de toutes sortes pour s’en protéger… La société moderne qui autorise des manifestations de violence, se privent des services de l’imaginaire et rend inutile l’initiation. » [p.362]
Contrairement à de telles organisations sociales, les peuples subsahariens s’emploient à voiler la violence comme s’il fallait la cacher aux yeux de la structure apparente pour empêcher une éventuelle rébellion des individualités susceptibles de la faire éclater. Pour son autoconservation, cette dernière structure craint les débordements. Dès lors, ces sociétés qui portent en elles-mêmes l’empreinte d’une violence essentiellement mortifère, malgré l’apparence visible harmonieuse mais trompeuse et dissimulatrice, sont fécondes dans la recherche des moyens efficaces pour la cacher. Je cite encore le Père Eric de Rosny, pour terminer sur ce propos introductif.
« Il m’a fallu du temps pour accepter ce paradoxe : la sorcellerie qui passe pour déchaîner les pires fureurs, peut être la complice de l’ordre établi et de la paix sociale ! Je ne suis pourtant pas le seul à l’avoir constaté : là où elle règne, les mœurs sont apparemment plus pacifiques, les enfants plus calmes, les bagarres à main armée, les suicides et les assassinats statistiquement moins nombreux. Ce n’est pas un hasard. La sorcellerie porte en elle-même ses propres antidotes : les antisorciers – devins, exorcistes et nganga. Le secret de sa réussite tient dans ses relations avec l’invisible, et le savoir de quelques hommes visibles, les initiés. Si le paroxysme de la violence n’est pas à la portée des yeux ordinaires, si les vrais conflits se jouent, et que les comptes se règlent dans les champs de bataille de l’invisible, il devient inutile de se livrer à des luttes aux yeux de tous. Autant de gagner pour l’ordre public ». Plus loin, il : « Je revois encore ces deux hommes, assis sur le même banc et se passant goulûment la même bouteille. Je savais, comme tous les autres convives, qu’une inimitié mortelle les séparait, car l’un était, en sorcellerie, le meurtrier présumé du fils de l’autre. A les voir ainsi ensemble, qui aurait pu le deviner ?
Voici la violence amortie, camouflée, détournée, sauf aux yeux des initiés, qui ont pour fonction de la regarder en face et d’agir sur elle, pour la sauvegarde de la société. Mais à quel prix ? ». J’ajoute par expérience : A prix de beaucoup de morts…
Cette introduction en référence à l’un des plus brillants anthropologues africanistes permet de comprendre pourquoi il ne saurait y avoir de prisons les peuples de l’Afrique noire. C’est ce que va éclairer l’organisation des Lyéla du Burkina Faso.
I – Les Raisons de l’absence de prisons dans les sociétés traditionnelles

Les Lyéla, considérés l’une des populations autochtones du Burkina Faso, ont une organisation clanique acéphale. Autant dire qu’ils n’ont pas de souverain parce qu’ils réfractaire toute forme de pouvoir, de soumission.
Chaque clan ou kwala est organisé de la manière suivante, avec une figure d’autorité morale sans contrainte physique.
1) le chef de l’enceinte éco-familiale : il apparaît comme la première figure de l’autorité la plus directe ou la plus concrète. C’est toujours l’aîné, soit dans la génération des pères soit dans celle des frères, soit enfin dans la génération des fils aînés, qui est autorisé à être chef d’un enclos familial.
Le kélé kébal qui exerce son pouvoir-moral essentiellement-en vue de préserver l’ordre dans sa cour, tente toujours de régler les affaires qui éclatent chez lui. S’il ne s’agit pas d’une simple querelle « domestique », celle par exemple entre les frères ou les femmes, qu’il ne peut résoudre, il la porte auprès du chef de son clan ou chef de l’autel du kwala. Si l’affaire dépasse les compétences de ce dernier, tel le vol ou l’enlèvement d’une femme dans le même village par un membre de son clan, il s’en remet au chef de l’autel de terre ou Kiè kébal. Celui-ci tente d’abord de la régler avec ses conseillers, en présence du kwala kébal du coupable lui-même, sans siéger sur l’autel de terre ou kiéku (littéralement « os de la terre« ). En cas d’un nouvel échec, alors on a recours au jugement de la terre. En général, ce dernier acte judiciaire coûte la vie au coupable.
Quelques règles d’interdiction à la vie de l’enceinte familiale :
– Il est même interdit, quand elle est assise, les jambes allongées devant soi, de passer par-dessus celles-ci. Quand une femme de clan entreprend de séduire un membre de celui-ci, par exemple un jeune célibataire, il doit prendre conscience, sans tarder, qu’elle en veut à sa vie. Dans ce cas, il importe d’aviser sa mère qui saura mieux le mettre en garde contre elle, et le dissuader du piège qu’elle lui tend.
– Il est interdit d’aller flâner du côté où les femmes des frères de la cour ou du clan ont l’habitude de se laver. En ce lieu, on risque de voir leur nudité et d’être tenté par l’une ou l’autre.
– Il est interdit de donner une tape affectueuse[2] dans le dos de la femme d’un frère de la cour, voire du clan, de s’isoler dans un endroit obscur avec elle. Cette situation pourrait susciter des soupçons préjudiciables, etc.
En cas de vol d’animal ou de poule dans la cour, à l’insu des anciens, on risque une lourde amende pour réparer le dommage causé dans l’ordre des choses. Si l’on s’y refuse, on court le risque de perdre sa propre vie. L’amende est la suivante : deux moutons, un coq, une poule, un poulet.
Toute punition consiste à payer une amende qui vise à réparer un dommage causé dans l’ordre et l’harmonie des événements ou des faits sociaux, ce qui nuirait autrement à la cohésion de la communauté. Mais on ne punit pas un être humain en l’emprisonnant, fait inconcevable d’un point de vue traditionnel. Toute punition est un exemple qui vise à dissuader d’autres individus de commettre les mêmes fautes.
2) Le chef du kwala ou clan (kwala k’ébal) est la figure tutélaire de l’ensemble des hommes et des femmes où qu’ils se vivent sur terre, portant le même patronyme, c’est-à-dire qui se reconnaissent comme les descendants du fondateur d’un clan.
Devant lui, tous les membres du clan sont tous égaux, quels que soient leur taille, leur force physique, leur fortune, le degré de leur richesse ou de leurs biens matériels ou intellectuels. Ils sont exactement comme lui-même, humbles devant l’autel du kwala Et tous sont soumis aux n’a soit les testaments oraux des ancêtres. Partout où ils peuvent s’installer, ils ne dépendent que d’une seule autorité : le sacrificateur du kwala qui est le primus inter pares, ou l’aîné dans la génération des pères parmi les anciens du kwala.
(L’autel du kwala, à l’instar de celui de terre, ne bouge jamais de son emplacement, de son lieu d’implantation, réalité fondatrice d’origine. Dès lors, tout homme en âge de sacrifier, quel que soit le lieu sur terre où il se trouve, est appelé dans son village d’origine pour accomplir cet office. On ne peut l’éviter en aucune façon par le choix de quelqu’un d’autre. En cas de refus, on signe son arrêt de mort. Car, avant même la tombée de la nuit, son âme sera livrée aux k’alé du kwala. Nulle personne sur terre ne peut empêcher cet acte d’annihilation « bio-psyché-phagique »).
On peut résumer en ces termes les compétences du chef de kwala. Il est chargé de :
– Recevoir les animaux servant de compensations martimoniales de mariage des filles du kwala et faire partager, de façon égale, leur viande entre les membres des concessions qui composent le kwala ;
– Recevoir le tribut des fils du kwala ;
– Régler les cas (rares) d’adultères à l’intérieur de son kwala ;
– Partager les portions de terre, possessions du kwala, entre les différents membres qui veulent créer de nouveaux champs ;
– Confier des portions de cet espace revenant au kwala, tant à l’intérieur du village que dans la zone sylvestre, aux amis ou aux familles (neveux, liens de dwi etc) des membres du kwala qui en sont privés et qui en font la demande, etc.
3) Chef de terre ou k’èkebal est, dans un terroir-village donné, l’autorité morale « suprême ». Car c’est la terre seule, sur laquelle tout repose, qui permet à tous les clans de vivre dans le même espace d’un terroir-village. Ce sont les membres des premiers kwala /clan à s’installer sur une terre donnée qui « deviennent les « possesseurs de la Terre » (…), c’est-à-dire qu’ils ont le privilège, mais aussi le devoir de faire des sacrifices à la Terre qui, en « réciprocité », donne aux colons ses richesses et sa permission de faire bon usage du terroir. Ces liens entre la Terre et les premiers occupants sont en principe indissolubles, mais ils peuvent être usurpés par des gens venus plus tard, si les premiers occupants sont totalement éteints[3] »
L’autel de terre, et/ou les puissances chtoniennes peuvent mettre à mort, selon la croyance répandue, tout coupable qui a enfreint ses lois.
Quelles sont-elles ?
a) En revenant ou en allant aux champs, dans l’espace du territoire villageois, il est strictement interdit de prendre un objet, œuvre de l’art humain, quel qu’il soit, que l’on trouve sur son chemin. Si on le récupère, on est tenu de le donner au chef de l’autel de terre afin de rechercher le propriétaire, s’il s’agit d’un objet perdu. En le gardant pour soi-même, cela signifie qu’on accuse les génies sylvestres, les djinnas chtoniens d’être les auteurs d’une telle prise. Dans ce cas, on encourt la mort. Même au sein du village, tous les objets perdus et retrouvés doivent être remis au chef de terre.
b) Il est interdit d’enlever la femme d’un autre clan (kwala gi kè ) dans l’enceinte d’un même terroir-village. Une procédure existe qui permet au chef de l’autel de terre et à ses pairs responsables, chefs de kwala et anciens vénérables, de ramener le ravisseur à la raison en restituant la femme à son mari. Il est, par une démarche officielle, averti deux fois ; la troisième fois s’accompagne d’une sanction : outre la restitution de la femme à son mari par la violence, le délinquant est condamné à sacrifier au moins un bovidé sur l’autel de terre. S’il est lui-même insolvable, le chef de la cour dont il est issu, voire de son kwala tout entier doit s’acquitter d’une telle sanction. Autrement, le coupable meurt et d’autres décès pourraient suivre jusqu’à ce que la dette soit acquittée.
c) Il est interdit d’avoir des rapports sexuels avec une femme[4] dans la zone sylvestre ou aux champs. Cet adultère conduit à des sanctions également sévères pour laver l’impureté commise aux yeux des puissances chtoniennes.
d) Un animal perdu, voire un bétail sur le territoire villageois dont on ne peut découvrir le propriétaire doit être conduit sur le k’é ku (autel de terre). Car ces animaux égarés ne peuvent être ni tués à des fins personnelles, ni même vendus. Dans l’intérêt de la communauté villageoise tout entière, ils doivent être offerts en sacrifice aux puissances chtoniennes ; sacrifice auquel les vivants et les vies silencieuses (défunts) prennent part ensemble. Dès lors, toute personne qui tente de tromper les puissances chtoniennes ou divinités infernales[5], en détournant, pour son propre compte, un bétail ou un animal trouvé[6], pourrait mourir.
Par-delà ces figures d’autorité morale ou de responsabilité juridique, il existe une instance sous-jacente, souterraine et invisible. Il s’agit de l’organisation des kialè[7] ou société secrète des sorciers considérés comme une instance suprême du maintien et de l’équilibre des pouvoirs traditionnels chez les Lyéla
Les Kialè sont des gardiens du Kwala redoutés par tous les membres de celui-ci.
En réalité, la finalité du collège des kialè est claire, malgré son mode judiciaire singulier et, à certains égards, quelque peu effroyable : réaliser et maintenir les niveaux de l’équilibre social, à la fois dans sa dimension familiale, clanique et territoriale, en tant que supra-organe invisible mais dont la réalité s’étend au-delà des frontières des territoires et des villages.
Sa loi est implacable en vertu de l’application des sanctions sans recours.

II- La justice réparatrice
L’ensemble de ces sociétés traditionnelles fonctionnent, d’un point de vue judiciaire, sur le principe de la justice réparatrice/ Celle-ci envisage le crime bien plus comme un acte contre une personne ou une communauté que contre l’État. Des procédures existent à tous les niveaux qui visent à trouver des compensations aux personnes lésées. C’est celui qui est reconnu coupable qui doit s’acquitter du montant des amendes. S’il est insolvable, sa famille est mise à contribution. Ceci explique pourquoi il ne saurait y avoir de prison dans ses sociétés. De nos jours, dans les zones urbanisées, et même dans des localités éloignées, des villes, voire dans les villes elles-mêmes, les délinquants pris en flagrant délit, sont tués par les victimes ou les membres de leur famille par les lois traditionnelles ne sont plus fermement appliquées. Car l’Etat tâche d’assurer le relais, comme il peut.
Donc, dans le cas d’un vol en ville, le salut du délinquant consiste à courir le plus vite possible pour mettre sa vie en sécurité dans une gendarmerie ou un commissariat.
Voici un exemple : Un exemple de punition d’un voleur à Bianouan (La Côte d’Ivoire) : il s’agit du cas d’un voleur qui a été pris en flagrant délit. Il était soupçonné d’être un voleur par des gens qui avaient été victimes des actes. Mais, n’ayant pas de preuve, personne n’entreprenait des actions de représailles contre lui. Un jour, il fut pris en flagrant délit de vol du magasin d’un commerçant. Il fut attaché, puis au lever du jour, il fut conduit à la cour du chef du village fortement ligoté. Il fut jugé et reconnu coupable suivant les usages et les procédures traditionnels avec commission de témoins et récupération des objets volés qu’il n’avait pas encore vendus. Les femmes, qui voulaient la tranquillité dans le village, se chargèrent de l’humilier publiquement de la manière suivante : elles versèrent sur lui leurs urines et leurs serviettes hygiéniques en crachant sur lui, etc. Puis il fut relâché. Couvert de honte et d’humiliation et reconnu publiquement comme voleur, il finit par fuir le regard inquisiteur d’autrui en fuyant le village définitivement.
Donc, la victime y joue un rôle majeur et peut y bénéficier de la part de l’auteur de certaines formes de réparation. La justice réparatrice prend différentes formes mais tous les systèmes ont quelques aspects en commun. Dans les crimes, les victimes ont l’occasion d’exprimer l’impact détaillé de l’acte criminel sur leur vie, de recevoir des réponses aux questions qui les hantent sur les faits et de participer à la mise en responsabilité du criminel pour ses faits et gestes. Les criminels peuvent raconter l’histoire du pourquoi du crime et quel effet il a eu sur leur vie. On leur donne une occasion de remettre les choses droites avec les victimes –dans la limite du possible- par certaines formes de compensation.
III- L’accueil des anciens prisonniers dans les familles en Afrique noire
Il faut souligner une donnée permanente dans la quasi totalité des pays de l’Afrique noire : celui ou celle qui est en prison n’est pas rejeté par sa famille. Heureusement pour ou pour elle : les Etats ne donnent pas des moyens financiers suffisants aux établissements pénitentiaires pour prendre en charge les publics. Comme vous le savez tous, en vertu de vos expériences sur le terrain, ce sont dont des membres de leurs familles qui assurent leur survie. C’est pourquoi, de nos jours, l’individu qui a fait la prison, par exemple à Abidjan, est accueilli dans sa famille et réintégré à sa place en tant que membre du groupe social. Suivant son statut initial (père de famille, célibataire, etc.,). S’il avait une famille, il retrouve son statut de père de famille : sa femme et ses enfants dont celle-ci s’est occupée pendant l’absence de son époux.
– En somme, il n’est pas banni parce qu’il a fait la prison ; il est seulement honni parce qu’il a commis une faute dont les dommages son sociaux.
– Les délinquants hors des villes et en cas d’un litige quelconque, s’il n’y a pas eu une plainte à la gendarmerie, à la police, etc., sont punis par la communauté, c’est-à-dire humiliés publiquement, puis relâchés pour être réintégrés dans le tissu collectif.
III- L’accueil des anciens prisonniers dans les familles en Afrique noire
– De nos jours, l’individu qui a fait la prison, par exemple à Abidjan, est accueilli dans sa famille et réintégré à sa place en tant que membre du groupe social. Suivant son statut initial (père de famille, célibataire, etc.,). S’il avait une famille, il retrouve son statut de père de famille : sa femme et ses enfants dont celle-ci s’est occupée pendant l’absence de son époux.
– En somme, il n’est pas banni parce qu’il a fait la prison ; il est seulement honnis parce qu’il a commis un faute dont les dommages son sociaux.
– Les délinquants hors des villes et en cas d’un litige quelconque, s’il n’y a pas eu une plainte à la gendarmerie, à la police, etc., sont punis par la communauté, c’est-à-dire humiliés publiquement, puis relâchés pour être réintégrés dans le tissu collectif.
Un exemple de punition d’un voleur à Bianouan (La Côte d’Ivoire) : il s’agit du cas d’un voleur qui a été pris en flagrant délit. Il était soupçonné d’être un voleur par des gens qui avaient été victimes des actes. Mais, n’ayant pas de preuve, personne n’entreprenait des actions de représailles contre lui. Un jour, il fut pris en flagrant délit de vol du magasin d’un commerçant. Il fut attaché, puis au lever du jour, il fut conduit à la cour du chef du village fortement ligoté. Il fut jugé et reconnu coupable suivant les usages et les procédures traditionnels avec commission de témoins et récupération des objets volés qu’il n’avait pas encore vendus. Les femmes, qui voulaient la tranquillité dans le village, se chargèrent de l’humilier publiquement de la manière suivante : elles versèrent sur lui leurs urines et leurs serviettes hygiéniques en crachant sur lui, etc. Puis il fut relâché. Couvert de honte et d’humiliation et reconnu publiquement comme voleur, il fini par fuir le regard inquisiteur d’autrui en fuyant le village définitivement.
La justice réparatrice
La justice réparatrice envisage le crime plus comme un acte contre une personne ou une communauté que contre l’État. La victime y joue un rôle majeur et peut y bénéficier de la part de l’auteur de certaines formes de réparation. La justice réparatrice prend différentes formes mais tous les systèmes ont quelques aspects en commun. Dans les crimes, les victimes ont l’occasion d’exprimer l’impact détaillé de l’acte criminel sur leur vie, de recevoir des réponses aux questions qui les hantent sur les faits et de participer à la mise en responsabilité du criminel pour ses faits et gestes. Les criminels peuvent raconter l’histoire du pourquoi du crime et quel effet il a eu sur leur vie. On leur donne une occasion de remettre les choses droites avec les victimes –dans la limite du possible- par certaines formes de compensation.

[1] Voyant et médecin traditionnel au Cameroun.
[2] En fait, c’est tout contact physique qui est rigoureusement interdit entre les hommes et les femmes d’un même clan. Toute communication avec une femme du Kwala doit s’effectuer oralement et toujours à distance. C’est même une cause de soupçon de se rendre seul dans la maison d’une femme du clan en dehors de sa propre cour. Le seul contact admis est de l’ordre des sanctions : un frère de clan peut « corriger » une jeune femme de clan si elle a commis une faute grave ostensible, non en lui portant la main sur le corps, mais en usant d’une flagelle.
[3]Nous avons signalé le cas où les derniers venus, parce que plus envahissants, plus puissants ou plus habiles, ont réussi à s’approprier le couteau sacrificiel de l’autel de terre. A titre d’exemples, on peut rappeler les Bassolé à Réo, les Bazié à Goundi etc.
[4]Cet acte d’adultère est insolite, voire inimaginable dans le contexte des Lyéla et de leur zone habitée : d’une part, le regard de l’autre est omniprésent et les lieux pour se cacher sont rares. Céder à une telle tentation, c’est s’exposer nécessairement à être vu. En outre, si la femme est sorcière, elle sera la première à dénoncer le coupable, son partenaire sexuel occasionnel, aux autorités de la nuit ou k’alé .
[5]Il s’agit des djinnas dont le mode d’existence les adapte à une vie souterraine comme d’autres trouvent, comme lieu de résidence, les espaces aquatiques, les troncs d’arbres, les collines, les cavernes etc.
[6]Sauf si cet animal pénètre dans une cour. Dans ce cas, il est tué et mangé par les membres de celle-ci. Mais, ceci donne toujours lieu à un repas en commun.
[7]K’alè ou kialè est défini par le Père François-Joseph Nicolas de la manière suivante : « Etat ou action du mangeur de double » (Glossaire L’Elé-Français, IFAN-Dakar 1953). Nous retiondrons cette définition des kialè dans laquelle il y a bien l’idée d’état ou d’action d’un ensemble d’individus sur d’autres dans la structure sociale des Lyéla. Nous préférons finalement ce terme au mot sorcier ou sorcellerie dont le sens est problématique en Français, en particulier, et dans le contexte occidental, en général.