De l’Amour comme enchantement du Verbe et de ses illusions

Introduction au désir de comprendre les faits humains, objet de ce site Internet

Aristote-Platon-Ecole-d-Athenes

    Dans l’approche et le désir de comprendre les phénomènes humains, on peut admettre deux perspectives qui sont en même temps deux niveaux de la connaissance.
D’une part, il y a ce qu’il est convenu d’appeler la vulgarisation ou le sens commun de la culture. Cette culture commune, mis à part tout jugement de valeur, est ce que nous avons tous, et d’emblée, en partage en raison de notre longue période de vie passée dans l’enfance. Nous nous mouvons donc dans des idées répandues par et à travers les sociétés et leur niveau culturel ; et même à travers les individus et les différentes occurrences que chacun de nous peut connaître au cours de sa vie depuis l’école primaire en passant par le collège, le lycée jusqu’à l’université. Et si nous n’avons pas assez de force pour nous libérer de la tutelle ou de l’influence de nos formateurs, ces préjugés dominent notre conscience, en s’y installant comme à demeure. Pire, ils nous font voir autrui à travers leurs prismes déformants que nous considérons comme nos propres pensées, alors qu’il n’en est rien. Nous saisissons au vol ces données de la vie courante, nous nous en approprions sans nous interroger sur la validité, la justesse, la solidité de ces idées communes.
C’est en raison du caractère commun et imprécis de ces savoirs que Descartes a entrepris, dans son Discours de la méthode, de les révoquer en doute pour aller chercher ce qui le constitue lui en tant que personne humaine singulière, authentique, et non pas le simple produit d’une culture, d’une famille, d’un milieu social etc. Etre cartésien consiste aussi à effectuer individuellement une telle démarche pour prendre possession de soi, comme lui-même l’a fait avec élégance. C’est aussi au sujet de cette culture commune aliénante et non fondée que Spinoza parle de connaissances « par-ouï-dire » (Ethique). En effet, les connaissances du premier genre correspondent à la perception sensible dont chacun de nous fait l’expérience au cours de sa vie (je vois, j’entends, je ressens), aux opinions courantes ou connaissances acquises par « ouï-dire », comme le reconnaît Spinoza. C’est le domaine de l’expérience sensible et irréfléchie. Ces connaissances sont partielles et douteuses car nos sens nous trompent souvent, les opinions sont diverses et contradictoires, et l’expérience de la vie est relative à chacun de nous.
D’ailleurs, avant Spinoza, Platon avait montré, dans son Protagoras, le caractère inconsistant des savoirs sensibles et l’erreur des Sophistes, qu’il a dénoncée avec vigueur, consiste à se fonder sur une telle expérience commune pour affirmer que « L’homme est la mesure de toute chose ». La vérité est donc relative à la perception de chaque individu ; et ceci de manière irréfutable. Ainsi, en matière de nourriture, ce qui est bon pour moi peut être amer pour toi. Lire la suite

La notion de création dans l’œuvre de Nietzsche (Un écrit de jeunesse)

20 Tenaille Butel, Au commencement Dieu crea L'ancien testament-Texte de Marie Tenaille, Illustré par Lucile Butel  Editions Gautier Languereau 1989-

20 Tenaille Butel, Au commencement Dieu crea
L’ancien testament-Texte de Marie Tenaille, Illustré par Lucile Butel
Editions Gautier Languereau 1989-

INTRODUCTION

Le terme de création est l’un des concepts dont 1’histoire est, sinon plus vieille, du moins aussi antique que celle des hommes eux-mêmes. Il est en outre riche de significations, profond et quasiment inépuisable. Il est une perpétuelle ouverture pour faire être les sens ; une ouverture également où le êtres vivants ne cessent de se manifester. Car eux-mêmes se perpétuent à travers l’espace et le temps en procréant. La création est ce qui fait éclater les ténèbres pour que les êtres vivants soient et avec eux l’histoire. La création est donc semblable au jour qui se libère de la nuit en tant qu’il fait se manifester tout ce que recèle la nuit comme richesses variées, comme potentialités c’est-à-dire comme vies en devenir.
Dans ses Confessions, Saint Augustin affirme que Dieu a créé la matière à partir de rien. D’une sorte de non-être, Dieu produit les phénomènes en les faisant émerger des ténèbres profondes à 1’origine ou avant le temps ; il fait être la lumière. Le récit de la création (La Bible de Jérusalem Gn 1,3) nous montre Dieu en train de créer les mondes et tout ce qu’ils contiennent ; il nous révèle surtout le Créateur extrayant du sein des ténèbres la Lumière : « Dieu dit :
« Que la lumière soit » et la lumière fut ». L’imperfection des êtres créés, voire de la création toute entière (hormis les anges. Ne résultent-ils pas justement selon Saint Augustin du fait que Dieu les ait créés de son propre fond, de sa propre substance et non à partir de rien ? » Donc, le concept de création s’applique en premier à Dieu en tant qu’il en est la source essentielle. Il fait être l’Etre ; il donne la vie et l’existence. Du Néant, il crée. Du Néant, il tire la lumière qui est aussi le symbole de la manifestation de la création, 1’image de la création et surtout la Vie. N’en est-il pas ainsi en second lieu de l’homme lu même ? Lire la suite

« Amour mystique » et sensualité triviale : une interprétation de l’expérience spirituelle de sainte Thérèse d’Avila et de saint Jean de la Croix, mystiques espagnols selon la philosophie nietzschéenne

« Amour mystique » et sensualité triviale : une interprétation de l’expérience spirituelle de sainte Thérèse d’Avila et de saint Jean de la Croix, mystiques espagnols selon la philosophie nietzschéenne

« Mystical love » and trivial sensuality: an interpretation of the spiritual experience of Spanish mystics, Saint Teresa of Avila and Saint John of the Cross, according to Nietzschean philosophy

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 Il existe des gens éprises de pureté ou de respect des phénomènes religieux et/ou spirituels. Nonobstant ce, cette posture mentale, en apparence pieuse, a, au fond, quelque chose d’hypocrite puisque toute religion, par définition, dérive du latin religare. En d’autres termes, la religion est ce qui fait lien, d’abord, entre les croyants et leur Dieu (lien vertical), ensuite, lien entre ces derniers eux-mêmes dès lors qu’ils partagent la même foi (lien horizontal). En ce sens, aucune religion ne descend directement des cieux : elle est inhérente à la conscience humaine. En effet, la religion, pour les personnes soi-disant pieuses, doit toujours rester dans un halo d’inconscience et d’innocence. De cette manière, elle gardera sa pureté, son élévation, voire ses mystères à la seule condition qu’une sorte d’enveloppe nébuleuse fasse barrière à son voile d’illusions. En ce sens, parler de la sensualité dans ce qu’il y a de plus divin, à savoir l’amour mystique, peut paraître étrange et même scandaleux.
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Nietzsche et la solitude

Introduction

       Le genre humain, contrairement à toute autre espèce vivante, comporte des individualités qui, par leur singularité, échappent aux normes, coutumes, modes de penser ou d’être, bref à toute forme de soumission aux lois socio-culturelles des communautés. Si chez chaque espèce vivante, en raison de la sérotonine, hormone de la reproduction, chaque individu cherche frénétiquement, mais inconsciemment, au risque de sa vie, à se reproduire coûte que coûte, des particuliers humains se montrent souverains par rapport à tous ces impératifs naturels. Ils décident de mettre à distance le noyau dur du groupe avec ses formes d’abrutissement par trois modes de solitude.

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