DEUXIÈME PARTIE : L’ÉVANGILE AUJOURD’HUI

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IMAGE DE LA SAINTE TRINITÉ

MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE DE LYON

 EN VUE DE LA MAÎTRISE EN THÉOLOGIE

 PAR RÉMY DOUSSET

 EVANGILE DE PAUL ET INCULTURATION

 DIRECTEUR DU MÉMOIRE ROBERT BEAUVERY

 JUIN 1991

 CORRIGÉ ULTÉRIEUREMENT PAR PIERRE BAMONY

CINQUIÈME ÉTAPE : L’ÉVANGILE DE PAUL EN LANGAGE MODERNE

     La cinquième étape de notre parcours, tel que nous l’avons envisagé en introduction, nous propose maintenant de nous situer dans le monde dit moderne et d’y inculturer l’Evangile de Paul. Il s’agit donc de transposer le contenu de cet Evangile de Paul dans le contexte des cultures scientifiques, techniques, empiriques et, ce faisant, d’imiter Paul quant à ses initiatives courageuses d’inculturation.

 

   Reprenons donc les quatre propositions de l’Evangile de Paul et essayons de voir comment elles sont comprises par les scientifico-technico-empiriques qui nous intéressent.

     Pour éviter la répétition fastidieuse de ce long mot composé, je vais le remplacer tout simplement par le pronom personnel de la première personne du pluriel, puisque, après avoir travaillé scientifiquement et techniquement, empiriquement pendant près de quarante ans, je me crois autorisé à prendre fait et cause pour mes collègues.

  PREMIÈRE PROPOSITION : « PAUL, MINISTRE DU PLAN »

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SAINT PAUL ?

     « Paul est donc bien le témoin crédible du mystère du Christ qu’il annonce ». Ainsi se termine, à notre première étape, le paragraphe développant cette première proposition.

   Pour nous, empiriques, l’importance du témoin est capitale. Les théories philosophiques, métaphysiques et autres ne nous intéressent guère… Si certains d’entre nous ont été parfois séduits par le marxisme, parce que celui-ci prétendait expliquer scientifiquement les processus historiques, ils en sont bien revenus, grâce à la preuve expérimentale de la faillite des pays marxistes quant à leur économie, leurs prétendues démocraties et les malheurs de leurs peuples. Cette expérience confirme notre sentiment global : est vrai ce qui marche. Nous faisons nôtre la parole évangélique : « Voyez un arbre bon : son fruit est bon. Voyez un arbre malade, son fruit est malade. Car c’est à son fruit qu’on reconnaît l’arbre ». (Mt. 12, 33).

     Peut-on dire que l’Eglise catholique marche ? Ou qu’elle porte de bons fruits ?

   Les expériences et les témoins sont divers : certains crédibles sont bien connus : l’Abbé Pierre, Mère Térésa, Sœur Emmanuelle et certains autres, beaucoup plus discrets, vieux ou jeunes, qui ont consacré leur vie à Dieu et à leurs frères, et d’autres, encore plus discrets : simples laïcs dont la vie ne s’explique que par le souffle intérieur d’une grâce discrète… Les moines ont un certain prestige parmi nous, non seulement parce qu’on trouve chez eux des gens « bien de chez nous » (Le Prieur de la Grande Chartreuse, par exemple, n’est-il pas un polytechnicien ?), mais aussi parce qu’ils ont pris des options radicales, expérimentalement efficaces : « ça marche »…

     Le témoignage de la hiérarchie est, en revanche, beaucoup plus discutable !… Jean-Paul II est un personnage médiatique remarquable ; ses interventions en faveur des droits de l’Homme rejoignent les attentes des hommes de notre temps, encore que ce ne soient pas des témoignages exclusivement évangéliques ; et, surtout, ceux qui connaissent un peu l’histoire (inquisition, esclavage etc.,) trouvent que ces interventions manquent de modestie… Là n’est cependant pas le principal : deux choses nous semblent ôter toute crédibilité de cette hiérarchie, sympathique par bien des côtés :

     Le centralisme de l’autorité romaine : les Journaux ont porté à la connaissance de tout le monde que, depuis environ deux ans, les évêques et les enseignants catholiques doivent prêter un serment selon lequel ils accordent leur assentiment et leur foi à tout document émanant du magistère romain. Le Syllabus n’a fait l’objet d’aucune rétractation officielle ; il obligerait donc en conscience ? Ce centralisme bureaucratique est renforcé par les méthodes de nomination des évêques. Cela nous paraît d’un autre âge ! Pendant ce temps, le monde entier voit se développer un processus de démocratisation… Seuls, les partis communistes Français et Cubain conservent un autoritarisme comparable !

       Le scandale de la soumission intellectuelle au magistère trouve un exemple particulièrement pénible dans l’affaire de l’Encyclique Humanae Vitae. Le Père Congar lui-même n’a-t-il pas osé dire : « Par l’encyclique Humanae Vitae, la Papauté a perdu toute crédibilité ? »… Nous sommes en majorité des personnes mariées ; cette encyclique et l’obstination pontificale à la défendre ont blessé beaucoup d’entre nous. Développer ici la question serait beaucoup trop long…

     Nous pouvons donc résumer ainsi ce que nous suggère cette première proposition de Paul : Le témoignage d’un certain nombre de chrétiens authentiques prêche en faveur de la religion chrétienne et de l’Eglise Catholique. Pour l’opinion publique, malheureusement, la hiérarchie romaine compense négativement la crédibilité de ces témoignages.

   Il y a un autre aspect du témoignage : non seulement celui des actions, mais celui de la parole.

   Paul est tellement familier avec le mystère de Dieu, avec le Dieu mystérieux, le Dieu inconnu et inconnaissable, qu’il trouve (facilement, nous semble-t-il) les mots capables de nous présenter ce mystère et de nous y initier.

     Ce n’est pas toujours le cas des théologies et des théologiens. Les mots que ceux-ci emploient pour détailler le mystère de Dieu posent quelques problèmes aux chrétiens qui ne sont pas de la même culture. Les mots « économie », « analogie », par exemple, sont chargés de significations particulières à la théologie, très différentes de leurs significations dans le langage contemporain.

       Le problème n’est d’ailleurs pas propre à la théologie : il est général. Nous lisons dans un hebdomadaire français : « Spécialiste de l’intelligence artificielle…depuis le début de l’année, je suis en mission chez Bull pour un projet ambitieux baptisé Noémie. Notre équipe doit bâtir un système capable de traduire automatiquement le langage des commerciaux dans celui des techniciens. »

     Si une société importante paie une équipe d’informaticiens de haut niveau pour faire cette traduction, c’est que celle-ci est nécessaire pour le bon fonctionnement de l’entreprise. S’il est nécessaire de traduire (automatiquement ou non) le langage des commerciaux dans celui des ingénieurs, il doit être a priori au moins aussi nécessaire de faire un travail analogue pour faire passer du langage des théologiens à celui des ingénieurs et vice versa…

     Et cependant, il est nécessaire de prêcher l’Evangile à tous les hommes et à toutes les femmes, de toutes les cultures.

     Sans doute, certains chrétiens ont-ils le charisme de se faire comprendre… Le jour de la Pentecôte, les auditeurs n’entendaient-ils pas, chacun dans sa langue maternelle, les apôtres proclamant les merveilles de Dieu ? (Ac. 2,11). Et Paul écrit aux Corinthiens : « …à un autre, le don des langues, à un autre celui de les interpréter… » (1 Cor. 12,10)…

     Certains auteurs théologiens, même contemporains, donnent l’impression de cultiver un vocabulaire particulier, aussi abstrait que possible, compris des seuls initiés. (Cela n’est pas d’aujourd’hui : on connaît depuis des siècles les jargons corporatifs, tels que le « largonji du loucherbem. »). C’est un moyen d’affirmer son originalité par rapport aux non-initiés… On est tellement mieux, entre gens du métier… Il semble que Paul no soit pas tombé dans ce travers. Le style et le vocabulaire de ses épîtres étaient accessibles à tous leurs lecteurs et le sont encore.

     Si, comme nous l’indiquons plus haut, les deux premières phases de 1’inculturation sont : La rencontre de deux cultures, l’une porteuse de l’Evangile, l’autre supposée le recevoir et l’assimilation de cet Evangile par la culture réceptrice, la deuxième phase ne peut avoir lieu que si la première se fait correctement, c’est-à-dire si la culture porteuse de l’Evangile ne le présente pas dans un emballage hermétiquement clos. La culture qui présente l’Evangile doit faire des efforts pour se faire comprendre. Cela aussi concerne la crédibilité du témoignage !…

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JÉSUS ?

Il convient de citer ici ce que Paul VI écrivait dès 1975 •

« …Le règne que l’Evangile annonce est vécu par des hommes profondément liés à une culture et la construction du Royaume ne peut pas ne pas emprunter des éléments de la culture et des cultures humaines. Indépendants à l’égard des cultures, Evangile et évangélisation ne sont pas nécessairement incompatibles avec elles, mais capables de les imprégner toutes sans s’asservir à aucune. La rupture entre Evangile et culture est sans doute le drame de notre époque, comme ce fut aussi celui d’autres époques. Aussi faut-il faire tous les efforts en vue d’une généreuse évangélisation de la culture, plus exactement des cultures. »

     Plus récemment, J. Moingt disait :  » Si la tâche majeure de la théologie pour aujourd’hui est de rendre le christianisme pensable et vivable aux hommes de notre temps, cela veut dire qu’il a largement cessé de l’être… Le théologien doit donc se sentir spécialement en charge de 1’universalité du langage de la foi ».

       Les théologiens nord-américains font un effort en ce sens : ils écrivent leurs livres, même les plus techniques dans un style simple et clair, sans vocabulaire compliqué (exemple : R. Brown : plusieurs ouvrages sur Jean, son Evangile, ses communautés…) N’est-ce pas Paul Tillich qui a dit : « La pratique de la langue anglaise m’a appris qu’il n’est pas nécessaire d’être abscons pour être profond ? ». Les Paulist Press éditent, entre autres, une série d’ouvrages intitulés What are they saying about… » dans lesquels, sur un sujet donné, l’auteur analyse les positions des différents théologiens modernes (américains, européens ou australiens…) C’est facile à lire, et « up to date » ; édités à grands tirages, ces livres sont très bon marché, tant et si bien que dans la bibliothèque de très nombreux étudiants américains on trouve un rayon de livres de théologie : cela fait partie de la culture !…

     Rendre compte de notre espérance, le faire en termes aussi clairs que possible, c’est honorer notre interlocuteur ; c’est aussi honorer Dieu…

DEUXIEME PROPOSITION : LE PLAN DE DIEU

     « Ce mystère du Christ est un dessein éternel de Dieu :

   « Récapituler toutes les créatures dans le Christ-Jésus, crucifié et ressuscité, pour la gloire du Père, par l’action intérieure de L’Esprit. »

     Cette proposition nous plaît, car elle propose une vue synthétique du christianisme : le dessein éternel de Dieu nous donne à penser que Dieu est intelligent : Avant de créer, il sait ce qu’il veut faire. (Selon certaines théologies de la Rédemption, on aurait facilement l’impression que Dieu aurait été « dépassé par les événements ». Il faut bien remarquer que lorsque Paul parle de ce dessein de Dieu (que ce soit lui-même on Rom.8, ou le Doutéro-Paul, on Eph.1 ou Col.1.), le Dieu dont il est question est toujours Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus Christ, dont nous sommes les enfants adoptifs, « afin qu’il (le Christ) soit le premier-né d’une multitude de frères »… Certains théologiens avaient (ou ont encore ?) trop souvent tendance à partir de la théodicée et, sur la lancée, à oublier le mystère de la Trinité et sa place, son rôle fondateur dans ce qu’ils appellent l’économie.

     Quelques autres, plus rares, iraient parfois en sons inverse :

J’ai rencontré un vieux moine qui disait :  » Dieu ? Cela n’existe pas ! Le Père existe, le Fils existe, l’Esprit existe. » Ce faisant, cet  » homme de Dieu » (au singulier) ne faisait pas profession de trithéisme, mais il insistait bien sur la réalité de notre vie chrétienne. En effet, il n’y a pas de lieu (ni de « mode d’être ») dans lequel un homme pourrait se situer, assez loin de Dieu, pour pouvoir le considérer globalement – et s’adresser à lui unitairement. Par notre création-même, nous sommes impliqués, « branchés » dans la vie trinitaire ! Nous ne pouvons ni y échapper, ni « en faire l’impasse », « comme si »…

       Paul parle du Père, du Fils et de l’Esprit, sans employer le mot « Trinité » qui n’a pas encore été fabriqué pour les besoins de la cause. Mais, depuis Paul, les théologiens ont beaucoup travaillé et produit des tonnes d’ouvrages… Pour traduire Paul en langage d’aujourd’hui, nous ne pouvons éviter d’employer un certain nombre de mots et de concepts qui sont ancrés dans le savoir collectif chrétien. Depuis Augustin, en particulier, on nous a habitués à comparer Dieu, « pur esprit » à notre esprit. On pout aussi faire d’autres comparaisons, tout aussi bonnes et tout aussi imparfaites…

     En référence à Rom. 8 et Eph.1, nous dirons, en langage moderne, « Le Père crée les humains pour que le Fils, devenu l’aîné d’une multitude de frères, se trouve ainsi, en quelque sorte, « doué d’un corps qui développe son être »… en référence à Col.1, nous dirons que le Fils crée les mêmes créatures pour le Père, afin que ces créatures fassent tout pour la gloire du Père (Col.3, 17 et 1 Cor. 10,31). L’Esprit, « relation du Père et du Fils » (comme dira plus tard Victorinus, les crée simultanément, puisque le Père crée par amour pour le Fils et vice versa…

     Chaque créature humaine se trouve ainsi engagée, « branchée » dans l’intimité de la vie divine elle-même, par adoption, évidemment, (puisque c’est le terme) et non par nature…

       Cette ressemblance au Fils nous inciterait à traduire librement le texte de la Genèse (Gen. 1,26.) : « Faisons l’homme à la ressemblance de notre image »… Puisque, selon Col.1,15, Fils est « l’image du Dieu invisible »…

     Ce dessein éternel de Dieu a été marqué par la faute d’Adam. Paul en parle, particulièrement en Rom. 5 et 6 : « …de même que par un seul homme, le péché s’est installé dans le monde, et par le péché la mort… mais où le péché a abondé, la grâce a surabondé… » On ne peut pas ne pas en parler…

       Nous éliminons de notre esprit les théories de la Rédemption qui imaginent Dieu « dépassé par les événements » et supposent le Père exigeant de son Fils une « réparation »… Le « rachat » ne doit pas être pris au sens littéral du mot. Grégoire de Nazianze l’avait bien compris : « Si donc la rançon n’appartient pas à un autre qu’à celui qui nous tenait captifs, je me demande à qui et pourquoi elle a été payée. Est-ce au démon ? Quel scandale alors ! Ce ne serait pas seulement de la main de Dieu que le voleur serait payé, mais ce serait Dieu lui-même qu’il recevrait comme rançon… Mais si c’est au Père… quelle raison y a-t-il pour que le Père puisse trouver plaisir à voir verser le sang de son Fils unique ? …Il est manifeste, en tout cas, que le Père reçoit l’offrande non parce qu’il l’a exigée ou qu’il en a besoin, mais suivant l’ordonnance de ses desseins et parce que l’homme devait être sanctifié par l’humanité de Dieu… »

   Il faut d’abord bien noter que la solidarité du Fils avec les hommes n’est pas postérieure à l’Incarnation, elle en est la cause, elle commence dès avant la création. Dès l’intention de la création, nous sommes « un avec le Fils » pour le Père.

       Le mythe augustinien, repris par les scolastiques, d’un couple doué de toutes sortes de dons extraordinaires ne résiste pas à l’examen. La position d’Irénée me semble plus réaliste : « Mais l’homme était un enfant et il n’avait pas encore un jugement achevé ; c’est pourquoi aussi il fut facile au séducteur de le tromper ! et : « Ainsi Dieu pouvait donner dès le commencement la perfection à l’homme, mais l’homme était incapable de la recevoir, car il n’était qu’un enfant. »

     La faute d’Adam et Eve ne peut pas avoir été de tomber dans un « piège » tendu par Dieu : « Tu ne feras pas ceci ou cela. » Conception légaliste d’une religion naturelle : Adam aurait alors mérité ou démérité un « paradis naturel » (comparable à celui qu’espèrent les musulmans). Il ne faut pas oublier que ce que propose Dieu c’est de partager – par adoption – la vie de son propre Fils.

     A un moment donné de son existence, Adam se serait senti différent de ses quasi-congénères… Serait-ce au moment de sa rencontre avec Eve, en faisant la découverte d’un amour librement choisi ?… D’une façon ou d’une autre, Dieu leur aurait alors proposé d’être encore plus différents des autres créatures : de devenir ses enfants adoptifs… Adam et Eve, déjà émerveillés et comblés par la découverte de leur liberté, auraient décliné l’offre : ils s’estimaient assez beaux, assez heureux

naturellement… En effet, si Dieu ne pouvait pas demander à Adam et Eve la permission de les créer, il pouvait leur offrir d’accepter d’être ses enfants adoptifs. L’amour doit être accepté librement.

     Le refus d’Adam, à cause de son ignorance, de sa « bêtise » ou de sa finitude, n’aurait pas été considéré par Dieu comme définitif : la mort naturelle, biologique, laisserait-il1’âme en meilleure condition pour faire son choix.

   Cette hypothèse nous semble valable, car si nous considérons l’humanité dans son ensemble, nous devons constater un état de faits :

     Il y a une grande partie de l’humanité dont on ne parle pratiquement jamais (sauf le cas des Saints Innocents) : ceux qui sont morts sans avoir eu non seulement ce qu’on appelle l’âge de raison, nais le savoir et le vouloir nécessaires pour prendre une option qui engage l’éternité. Compte tenu de la mortalité infantile et des avortements, cette partie de l’humanité est beaucoup plus nombreuse que celle qui a vécu, et de loin !… Il ne faut pas éluder le problème, car il nous éclaire sur les autres cas. Plus de la moitié de l’humanité se trouve donc confrontée une fois pour toutes au mystère de la grâce offerte par le Christ. Cette confrontation peut donner lieu à une acceptation ou à un refus. En effet, ce choix, cette option est libre : ce ne peut pas être une acceptation « automatique » ; si c’était le cas, vivre serait non seulement un grand risque (le risque de refuser Dieu) mais presque une malédiction (et le terme de « faiseuse d’anges » prendrait un sens odieusement vrai!…)

       Le caractère de cette option, qui n’a pas à confirmer les choix moraux d’une vie antérieure est peut-être, justement, le renoncement à tout ce qu’il peut y avoir d’agréable, d’épanouissant, d’actif, de créateur, de naturellement bon, en un mot, à vivre sur la terre. Renoncer à tout cela, à toutes ces valeurs naturelles, pour entrer immédiatement dans la vie de la résurrection, meilleure par le don de Dieu, c’est, en quelque sorte, renoncer à sa nature propre ou, du moins, la faire passer au deuxième plan et lui préférer le don de Dieu. Ce serait, précisément, l’inverse du péché d’Adam…

   Quant aux autres humains, dans le cadre de la même hypothèse, celui qui a vécu dons l’ignorance de tout Dieu transcendant et n’a pour critère de vie que sa conscience, se trouve à la mort en présence de Dieu et doit choisir entre le refus de toute transcendance et 1’acceptation du fait que sa conscience était le faible écho d’un appel transcendant, que cette transcendance est personnelle et qu’il est, lui, homme, appelé à partager la vie éternelle de cet être transcendant…

     Celui qui a vécu dans la connaissance plus ou moins vague d’une transcendance, déité imprécise ou même « loi morale de l’absolu », devra accepter que cette transcendance ne soit pas abstraite mais Trinité de personnes à la vie desquelles il est invité à participer.

     Celui qui a vécu dans la connaissance d’un Dieu plus ou moins personnel, devra aussi accepter d’être invité à partager la vie de la Trinité.

     Ceux qui ont vécu un christianisme que j’appellerais incomplet, et ce sont malheureusement les plus nombreux : ceux pour qui le christianisme a été une religion plus ou moins familiale ou folklorique, ceux pour qui il s’est résumé en une morale « pour faire son salut », ceux pour qui il s’est limité à une morale sociologique ; ceux-là même qui ont cru pouvoir éviter toute relation personnelle avec Dieu en prenant pour alibi : « Je m’occupe de mon prochain, je fais donc ce que veut Dieu, cela me suffit et que cela lui suffise »…Tous ceux-là, comme les autres se trouveront à leur mort en face du vrai visage du Christ qui leur offre d’aimer le Père avec lui, sous la motion de l’Esprit, cet Esprit qui les guidait déjà, à leur insu…

     La mort, qui semblait être un châtiment, est devenue, on réalité, l’occasion de choisir Dieu.

   Notre hypothèse semblerait omettre le rôle du Christ, de sa mort et de sa résurrection. Il n’en est rien : ce n’est qu’une apparence. En effet, comme nous l’avons déjà dit, la solidarité du Fils avec les humains existe dès l’intention de la création. Le premier, le « grand Adam », c’est le Fils de Dieu ; l’autre, le « petit Adam », le borné, issu de la bête, a fait une bêtise… qu’il ne faut pas majorer : il a « manqué le coche »… Puis, sans doute, tout au long de sa vie, a-t-il commis d’autres erreurs, comme ses fils et ses filles en commettront tout au cours des siècles. (Sauf, bien entendu, la Vierge Marie). D’une manière ou d’une autre, chaque faute, chaque péché de la part d’un homme-pécheur est une façon de se préférer soi-même et de refuser la filiation divine.

       Le péché d’Adam, le premier en date, ne fut pas le seul péché, ni sans doute le plus grave parmi les péchés des hommes, encore qu’une façon de parler, par synecdoque puisse permettre d’en parler d’une façon globale : le péché d’Adam désigne ainsi tous les péchés du monde, à peu près comme « les fils d’Adam » désignent l’ensemble des humains…

     Quoi qu’il en soit, le vrai, le Grand Adam, celui qui rassemble en Lui toutes les personnes humaines dont il est, Lui, le modèle parfait (l’archétype, disent les savants) lui, se trouve en quelque sorte atteint, offensé, diminué par tous les péchés des hommes, et non seulement par le premier péché du premier homme. D’une certaine façon, c’est précisément la solidarité avec lui qui est refusée par le péché d’Adam (unitaire ou « global »). Si nous refusons d’être ses frères, nous refusons aussi d’être des fils vivant pour le Père. Le Fils de Dieu assume donc et amplifie encore sa solidarité avec tous les hommes : Il « endosse » lui-même une humanité (un corps et une âme, mais non une personne, puisque chaque personne humaine est une pâle imitation de sa personne à lui). Toute sa vie durant, il agit absolument comme l’homme qu’il est. Il parle de son Père en termes non équivoques et, parce que devant le Grand-Prêtre, il s’affirme Fils de Dieu, il meurt sur une croix. C’est bien ce que Paul dit aux Philippiens (même si le texte de l’hymne n’est pas de lui)… Il faut toutefois faire une remarque : “Le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort… » Cette obéissance ne s’adresse pas au Père, qui imposerait un tel sacrifice à son Fils (la volonté divine du Fils est toujours identique à la volonté du Père). Cette obéissance concerne la volonté de l’humanité, qui obéit à la volonté du Fils éternel (chaque nature ayant sa volonté).

     L’homme -Jésus meurt par amour pour son Père du ciel ; il est alors de cet amour des hommes pour le Père le premier des témoins qu’on appellera martyre… En tant que l’aîné, le modèle solidaire de tous les humains, Jésus affirme sa filiation divine et meurt à cause de cela ; ce faisant, il fait beaucoup plus que de compenser le péché du « petit Adam ». Non seulement il sert de modèle à tout les hommes, non seulement il “compense », mais il « entraîne » avec lui tous ceux qui manifesteront leur foi en lui, c’est-à-dire accepteront d’être ses frères. Qui croit en Jésus Christ, premier-né entre toutes les créatures, s’associe à lui et devient fils adoptif du Père : Paul nous dit : “C’est la foi en Jésus-Christ qui sauve. (Gal. 2,16.)

     Nous essayons de percevoir la cohérence de ce mystère, mais Incarnation et Rédemption resteront toujours des mystères. La présentation apologétique de notre foi et de notre espérance peut essayer de les rendre acceptables et accessibles dans une certaine mesure, mais il y aura toujours ce « Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens… » (1 Cor. 1, 23).

       Si la foi au Christ nous procure le salut, à quoi servent donc “les oeuvres » ? -Les oeuvres ne servent pas à notre salut : elles servent à glorifier le Père. Je ne fais pas de bonnes oeuvres pour me sauver, mais parce que je suis sauvé par le Christ. « Quoi que vous fassiez, manger, boire, ou toute autre chose, faites tout pour la gloire du Père » (1 Cor. 10, 31).

   Les querelles historiques entre pélagiens ou semi-pélagiens et augustinicns, puis entre jansénistes et jésuites partaient d’un problème mal posé : « La grâce de Dieu est-elle plus ou moins ou aussi efficace que la volonté de l’homme pour que celui-ci fasse son salut ? » Ce problème n’a pas de réponse, car il ne se pose pas. On ne fait pas son salut, on le reçoit. Il n’est pas de l’ordre du faire, mais de l’être. Dieu n’est pas un moyen, un aide que je mettrais à profit pour « faire mon salut ». Le chrétien reçoit aujourd’hui du Fils la justification par la foi, gage du salut à la Parousie. Cette justification le fait déjà fils adoptif qui partage avec le Fils l’objectif d’étendre le Règne du Père, de faire sa volonté, de glorifier son nom. Le bonheur éternel n’est pas le « salaire » d’un mérite péniblement acquis. Qui donc oserait penser qu’il puisse revendiquer de mériter par ses propres actions d’entrer dans l’intimité de Dieu ? « Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances de ce temps et la gloire qui doit se révéler en nous. » (Rom. 8,18). Le bonheur éternel, c’est le bonheur totalement immérité du fils prodigue qui a conscience d’être la cause de la joie du Père !… Les oeuvres sont action de grâces, eucharistie, pour employer un mot ecclésiastique…

     Evidemment, tout être humain peut refuser l’offre qui lui est faite d’être fils adoptif. « Péché d’humanisme intégral », orgueil contre le don gratuit de Dieu. Possible, mais rare sans doute, ce refus d’être enfant de Dieu est, finalement, le refus d’être. L’enfer serait alors tout simplement le retour au néant de celui qui, librement, refuserait d’exister, puisque, précisément, pour les humains, il n’y a pas d’autre existence éternelle que celle d’être fils adoptif de Dieu.

       Faire les oeuvres pour se sauver n’est d’ailleurs pas une motivation aussi efficace que de les faire par amour pour le Père.

       Il y a environ un demi-siècle, nous étions un certain nombre de camarades à préparer la deuxième partie du baccalauréat… Prétextant que nos études étaient « secondaires », noue travaillions avec un certain dilettantisme, juste assez pour être reçus avec la mention « passable”. Dsns un autre établissement, travaillait un lycéen dont la mère, veuve, travaillait dur pour faire vivre son fils et lui payer des études… L’un de nous découvrit involontairement un billet glissé sous le papier bleu recouvrant un livre de ce garçon : « Ma petite maman chérie, je te promets de réussir mon bac mathélem avec la mention Très Bien. » Il eut en effet sa mention Très Bien et a continué de brillantes études… Nous faisions notre salut, passablement, lui travaillait par amour et gratitude pour sa mère…

       « C’est l’Esprit lui-même qui nous dit que nous sommes enfants de Dieu » (Nom. 8,16.) et nous pousse à nous comporter on tant que tels. Il nous rend capables d’aimer le Père comme son Fils, d’un amour bien plus grand que la capacité propre de notre coeur !…

   Certes, la loi morale existe : « Cette double exigence prend pour le chrétien tout son sens, celui d’exprimer sa condition de fils de Dieu, pouvant trouver en lui-même, dans sa conscience, le contact éthique avec Dieu, mais en même temps condition d’un fils adoptif qui reste faible – et fragile, éprouvant alors le besoin d’une médiation visible, d’un repère objectif, dans sa démarche tâtonnante « per spéculum et in aenigmato », médiation d’une loi, qui l’invite à accéder librement à la nécessité qu’elle formule, pour une réponse à un amour toujours plus exigeant ».

TROISIEME PROPOSITION : LE CHRIST-TOTAL ET SES MEMBRES

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PEUPLE DES CHRÉTIENS ?

     « Ce dessein du Père à l’égard des hommes implique que chaque créature humaine est intimement liée au Christ dont elle est l’un des membres. »

     La tête, c’est le Christ, le corps, c’est l’Eglise.

   La comparaison, issue de l’apologue do Monenius Agrippa, a encore cours dans les mentalités modernes. La Fontaine l’a reprise dans sa fable « Les membres et l’estomac », mais elle pose des problèmes aux hommes d’aujourd’hui.

     Notre empirisme nous conduit à porter nos jugements en fonction des faits. Or les faits ne sont pas toujours favorables à l’Eglise. Ne revenons pas sur le critère de la crédibilité dont nous avons parlé plus haut, au sujet de la première proposition de l’Evangile de Paul. Il s’agit, plus fondamentalement peut-être, de savoir s’il y a unité entre le Christ et l’Eglise (« Il me semble que c’est tout un », disait Jeanne d’Arc), mais aussi dans l’Eglise elle-même. Ne parlons pas de la division des Eglises chrétiennes ; ne considérons que l’Eglise Catholique. L’Eglise Catholique semble composée de deux sortes, au moins, de personnes. Cela est sensible à la fois dans l’organisation générale et dans la liturgie et les sacrements.

       Pendant des siècles, l’Eglise catholique a pratiqué le culte dans une langue morte. (Comme les Juifs avec l’hébreu et – différemment – les musulmans non-arabes avec l’arabe). Le caractère cabalistique des textes sacrés dispensait les fidèles de les comprendre… On a vécu pendant des siècles de cette façon, puis, au Vingtième siècle, on a diffusé des missels avec des traductions et, enfin, vers le milieu de ce siècle, on a abandonné le latin pour les langues vulgaires. Cela a choqué beaucoup de personnes ! Si le latin n’était pas idoine, comment a-t-on pu, sans s’en apercevoir, le conserver pendant des siècles ? Or, on sait aussi que le clergé employait le latin pour l’enseignement de sa théologie dans les séminaires… De là à penser que l’emploi du latin était un moyen, pour les clercs, de s’assurer l’exclusivité du savoir et la domination intellectuelle sur le petit peuple, il n’y a qu’un pas. On sait qu’autrefois, jusqu’en 1789, il y avait le haut clergé, le bas clergé et les « ouailles »… Il ne reste plus aujourd’hui qu’un seul clergé (avec des différences internes notables), presque aussi éloigné de ses « ouailles »…

   La comparaison de Paul, aux Corinthiens (1 Cor. 12,12-29.) et aux Romains (Rom. 12, 4-5) insiste sur l’unité du corps… « Dieu a disposé le corps de manière à donner davantage d’honneur à ce qui en manque, pour qu’il n’y ait point de division dans le corps, mais qu’au contraire les membres se témoignent une mutuelle sollicitude. » Aux Ephésiens, le Deutéro-Paul est plus précis : « Le Christ est la tête et les chrétiens les membres » (Eph. 4,15.) S’il y a une hiérarchie entre la tête et les membres, il ne semble pas y en avoir entre les membres… Or, que voyons- nous ? Une Eglise hiérarchisée à outrance ! Le fidèle, le diacre, le vicaire, le curé, 1’archiprêtre, le vicaire général, l’évêque, l’archevêque et le Pape, avec ses cardinaux. L’autorité centrale romaine contrôlant tout… Le Pape a personnellement autorité sur tout, même sur les biens matériels dans le monde entier (de l’Eglise latine) : « Le Pontife Romain, en vertu de sa primauté de gouvernement, est le suprême administrateur et dispensateur de tous les biens ecclésiastiques ». (Canon 1273.)

       Cette hiérarchisation est manifestée par toute l’organisation de 1’Eglise. Pendant des siècles, dans de nombreuses églises, le peuple était séparé de l’autel par un immense meuble transversal appelé « Jubé ». La signification même des textes et des rites, accessibles aux « initiés » est devenue de plus en plus cachée pour les simples fidèles.

   Cela se manifeste en particulier à l’occasion des sacrements :

     Une rondelle de pain à cacheter est censée représenter un morceau de pain comestible (le vrai pain se compose de mie et de croûte…et le « fidèle lambda » ignore l’histoire des pains azymes…) lui-même supposé représenter un repas qui symboliserait la convivialité à laquelle nous invite le Christ et dont sa grâce nous rend capables. « Que vous mangiez, buvez, ou fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire du Père. » (1 Cor. 10, 31). La signification de cette cascade de symbolismes échappe à de pauvres gens habitués aux significations immédiates des choses matérielles. J’en manifestai un jour mon regret à une docte personne. La réponse fusa catégorique et condescendante : « Vous devriez lire Paul Ricoeur ! » – Je veux bien lire Paul Ricoeur et quelques autres théoriciens du symbole (J. Vidal, M. Eliade, J, Ries…) Mais je persiste à penser que le Christ, en instituant l’Eucharistie, employa des symboles qui n’avaient pas besoin d’explications littéraires…

      D’autre part, si 1’Eglise est vraiment le corps mystique du Christ et le peuple de Dieu, comme l’affirme le Concile Vatican II, pourquoi les textes officiels récents identifient-il l’Eglise à la hiérarchie romaine ?

     Le milieu scientifique et technicien reconnaît et privilégie l’autorité de la compétence. L’autorité hiérarchique, plus ou moins artificielle, ne le convint ni ne le séduit. Les esprits scientifiques et techniques, avec leur empirisme fondamental, seraient peut-être convaincus, ou, du moins plus ou moins séduits par une Eglise qui, pour prétendre être le corps du Christ et le peuple de Dieu, réduirait ses appareils hiérarchiques au minimum, avec un fonctionnement collégial, sinon démocratique, à tous les niveaux. Une hiérarchie qui ne serait ni plus ni moins sévère pour elle-même que pour son peuple. En particulier, si elle exige l’aveu des fautes pour en octroyer le pardon, qu’elle demande donc pardon publiquement et humblement à son peuple et au monde entier pour toutes ses fautes passées. Au début de chaque liturgie eucharistique, « nous reconnaissons que nous sommes pécheurs »… Quel évêque, quel pape osera commencer cette liturgie en demandant pardon, publiquement, pour les fautes publiques de l’Eglise Catholique ? Seul, un geste de Paul VI à l’égard du métropolite Méliton, représentant d’Athénagoras, le 7 Décembre 1965, a été une petite amorce dans ce sens.

       Ceux d’entre nous qui ont conscience de faire partie de l’Eglise catholique trouvent la situation particulièrement inconfortable, puisque leur empirisme est mis en contradiction : L’Eglise se prétend le corps du Christ et – pour notre foi – elle l’est, mais les faits la montrent autrement : un grand « machin » hiérarchiquement organisé autour d’un gouvernement central (qui coûte des millions de dollars), qui a commis de nombreuses et graves erreurs, les reconnaît implicitement, s’absout toujours, mais ne les reconnaît pas explicitement et prêche la morale au monde entier… Exemple typique : pendant près de cent-cinquante ans, la hiérarchie romaine a fulminé contre les Droits de l’Homme publiés en 1789 par la Révolution Française. La liberté de conscience fut appelée « un délire » par Benoît XV (pape de 1912 à 1921). Et puis, aujourd’hui, le Pape Jean-Paul II, dans ses messages du Nouvel An, prêche au monde entier la morale de la liberté religieuse…

QUATRIEME PROPOSITION : « POUR MOI, VIVRE, C’EST LE CHRIST ! »

     « Cette solidarité, Paul, le premier, en vit, amoureusement, dans tout son comportement ».

     Cette quatrième proposition introduit dans le domaine de la vie intérieure de Paul. Il en parle relativement peu, mais en des termes qui laissent entendre que, parmi tous les grands mystiques qui ont vécu le mystère chrétien, Paul est certainement l’un des plus remarquables. (En date, évidemment, le premier connu…)

   Le langage ecclésiastique a, au cours des âges, développé un vocabulaire typique concernant la vie intérieure des chrétiens. Par exemple, on assimile abusivement les expressions « vie contemplative » et « vie monastique » : on dit « les contemplatifs » pour désigner certains ordres ou certaines congrégations… Or tout chrétien est appelé à une certaine vie contemplative – au moins élémentaire – dès ici-bas et la vie future de toute créature unie à Dieu sera essentiellement contemplative. Et déjà, dans le réel, un certain nombre de vieillards, un certain nombre de malades et bon nombre de prisonniers sont appelés à  doc formes diverses de contemplation.

     Ce genre de vie, vécue par ceux qui ont délibérément privilégié les relations personnelles avec Dieu ou qui ont, du moins, accepté d’y être invités par les faits, n’est pas essentiellement et d’abord une activité intellectuelle consistant à contempler Dieu comme un astronome contemple le ciel étoilé. Il s’agit plutôt, dans les faits, d’une aventure mystique, impliquant un appel de Dieu et une réponse de l’appelé. Cet appel serait apparenté à celui que – plus haut – nous avons supposé reçu par le « petit Adam » : non seulement être fils adoptif de Dieu, mais cultiver cette relation. Cette aventure entraîne, chez l’appelé, le besoin incoercible de connaître chaque jour davantage celui qu’il aime. Dans les faits, le discours intellectuel de la recherche et de la connaissance se confond plus ou moins avec le discours amoureux de la prière.

       Cette aventure, vécue par des chrétiens avec l’Esprit de Dieu, ne connaît d’autres règles que celles du bon vouloir de l’Esprit qui souffle où il veut, quand il veut, comme il veut. On sait toutefois que certains de ces « aventuriers de Dieu » ont parlé de leurs expériences. Beaucoup plus nombreux, sans doute, sont ceux qui n’ont rien fait savoir… D’après ceux qui ont parlé ou écrit, on peut remarquer différentes phases ou modalités typiques de ces expériences… Certains sont saisis par le mystère des épousailles mystiques du Christ et de l’âme du baptisé. (« Je vous ai fiancés à un époux unique… » 2. Cor.11, 2). Depuis le Cantique jusqu’à Jean de la Croix, la littérature mystique a fourni des exemples multiples de cette mystérieuse union du Christ et de l’âme… (Encore que, pour nos mentalités modernes, « la nuit obscure » rime trop bien avec « littérature »…) Ceux qui vivent les mystérieux émois de l’amour qui se révèle et se cache à la fois en parlent peu : cela fait partie de l’intimité de l’époux et de l’épouse !…

       D’autres sembleraient avoir dépassé ce stade de l’émerveillement et du partage amoureux : ils semblent avoir pratiquement « oublié » ou « remisé » leur propre personnalité pour n’accorder d’importance qu’à celle du Christ et a ses relations au Père. C’est bien ce que Paul semble vouloir faire comprendre en disant :  » Pour moi, vivre, c’est le Christ » (Phil. 1, 21.) ou : » Je ne vis plus, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal. 2, 20). Il semblerait toutefois que cette phase ou modalité de la vie mystique ait moins inspiré de littérature et c’est très logique. Le chrétien a alors effectivement offert au Christ sa personne comme une « humanité de surcroît » pour aimer le Père.

       Ce genre de vie est sans doute plus normalement pratiqué par ceux qui sont dans un état de vie spécialement favorable, mais l’Esprit souffle où il veut… S’il est vraisemblable que le nombre de tels « aventuriers mystiques » est plus élevé dans une grande communauté de moines ou de moniales que dans une paroisse urbaine, il est non moins vraisemblable de penser que Dieu appelle à ce genre d’aventure des hommes et des femmes anonymement dispersés dans le monde, tout au long des siècles.

       Paul vivait cette vie au milieu de ses voyages multiples et accidentés… (Sans doute un peu comme le Fils du charpentier de Nazareth vivait en union avec son Père du ciel au milieu de sa famille et de ses travaux professionnels.)

     Qui plus est, Paul fait de brèves allusions à des révélations et visions plus exceptionnelles ( 2 Cor. 12, 1-6. Gal. 2, 2. Act. 22, 17.) Son cas sort ici de ce qui peut être considéré comme exemplaire.

     Quoi qu’il en soit, sans prendre en considération ces révélations extraordinaires, ce que Paul nous fait comprendre de sa vie intérieure nous indique une vie mystique authentiquement chrétienne, c’est-à-dire associée au Christ, pour le Père, sous l’impulsion de l’Esprit, celui qui nous fait crier : « Àbba, Père !… »

       Et nous voici, d’une certaine façon, de retour à notre point de départ, du moins en ce qui concerne Paul : L’apôtre Paul est un témoin crédible de l’Evangile qu’il annonce, non seulement à cause de ses activités apostoliques maie aussi parce qu’il en vit lui-même intensément intérieurement. Et, aujourd’hui, trouver d’autres chrétiens authentiques, dans tous les milieux et dans toutes les cultures ne devrait pas poser de problème à 1’Esprit-Saint…

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LA CROIX, SYMBOLE DU SALUT DE L’HUMANITÉ ?

NOTES DE LA CINQUIEME ETAPE

(1) Le Point. N°921. 14/5/1990, p.1?2.

(2) Largonji du loucherbem = Jargon du boucher : première consonne remplacée par « l » et reportée, avec variantes, enfin du mot.

(3) Même si l’auteur de 2 Pierre y trouve « quelques points obscurs »..,(2 P. 3,15)

(4) PAUL VI : Exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi « , Rome, 18 Décembre 1975. D.C. N° 1689, 4/1/1976.

(5) MOINGT J. « L’acte théologique -Eléments d’épistémologie. » LYON, Profac. 1991.

(6) Exemple : ANSELME, avec les « débiteurs insolvables », auxquels se substitue le Christ.

(7) Cf. Ce qu’en dit Karl RHANER dans Mysterium Salutis . Dogmatique de l’histoire du salut, Paris, Cerf. 1969. Tome 6, p. 17 ss.

(8) Dom Germain Barbier, Abbé d’Encalcat.

(9) Voir, en Annexe 2, un essai de présentation moderne de la Trinité.

(10) VICTORINUS Marcus : Traités théologiques sur la Trinité. Sources Chrétiennes 68 et 69. Trad. P. Hadot, Paris.

   I960 :  » Adesto, Sancte Spiritus, Patrie et Filii copula.

                » Tu, cum quiescis, pater es, cum procedis, filius,

                  » In unum qui cuncta nectis, tu es sanctus splritus ».

(11) GREGOIRE DE NAZIANZE : Homélie pour la fête de Pâques. Cité dans « Homiliaire patristique », Lex Orandi N°8, Paris Traduction : J.P. Bonnes. Cerf. 1949, p. 219.

(12) THOMAS D’AQUIN : Somme Théologique. Ia. Q. 94 à 101.

(13) IRENEE : « Démonstration de la prédication apostolique », S.C. N° 62 Paris, Cerf. 1959, p. 52 (N°12)

(14) IRENEE Contre les hérésies. » IV. 38, 1 Traduction Rousseau, Paris. Cerf. 1984.

(15) Le thème du Péché Originel fait partie des sujets à l’ordre du Jour. Il faut avoir lu :

     DUBARLE A.M. : « Le péché originel dans l’Ecriture ». Paris, Cerf, Coll. Lectio Divina. 1967

     DUBARLE A.M. « Le péché originel. Perspectives théologiques. » Paris, Cerf, Coll. Lectio Divina. 1983.

     KARTELET Gustave : « Libre réponse À un scandale », Paris, Cerf. 1986.

     Collectif : « Hietolres d’un péché. Lectures inédites du péché originel », Lumière et vie. N° 131. Lyon. 1977.

     COLEUILLE Yves : « Le péché originel », Mémoire de maîtrise, Faculté de théologie, Lyon, 1990.

(16) Synecdoque : figure de style qui consiste à remplacer la matière par l’objet, la partie par le tout et vice versa… ex. « Les fils d’Adam »…pour « tous les humains »… (Il faut bien employer de temps en temps un mot savant pour dire quelque chose de de simple…)

(17) Causa exemplaris, causa satisfactoria et meritoria, causa efficiens, diront les scolastiques…

(18) Pascal écrit : « C’est une chose déplorable de voir tous les hommes ne délibérer que des moyens et point de la fin, « Pensées, N° 98. (Op. cit. 1° étape).

(19) AUBERT J.M. : Initiation à la pratique de la théologie, T.4. p. 243. Paris. Cerf. 1984.

(20) « Et lui est advis  que c’est tout ung de Nostre Seigneur et de l’Eglise, et que on ne doibt point faire de difficulté que ce soit tout ung. » P. DONCOEUR : « La minute française des interrogatoires de Jeanne la pucelle. Interrogatoire du 17 Mars. p. 191, Melun, Bibliothèque elzévirienne, 1952.

(21) Je ne suis pas le  seul à le penser : Cf. Collectif « Le rêve de Compostelle », Paris, Centurion. 1989. pp. 299 ss.

(22) D.C. 1462. 2/1/1966.

(23) Mot un peu familier, mais historique…

(24) Elisabeth de la Trinité. Formule empruntée à Mgr GAY. Cf. « Ecrite spirituels d’Elisabeth de la Trinité », P. Philipon, Paris, Seuil. 1963. p. 15.

CONCLUSION

Nous avons donc essayé de transposer en langage moderne les principaux éléments de l’Evangile de Paul, tel que nous 1’avions résumé.

   Ce faisant, nous avons amorcé quelques gestes d’inculturation.

Nous croyons avoir montré que les personnes de culture scientifique ou technique sont capables d’assimiler l’Evangile, bien que la culture gréco-latine de formation spéculative ne fasse pas toujours de gros efforts pour le leur communiquer… Quant à l’emballage culturel à retourner à l’envoyeur, il est énorme !…

     Les théologiens patentés sont à peu près d’accord pour ne pas encombrer les Asiatiques et les Africains avec les structures mentales héritées des philosophies d’origine gréco-latine… Et pourquoi les Occidentaux, Européens et Américains du Nord seraient-ils obligés de passer sous les fourches caudines des philosophies gréco-latines ?

   Il faut ici faire une remarque importante :

   Nous ne dénigrons pas la philosophie. Nous 1’admirons : elle est ce qu’il y a de plus remarquable et de plus admirable dans le génie des générations humaines : sans motivation utilitaire ou « intéressée », le philosophe recherche nos raisons d’être ; et, pour cela, pose les questions les plus fondamentales quant à la pensée et au langage, puis débouche sur une métaphysique ; l’homme se connaît lui même et il entrevoit même ce qui lui est infiniment supérieur : il le devine, essaie même de le décrire un peu (apophatiquement)… Et cela, de génération en génération, en des tentatives toujours renouvelées…

     Mais les nouvelles vérités rendent souvent caduques les précédentes et, tel Sisyphe et son rocher, le philosophe recommence inlassablement, de siècle en siècle, puis de décennie en décennie et maintenant d’année en année… Ce serait peut-être dérisoire si ce n’était à la fois beau et tragique. La quête des philosophes leur fait côtoyer la vérité, mais jamais ils n’atteignent la Vérité, celle qui est une personne…

       Pour la religion chrétienne, fondée sur la révélation de Jésus-Christ, aucune philosophie ne peut être parfaitement adéquate. On peut comparer les philosophies à des boussoles ; comme celles-ci montrent approximativement la direction du Nord, les philosophies indiquent dans quelle direction chercher la connaissance de l’absolu… Mais lorsque la boussole approche du Nord, elle s’affole et ne peut rien indiquer de précis. Qui plus est, le Nord magnétique ne coïncide pas avec le Nord géographique vrai. De même pour les philosophies, elles ne peuvent pas atteindre et encore moins « tenir » Dieu.

       Les philosophies gréco-latines, principalement le néoplatonisme, le stoïcisme, l’aristotélisme revu par la scolastique, ont apporté leurs éclairages à la théologie, des premiers siècles et du Moyen-Age. Mais il est dangereux de prendre le cadre pour le fondement… Jusqu’à ces dernières années, on enseignait la théodicée comme « théologie fondamentale », (1982 à Lyon). Or, au moins depuis E. Kant, on sait que les cinq « voies » de Thomas d’Aquin pour démontrer l’existence de Dieu ne sont pas pertinentes, pas plus que l’argument dit ontologique présenté par Anselme… (1)

     De plus, en appuyant la théologie sur la philosophie, on risque de tomber dans le travers signalé par Voltaire :  » Si Dieu nous a créés à son image, nous le lui avons bien rendu ! » C’est un piège que n’ont pas su éviter quelques grands esprits.

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CONCORDIA ?

ANNEXES

   Voici le processus : La métaphysique nous apprend que Dieu n’est pas matériel. A défaut d’autre mot, on dit qu’il est esprit. Par une première assimilation abusive, on dit Dieu est comme notre esprit : celui-ci a deux facultés essentielles, intelligence et volonté ; Dieu doit être pareil… Et, puisque, par hasard, il y a en Dieu deux « processions », on décide que l’une sera le fait de l’intelligence et l’autre le fait de la volonté…

   Thomas d’Aquin dit, en effet, « Deus autem qui est primum principium rerum comparatur ad res creatas ut artifex ad artificiata ». Il précise un peu plus loin, pour prouver la trinité des personnes, quelques auteurs ont raisonné sur l’infinité de la bonté divine qui se communique à elle-même… Quant à Augustin, pour expliquer la trinité des personnes, il part de la procession du verbe et de l’amour dans notre âme, et c’est la voie que nous avons suivie nous-mêmes. Dans le Dictionnaire de Théologie Catholique, G. Bardy remarque : « Les conclusions de Saint Augustin ont exercé une grande influence au cours du Moyen-Age… l’on peut dire qu’après lui on n’a guère fait que vivre des formules ou des idées qu’il avait proposées ». Voici donc ce qu’en conclut Thomas d’Aquin : « Licet in Deo non sit aliud voluntas et intellectus, tamen de ratione voluntatis et intellectus est, quod processiones, quae sunt secundum actionem utriusque, se habeant secundum quemdam ordinem. Non enim est processio amoris nisi in ordine ad processionem verbi : nihil potest voluntate amari, nisi sit in intellectu conceptum »… En Dieu, l’intellect et l’amour ne font qu’un, mais, en ce qui concerne les processions, il s’établit « une certaine ordonnance entre elles »… Et, un peu plus loin, Thomas d’Aquin conclut : « Necesse est quod a verbo procédat (spiritus) : non enim aliquid amamus, nisi secundum quod conceptione mentis apprehendimus. Unde et secundum hoc manifestum est quod Spiritus procedit a Filio ». Il nous faut connaître pour aimer, c’est pourquoi il faut que le Saint- Esprit procède du Fils !…

     C’est déjà difficile à admettre ; mais, à y regarder d’un peu plus près, on remarque que si en Dieu, qui est parfait, connaissance et amour ne font qu’un, en nous qui sommes imparfaits, connaissance et amour sont distincts et séparés. C’est précisément là l’imperfection majeure de notre nature : nous pouvons connaître le bien et faire le mal. C’est cette séparation entre savoir et vouloir qui est le noeud de l’imperfection de notre liberté et l’origine de notre péché ; ce vouloir infirme, qui ne donne pas toujours de pouvoir, comme le montre Paul en Rom. 7, 15-25. Alors, prendre notre imperfection comme terme de comparaison pour expliquer que l’Esprit doit procéder du Fils, paraît plutôt incongru !…

   D’autres que moi, et plus compétents, ont déploré que la théorie d’Augustin n’ait pas trouvé de remplaçants valables : Karl Rahner nous dit par exemple :

     « …La spéculation psychologique de Saint Augustin tombe inévitablement dans la difficulté bien connue que voici, et qui frappe presque de stérilité l’ensemble de sa tentative, si admirable qu’en soit la profondeur. On part en effet d’un concept philosophique de la connaissance et de l’amour emprunté à notre expérience d’ici-bas et on en tire l’idée du Verbe et de la « force d’inclination » de l’amour. Mais, après avoir fait ainsi une application spéculative de ces notions à la Trinité, force est de reconnaître que l’on se trouve dans une impasse, car on en est toujours au concept « essentiel » de la connaissance et de l’amour, tant il est impossible à partir de l’expérience humaine, d’élaborer un concept « personnel », « notionnel » du Verbe et de la « force d’inclination » de l’amour. Tenter de le faire irait d’ailleurs contre le dogme, puisque le Verbe qui connaît et l’Esprit qui aime, devraient avoir à leur tour un « verbe » et un « esprit » procédant d’eux comme des personnes. »

     On peut donc se demander pourquoi Augustin a fait cette option et s’y est tenu. La lecture attentive de son « de Trinitate » nous donne peut-être la clef de ce problème : Tout au long des quinze livres de cet ouvrage, Augustin identifie la deuxième personne de la Trinité au Verbe cette image, reçue du prologue de l’Evangile de Jean, est traitée par Augustin non pas comme une image mais comme une définition. Le Fils est la parole du Père. Le Fils s’identifie à la parole de l’Ecriture… Il y a là une erreur d’interprétation ! On n’a pas le droit de traiter une image comme une définition rigoureuse et d’en tirer des déductions impératives. Le Logos est une image métaphorique et non une définition. On n’a pas le droit d’en tirer des déductions impératives, pas plus que de l’Agneau (image plus fréquente en Jean et dans 1’Apocalypse) on n’a le droit de conclure qu’il a quatre pattes et de la laine sur le dos !…

   Pourquoi priviligier cette image parmi toutes les autres ?

   Or, si nous étudions un peu l’Evangile de Jean, nous devons constater que Jésus s’y désigne (ou y est désigné) par une affirmation :

    » Je suis.” et par une quinzaine d’images. Il est l’Agneau de Dieu, le Messie, celui dont Moïse a parlé, le pain de vie, la lumière du monde, la porte des brebis, le bon pasteur, le Christ, la résurrection, Maître et Seigneur, la voie la vérité et la vie, la vigne véritable, roi…

       Si Jésus avait eu conscience d’être défini par le terme de Logos, il l’aurait au moins cité parmi les autres. Or, précisément, lorsqu’il emploie le terme logos, (ou lorsque l’évangéliste les lui fait employer), ce n’est jamais pour se définir ou s’assimiler à la parole du Père, mais pour s’en démarquer. La place nous fait défaut pour examiner les vingt-deux cas où il aurait pu faire une assimilation, mais s’est bien gardé de la faire. « Les paroles que tu m’as données, je les leur ai données. » (Jn. 17, 8.)

       Or, dans le même évangile de Jean, Jésus est désigné ou se désigne une centaine de fois comme le Fils. Il se désigne en particulier par le terme de « Fils de l’homme » et le chapitre 20 se termine ainsi : « Ces faits ont été racontés pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et que, en croyant, vous ayez la vie en son nom. »

   Le livre a donc été écrit pour que le lecteur sache que Jésus est le Fils de Dieu… Avait-il bien lu et compris l’intégralité du texte de Jean, le correcteur, auteur du prologue, qui, sans crier gare, est venu ajouter une nouvelle image qui n’a rien de cohérent avec tout le livre ?…

         On peut même faire la conjecture suivante : Le mot logos aurait pu avoir été substitué au mot qui aurait été écrit dans une première rédaction. On n’en a évidemment pas de preuve formelle, mais la critique textuelle montre que cette conjecture n’est pas dépourvue de vraisemblance.

       Ce serait peut-être pour se permettre des interprétations philosophiques que ce scribe aurait ainsi modifié le texte initial… Dans ce cas, il a été servi : le logos a donné lieu à des logorrhées, le verbe à beaucoup de verbiages et la parole a beaucoup de parlottes.

   Cet emballage culturel fait partie de ce que les nouveaux chrétiens, issus des cultures Asiatiques, Africaines ou scientifico-technico-empiriques entendent bien laisser aux chrétiens occidentaux de culture gréco-latine spéculative…

     Et puis, au cours des siècles, on a continué sur la lancée…

Toutes les philosophies ont été utilisées… Et pourtant, n’avons-nous pas lu que Paul et le Deutéro-Paul déconseillaient formellement de s’appuyer sur une philosophie ? (Col. 2, A et 2, 8).

D’autre part, ne serait-il pas instructif de faire une comparaison entre d’une part les engagements de l’Eglise dans sa théologie avec les philosophies et, d’autre part, les engagements de l’Eglise, dans son organisation, sa hiérarchie, ses structures, avec les régimes politiques Ce ne sont pas des engagements de même nature, évidemment, mais leurs concommitances ont quelque chose de troublant… Constantin et Théodose d’un côté, le néoplatonisme de l’autre ; la « chrétienté » du Moyen-Age d’un côté, l’aristotélisme revu par la scolastique de l’autre…

       Actuellement, l’Eglise essaie de s’adapter à tous les régimes politiques et à toutes les philosophies. (Adaptations conflictuelles, souvent…) Mais les philosophies, aujourd’hui, surgissent comme les champignons à l’automne… A tel point, par exemple, que Christian Duquoc compose un ouvrage de christologie en deux tomes. La préface du second commence ainsi :  » Depuis la parution du premier tome de cet ouvrage de christologie, les questions se sont déplacées. Il y a quatre ans, les théologiens européens découvraient la théologie américaine de la « mort de Dieu »… L’évolution de la problématique théologique nous distancie désormais suffisamment de la théologie de la « mort de Dieu » pour l’évaluer critiquement. »

         Est-ce à dire qu’il faut changer de théologie tous les quatre ans ? Ne serait-il pas opportun de trouver les moyens de libérer la théologie de sa dépendance des philosophies ?

     Dès 1972, Claude Geffré proposait : « Sens et non-sens d’une théologie sans métaphysique. » Il terminait ainsi son article : «  On voit donc que le projet d’une théologie non métaphysique n’est pas un slogan anti-philosophique de plus. C’est l’exigence d’une théologie enfin « théologique ». La théologie de l’avenir sera encore une théologie ontologique. Mais elle voudrait être plutôt une théologie de la réalité. Dépassant en effet le dualisme métaphysique de Dieu et du monde, elle doit chercher à mieux penser comment Jésus-Christ est l’unité de la réalité et de la réalité du monde. »

     Les Réformés vont plus loin. Karl Barth a publié une « Introduction à la théologie évangélique ». On y lit :  » l’objet de la théologie évangélique est Dieu dans 1’histoire de ses actions. C’est dans cette histoire qu’il se fait connaître qu’il est en même temps tel qu’il est. C’est dans cette histoire qu’il possède et démontre à la fois son existence et son essence, sans qu’il y ait préséance de l’une ou de l’autre. Le Dieu de l’Evangile n’est ni une chose ni une idée, ni un principe ni même une vérité ou une somme de vérités et moins encore la personnification d’une telle somme… »

   Plus récemment, un Jésuite américain nous propose de considérer les « méthodes théologiques » de huit théologiens modernes, qu’il classe ainsi :

  1. Rahner et Lonergan : méthode transcendantale.

Macquarrie et Tillich : méthode existentielle.

Tracy et Meland : méthode empirique.

Schillebeeckx et Sobrino : méthode socio-phénoménologique.

     Ce classement par de telles paires peut paraître inattendu. L’auteur montre que, précisément, à partir d’une même méthode, deux théologiens différents donnent des interprétations différentes La méthode est un outil… » L’ouvrage se termine ainsi :

     « Une conclusion à laquelle nous pouvons arriver est qu’aucune méthode ne peut épuiser les richesses des relations de Dieu avec nous. Les méthodes nous appartiennent à tous, pour servir nos recherches pour comprendre notre foi. »

       A partir de ces remarques, je pense qu’il est possible d’admettre que certaines méthodes théologiques conviennent bien aux uns et d’autres aux autres, en fonction des cultures des uns et des autres. C’est pourquoi, sans nier le fait qu’une certaine minorité de personnes, de culture spéculative, pratiquent avec compétence et agrément certaines théologies à bases philosophiques, les plus nombreux des occidentaux, de cultures scientifiques, techniques, empiriques, doivent avoir les moyens de pratiquer d’autres méthodes théologiques.

Celle de Paul nous semble particulièrement adaptée à nos mentalités et à nos cultures :

   Elle prend son origine dans l’expérience : « Qui es-tu ? »- « Je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes ».-  » Seigneur, que dois-je faire ? »

   Puis, au milieu d’un contexte agité, elle se réalise dans une vie mystique authentique :  » Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » (Gal. 2,20).

Voilà qui s’accorde bien à notre empirisme…

Sources bibliques de la modernité

La genèse et la création

Théologie du péché

Jésus, une triple rupture

Fécondité d’un croisement

Une mission historique achevée
Achèvement du christianisme ou aurore d’une figure

nouvelle 7

La part trop belle

Le christianisme est*il une religion ?

Acosmisme et absence d’éthique

L’histoire n’est pas plus finie que la religion

    116
Conditions d’une présence

Malheur du présent, splendeur du passé

Une présence publique

Dieu et le fondement du social

Mal de l’époque, nihilisme et gratuité

Tenir son rôle dans le débat

Forces de vie, forces de mort

    123

126

130

133

137

Chapitre IV. • Une église en procès   149
Les raisons d’un Concile

Un Concile

La lettre et l’interprétation

Les trois documente-piliers

  150
Procès d’un Concile

Une critique précoce.

Trafic des sources

Adoration de l’éphémère

Des questions sans réponses sur l’Eglise

  166
Evolution superficielle, intransigeance fondamentale ?
Le procès ouvert
Chapitre V. • Problèmes d’avenir
Une présence signifiée

Difficulté et nécessité de la t&che

Vers une visibilité nettement marquée

Une visibilité qui fasse sens

Vie intellectuelle, anti-intellectualisme et

voies nouvelles

Défis è la pratique chrétienne

Pluralisme et dissensions

Le pour et le contre

Des tensions fécondes si

Nature et historicité

Urgence du témoignage moral

  202

207

214

L’universalité, péril pour l’unité ?

L’universel et la particularité en ecclésiologie

Le Pape contre ses adulateurs

L’Eglise, société pluriculturelle

ANNEXE 2

PROPOSITION DE PRESENTATION MODERNE DU MYSTERE DE LA TRINITE

Au lieu de comparer Dieu à mon petit esprit imparfait, je le comparerai à ce que je connais de plus grand, le cosmos matière-énergie, sachant bien que ce n’est qu’une comparaison, sans aucune assimilation.

   Imaginons donc un contenant Infini, rempli d’un contenu infini, d’une densité infinie, lequel contenu ne serait pas inerte mais serait le siège d’une énergie active et d’un mouvement ordonné incessants et éternels. Cette activité essentielle, dont le mouvement des atomes et celui des galaxies ne peuvent donner qu’une faible idée, produit en elle-même, engendre un « écho », une « réaction égale à l’action », « un travail égal à l’énergie cinétique », “un équilibre des forces et des potentiels », une « résonnance en opposition de phase (ou en phase) »… toutes les comparaisons de la physique sont évocatrices mais insuffisantes…

     Imaginez, par exemple, une voix continue qui reçoit un écho sans amortissement, une lumière au centre d’une sphère, que les parois de celle-ci renvoient vers sa source, ou plutôt – puisque il ne saurait être question de parois ou de limites – un espace à N dimensions, courbé suivant une (N+l)ième dimension.

   Le Fils serait ainsi le « pareil » de l’être même de son Père, l’image de sa lumière, l’écho de son énergie vitale, son « symétrique », égal tout en étant différent.

   « Deum de Deo, Lumen de Lumine, Deum verum de Deo

vero… »

     (Pour illustrer cette notion de symétrie, considérez votre pendule dans un miroir : le haut est resté en haut, le bas en bas, mais la gauche est passée à droite et les aiguilles tournent en sens inverse… La différence est constitutive de la symétrie.)

     Le Père se reconnaît parfaitement en son Fils. Entre ces deux symétriques s’établit, en raison même de leur symétrie, une relation concernant l’intégralité de leur être… Reprenons l’image des “potentiels en équilibre » : L’arc ou éclair qui jaillit entre les deux charges électriques (éternellement et non en une seule fraction de seconde) est la relation qui constitue l’Esprit… “En série » et non “en parallèle », dirait un électricien. L’éclair jaillit entre le pôle + et le pôle – (sans aucun aspect péjoratif pour le terme « négatif »). L’Esprit procède entre le Père et le Fils. Le « Filioque » devient “inter Patrem Filiumque procedit »…

     Autre comparaison très matérielle : Sous certaines conditions de pression et de température (dites du point triple) les trois états classiques de la matière coexistent : solide, liquide, vapeur. Ils sont de même nature, échangent entre eux leurs molécules. Sachant bien que cela n’est qu’une grossière comparaison, cette image permet de faciliter à l’esprit humain l’effort de concevoir que Père, Fils et Esprit ont une même “nature » et sont trois « personnes » distinctes.

     Reprenons la comparaison électrique : l’arc qui jaillit éternellement entre les deux polarités n’est pas un phénomène aussi simple qu’il paraît :           c’est un phénomène lumineux, mais c’est aussi un courant électrique, échange d’électrons, c’est simultanément un champ magnétique…

     Cela nous permet de concevoir que l’Esprit qui procède de la perfection même de l’Etre du Père et du Fils (comme l’arc jaillit du potentiel de la charge électrique) réunit en lui-même toutes les perfections de relation du Père et du Fils. Cette relation est « saturante ». Le Père et le Fils sont mutuellement comblés par l’échange de leur Esprit.

   La notion même d’opération « ad extra » semble donc totalement inadaptée : en effet, si le Père et le Fils avaient « à l’extérieur » une quelconque relation, cela impliquerait que l’Esprit ne serait pas capable de combler leurs capacités. Les trois personnes divines ne seraient pas mutuelllement comblées, “saturées »…

   Peut-on essayer de connaître la nature de cette relation ?

   Elle est une : c’est un Esprit.

   Mais nos catégories mentales ne peuvent la concevoir sans une certaine analyse :

   L’Esprit est connaissance du Père par le Fils et du Fils par le Père.

L’Esprit est amour du Père par le Fils et du Fils par le Père, au sens où l’amour est dilection et complaisance réciproques.

   L’Esprit est amour du Père par le Fils et du Fils par le Père, au sens où l’amour est « agir pour »…

   La vie de la Trinité n’est pas statique. Non seulement elle est une énergie infinie, mais le Père et le Fils agissent l’un pour l’autre. Que fait donc le Père pour le Fils ? – Entre autres activités indicibles, il crée, pour son Fils, des êtres qu’il lui offre comme un supplément d’être ; mystère de « l’infini plus quelque chose » . . . La fécondité fait partie des perfections divines… Le Fils, crée ces mêmes êtres pour qu’ils offrent au Père un supplément de connaissance et d’amour. Il les crée siens pour le Père.

     L’un et l’autre pratiquent cette “activité » par amour réciproque, c’est-à-dire non seulement “par l’opération du Saint-Esprit », mais, puisque c’est l’amour “agir pour » qui crée, c’est aussi l’Esprit qui crée. (Veni creator Spiritus…)

   Tout ce que fait le Père, Il le fait en tant que Père. Tout ce que fait le Fils, il le fait en tant que Fils. Tout ce que fait l’Esprit, il le fait en tant qu’Esprit.

La création n’est donc pas une opération “ad extra » mais « ad intra » !

(Vouloir que l’être aimé soit aimé par d’autres, perfection             proposée par Richard de Saint-Victor, mais, ici, d’une façon différente et- me semble-t-il – plus cohérente et adaptée au Dieu parfait).

   Cette création qui se fait “en le Fils » n’a rien de panthéiste : les créatures sont en le Fils un peu comme des satellites ou comme l’anneau de Saturne composé d’innombrables petits satellites. (« En lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être », disait Paul à l’aréopage… Act. 17, 28). Cette image n’est pas plus panthéiste que celle du corps mystique du Christ, proposée par Paul et acceptée par tous.

   Pour essayer de concevoir comment peut s’insérer dans cet ensemble la liberté des hommes ainsi créées en le Fils, reprenons notre image électrique, en une allégorie parlante pour un homme cultivé : le Père et le Fils façonnent ensemble des spires conductrices : le Père donne au Fils des éléments conducteurs (c’est-à-dire capable de posséder en eux le « courant électrique » du Fils). Le Fils donne à ces éléments la forme d’anneaux dans lesquels passe le champ magnétique de l’Esprit… Suivant l’orientation que prend chaque anneau dans le champ magnétique, celui-ci produit en lui un courant induit, plus ou moins intense, de même fréquence que celle du courant du Fils d’où procède de champ magnétique. Ce courant dans l’anneau n’est pas absolument le même que celui dont il provient par l’intermédiaire du champ magnétique :          c’est un courant induit.

     Cette allégorie électrique nous permet aussi d’éviter toute confusion lorsque on parle de « mission » ou d’“envoi » : envoyer un émissaire, un lieutenant ou un paquet implique que l’envoyé quitte son point de départ. En revanche, envoyer le courant électrique dans une lampe ou dans une machine consiste à les faire fonctionner en les branchant sur la centrale origine du courant. Le Père nous envoie son Fils ; c’est-à-dire que celui-ci, tout en restant lui-même a pris notre nature humaine. Le Père et le Fils nous envoient l’Esprit, c’est-à-dire que nous sommes sous l’influence interne de l’Esprit (le champ magnétique de notre allégorie) ; de ce fait, il met en nous la ressemblance et la participation (« induite ») au Fils ; il nous rend capables d’aimer le Père comme le Fils L’aime.

     Les missions sont non seulement des conséquences des « processions », mais elles en sont parties intégrantes. Le Fils n’a pas été envoyé seulement aux Juifs de Palestine au début de notre ère ; il a été envoyé à tous les hommes…

ANNEXE 3

CRITIQUE TEXTUELLE DU PROLOGUE DE JEAN

     Nous avons constaté que le Logos inscrit au début du prologue n’a aucune correspondance, aucun répondant dans le texte de l’évangile, alors que ce prologue est censé être un résumé introductif de l’évangile.

     Nous devons donc examiner attentivement le texte même du prologue : ce mot de « Logos » n’aurait-il pas été écrit là à la place d’un autre par un copiste plus ou moins bien intentionné ?

   Pour faire cet examen, il faut avoir recours à la critique externe, c’est-à-dire à l’examen critique des différentes leçons présentées par les manuscrits connus.

     Il convient de commencer par le verset 13.

     On sait que les exégètes sont partagés quant à ce verset : les uns, se référant aux manuscrits grecs, donnent un texte dont le sujet et le verbe sont au pluriel. D’autres, se référant à un manuscrit latin et aux citations des Pères anciens (Justin, Tertullien, Irénée), ainsi qu’a certains arguments de critique interne, donnent un texte au singulier.

   Chacun présente, pour justifier son choix, des arguments qu’il juge décisifs (sinon définitifs…).

     Après avoir bien examiné la question, pesé tous les arguments des uns et des autres, je crois qu’il faut opter pour la version au singulier. Voici pourquoi :

   Les manuscrits grecs présentent une leçon au pluriel. Cela n’est pas une preuve suffisante. En effet, il se trouve que le manuscrit latin, codex de Vérone, qui donne la version au singulier, est une copie du 5° siècle, mais témoin d’un texte beaucoup plus ancien : prérécensionnel (Vetus latina, du 2° siècle).

     Cette version au singulier est citée par Tertullien en Afrique, Justin à Rome et par Irénée, qui vit à Lyon, mais est de culture grecque et emploie des manuscrits grecs. Cette version est donc connue tout autour de la Méditerranée… entre 150 et 200 …

   Le Codex de Bèze, texte grec et latin, prérécensionnel, donne une version mixte : le verbe est au pluriel, mais le sujet pluriel n’est que sous-entendu : il n’est pas écrit au début de la proposition… (Il y même une version syriaque qui donne le sujet au pluriel et le verbe au singulier !…)

     L’autorité du manuscrit, conforté du témoignage des Pères du second siècle a donc au moins autant de poids que les manuscrits grecs postérieurs…

   Les arguments de la critique interne viennent conforter ceux de la critique externe. Je citerai Jacques GuiIlet :            « de fait les tenants de chaque interprétation (…) mettent surtout en avance les incohérences de la solution qu’ils rejettent, beaucoup plus que la logique de celle qu’ils adoptent… Ce qui nous a en définitive fait préférer le singulier, c’est une remarque de D. Mollat, portant sur le style même : « Jean n’emploie le verbe engendre à l’aoriste qu’à propos du Christ ; à propos des chrétiens, il emploie le parfait. » (Bible de Jérusalem en fascicules. L’Evangile et les épîtres de Saint Jean 3° éd.1976. p.76). Dans tout le prologue, en effet, l’aoriste vise la série des événements qui encadrent l’incarnation. La naissance des enfants de Dieu est une réalité permanente et actuelle.

     Si, donc, nous essayons de reconstituer l’historique des modifications ou “corrections », nous arrivons à ceci :

     Le texte initial, au singulier, ne satisfait pas le lecteur, parce qu’on ne peut pas penser que le Logos pourrait être engendré du sang ou du vouloir de chair ou d’un vouloir d’homme !

     Le sens du texte indique bien que si on le nie, c’est qu’il pourrait y avoir une ambiguïté. S’il s’agit du Logos, l’engendrement ne peut être que métaphorique et ne peut pas être le fait de la chair, du sang ou du vouloir d’homme…

     C’est donc une tautologie. Pour éviter cette tautologie, on a mis le verbe au pluriel et on a changé de sujet ; pour plus de sûreté, on a intercalé un pronom relatif au pluriel.

   Ce faisant, on ne s’est pas aperçu qu’on remplaçait une difficulté par une autre, plus grande : “il leur a donné de devenir enfants de Dieu, à ceux… qui le sont déjà par engendrement… » Ce n’est plus une tautologie : c’est un contre-sens !… On ne peut donner à quelqu’un le pouvoir de devenir ce qu’il est par naissance !…

   Où donc est la solution ? D’où vient donc la difficulté initiale ? Du fait que le Logos ne peut être imaginé engendré par le sang, la chair ou la volonté d’homme… mais par Dieu… Ce rectificatif est tautologie et inutile…

       Il en irait tout autrement si le sujet, au lieu d’être le Logos, était le Fils ! Dans ce cas, le rectificatif n’est plus tautologie : le Fils de Dieu n’est pas engendré comme les autres fils… Le texte au singulier devient parfaitement cohérent.

   Autrement dit, c’est en remplaçant le Fils par le Logos au début du verset 9 qu’un copiste a introduit la tautologie, qui a ensuite suscité la rédaction au pluriel, qui débouche sur un contre-sens…

   Rétablissez le Fils, la phrase au singulier, et tout est clair…

Et le verset suivant coule de source : “et le Fils s’est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique… » L’expression française “Fils unique » peut sembler faire une répétition avec le mot Fils. En grec, ce n’est pas le cas : il ne le répète pas, mais le précise et le complète.

Nous retrouvons d’ailleurs ce terme au verset 18 qui est tourné vers le sein du Père, qui fait une inclusion avec le verset 1 : “le Fils était tourné vers Dieu. »

   En effet, s’il s’agit du Fils aux versets 9 et 14, il s’agit aussi du Fils au verset 1.

     Remarquons en outre au verset 12 : « à ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu ». Cela se comprend bien si le sujet est le Fils, mais beaucoup moins bien si c’est le Logos. Ne devrait-il pas faire des logogia, petits mots ou petits discours.

Faisons donc une lecture comparative des deux versions :

Le Fils était lumière véritable Le Logos était lumière véritable
qui éclaire tout homme ;…

… à tous ceux qui l’ont accueilli.

devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lui qui ne fut engendré ni du sang ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme mais de Dieu.

et il a habité parmi nous,
et nous avons comtemplé sa gloire, gloire qu’il tient de
son Père, comme Fils unique, plein de grâce et de vérité…

Résumons – nous :

La leçon au pluriel, attestée par les manuscrits grecs, présente un contre sens.

La leçon au singulier, attestée par un manuscrit latin, ancien, et par des Pères du 2° siècle, présente une tautologie si le sujet du verbe Le texte est parfaitement cohérent si le sujet est logos.

(Tout cela, répétons-le, n’étant que conjecture vraisemblable…)

BIBLIOGRAPHIE

INTRODUCTION

GODIN Henri et DANIEL Yves : « La France,pays de mission ? » Lyon, 19143.

PREMIERE ETAPE

BONSIRVEN Joseph : « L’Evangile de Paul ». Paris, Aubier, 1948.

GEORGE Augustin : « L’Evangile de Paul ». Paris, Equipes enseignantes. 1963

MARROW Stanley : « Paul, hie letters and his theology », New-York Paulist Press, 1986.

PIE XII : Encyclique « Divino afflante Spiritu », Paris, Bonne Presse. 1944

DODD Charles : »La prédication apostolique ». Paris, Editions Universitaires, 1964.

JEREMIAS : « The key to pauline theology ». The expository times LXXVI. Edimbourg 1961. Traduit par J.P. Lémonon PAX N° 100. LYON. 1969

PLEVNIK J. : « What are they saying about Paul ? », New-York, Paulist Press, I986.

AUGUSTUS Aurelius : « Confessions ». Traduction P. de Labriolle. Paris, Editions Les Belles lettres. Coll. Guillaume Budé.

PASCAL Blaise : « Pensées ». Paris, Edition Brunschvicg, 1897.

Ouvrages non cités dans le texte :

PRAT F. : “La théologie de Saint Paul ». 2 tomes. Paris, Beauchesne. 1913, Réédité en 1961.

MENARD Camil : « L’esprit de la nouvelle alliance chez Saint Paul, Paris, Cerf. Coll. Recherches, 1987.

HUBY J. : “Saint Paul. Les épîtres de la captivité », Paris, Beauchesne. 1935.

COTHENET E. : « Saint Paul en son temps », Paris, Cerf 1978. Cahier Ev. N° 26.

BRETON S. : « Saint Paul » Paris, P.U.F. 1989.

BOUTTIER M. : « L’Epître de Saint Paul aux Ephésiens », Genève, Labor et Fides, 1991.

Et, évidemment :

Cours de J.P. LEMONON : Les grandes Epîtres de Saint Paul.

Cours de R. BEAUVERY : Les épîtres de la captivité.

DEUXIEME ETAPE

BASTIDE R. in Encyclopodia Universalis, Tome 1 : « Acculturation ».

Collectif : Cahier de Meylan : « Chez nous, des cultures », Meylan, 1980.

ROEST CROLL1US A. : « What is go new about inculturation ? » Gregorianum N°59/4- Rome, 1978.

STANDAERT N. : « L’histoire d’un néologisme », Nouvelle Revue Théologique, N° 110. Namur. 1988.

ARUPPE Pedro : « Lettre aux Jésuites ». Traduction française dans « Acta Romana Societatis Jesu », Rome 1978.

Collectif : « Lumière et vie ». « L’Evangile dans l’archipel des cultures », N° 168. Lyon, 1984.

Commission Théologique Internationale : »Thèmes choisis d’ecclésiologie », D.C. N° 1909.

JEAN-PAUL II : Encyclique « Redemptoris missio ». D.C. 2022, 18/2/91.

Articles de la Documentation Catholique non cités dans le texte :

ARRUPE P. au Synode 77. Catéchèse et culture…  D.C.    N°1729, 6/11/77

ORCHAMP :  »          Acculturation … »

COFFY          : »         Acculturation et inculturation »

JEAN-PAUL II à 1’UNESCO… N°  1788. 5/6/80

ARRUPE P.   Rencontre Mission oucrière… 1789. 6/7/80

JEAN-PAUL II : au Conseil Pontifical pour la culture…1832.20/6/82

 »           »          L’Eglise et la culture…            1845    6/2/83

 »           »          au Conseil Pontifical de la     Culture 1868. 19/2/84

POUPARD Les mutations culturelles de notre temps » »

JEAN-PAUL II : l’existence des cultures chrétiennes1870. 18/3/84

Mgr EYT Recteur Catho. Paris.         »          « 

JEAN-PAUL II aux intellectuels et artistes coréens            1876.

la criqe de6 sciences et de la culture. Fribourgl878.

 »           »          au Conseil Pontifical  pour la culture

 »           »          homélie à Lomé.

 »           »          discours à Yaoundé.

Cardinal DANNEELS :Evangéliser l’Europe sécularisée.

JEAN-PAUL II :L’évangélisation en termes nouveaux.

 »           »          au Conseil Pontifical pour la culture.

 »           »          Discours à la Conf. épiscop. Indes

Cardinal POUPARD : Evangile et cultures.

JEAN-PAUL II au Conseil Pontifical pour la culture.

Il         II         II         II         II         11        H

 »           »          à la communauté ecclésiale de Taiwan.

 »           »          aux prêtres,religieux, séminaristes Cochamba.

Cardinal MALULA : Inculturation

JEAN-PAUL II au Conseil Pontifical pour la culture

TROISIEME ETAPE

BARTH Karl : »L’épître aux Romains ». Traduction française par Pierre Jundt. Genève, Labor et Fides, 1972.

BONSIRVEN Joseph : « Exégèses rabbiniques et exégèses pauliniennes ». Paris, Beauchesne. 1939

BONSIRVEN Joseph : « Textes rabbiniques des deux premiers siècles chrétiens.
Pontifico Istituto Biblico, Rome.1955.

QUATRIEME ETAPE

Monseigneur POUPARD : « Non-croyance et cultures d’aujourd’hui. » Conf. Saint-Louis-des-Français, le 10/12/81. D.C. 1831. 6/6/82

Commission Théologique Internationale. « Foi et inculturation ». D.C. 1980.

TILLICH Paul : « La naissance de l’esprit moderne et la théologie protestante », Paris, Cerf. 1972.

VALADIER Paul : « L’Eglise en procès, Catholicisme et société moderne », Paris, Calmann-Lévy. 1987

Collectif. : « Christianisme et modernité ». Colloque Centre Thomas More, Paris, Cerf. 1990

Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des sports. « Note d’information » N° 89/29.

Les cahiers de La Vie : « Génération 90 » Paris, 1990.

CINQUIEME ETAPE

PAUL Vis Exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi. » Rome 18/12/75, D.C. N°1689- W76.

MOINGT J. : « L’acte théologique – Eléments d’épistémologie. » Lyon, Profac.

RAHNER Karl, in « Mysterium Salutis, Dogmatique de l’histoire du salut », Tome 6. Paris, Cerf. 1969.

V1CT0RINUS Marcus : « Traités théologiques sur la Trinité », Sources Chrétiennes N° 68 et 69. Trad. P. Hadot. Paris, Cerf I960

Homiliaire Patristique, J.P. Bonnes. Lex Orandi N° 8. Paris, Cerf. 1949

THOMAS D’AQUIN : Somme Théologique la… Paris, Blot. 1926.

1RENEE : « Démonstration de la prédication apostolique », S.C. N°62, Paris, Cerf. 1959.

IRENEE : « Contre les hérésies » Trad. Rousseau. Pari6, Cerf. 1984.

Collectif : « Initiation à la pratique de la théologie », 5 tomes, Paris, Cerf. 1984.

DUBARLE A.M. : « Le péché originel dan6 l’Ecriture », Paris, Cerf. 1967

DUBARLE A.M. : « Le péché originel. Perspectives théologiques », Paris, Cerf. 83

MARTELET G.: « Libre réponse à un scandale. » Paris, Cerf. 1986.

Collectif : « Histoires d’un péché. Lectures inédites du péché originel. » Lumière et Vie N°131. Lyon, 1977.

COLEUILLE Y. : »Le péché originel. » Mémoire de maîtrise. Faculté de théologie. Lyon, 1990.

PASCAL B. Op.cit. (1° étape)

DONCOEUR P. : »La minute française des interrogatoires de Jeanne la pucelle. » Melun, Bibliothèque elzévirienne, 1952 Collectif

Collectif : « Le rêve de Compostelle. » Paris, Centurion. 1989.

PH1LIPON : « Ecrits spirituels d’Elisabeth de la Trinité », Paris, Seuil. I963

Ouvrages non cités dans le texte :

AUBERT J.M. : « Recherche scientifique et foi chrétienne », Paris, Fayard. 1962.

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BOURGEOIS H. : « Théologie catéchuménale. » Paris, Cerf. 1991.

WALDENFELS H. : »Manuel de théologie fondamentale », Paris, Ce DUQUOC C. : « Dieu différent. » Paris, Cerf. 1978.

MARMIOM D.C. : « Le Christ, vie de l’âme. » Paris, Desclée de Brouwer, 1943.

BAUD P. et NE1RYNCK J. : « Première épître aux techniciens. » Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 1989.

CONCLUSION

KANT Emmanuel : « Critique de la raison pure » Bibliothèque de la Pléiade.

Oeuvres complètes de Kant, Tome 1. Paris, Gallimard, 1980.

THOMAS D’AQUIN. Op. cit. (5° étape.)

Dictionnaire de théologie catholique. T. 15, Paris, Letouzey, 1946.

RHANER Karl. Op. cit. (5° étape.)

AUGUSTINUS Aurelius : « de Trinitate. » Bibliothèque Augustinienne N° 15 et 16, Paris, cerf. 1955.

DUQUOC Christian : « Christologie. Essai dogmatique. 1 L’homme Jésus (1968)

2 Le Messie (1972) Paris, Cerf.

GEFFRE Claude : « Sens et non-sens d’une théologie sans métaphysique », in Concilium N° 76. Paris, Beauchesne, 1972.

BARTH Karl : « Introduction à la théologie évangélique », Trad. française de Fernand Ryser. Genève, Labor et Fides, 1962.

MUELLER J.J. : “What are they saylng about theological method ? » New-ïork Paulist Press, 1984.

Ouvrages non cités dans le texte.

NEUSCH M. et CHENU 3 : »Au pays de la théologie », Paris, Centurion. 1986, WINLING R. : « La théologie contemporaine », Paris, Centurion. 1982.

CHENU B. : « Théologies chrétiennes des tiers mondes. » Paris, Centurion 1989.

SOMMAIRE (INITIALE)

INTRODUCTION……………………………………………..2

PREMIERE ETAPE……………………………………………………………….. 8

L’EVANGILE DE PAUL en quatre propositions :

1ère Proposition : Paul ministre du Plan

2ème Proposition : Le Plan de Dieu

3ème Proposition : Le Christ-total et ses membres 4ème Proposition : « Pour moi, vivre, c’est le Christ »

DEUXIÈME ÉTAPE………………………………37

L’INCULTURATION

TROISIÈME ÉTAPE………………………………47

L’INCULTURATION FAITE PAR PAUL

QUATRIÈME ÉTAPE………………………………55

LES CULTURES EMPIRIQUES

CINQUIÈME ÉTAPE………………………………65

L’EVANGILE DE PAUL EN LANGAGE MODERNE

1ère Proposition…

2ème Proposition…

3ème Proposition …

4ème Proposition …

CONCLUSION…………………………………………………88

ANNEXES ……………………………………………………98…102..106

BIOGRAPHIE……………………………………………………………………………………110

 

 

 

 

 

 

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