Penser le corps. Réalité ou abstraction de la raison ?

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Corps tangible, corps flexible, corps dansant et vivant

Introduction

Notre analyse porte bien sur le corps et non des corps : corps n’est donc pas à prendre ici au sens classique d’objet étendu, de portion de matière. C’est du corps humain, et non du corporel ou du corporé en général, qu’il est question. Or, si penser le corps, c’est penser le corps humain, l’objet de l’analyse paraît très paradoxal. En effet, mon corps semble, de prime abord, un fait donné dans l’expérience au même titre que les autres objets. A partir de cette expérience du corps, il devrait être possible, non seulement de penser, mais de connaître le corps — et de fait le corps, en tant qu’objet empirique, a donné naissance à des savoirs formalisés par des disciplines scientifiques, comme par exemple la physiologie ou la biologie. En ce sens, la connaissance du corps ne devrait pas poser de problèmes qui ne soient en droit solvables par ces sciences. Dès lors, pourquoi parler alors d’une pensée du corps ? La raison en est que dans l’expérience du corps, le génitif est aussi bien subjectif qu’objectif : l’expérience du corps est aussi celle que fait mon corps. Dans la mesure où il est le point d’ancrage des facultés sensibles, voire le lieu de naissance de l’activité mentale, le corps apparaît comme la condition de possibilité de toute expérience et de toute pensée. Il se présente alors comme une sorte de point aveugle à partir duquel la connaissance peut se déployer, mais dont l’accès demeure, sinon fermé, du moins mystérieux. Dans cette perspective, la pensée du corps ne peut donc se déployer que dans l’espace d’une torsion, d’un redoublement qui est aussi un dédoublement de soi par rapport à soi.
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