ENQUETE ORALE SUR L’HISTOIRE ET LE PEUPLEMENT, A L’EPOQUE COLONIALE, D’UN VILLAGE AGNI DU SANWI DANS LE SUD-EST DE LA COTE D’IVOIRE FORESTIERE (écrit de jeunesse : mémoire du DEA d’anthropologie de l’ECOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES DE PARIS)

PLAN

I- METHODOLOGIE

II- SITUATION DE BIANOUAN

III-PEUPLEMENT DU VILLAGE

IV- UNE BIENVEILLANCE LÉGENDAIRE DES AGNI DU SANWI À L’EGARD DES ÉTRANGERS MISE EN DOUTE PAR UN ANTHROPOLOGUE FRANÇAIS

V–HISTOIR DE BIANOUAN PAR LE CHEF ET LES ANCIENS DU VILLAGE

I – METHODOLOGIE                                                                                                                         

   Je m’étais rendu, en décembre 1980, en Côte d’Ivoire en vue d’une petite enquête. J’étais accompagné dans ce voyage par deux amis lyonnais qui allaient y passer des vacances.

   Il est de coutume, chez les Agni, que lorsqu’un fils du village revient de loin accompagné d’étrangers, il vienne le ou les présenter au chef du village afin qu’il les connaisse et qu’il puisse assurer éventuellement leur sécurité en cas de conflit social. C’est ainsi que, le lendemain de notre arrivée, mes parents et moi-même, nous nous sommes rendus auprès du chef de Bianouan afin de lui présenter mes amis. A la fin du rituel que nous appelons « demander les nouvelles à tout étranger », j’ai fait comprendre au chef Akoi, ainsi qu’à ses notables, le but de mon voyage en les priant de m’aider à l’atteindre, à savoir une enquête sur l’histoire de Bianouan.

   De décembre au début du mois d’avril à peu près, c’est la période de la récolte du café ; période que nous appelons là-bas : la traite. Ce qui signifie que tout le monde est fort occupé. Pour ce faire, il devient difficile de trouver quelqu’un de disponible.

    Néanmoins, un jour le chef réussit à me fixer un rendez-vous dans sa cour. C’était une après- midi. Il fit appeler quelques anciens du village, capables de l’aider au cas il aurait des trous de mémoire dans les récits. Mais l’un d’entre eux me dit : il y a des choses qui ne doivent pas être dites l’après-midi. Car il y a des gens derrière nous qui nous écoutent. En outre, nous avons mangé et beaucoup bu dans la journée. Aussi, la clarté de notre esprit nous ferait défaut. Il serait plutôt idéal que tu reviennes un matin, vers 9H-10H.

    C’est ainsi qu’un matin, à 10h, le chef put se rendre disponible, ensemble avec les notables et les anciens du village. J’ai dû, par souci de ne rien omettre du tout de ce qui va m’être dit, me faire traduire certaines subtilités de la langue agni que je maîtrise mal tant au niveau de la compréhension que de la langue parlée. Il en est ainsi d’ailleurs de toutes les langues africaines au milieu desquelles j’ai vécu dans ma prime enfance, voire une partie de mon adolescence et de ma jeunesse.

   Il est également coutume chez les Agni, que lorsque l’on invoque le nom des ancêtres lors d’une circonstance donnée, celui pour le compte duquel l’évocation a été faite, doit acheter une bouteille d’alcool, comme le gin, pour les anciens ; ils en boivent et versent une partie sur la terre en faisant une longue prière qui n’est rien d’autre qu’un acte de respect des défunts auxquels les vivants demandent le pardon pour devoir les déranger dans leur sommeil  paisible. Ce geste que j’ai fait à donc beaucoup plû aux ancien qui pensent que, nous autres jeunes d’aujourd’hui, oublions vite ou négligeons l’essentiel des traditions.

   Quant aux autres aspects de ma collecte d’information, j’ai dû me rendre auprès des différents responsables de famille ou de clan voire, aux personnalités de l’administration locale. Ainsi, j’ai posé des questions au directeur de l’école (qui vient d’Ayamé), au chef des Nigériens, à celui des Malinkés, des Lyéla, des Baoulés etc. J’ai vu d’autres personnalités agni de Bianouan, de Yaou qui ont complété l’information que j’ai reçue du chef et de sa suite de dignitaires.

    Ceci a été donc ma première démarche. La deuxième a consisté à faire une comparaison des écrits historiques réalisés dans cette région avec les informations que je venais de recueillir oralement. Il s’est avéré qu’il n’y a pas beaucoup de divergences de fond entre les écrits et les traditions orales. Dans l’histoire particulière de Bianouan, l’oral compète les écrits ; on rectifie éventuellement les erreurs respectives à l’une ou à l’autre source de données.

     Pour résumer, j’avoue n’avoir pas rencontré de problèmes majeurs lors de mon enquête. Certes, elle demande à être plus approfondie ; ce que mon bref séjour n’a pas permis de réaliser. Cependant, un seul fait négatif est à noter : lors de la causerie avec le chef et les anciens, l’un d’eux a vraiment tenté de retenir l’élan enthousiaste du chef Akoi dans les récits. Il devait par après me dire que j’avais la responsabilité de ne pas écrire des choses mauvaises ; j’entends, peut-être des choses erronées ou malveillantes sur le village. Car il existe des écrits s abondants qui bafouent nos traditions et nos mœurs.

II- SITUATION GEOGRAPHIQUE DE BIANOUAN

Un Agni typique du royaume du Sanwi, Cpitale, Krinjabo

    Venons-en aux données de notre enquête. Bianouan est un assez grand village – c’est, aujourd’hui (2022), une grande ville – situé à quelques 85 kms d’ABOISSO, la ville la plus importante du territoire du Sanwi, et à une centaine de kilomètres de krinjabo, capitale de l’ancienne royauté des peuples sanwi.

   Il est situé dans un espace vallonné : l’ancien village est construit sur une colline au pied de laquelle, en direction de Sogan, coule la Bia. Celle-ci est une rivière d’environ 300 kms dont la moitié est en territoire éburnéen. Elle constitue la limite naturelle avec le Ghana. Le long de ce territoire, en direction de la mer, sont installés les Agni du Sanwi. Bianouan s’étend aujourd’hui sur un espace loti en direction d’ABOISSO. Certes, il s’étendrait davantage au point de devenir le plus grand village de la région qui va d’ABOISSO à Sogan, si les nombreuses familles de planteurs – en majorité dites étrangères ou allochtones – consentaient à quitter leurs campements. Il s’agit d’une sorte de domaine familial et économique construit au milieu des plantations. Donc, s’ils venaient s’installer dans le centre du village, Bianouan deviendrait une ville d’importance majeure. C’est tout à fait le cas aujourd’hui.

     Les frontières réelles de Bianouan vont de Sogan – ce dernier village est, en fait, la limite de l’ancien royaume du Sanwi avec celui de l’Indénié. C’est, du moins, ce que disent les anciens : ces limites territoriales en question von donc de Sogan jusqu’à kouakro inclus. Ce qui fait un espace libre, c’est-à-dire non construit, d’environ 20 à 30 kms.

III- LE PEUPLEMENT

     Selon les statistiques données par la Sous-Préfecture d’Ayamé, la population de Bianouan, à la suite d’un recensement effectué en 1980, se répartit ainsi :

-Population Ivoirienne : Hommes : 685)                                                                                                                               : Femmes : 633)  

                                      –      Total :  1328)       

-Population étrangère : Hommes : 1 060)

– Femmes : 934)

               Total : 1 994

La somme de ces chiffres donne à Bianouan 6 316 Habitants.

      Il convient de noter que la Sous-Préfecture d’Ayamé escompte refaire prochainement un autre recensement de façon plus rigoureuse ; le précédent comporte beaucoup de manquements de la part de la population installée dans les plantations, c’est-à-dire dans les campements.

    En outre, Bianouan compte quelques Fonctionnaires : il s’agit d’un personnel de résidence temporaire :

8 Instituteurs environ ;

7 Agents de douane ;

5 Agents des Eaux et Forêts ;

2 de la SATMAGI (Société d’Assistance Technique pour la Modernisation de l’Agriculture de la Cote d’Ivoire) ;

1 Contrôleur du café et de cacao :

    En fait, si on tient compte du critère que l’on utilise encore aujourd’hui dans les régions de la Côte d’Ivoire pour qualifier l’étranger, la population dite autochtone est fort peu nombreuse. À propos de ce que signifie le mot étranger, Marguérite DUPIRE écrit : « est étranger dans un groupe celui qui n’a pas de droits héréditaires tant aux commandements qu’aux terres » (Planteurs autochtones et étrangers en basse Côte d’Ivoire orientale p.21). Selon elle, – cette donnée se vérifie dans la réalité quotidienne d’aujourd’hui -, même un Agni Morofoué (de la région de BONGOUANOU), se sent étranger chez les Agni du Sanwi.

   Si, donc, nous retenons ce critère, dans le peuplement de Bianouan, nous avons l’ordre suivant d’arrivée des groupes étrangers :

Premier groupe de migrants : les Attié

-Les Attié, presqu’actuellement assimilés aux Agni. D’après le chef du village, ils sont venus à Bianouan à la suite d’un grave conflit de famille ou de clan dans leur région. Le premier groupe, qui est arrivé au village, était poursuivi par des frères pour des problèmes d’endettement. Comme le chef de Bianouan de cette époque était extrêmement riche, il consentit à payer leurs dettes. En contrepartie, il les maintint au village afin qu’ils travaillent au remboursement de cette somme. Ceci explique pourquoi, aujourd’hui, l’assimilation des Attié est quasi parfaite au groupe Agni. Puis, après l’installation du premier groupe, d’autres Attiés étaient venus en vue de s’installer définitivement à Bianouan.

Deuxième groupe de migrants : les Baoulé

-Les Baoulé, quant à eux, sont arrivés à Bianouan après les Attié. D’après le directeur de l’école, qui est lui-même un Agni d’Ayamé, un Baoulé venu du centre de la Côte d’Ivoire, demanda au chef Bleindou, un endroit dans la limite de son village, pour s’installer et travailler avec sa famille. Un lieu lui fut désigné à quelques 3 kms de Bianouan. Cet endroit, initialement un simple campement, est devenu un quasi village. Il a même son propre chef, qui est un nom Baoulé : KPRIkRO, de KPRE, le fondateur de cette localité. Comme on dit que les Baoulés ne veulent guère se soumettre à l’autorité d’aucun autre groupe humain – il s’agit d’un préjugé sans doute des groupes humains les uns par rapport aux autres ; ce qui, soit dit en passant, crée de sérieux problèmes de cohabitation dans la zone du centre-Ouest de la Côte d’Ivoire -, ils ont créé leur propre école alors que celle de Bianouan était construite pour tous ses habitants, quelle que soit leur origine. Toutefois, on ne saurait dire que cette initiative soit une mauvaise affaire. Ils ont leur religion propre : traditionalistes et protestants Méthodistes. Et ils ont leur Temple.

    Cependant, il semble qu’ils tiennent compte des décisions majeures issues de l’autorité du chef de Bianouan. Par exemple : venir assister aux deuils ou participer aux funérailles, voire accueillir les autorités administratives à Bianouan. Ces faits, malgré les divergences latentes, maintiennent des relations amicales entre les deux villages et leurs chefs respectifs.

Troisième groupe de migrants : les Lyéla

-Les Lyéla, soit un sous-groupe des Gurunsi de la Haute-Volta, constituent la troisième communauté groupe étranger qui vint s’installer à Bianouan sous le chef Bleindou. Dispersés dans tout l’espace de Bianouan, ils forment aujourd’hui un noyau communautaire aussi important que celui des Baoulés.

    Ces trois groupes, selon le chef Akoi, ont été, au même titre que les Agni -p ceux-ci sont arrivés à Bianouan peu avant eux -, sont à l’origine de l’émergence, de la construction et du développement du village.

Autres groupes de migrants

Plus récemment, d’autres groupes étrangers sont venus s’adjoindre à ceux-ci. Il s’agit de :

-Des Mossis (Haute- volta)

-Des German : 13 familles au non de Maiga et une seule de Touré (Niger)

-Des Malinké d’Odienné (13 familles – Nord Côte d’Ivoire)

-Des Ghanéens en nombre croissant du fait de la régression de l’économie ghanéenne et de la proximité de ses frontières. Ils sont en majorité Ashanti.

-Des Lobi (Côte d’Ivoire-Haute Volta)

-Des Béninois ou majorité Nagot

– Une famille guinéenne : un Peulh commerçant et sa famille

-Un Nigérian : un Commerçant et sa faille installés à Bianouan depuis le 16 Février 1960.

Carte des frontières traditionnelles du Sanwi

    C’est, donc, un village à la population interafricaine, à l’image même de celle de la Côte d’Ivoire qui est devenue un pays à la population internationale. Selon le Chef Akoi, en dépit de cette interafricanité, il y’a la paix à Bianouan. On ignore les conflits de mésentente entre les différents groupes ethniques pour aussi dissemblables culturellement qu’ils peuvent l’être. Les seuls conflits qui advenaient de temps en temps, résultent de désaccords au sujet des limites des plantations. Donc, ils ne sont pas inter-ethniques, mais interfamiliaux. Ils concernent surtout les familles venues du Nord de la Côte d’Ivoire : Ivoiriens et originaires des pays étrangers.

IV- UNE BIENVEILLANCE LÉGENDAIRE DES AGNI DU SANWI À L’EGARD DES ÉTRANGERS MISE EN DOUTE PAR UN ANTHROPOLOGUE FRANÇAIS

     Enfin, selon les notables agni eux-mêmes, si le nombre des étrangers est si considérable dans le village par rapport aux autochtones qui sont actuellement environ 500 individus, c’est parce qu’en général, l’Agni est un homme de concorde, un homme hospitalier et fort accueillant. Si l’on tient compte de la situation actuelle à Bianouan, cette affirmation des notables n’est pour un homme de concorde, un homme hospitalier et fort accueillant. Si l’on tient compte de la situation actuelle à Bianouan, cette affirmation des notables n’est pas l’expression d’un sentiment d’orgueil ; encore moins une vanité. Ceci est contraire à ce qu’avait écrit Louis TAUXIER à propos de l’accueil des Agni. En effet, concernant l’installation des étrangers, il écrit : « les Agni racontent qu’ils étaient très accueillants pour ceux-ci et animés du désir de les retenir chez eux en leur consédant les mêmes droits et les mêmes privilèges qu’aux gens de la race : au contraire, les Agnis de la conquête (1823) vivaient farouchement dans leurs villages palissadés et n’y admettaient aucun étranger. C’est depuis le protectorat Français (1823) que les Agni du Sanwi, forcés de subir les Blancs, deviennent plus accommodants, sous les règnes d’Amondoufou (1844-1886) et d’AKA Simadou surtout (1886-1900). Alors, les Agni frottés aux Européens, aux Appoloniens, aux Assiniens, aux Brontourés établirent une sorte de coutume pour les étrangers… (Religions, Mœurs et coutumes des Agni de la Côte d’Ivoire p. 222). Inutile de dire que je suis incapable de porter de jugement sur cette affirmation concernant la conduite des Agni ayant vécu au dix-neuvième siècle. Selon le chef du village, les Rois du Sanwi à Krinjabo, étaient sans conteste sanguinaires. Peut-être les nombreux sacrifices humains sur les sièges royaux et dont ont été témoins les Européens installés sur la côte effrayaient-ils les étrangers.

    Mais, selon ce même TAUXIER, c’est là une page sombre de l’histoire des Agni du Sanwi.

V-HISTOIRE DE BIANOUAN PAR LE CHEF ET LES ANCIENS DU VILLAGE

   Maints Historiens Français, en particulier Gabriel ROUGENE (Les pays Agni du Sud-Est de la Côte d’Ivoire Forestière), qui se sont intéressés à l’histoire des Agni du Sanwi, ont noté que la mise en place de ce groupe venu du Ghana, dans le Sud-Est Eburnéen, s’est étalée depuis environ 1740 jusqu’en 1823. 1720 semble être la date approximative de leur fuite de la région d’Agnuan-Gnuan. Le dernier groupe installé dans la région, apparenté aux Sanwi, sans être d’origine de leur groupe, est celui dont il sera question ci-dessous.

     Selon le chef Akoi et ses notables, ESSOUETCHI était un prince venu du Ghana avec sa chaise et tout un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants qui l’accompagnaient. Lors de leur pérégrination, ils firent une halte à Dadiésso, au Ghana. Lorsqu’ils arrivèrent à Yaou, ESSOUETCHI trouva le lieu à son goût. Alors, il se rendit à Ayamé ( ce village était habité par le groupe Djandjifoué, soit le premier migrant dans cette région) pour demander au chef de ce peuple l’autorisation de s’installer à Yahou. Celui-ci la lui accorda à condition qu’il renonce à son siège de prince (ou de chef) et qu’il dépende de lui. Comme lui-même était nommé par le Roi de Krinjabo, ESSOUETCHI refusa et se rendit auprès du Roi lui-même qui lui donna la jouissance de la région qui va de Yaou à Sogan, soit environ 45 Km de long. Il lui permit aussi de conserver son siège.

    ESSOUETCHI était accompagné dans sa pérégrination de sa sœur qui se nommait EBAH. Il la maria à un homme de sa suite qui s’appela EZEBO. Ce mariage donna jour à un enfant du nom de N’guessan. Devenu grand, EZEBO N’guessan quitta son village (Yaou) pour aller s’installer dans un campement à quelques 35 Kms de son lieu d’origine. Ce campement qui, à l’origine était un campement à quelques 35 kms de son lieu d’origine. Ce campement qui, à l’origine était un campement de Yaou, prit de l’importance et devint autonome sur le plan de l’autorité politique par rapport à Yaou. N’guessan donna à ce village dont il était le fondateur, le nom d’Anonkonon : ce qui signifie en Agni : Union. Ce nom résultait du fait que ce village est l’œuvre d’une seule famille. Plus tard, il devint Bianouan. Ce qui signifie : le bord de la Bia. (Hélas, j’ai oublié de demander pourquoi l’on a changé le nom du village).

Fastes et apparats du roi du Sanwi à Krinjabo

Voici les noms des Chefs qui se sont succédés à Bianouan depuis sa fondation :

1/-Nana EZEBO N’guessan

L’actuel chef rapporte que celui-ci vécut pendant plus de cent ans. Il était si âgé que les Occidentaux installés sur la côte désirèrent le voir. On le transporta donc de Bianouan à ABOISSO à pied et dans un hamac. Le voyage qui dura plusieurs semaines, ayant été éprouvant pour lui, il mourut de fatigue et son cadavre fut ramené à Bianouan pour y être enterré.

   Pendant les plus de cent années de vie, il régna à Bianouan, comme chef, pendant plus de 50 ans.

2) Nana ALLADE Ayébié est le deuxième chef

3) ADJANE Bleindou est le 3ème qui eut environ 40 ans de règne

4) EDOUKOU Mongon est le 4ème

5) Ebah Akoi est le 5ÈME l’actuel chef du village. Il l’est depuis 1961. (Il n’est plus de ce monde aujourd’hui).

    Bien que les Attié soient aujourd’hui presque assimilés aux Agni, ils ne peuvent en aucune manière devenir chefs du village. C’est, pourtant, le seul groupe avec les Edoumfoué, groupe récemment venu de Dadrésso (Ghana), qui n’a pas à sa tête un chef comme les autres. A peine ont-ils un responsable de famille. Cela veut dire qu’ils dépendent du chef agni du village. Mais ils peuvent être notables et siégé à la cour du chef pour juger les grandes affaires du village.

    Le chef est choisi uniquement dans la famille des Béssèfouè. C’est, d’ailleurs, la seule famille agni d’origine qui est présente à Bianouan. Les Béssèfouè sont un sous-groupe des Suamalan, ce qui veut dire : la nouvelle demeure (ou nouvelle maison). C’est le nom du premier groupe de la vague des émigrants venus du Ghana, qui est arrivé dans cette région et qui s’est installé dans les villages suivants : Yaou, Ketesso, Bianouan.

     Sur la ligne en venant d’Aboisso, on trouve Apoisso avant Bianouan et Sogan après. Tauxier et même Rougerie ont écrit qu’il s’agissait du même groupe d’immigrants qui s’est installé de Yaou à Sogan. Cette thèse est une erreur et voici ce que rapportent le chef et ses notables à propos de Sogan et d’Aboisso. La limite de l’ancien royaume de krinjabo allait jusqu’à Djamarakro en direction d’Abengourou ; village situé à la frontière de l’Indénié. Autrefois, il y avait deux villages à la place de ce qu’on appelle aujourd’hui Sogan : Ebikokorèkro fondé par un Afémz (autre groupe agni) du nom d’Ebikokorè. Quant à Sogan, qui marque aujourd’hui la limite du Sanwi par rapport à l’Indénié, il est l’œuvre d’un homme venu de Yaou. En revanche, Apoisso a été créé par un autre groupe venu d’une petite ville du Ghana appelée Anguié ou Ebrossa.

    Je relève deux autres erreurs commises par les historiens : j’avais toujours été intrigué par le lieu d’origine des Agni du Sanwi. Je ne trouvais nulle part sur la carte du Ghana ou d’ailleurs le nom Agnuan-Gnuan d’où ils prétendent venir. Pourtant, les lieux d’origine des Agni de l’Indénié sont bien indiqués sur la carte du Ghana. A propos de ce fameux Agnuan-Gnuan, Gabril Rougerie écrit : « l’une des régions majeures de ces errances fut l’Agnuan-Gnuan, pays quasi légendaire des conflits voltaïques et nigériens dont le souvenir est resté dans les mémoires de toutes les fractions du groupe. C’est de là que s’amorce la désintégration « (Les pays Agni du Sud-Est de la Côte d’Ivoire forestière p. 52). Tout au long de son ouvrage, il parle de l’Agnuan-Gnuan comme quelque chose qui existerait quelque part. Il le situe même vers la haute Volta.

    Pour dissiper l’obscurité dans mon esprit, j’ai demandé au chef où l’on peut situer l’Agnuan-Gnuan. L’un de ses notables répondit qu’il s’agit d’un lieu d’origine mythique. Agnuan-Gnuan n’a jamais existé dans les faits. En réalité, Agnuan veut dire sable dans la langue agni. Lorsque les groupes s’enfuyaient à la suite d’un conflit socio-politique avec les Ashanti, ils s’étaient refugiés dans un espace sableux. Or, pour se défendre, ils manquaient de munitions pour charger leurs fusils. IIs ont alors tenté d’utiliser le sable. Quand le groupe adverse s’aperçut de cela, il s’esclaffa en disant : Agnuan-Gnuan. C’est-à-dire, ils se défendent avec du sable. Et donc, Agnuan-gnuan doit signifier, en d’autres termes, forteresse de sable soit le lieu qui nous a sauvé la vie. D’où le caractère légendaire de ce lieu qu’est l’Agnuan-gnuan.

       Ces historiens affirmaient qu’à Krinjabo, l’ensemble de la population aimait évoquer le souvenir d’Agnuan-gnuan alors que les Agni sont eux-mêmes incapables de le situer quand on le leur demandait. Ils sont, en outre, incapables d’expliquer intelligemment ce que signifie Sanwi. Pour eux, ils s’appellent Sanwi et ça s’arrêtait là.

    Or, d’après Monsieur KABLAN Bilé Eugène, auquel j’ai demandé la signification de ce mot Sanwi, il expliqua que ce nom a été donné au groupe entier, qui le portait naguère, par l’un des siens. Il s’agit d’un vieil agni nommé ATOBLA Kassi. Et il signifie alors : « ceux qui ont vu ou, en d’autres termes, ceux qui ont connnu la souffrance et les déboires multiples de l’errance » à la suite des guerres entre groupes agni et les Ashanti au XVIIIe siècle.

    En revanche, là où les propos de Rougerie s’accordent avec ceux des Anciens du village, c’est à propos du passé glorieux de Bianouan, à la fin du XIXe siècle-début XXe siècle. En effet, Rougerie écrit : « Prolongeant, en quelque sorte l’axe commercial Assinie -Eboué- Krinjabo, (elle), la piste du cours de la Bia par les villages d’Aboisso, Ayamé, Yaou, ketesse, Bianouan, puis celle de Sogan qu’elle franchit au village du même nom, en quittant le Sanwi pour se diriger vers le pays du N’Denié (Zaranou, Abengourou et Agnibilikro), sur celui des Abron (Bondoukou), et enfin sur les célèbres régions de Kong, aux portes du Soudan.

Tenue traditionnelle d’un chef sanwi et ses notables

     La demande du caoutchouc apparut à la fin du 19e siècle. Les pays septentrionaux du Ndénié furent les premiers à y répondre et l’évacuation se fit par la piste des caravanes. Le trafic parvint à rapporter annuellement 60 000F or au chef des villages d’Ayamé et de Bianouan, où la piste franchit la Bia, et encore 30 000 à celui de Yaou… » (Les pays Agni du Sud-Est de la Côte d’Ivoire Forestière p. 88_89)

     Pour les Anciens de notre village (Bianouan), la taxe de la traversée de la Bia – car, il n’y avait pas encore de pont et cela se faisait en pirogue – qui fit la richesse de Bianouan, était partagée en trois parties : une part allait au roi de krinjabo, premier propriétaire de tout le territoire, une part au chef de Bianouan et la dernière part à un Européen (probablement un Français) qui y représentait l’autorité coloniale.

Un pont sur la Bia

Conclusion

Dans les investigations historiques sur les populations à tradition orale, comme celles de certaines régions de l’Afrique, il convient de tenir compte des récits des Anciens dont la mémoire conserve de façon quasi intactes les grandes étapes de l’histoire oral (aujourd’hui, en revanche, 2022, c’est le règne de l’ignorance totale des jeunes générations par rapport à l’histoire des peuples dont ils sont originaires ; ce qui veut aussi, qu’elles n’ont non plus d’avenir). Les récits des Anciens concernant l’histoire de leur groupe est, me semble-t-il, aussi valable que celle rapportée ou consignée dans les livres, notamment des Européens.

Une image des berges de la Bia à Aboisso du temps de l’occupation française

BIBLIOGRAPHIE

-Marguerite Dupire : « Planteurs autochtones et étrangers en Basse – Côte d’Ivoire Orientale » (VIIIe Etudes Eburnéennes, Abidjan,1960)

-F.J. Amon d’Aby : Croyances religieuses et coutumes juridiques des Agni de la côte d’Ivoire (Edit, Larose, Paris 1960)

-Louis Tauxier : Religion, mœurs et coutumes des Agni de la Côte d’Ivoire. Indénié et Sanwi (Librairie orientaliste, Paul Geuthener, Paris 1932)

-Gabriel Rougerie : « lLes pays Agni du Sud-Est de la côte d’Ivoire Forestière » (Etudes Eburnéennes VI- IPAN, Côte d’Ivoire 11957)

-Thèse d’Etat annoncée de Madame Diabaté Henriette née Dagri sur les Agni du Sanwi.

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