In « Le 1/UN » N° du 134 -14 décembre 2016- « Jamais sans mon smartphone »

I- Les méfaits d’une addiction au portable
Qu’est-ce qu’une addiction ?
Selon Serge Tisseron, Docteur en psychologie, psychiatrie et psychanalyse, « l’addiction désigne la dépendance à des produits qui génèrent des états seconds auxquels le consommateur est invité à s’abandonner. La recherche du sens est totalement absente, le consommateur d’une substance cherchant avant tout à éprouver les effets de celle-ci. » Il en est de même des usages problématiques du Smartphone concernant les utilisations compulsives et pathologiques qui entrainent un sentiment de détresse et des difficultés physiologiques, physiques et sociales.
Pour comprendre comment nous avons perdu notre liberté par et dans les objets techniques, lesquels nous conditionnent et nous dominent totalement, il nous suffit de nous référer à l’exemple d’un élève face à sa professeure qui ne peut plus le raisonner.
« Madame, mon portable, c’est ma vie »
« Sur l’île déserte, disent- ils, ils n’hésiteraient pas une seconde : l’essentiel, l’indispensable tout-en-un, le smartphone, serait leur compagnon de solitude. D’ailleurs, lorsqu’il arrive qu’on en confisque un dont la sonnerie importune a malheureusement interrompu une lecture de votre poète préféré, l’enfant martyr est prêt à tous les compromis : « Oui, tout, madame, punition, heures de colle, ce que vous voulez, mais pas mon téléphone ! »
Et cette question qui fait frémir vos oreilles professorales : « Je fais comment moi maintenant ? » On comprend : comment se réveiller sans son alarme préprogrammée, comment s’habiller sans préalablement consulter l’appli météo, comment marcher jusqu’au collège sans sa playlist musicale dans les oreilles, comment apprécier les moments entre copains ou son déjeuner sans les prendre en photo pour nourrir son fil Facebook ? « Madame, je vous jure, mon portable, c’est ma vie. » Pas certain que le rétroéclairage illumine vraiment la vie de nos jeunes. Mais ne soyons pas plus royalistes que le roi, nous qui dégainons aussi le fameux appareil en guise de GPS, d’agenda ou même de coach sportif. À chaque génération son utilisation, c’est ce qui fait son succès. Reste que son usage, souvent addictif, n’est sans doute pas inoffensif à un âge où se forgent les identités. Deux mots s’imposent : « immédiateté » et « narcissisme ».
« Immédiateté » parce que, dans notre monde impatient, la technologie apporte des réponses instantanées à presque toutes les questions, pourvu qu’elles ne soient pas trop existentielles. On fait tourner le moteur de recherche davantage que son moteur cérébral. Outre les difficultés de concentration ou encore la baisse des capacités de mémorisation qu’entraîne la fréquentation trop assidue des écrans interactifs, d’un point de vue éducatif, on remarque surtout que se perd la hiérarchisation de la valeur de l’information. Les professeurs-documentalistes, entre autres, ont la tâche ardue de développer à l’usage des élèves une véritable méthodologie de l’identification et du tri des sources. Il n’est pas toujours évident de séparer le bon grain de l’ivraie et lorsque je les soupçonne d’entretenir davantage leurs connaissances des petits drames de la téléréalité et des people que leurs neurones, ils me rétorquent qu’ils sont aussi abonnés aux alertes de BFM… Une information livrée dans un instantané spectaculaire sans recul ni analyse critique. L’école se voit donc pressée d’intégrer cette nouvelle compétence à toutes les autres, d’autant qu’il est fondamental dans notre société égocentrique d’entretenir un regard d’ouverture clairvoyant sur ce qui se passe autour. Apprendre à voir plus loin que son « narcistick », comme ont été rebaptisées les fameuses perches à selfie.
L’adolescence est un âge où se cherchent et se dessinent les contours, une période où l’on se confronte au regard d’autrui avec le souci plus ou moins exacerbé de vouloir plaire. C’est là que le smartphone joue un rôle inédit dans la vie des nouvelles générations par rapport à celles des « vieux » qui avaient encore des Walkmans et dont les parents s’inquiétaient (eux aussi) du nombre d’heures que leur progéniture gaspillait devant le petit écran. Les jeunes ont désormais en permanence dans la poche un témoin pour prouver que leur vie est bien remplie, pleine d’humour et de sociabilité. L’identité ne se construit pas seulement dans l’affichage perpétuel d’un soi idéalisé, en morceaux choisis et séduisants ; elle est avant tout soumise à l’assentiment d’autrui, à la validation de la communauté, sous peine de la plus grande frustration.
En plus des devoirs et copies rendus parfois de mauvaise grâce, les adolescents se prêtent ainsi – plus ou moins volontairement d’ailleurs – à une autre forme d’évaluation. Il y a pire qu’une mauvaise note : un nombre insuffisant de likes sur le dernier post. On avait pourtant pris soin de maquiller les failles du système à grand renfort de filtres qui rendent les gens et le monde beaux à défaut de donner l’air intelligent.
Et maintenant, que faut-il faire ? Les règlements intérieurs sont stricts et salvateurs : les portables sont éteints passé la porte des établissements scolaires ( ?). Le reste du temps, il ne s’agit pas tant de verrouiller les écrans que d’apprendre à regarder lucidement à travers, prendre le temps du discernement dans ce monde qui à chaque seconde frappe à l’écran pour que, par ces fenêtres qui s’ouvrent sans cesse, on puisse saisir la ligne d’horizon ».

II-Répercussions des usages problématiques du Smartphone sur le bien-être de l’individu
Outre le problème de l’exposition aux ondes électromagnétiques, regarder l’écran d’un Smartphone, d’une tablette ou d’une liseuse électronique pendant une longue durée entraine des douleurs au niveau du cou ou encore des troubles musculo-squelettiques. En effet, le poids moyen de la tête est de 4,5 à 5,5 Kg. Dans la posture idéale, où on peut tracer une ligne droite entre l’oreille, l’épaule, la hanche, le genou et la cheville, le poids de la tête se réparti sur l’ensemble du corps. En regardant un écran, notre tête se désaxe vers l’avant et nous pouvons ainsi ressentir son poids jusqu’à quatre fois plus lourd. L’usage prolongé et excessif du clavier du Smartphone, peut aussi causer des douleurs musculaires au niveau du cou et du pouce, ce que les britanniques ont traduit par l’expression « text neck » ou encore « text thumb injury » et qui désigne en terme médical : la tendinite du pouce. Cette dernière est une inflammation de la gaine synoviale où cheminent les tendons reliant le pouce au poignet, qui est provoquée par une activité sollicitant l’utilisation répétée du pouce. Dans un article publié à «L’expansion», le Docteur Emmanuelle Rivoal, ostéopathe à Paris, affirme qu’elle reçoit de plus en plus de patients paralysés par ce type de douleurs. Elle fait part aussi de ses inquiétudes concernant la convergence visuelle due à l’usage excessif des écrans des Smartphones et des tablettes. Elle explique à cet effet, que la mobilisation permanente du muscle de la vision appelle d’autres muscles comme les muscles de la mâchoire, du cou, des épaules, etc. Ce qui engendre des fourmillements dans les doigts, la tendinite, les douleurs de la nuque et du dos, etc. Ce constat se confirme par le reportage de l’émission « 66 minutes » diffusé sur M6, le 7 Juillet 2013, où un ostéopathe a présenté un patient qui souffre de grandes douleurs musculaires au niveau des doigts et du cou engendré par un usage excessif du Smartphone. Mais aussi par l’intervention du docteur Philippe Collin, spécialiste en médecine de sport, dans l’émission radio de France Inter : « Smartphones et réseaux sociaux : les nouvelles addictions», où il a souligné que dans le centre de thalassothérapie Thalgo dans la Baule, ils ont mis en place une nouvelle cure qui s’appelle « Tech Neck » et qui a pour vocation de soulager les douleurs musculaires dues aux usages excessifs des technologies de l’information et de la communication. Ce qui reflète l’émergence de nouvelles pathologies en rapport avec cette époque d’hyper connectivité.

1) Incidences physiques
Par ailleurs, la focalisation du regard de l’usager pour une longue durée sur le petit écran du Smartphone peut engendrer une fatigue visuelle qui s’accompagne parfois par une insomnie. En effet, la lumière émise par les écrans du Smartphone ou des tablettes tend à réduire le désir de sommeil. Selon une étude américaine effectuée par « OnlinePsychologyDegree.net», la mélatonine communément appelée hormone du sommeil est réduite de 22% par tranche de deux heures d’exposition aux lumières d’un écran. Rester exposer à ces dernières tard dans la soirée aura tendance non seulement à repousser l’échéance mais également à moins ressentir le besoin de sommeil. Ce qui engendre, le lendemain dès le réveil, une sensation de fatigue et la perturbation du rendement de l’individu ainsi que sa capacité à se concentrer à la fois sur soi-même et sur les devoirs, la lecture d’un texte proposé à l’examen.
2) Incidences psychiques
Depuis l’avènement de la téléphonie mobile, des études scientifiques ont révélé que l’usage de ce dispositif n’est pas anodin pour la santé de ceux qui l’utilisent ainsi que ceux qui sont exposés en permanence aux ondes qu’il reçoit et qu’il émet. Avec l’émergence des Smartphones, ce problème n’a pas été résolu mais bien au contraire, l’usage du dispositif innovant pendant des durées de temps de plus en plus longues (étant donné qu’il offre plusieurs services et fonctionnalités) a augmenté considérablement le risque de la lésion de l’ADN cellulaire en raison de l’exposition du cerveau de l’usager aux radiations. Malencontreusement, ce genre de lésion peut provoquer des tumeurs cancéreuses qui peuvent être fatales pour l’être humain.
Les usages excessifs se développent considérablement pendant l’adolescence et pour la majorité des utilisateurs, ils constituent un état transitoire qui passe avec le temps. Pour d’autres, cette phase peut se prolonger sur une durée de temps bien longue et peut aussi devenir problématique dans le sens où elle marque l’état psychique de l’individu, influence le cours de sa vie et la construction de sa personnalité.
A cet effet, on peut constater que l’émergence de toute nouvelle technique s’accompagne d’une posture psychique, qui peut influencer le comportement de l’individu. En ce qui concerne le Smartphone, l’objet a cette spécificité d’être multifonctionnel, interactif et captivant. Il donne accès à tous types d’informations, il permet la distraction et le divertissement et surtout une forte interaction virtuelle et sociale. Le dispositif numérique peut représenter pour certains individus, une fenêtre ouverte sur le monde. Une fenêtre, à travers laquelle ils restent protéger dans leurs nids douillets tout en bénéficiant des interactions sociales du monde extérieur et en étant informé de tout ce qui se passe ailleurs. Immerger dans ce monde où la réalité et la virtualité se mêlent, s’entremêlent et se confondent, l’usager peut devenir dépendant de ce mode d’attachement sécurisé qui lui garantit l’excitation, l’intimité intense ou accélérée, la compagnie, l’absence de limites, le sentiment de contrôle et l’incarnation de l’idéal. Dans ce sens, Serge Tisseron explique ce phénomène en constatant qu’« un nombre important d’adolescents utilisent ainsi les espaces virtuels avec l’espoir de mieux installer en eux-mêmes les capacités psychiques qu’ils sentent défaillantes et dont ils pensent, à juste titre, qu’elles leur seront indispensables pour affronter les difficultés du monde adulte ».
Se laisser enfermer dans cette bulle où tout semble être plaisant et sous contrôle, peut engendrer des troubles de la personnalité, des troubles d’humeur et des troubles obsessionnels compulsifs où l’accès permanent au monde à travers ce biais devient primordial pour l’épanouissement et le bien-être de l’individu. La simple présence de cette fenêtre qui prend l’apparence d’un petit écran, le rassure, lui donne confiance en lui-même et lui permet de se sentir aimer et apprécier par les autres. L’attention et le temps investi par l’usager dans cette quête de réassurance et de soulagement d’une humeur dysphorique (sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété ou de dépression), n’est pas sans répercussions sur son environnement et sa vie sociale. Dans ce sens, Michel Lejoyeux (In Du plaisir à la dépendance, Nouvelles addictions, nouvelles thérapies, La Marinière, Paris), transmet l’anxiété ressentie par l’entourage des individus dépendants de leurs écrans en notant qu’« il n ‘est pas rare que des parents inquiets me demandent un avis ou une aide à propos d’un jeune rivé à son écran. Les plaintes sont presque toujours les mêmes : il ne leur parle plus, il délaisse ses études et ses amis. Il ne veut plus partir en vacances ni même sortir de chez lui». L’individu se sent ainsi tellement bien dans son petit monde qu’il refuse de le quitter, même l’espace d’une courte période, ce qui peut engendrer l’instauration de différents troubles, notamment, les différents facteurs psychologiques liés à cet usage compulsif de ce dispositif numérique ainsi que les motivations qui peuvent stimuler ce genre de comportement pathologique.
3) Incidences sociales

L’appréciation de l’immersion dans ce monde géré par la médiation peut amener l’usager à omettre son environnement réel et ses devoirs envers son avenir et son entourage proche. Dans ce sens, Antonio Casilli (In Les liaisons numériques, vers une nouvelle sociabilité ? Edit., du seuil, Paris) prend l’exemple de la connectivité à Internet et constate que « ces technologies, dont le but est d’établir une connexion entre les usagers, sont sans cesse accusées d’empêcher l’interaction authentique. Le temps passé à cliquer d’une page à l’autre sur Internet serait du temps soustrait à la rencontre du face à face avec nos proches, nos amis, nos partenaires. D’où nous vient cette idée que les échanges par les claviers interposés sont désocialisants ». Cette constatation est, dans une certaine mesure, juste. Cependant, elle ne peut être généralisée ni pour toutes les technologies ni pour tous types d’usages.
Néanmoins, l’usage problématique des nouvelles technologies de l’information et de la communication peut, dans certains cas, avoir des incidences conséquentes sur la socialisation de l’individu. Ce dernier serait plus tenté de s’isoler dans son monde que de passer du temps avec sa famille, ses amis et ses proches. Cet isolement social peut engendrer un appauvrissement du réseau relationnel « authentique » au profit d’un réseau relationnel virtuel. De plus, la forme de relation mise enjeu dans les espaces dits virtuels et celle de la confrontation avec un interlocuteur réellement présent est totalement différente. Serge Tisseron explique dans ce sens que « dans une confrontation réelle, la mise en présence est corporelle et les cinq sens sont impliqués. Nous pouvons voir, entendre, et, lorsque les conventions sociales nous y autorisent, toucher les personnes avec lesquelles nous entrons en relation. Au contraire, lorsque nous imaginons un interlocuteur, nous n’avons avec lui aucun lien de sensorialité, […] nous pouvons lui prêter toutes les attitudes et tous propos que nous désirons : il ne nous contredira pas, et pour cause ! La relation n’est ni réelle ni imaginaire. L’interlocuteur y est réellement présent mais à travers une seule modalité sensorielle, en général la vue ou l’ouïe ». A cet effet, prendre l’habitude d’interagir avec autrui par médiation, pourrait obstruer les interactions authentiques puisque l’individu devient particulièrement sensible et vulnérable aux aléas des relations sociales. On peut constater que certains jeunes aujourd’hui ont de plus en plus du mal à communiquer en face à face avec leurs proches et leur entourage, à exprimer leurs idées, à réussir des entretiens d’embauche et même à se concentrer sur leurs études. C’est à cet effet, que le nombre d’émissions télévisées qui traitent ce genre de problème a connu un essor considérable durant ces dernières années. Citons à titre d’exemple les émissions : «Pascal le grand frère» sur TF1, «C’est ma vie» sur M6, « Confessions intimes » sur TF1, etc.
A l’aune de ces constats, on peut noter que le principal impact négatif facilement identifiable et attribuable aux usages problématiques du Smartphone est la perturbation de la gestion du temps. Celle-ci peut, dans des contextes donnés, avoir des répercussions et des incidences négatives sur le bien-être social de l’individu et notamment, influencer ses performances scolaires et professionnelles. L’usager dépendant se retrouve hanté par ce désir permanent de se connecter à Internet, d’envoyer des SMS, d’utiliser ses applications préférées ; ce qui peut affecter ses préoccupations professionnelles et perturber sa concentration dans ses études. En termes médicaux, l’individu peut souffrir de troubles attentionnels ou encore d’hypomanie qui est une forme atténuée de la manie.
La mise en danger des relations sociales et affectives, de l’épanouissement professionnel ou scolaire de l’individu, de sa carrière, de son avenir peuvent nuire non seulement à l’individu mais aussi à son entourage. Impuissants devant une telle dépendance, ces derniers doivent intervenir et réagir, en demandant (s’il le faut) de l’aide à des spécialistes qui sauront aider l’individu à se libérer de ses comportements pathologiques.
III-Quelques chiffres sur le triomphe du portable aujourd’hui en France et dans le monde
58 % des Français possèdent un smartphone. La répartition des utilisateurs est très inégale : 90 % des 18-24 ans, contre 15 % des plus de 70 ans. Même s’il reste des réfractaires au mobile (8 %), l’équipement en téléphonie mobile dépasse pour la première fois celui en téléphone fixe.
20 millions d’appareils ont été vendus. Samsung (45%) ar Apple (22%) sont les leaders incontestés du marché français. Sony, Wiko, Nokia et LG suivent avec des parts de marché de 5% ou moins.
Les applications les plus téléchargés fin 2015 sont dans l’ordre : Messengers, Snapchat, Facebook, YuTube, WhatsApp,Candy Crush, Instagram, Vnete-privée, Clash of Clans, Shazam.
Les Français sont parmi les plus gros consommateurs de jeux et d’applications de mobilité et de voyage (Maps, SNCF, RATP, Uber, Blablacar, Airbnb, etc.)

DANS LE MONDE
–4,77 milliards d’utilisateurs de téléphones portables sur 7,3 milliards d’humains.
–1,91 milliard d’utilisateurs de smartphones.
-Les experts considèrent qu’il y aura 6 milliards d’utilisateurs en 2020.
–Les abonnés l’utilisent en moyenne 5 heures par jour.
-Le chiffre d’affaires généré par les smartphones est de 265 milliards de dollars.
–Principaux composants : plastique (20 %), aluminium (20 %), verre et céramique (20 %), fer (10 %), cobalt, étain, carbone, microdoses de lithium, nickel, plomb, titane, béryllium, etc.
–3 producteurs chinois (Huawei, Oppo, BBK Communication equipment) représentent en 2016 environ 21 % des ventes mondiales, surtout en Asie et en Russie.
LEXIQUE
-ALGORITHME
Ces outils mathématiques sont au cœur du fonctionnement d’Internet.
Ils permettent de compiler et d’organiser un nombre très important de données. On les utilise surtout pour rassembler des informations sur les utilisateurs et établir leur profil. Une fois ce profil établi, l’algorithme redirige l’utilisateur vers les contenus qui semblent le mieux lui correspondre.
-APPLICATION (APPLI, APP)
Vous voulez jouer, cuisiner, écouter de la musique, commander un taxi ? Le smartphone le permet grâce à ce qu’on appelle les applications, des programmes informatiques gratuits ou payants qui peuvent être installés en quelques secondes. Un smartphone n’est rien sans applis. Les applis constituent sa vraie plus-value.
-LE CLOUD COMPUTING (LE NUAGE | INFORMATIQUE)
Possibilité offerte aux particuliers et aux professionnels de stocker leurs documents, photos et données diverses, hors de leurs smartphones et ordinateurs, dans des espaces de stockage en ligne sécurisés, accessibles partout et à tout moment.
Site le plus consulté au monde après Google, Facebook est un réseau social créé en 2004 par Mark Zuckerberg. Il permet de communiquer avec ses « amis » (contacts), de créer des groupes, de partager et commenter des contenus. Au fil des années, Facebook est devenu une source d’information en continu sur tous les sujets, mais une déformation la plupart du temps qu’une réelle information par le simplisme de son contenu.
Service de partage de photos et de vidéos, Instagram a été racheté par Facebook en 2012. Son succès réside dans la possibilité de retoucher les images, d’appliquer des filtres variés et de commenter les contenus.
-NOMOPHOBIE
Contraction de l’expression no mobile phone phobia, ce mot-valise, inventé au Royaume-Uni en 2008, désigne la peur panique d’être séparé de son téléphone portable.
-PHANTOM VIBRATION SYNDROM (SYNDROME DU TÉLÉPHONE FANTÔME)
La sensation répétée d’entendre un téléphone sonner ou vibrer quand ce n’est pas le cas.
-PHONE STACKING
Accord passé par des collègues ou des amis, au début d’une réunion ou d’un repas, pour empiler les téléphones au milieu de la table en vue de dissuader les participants de trop les consulter. Traditionnellement, celui qui cède doit payer l’addition.
-PHUBBING
Né en Australie en 2012, ce mot est la contraction de l’expression phone snubbing. Il désigne le fait d’être si absorbé par la consultation de son téléphone qu’on en oublie les personnes qui nous entourent.
-ROAMING (ITINÉRANCE)
Le roaming est une fonctionnalité permettant d’utiliser, souvent à grands frais, les fonctions d’appel, d’envoi de SMS et d’accès à Internet de son téléphone en dehors du réseau couvert par son opérateur, en particulier à l’étranger. Il faut noter l’initiative de l’Union européenne qui a négocié, en 2007, l’instauration d’un «eurotarif», un prix plafond limitant les coûts du roaming pour les consommateurs européens.
Autres nouveaux vocabulaires techniques contemporains

-SELFIE
Le selfïe est un auto-porait photographique, traditionnellement pris avec un smartphone tenu bout de bras. Cette pratique s’est rapidement diffusée au début des années 2000 par le biais des réseaux sociaux. Depuis, le selfie a séduit de nombreuses personnalités politiques, culturelles et scientifiques.
-SELFIE PHONE
Developpé à la suite de l’engouement pour le selfie, le selfiee phone est un smartphone doté d’un second objectif photo, au-dessus de l’écran, assurant un meilleur cadrage du selfie. Il dispose également d’une bonne qualité d’image et d’outils de retouche.
-SEXT O
Contraction de sexe et de texto, le sexto est la version contemporaine de la lettre érotique. Dans les années 2000, il s’agissait d’un court message, souvent un SMS, à caractère érotique ou sexuel. Comme l’envoi d’images et de vidéos s’est banalisé, le sexto est désormais davantage visuel.
-SIRI
Il s’agit d’une application, développée par Apple, à laquelle on peut donner des ordres via le micro ou par écrit. Elle est capable de réaliser de nombreuses tâches : effectuer une recherche sur Internet, appeler un numéro, prendre des notes, et même soutenir une conversation (assez sommaire pour le moment). Comme ses concurrents Google Now et Cortana (Windows), Siri appartient à la famille des « assistants personnels intelligents », ou IPA.
-SMARTPHONE
C’est un téléphone portable disposant d’un écran tactile, d’un appareil photo numérique et d’un accès Internet, sur lequel on peut installer toutes sortes d’applications. En plus des traditionnels appels téléphoniques et SMS, on peut facilement activer d’autres fonctionnalités : lampe de poche, radio, pense-bête, lecteur multimédia, livre électronique, agenda… Le smartphone est devenu pour les utilisateurs un ordinateur miniature.
-SMONBIE
Contraction de l’expression smartphone zombie, ce néologisme décrit un piéton ayant les yeux rivés sur son téléphone, au point de négliger complètement son environnement immédiat. Ce terme a été élu « mot des jeunes de l’année 2008 » et « mot de l’année 2015 » en Allemagne.
-SNAPCHAT
Ce réseau social s’adresse surtout aux adolescents et aux jeunes adultes. Il permet de partager des Photos instantanées. A l’origine, les clichés diffusés restaient visibles seulement d’une à dix secondes. Snapchat a finalement introduit la possibilité d’enregistrer les images. De nombreuses entreprises ont intégré Snapchat à leur communication, afin de toucher un public jeune.
Créé en 2002, Twitter permet d’envoyer de brefs messages de 140 signes visibles par l’ensemble des internautes. Au-delà de son caractère ludique et social, Twitter permet également de témoigner et de commenter l’actualité en direct. C’est la plateforme privilégiée d’une nouvelle forme de journalisme.
Suite extraits du « Canard enchaîné »
Les effets néfastes des objets techniques sur le psychisme humain et le risque d’une dégénérescence universelle sous forme d’autisme

Les enfants-écrans sont déjà là
ON connaît la fameuse formule du regretté Jaime Semprun (« L’abîme se repeuple », L’Encyclopédie des nuisances, Paris 1997) : « Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : “Quel monde allons- nous laisser à nos enfants ?”, il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : “A quels enfants allons- nous laisser le monde ?” » On commence à entrevoir la réponse : aux enfants-écrans.
Ils n’ont même pas 4 ans. Ce sont « des enfants dans leur bulle, indifférents au monde qui les entoure, qui souvent ne réagissent pas à leur prénom (ce que l’enfant devrait faire à 9 mois), qui ne jouent pas avec les autres, qui ne s’assoient pas avec les autres, qui ne parlent pas, ou qui parlent en écholalie : l’enfant répète mot pour mot une question qu’on lui pose. » Inhibés ou très agités, ils ne comprennent pas les consignes les plus simples, hurlent ou se roulent par terre quand on leur oppose un refus, mordent, griffent, regardent fixement une lumière, jouent toujours avec le même jouet. Ces troubles du comportement, Anne-Lise Ducanda, médecin de PMI (protection maternelle et infantile) dans l’Essonne, en voit de plus en plus lors de ses consultations. C’est plus qu’une épidémie : une explosion.
Fin mars, elle a lancé une vidéo d’alerte sur YouTube. Puis, en compagnie d’une dizaine de pédiatres, de psychologues et d’orthophonistes, elle a signé dans « Le Monde » (31/5) une tribune sur l’émergence de cet « enjeu de santé publique majeur ». La cause de ces troubles ? L’exposition massive et précoce des bébés et des jeunes enfants à tous types d’écrans, Smartphone, tablettes, ordinateurs, consoles, télévision. Après cette alerte, le débat s’est ouvert chez les spécialistes pour savoir si ces troubles menaient ou non à une forme d’autisme. En tout cas, le constat n’est pas remis en question. Les tout-petits sont entrés dans un autre monde.
Et les chiffres ont de quoi sidérer : selon une étude de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (« Le Monde », 28/6), 44 % des parents prêtent leur Smartphone à leur enfant de moins de 3 ans pour l’occuper. Près de la moitié des moins de 3 ans utilisent un écran interactif pendant une demi-heure par semaine et 62 % des 4-14 ans vivent dans un foyer équipé d’au moins quatre écrans connectés. Chaque foyer français compte en moyenne 6,4 écrans. Et ça ne cesse d’augmenter. « La plupart de ceux qui me sont adressés passent six heures par jour devant leurs écrans », note le Dr Ducanda. Parle à mon écran, ma tête est malade !
« Pas d’écran avant 3 ans », conseillait pourtant, dès 2009, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Pas d’écran avant 6 ans, conseille, de son côté, le chercheur au CNRS Michel Desmurget. Lequel s’indigne que l’Académie des sciences n’ait toujours pas retiré son avis de 2013 indiquant que les tablettes tactiles sont utiles au « développement sensi-moteur » du jeune enfant.
Pendant ce temps-là, dans la Silicon Valley, les pédégés de Google et des autres géants high-tech tiennent prudemment leurs propres enfants loin, très loin des écrans… (« Le Canard enchaîné »- mercredi 5 juillet 2017)

Jean-Luc Porquet