Extrait de Pierre Bamony : Des pouvoirs réels du sorcier africain-Forces surnaturelles et autorités sociopolitiques chez les Lyéla du Burkina Faso- (Editions L’Harmattan, coll. « Etudes africaines », Paris septembre 2009)

Pierre Bamony : Des pouvoirs réels du sorcier africain Forces surnaturelles et autorités sociopolitiques chez les Lyéla du Burkina Faso (Paris, L’Harmattan, coll. « Etudes africaines », 2009, 452 p. Paris septembre 2009)
Quatrième de couverture
L’esprit du monde contemporain, qui fait de la croyance aux phénomènes matériels son seul credo, est devenu une nouvelle religion, une espèce de confession dont l’irrationalité dépasse, du moins, égale l’obscurantisme des temps anciens. Cette foi dans la machinerie matérielle, reconnu comme le critère de toute rationalité, oublie que la conception rationnelle des choses n’est pas capable, dans l’absolu, de nier l’esprit. Mais son combat contre cette dimension de l’homme confine, de nos jours, à une inclination sentimentale, pseudo-sicientifique même qui exerce une suprématie souveraine sur les intelligences les plus faibles en les entraînant dans toutes les formes d’adhésion.
Mais, a-t-on fini de découvrir les secrets enfermés dans les méandres de l’âme humaine ? Et si la véritable explication de l’opacité de la matière gisait dans la complexion de l’homme lui-même ? Comprendre comment fonctionne l’énergie qui compose la structure de la matière et de l’esprit, sous une autre modalité que les seules ratiocinations matérialistes, n’est-ce pas faire un pas en direction d’une intelligence différente de notre mystérieuse nature, par-delà les préjugés dangereux des savoirs positifs et les a priori des cultures ? Tels sont quelques enjeux que ces investigations anthropologiques s’emploient à dévoiler chez les Lyéla du Bukina Faso en montrant une autre perception des phénomènes.
Ceux-ci sont un ensemble de clans considérés comme l’une des populations autochtones de ce pays sahélien enclavé de l’Afrique de l’Ouest. Ce peuple, sans véritable puissance militaire, ni pouvoir politique central, a su, malgré sa faiblesse (dépourvu d’armées), son dénuement matériel, résister pendant des siècles à tous les peuples envahisseurs locaux ou étrangers. Qu’est-ce qui explique une telle énergie de défense de soi dans le temps ? Mes recherches prouvent qu’une telle force résulte de leur forme d’organisation sociale fondée sur le développement des pouvoirs psychiques.
Selon leur conception de la réalité humaine, les frontières qui séparent les règnes de la nature (matière/esprit) sont souples et peuvent être franchies par des moyens « surnaturels ». L’inorganique est vivant parce que tout est Pan-vie. Les fluides de la parole, alliés à la puissance psychique, deviennent un tissu de significations inépuisables. L’objet de la puissance est, dans ce contexte socioculturel, l’action par laquelle un sujet humain est capable d’user des pouvoirs de son esprit, en soi incommensurables, pour transformer une force physique en une puissance invisible ; en somme, pour accéder aux métamorphoses de la désintégration de l’union de l’âme et du corps. L’on peut ainsi dénouer les rets de l’existence par l’appréhension de la dimension profonde de l’être humain qu’est l’énergie psychique ou âme, là même où se tiennent les secrets de la vie et de la mort de tout un chacun.
Pierre Bamony : Of the real powers of African sorcerers. Natural forces and sociopolitical authorities among the Lyela in Burkina Faso.
Backcover
The spirit of our contemporary world, whose only credo is the belief in material phenomena, has become a new religion, a kind of confession whose irrationality goes beyond, or at least equals the obscurantism of ancient times. This faith in material machinery, accepted as the criterion of all rationality, forgets that the rational conception of things is not able, in absolute terms, to disown the existence of the human spirit. But its fight against this dimension of man verges on a sentimental, even pseudo-scientific inclination that exerts a sovereign supremacy over the minds of the weakest by taking them towards all forms of support.
As a matter of fact, have we finished discovering the secrets shut up in the twists and turns of the human soul ? What if the genuine explanation of the opacity of matter lay in the constitution of man himself ? Understanding how the energy that makes up the structure of matter and spirit works, in a way that is different from mereley materialistic quibbling : isn’t this taking a step towards a different intelligence of our mysterious nature, beyond the dangerous prejudices of positive knowledge and cultural apriorism ? Such are some of the stakes that these anthropologic investigations aim at disclosing among the Lyela in Burkina Faso by showing another perception of phenomena.
They make up a group of clans regarded as one of the native populations of this hemmed-in Sahelian country. In spite of its weakness (deprived of armies), its material destitution, with no real military power, nor central political power, this people has been able to resist all sorts of invaders, whether local or foreign, for centuries. What can explain such a will to defend oneself throughout the ages ? My research proves that such a force results from their form of social organisation founded on the development of psychic powers.
According to their conception of human reality, the boundaries that separate the reigns of nature (matter/spirit) are flexible and can be bridged thanks to ‘supernatural’ powers. Inorganic matter is alive because everything is Pan-life. The mysterious powers of words, together with psychic power, become an endless network of meanings. In this sociocultural context, the object of power is the action through which a human subject is able to use the powers of his spirit, intrinsically immeasurable, to transform a physical strength into an invisible force ; in short, to attain the metamorphoses of the desintegration of the union of soul and body. It is thus possible to undo the snares of existence by the apprehension of the deep dimension of human beings, namely their psychic energy or soul, in the very place where the secrets of life and death lie for eveyone.
Traduction Odile Gouget

Fêtes et cérémonies religieuses : occurrences et médias transclaniques
Une brève introduction
La place que les Lyéla accordent aux fêtes religieuses comme occurrences de vie sociale et de communion humaines intra et inter-claniques ne leur est pas spécifique. En effet, dans une aire culturelle, non loin du Lyolo, Meyer Fortes souligne, chez les Tallensi, la même portée, la même finalité de ce qu’il appelle les « festivals ». Il précise que ces occasions apparaissent fondamentalement comme un cadre, voire une « synthèse fonctionnelle et non une entité politique définie ». En ce sens, ce cadre « met en lumière la commune allégeance et la fraternité idéologique de tous les chefs, manifeste la parenté de tous les tendaana participant au culte commun de la terre et souligne les fonctions complémentaires de ces charges. Pour une certaine période, le festival signifie le triomphe des forces d’intégration de la parenté, du clan, des liens de voisinage, de la chefferie et du système des tendaana »[1964 : 226].
Dans cette optique, c’est essentiellement sur le plan religieux que les Lyéla arrivent à établir des passerelles, dans l’espace d’un terroir-village, entre les divers kwala et créer une ressource spirituelle pour coordonner les aspirations de la communauté autour de l’unité de la puissance chtonienne ou autel de terre ; et densifier le tissu social grâce à des cérémonies sacramentelles et biophysiques par la manducation commune de la chair des victimes de ces sacrifices [….] (P.p.358-359)
- A- L’origine du vur et ses pratiques : une confrérie mystique et secrète aux célébrations unificatrices
« Le vur tire son origine de la brousse. Il est comparable à la manière dont les femmes préparent le beurre de karité. A l’origine, celles-ci ignoraient comment le produire. Mais un jour l’une d’entre elles se rendit en brousse. Elle tomba, par hasard, sur les génies sylvestres (nikilsés) qui faisaient une sortie. Pour éviter d’être vue, elle grimpa sur le sommet d’un arbre et se dissimula dans les branches feuillues. De cette cachette, elle observa les femmes des génies se livrer à toutes les phases de la préparation du beurre de karité. Quand celles-ci eurent fini et s’en retournèrent à leur domicile, elle descendit de sa cachette, prit un peu de ce beurre et revint au village en courant1. Dès son arrivée, elle convoqua tout le village et montra le beurre. Devant l’interrogation des gens, elle dut leur raconter son histoire. Puis elle se mit à préparer le beurre de karité de la même manière quelesfemmes génies. C’est ainsi que, depuis lors, l’on sut faire du beurre de karité ». En dehors de leur origine commune, nous n’avons pas bien saisi le rapport entre l’art de fabriquer le beurre de karité et le vur qui est une institution religieuse et spirituelle.
Une autre variante du même récit présente les choses de la manière suivante : « il en est ainsi du vur. Un homme alla en brousse et tomba sur une sortie d’animaux. Il se cacha et observa minutieusement leurs mouvements et gestes. Puis il s’en retourna à la maison et il se mit à reproduire tous les actes qu’il avait vu faire par ces animaux. Il enseigna tout ceci à ceux qui voulaient l’imiter. C’est ainsi que naquit le vur. Celui-ci est donc un K’o (théurgie) de la brousse qui, de nos jours, élit lui-même ses adeptes ». Même cette dernière version des anciens de Goundi n’est pas plus éclairante sur l’institution du vur lui-même. La nuance en question est schématique. Elle ne dit pas comment les animaux opéraient concrètement, ni à quoi aboutissait cet ensemble de mouvements et de gestes. Il y a également un silence sur le sens de leur répétition par le témoin ; du moins, on ne voit pas très bien ce que lui apporte de les répéter. A défaut de faire parler davantage le récit, venons-en à l’examen de la fonction sociale et culturelle de cette institution.
Au sujet du vur, le Père Emmanuel Bayili écrit ceci : « le vur constituait donc un élément de trait d’union, un facteur d’inter-communication, non seulement entre les différents devins, mais aussi entre les simples individus et les communications des territoires villageois différents » [1983 : 129]. Si une telle observation se trouve justifiée par et dans les faits, il n’en demeure pas moins qu’en raison de la dimension très secrète du vur, les perceptions du vurbal2(prêtres du vur) sont très contrastées. Selon les anciens de Goundi, « le vurbal est à la fois un menteur et un homme véridique de Dieu. Le vur a pour but de rendre ses adeptes très féconds ». Cette brève allusion à la pratique du vur peut donner lieu à une double interprétation conforme aux faits sur le terrain. D’abord, la science du vurbal lui permet d’être un dévoileur des phénomènes cachés, un déchiffreur d’énigmes. Mais la science des vurbala n’est pas égale en chacun d’eux. Les initiations des adeptes, qui donnent lieu à des manifestations de puissances fondées sur les usages des énergies physicopsychiques ou secrets de la Nature, le prouvent bien. Certains sont plus à l’aise dans le maniement de ces forces occultes naturelles et incorporelles, eu égard à nos cinq sens ordinaires, que d’autres. Cette inégale possession de la science supra-sensible traduit également la différence de voyance et la faculté qui permet de se plonger dans les réalités profondes de la nature des uns et des autres, en se fondant sur l’usage de l’essence de l’âme douée de la bi-vision (discience).
En vertu de ces constats, on comprend pourquoi les vurbala apparaissent sous cette figure ambivalente : ils sont « menteurs », d’une part, en tant que tout devin l’est, dès lors qu’ils dévoilent des choses qui ne sont pas de l’ordre des phénomènes ordinaires, visibles et palpables ; d’autre part, l’insuffisance de la science de certains d’entre eux les incline fortement à interpréter les événements de la vie de ceux qui les sollicitent bien plus qu’à lever le voile sur leurs réalités sous-jacentes, véritables motrices du destin humain. A l’inverse, le vurbal est un « homme véridique de Dieu », quand la profondeur de sa science l’autorise à accéder aisément aux secrets de la vie, à lire comme dans un livre à travers les lettres de l’alphabet, les connections qui tissent la trame de l’existence individuelle et lui confèrent son sens latent.
Ensuite, les vura ou vurbala cultivent scrupuleusement le secret autour de leur confrérie mystique. On ne sait rien de ce qui peut s’y passer, sauf les manifestations extérieures au public dont chacun peut être témoin. En ce sens, les Lyéla reconnaissent que « le vurbal ne révèle jamais rien à qui que ce soit ; pas même à son fils sous peine de mort immédiate. Chaque vurbal doit tenir caché tout ce qu’il sait de la société secrète des vurli (adeptes ou hommes de ce culte). Toute révélation à une personne étrangère à la société condamne celui qui l’a faite à une mort certaine. La science des vurli n’est enseignable qu’aux seuls initiés au vur qui sont des élus. En dehors des vurli qui en causent entre eux, personne ne sait rien concernant cette société mystérieuse » . En raison du secret qui entoure la pratique du vur, on conçoit qu’il y ait à son sujet toutes les supputations possibles. Il y a, dans le Lyolo, beaucoup de rumeurs plus ou moins vraisemblables sur le vur. Un tel mystère conduit naturellement à des positions contradictoires de la part des profanes.
Dans notre article (1997), nous faisions remarquer que personne ne s’avise de demander à adhérer au vur de son propre chef. On en devient membre par un choix qui relève des puissances invisibles. Cette élection, qui ne dépend pas de la volonté humaine, peut résulter d’une transmission héréditaire en quelque sorte. En d’autres termes, dans une famille où il y a eu un vurbal, il y a de fortes chances que l’un des enfants (toujours mâle) soit élu de la même manière, c’est-à-dire par le « libre-arbitre » des forces ou puissances supra-sensibles de ce culte. A cet effet, nous écrivions ceci : « la manière dont on sait qu’un individu est élu futur membre du vur est bien étrange. Les signes diffèrent selon qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte. Dans le premier cas, l’enfant peut avoir de sérieux problèmes de santé qui mettent en péril sa vie ; ou des cauchemars, des visions effroyables, des apparitions d’êtres inconnus (aux formes étranges) de nos réalités ordinaires. Dans le second cas, l’élu d’âge mûr peut connaître les mêmes phénomènes. Mais, pis encore, il arrive qu’il perde certains de ses enfants en l’espace d’un temps assez bref.
Quand un individu vit une telle situation, sa famille voit un devin qui révèle la cause exacte de ses malheurs : en l’occurrence, le fait qu’il est élu membre du vur. A partir de ce moment précis, on ne lui rase plus la tête jusqu’au jour de son initiation. Cette propédeutique peut durer plusieurs années »[1997 : 566].

Quant à la fonction sociale des vura, elle est plus perceptible par la place centrale qu’ils occupent chez les Lyéla. D’abord, tout le monde s’accorde à dire que le vur est transclanique. Cependant, tous les kwala ne possèdent pas le culte du vur. Tel est, par exemple, à Réo le clan Bationo de Toukon. Comme le vur s’étend sur tout le territoire habité par les Lyéla tel une tentacule, voire une pieuvre qui enserre tout le Lyolo, il se situe en dehors des singularités claniques, transcende les spécificités des terroirs-villages et résorbe les différends entre communautés villageoises. C’est aussi l’un des cultes de la religion naturelle des Lyéla qui, au pire moment des vendettas inter-kwala ou inter-villageoises, permettait un espace festif accessible à tout le monde, dans la résolution des différends ou, à tout le moins, leur suspension.
En effet, aux dires des Lyéla, c’est-à-dire suivant l’enseignement d’un grand nombre de nos instructeurs, lors des réjouissances relatives à l’initiation de l’un de leurs adeptes, le jour de la cérémonie, le village du futur initié rassemble tous les grands maîtres du vur. C’est aussi une occasion d’un grand marché où tout le monde peut se rendre librement, soit pour vendre des marchandises, soit pour en acheter, soit pour participer simplement aux festivités marquant cette initiation. Celle-ci apparaît donc comme un moment et un jour de rassemblement populaire, transclanique et inter-villageois. Même si le but du vur n’est pas de parvenir à une quelconque réconciliation entre groupes en conflit, en raison de ses mystères, de sa sacralité, il n’en demeure pas moins qu’il rend possible des rencontres entre des groupes de tous les horizons. En vertu de sa fonction sociale transclanique, il sert donc à tous et pas seulement aux membres de quelques kwala auxquels les vura appartiennent.
La fonction sociale des Vura est double : d’une part, elle est essentiellement divinatoire. Dans notre article sur le Vur (1997), en regard de ce point précis, nous écrivions ceci : « puisque la fonction sociale du vur est d’amener ses membres à l’art divinatoire notamment… », l’initiation au culte du vur a pour finalité de conférer la voyance et la divination, selon la puissance intrinsèque de l’âme des initiés, qui varie de nature en vertu de la position des individus dans la hiérarchie des vura. Dès lors, on peut reconnaître qu’ « il existe une coïncidence entre le savoir et la clairvoyance dans l’acte de divination. Le grand maître du vur n’a pas besoin d’objets pour prédire les choses : il les révèle en lisant directement dans l’âme des individus qui viennent le consulter, comme si elles se reflétaient dans un miroir que ses yeux seuls peuvent voir » [1997 : 569].
D’autre part, la seconde dimension de la fonction sociale des vura est la médecine. Outre la prescience qu’ils acquièrent au cours de leur initiation, au contact des grands maîtres de cette pratique religieuse mystique et secrète, ils doivent aussi apprendre les vertus des plantes, voire celle des minéraux et des animaux dont des parties sont nécessaires à la fabrication de remèdes efficaces contre des maladies. Comme ils maîtrisent un certain nombre de pouvoirs et de sciences occultes, ils ont quelques remèdes favorisant la fécondité non seulement des membres du vur eux-mêmes, mais aussi de tous ceux qu’ils prennent en charge au niveau des soins. Cette double fonction des vura leur confère un prestige certain. Par rapport à leur kwala d’origine où ils doivent résider durant toute leur vie, ils jouissent, en quelque sorte, d’un statut d’ « extra-territorialité », d’une position particulière visant au rang de relations universelles, et transclaniques chez les Lyéla.
- B- Les cultes des théurgies protectrices en tant que cérémonies de rassemblement et d’unité sociale
Outre ce culte religieux fédérateur (le vur), il y a toutes les théurgies qui viennent essentiellement des pays côtiers, lesquelles ont été admises à prendre place au milieu des déités chtoniennes. Les plus célèbres d’entre celles qui existent encore, et qui ont une fonctionnalité sociale, sont le Tougali ou encore le Djandjou. Leur rôle interclanique peut être perçu selon deux angles principaux : d’abord, pour y adhérer point n’est besoin d’appartenir à un clan particulier comme le shù ou le vur, par exemple. Il s’agit de théurgies acquises par une famille ou même un individu estimant que ses proches auraient connu des maux causés par les sorciers et qui, par l’intermédiaire de ces déités, voudraient limiter la portée des actions néfastes ou mortifères des bio-psychophages. Mais ces théurgies, par leur origine étrangère, transcendent les clans singuliers et, par leur statut de nature sociale, sont ouvertes à toutes les adhésions possibles. Car elles ne protègent pas un seul individu ni une seule famille contre les maléfices des sorciers, mais bien la bio-psyché de tous ceux qui viennent à elles.
Ensuite, lors de n’importe quelle cérémonie qui se déroule sur leur autel, c’est toujours un espace public, un moment de rencontre et de communion entre des individus venus de divers clans. Cette réunion rituelle prend parfois des allures de fête qui donnent lieu à des démonstrations de danse religieuses et profanes. En effet, chez les Lyéla, la danse n’est pas toujours liée à une occurrence cultuelle. Elle comporte une dimension de plaisir, voire un amusement pour le spectateur. Les deux aspects de la danse, danse pénétrée d’extase, moyen de communication suprême entre le visible et l’invisible, danse comme art du beau, coexistent bien chez eux.
La première forme de danse est instituée, formalisée même selon des pas codés, dans le cadre du culte des théurgies originaires essentiellement du Ghana. Lors de ces soirées ou fêtes réservées à l’ « amusement » des entités invisibles aux sens ordinaires ou djinns de celles-ci, lesquelles sont animées par un groupe de musiciens, parmi leurs serviteurs, il advient que quelque personne entre en transe. Mais celle-ci se produit suivant deux conditions : soit parce qu’un message doit être transmis, en général une révélation à l’intention de la vie des adeptes de la théurgie, soit lorsque la musique atteint, certains soirs, un niveau si élevé de paroxysme de la beauté orchestrale ou d’intensité de la communion des esprits, voire de l’émotion extatique que ce concours de phénomènes humains incline les djinns de la théurgie, pour s’amuser, à se servir du corps d’un initié. La déité choisit de préférence un serviteur doué du pouvoir de la bi-vision de sorte que, dans la manifestation de la divinité qui se sert de lui comme moyen de manifestation, son âme puisse la voir, l’entendre et suivre ses instructions. Dans cette épiphanie où la communion devient unité de deux essences dichotomiques, dans un espace supra-sensible rayonné par les puissances de l’au-delà du monde sensible concret, l’âme du possédé subit une transfiguration fondamentale. Sa propre personnalité semble être dénuée de son être spécifique, de ses tendances singulières pour épouser la parousie du dieu en présence. Il y a, dans cette expérience singulière et authentique, comme une nécessité de s’extérioriser de son propre corps, de sa chair, pour pouvoir adhérer à la visite du divin.
L’analyse d’un aspect des religions naturelles africaines, en l’occurrence, la transe, a amené Dominique Zahan à établir une distinction de ce phénomène chez les peuples sub-sahariens de l’Ouest africain. La manière dont il examine la possession correspond au fait religieux chez les Lyéla. En effet, Dominique Zahan remarque que la fonction religieuse essentielle « se manifeste aussi bien dans l’acte d’union à Dieu – appelé improprement possession par Dieu – que dans la possession par les esprits. Dans le premier cas, nous sommes en présence des formes les plus riches et les plus significatives de la mystique négro-africaine… Dans le second cas, l’intention semble différente puisqu’il faut, avant tout, « incarner les dieux » : être « monté » par un génie ne signifie pas seulement qu’il y a « chevauchement » ; pour le fidèle, il s’agit plutôt d’une « identité » – même provisoire – il a devant lui un tel dieu (telle déesse) et le traite comme tel… » [1970 : 176-177].
Cette « identité » exubérante de la chair et de l’esprit génère une force, une puissance singulière qui se manifeste par la projection de la « monture » au sol, des contorsions et des convulsions. Le corps préservé de toute blessure par la parousie de l’esprit devient un instrument malléable, modulable, voire manipulable dans tous les sens. Les deux entités d’essence différente, par des entrechocs d’une violence inimaginable parfois, font sauter tout obstacle, briser toute résistance. La divinité s’empare indifféremment de l’âme d’un enfant, d’un homme, d’une femme jeune ou adulte, pourvu seulement que son être soit doué de la bi-vision. Ce qui est propre aux Lyéla, c’est qu’il n’y a pas de différence dans la nature de la prophétie qui surgira de la bouche de la personne ainsi possédée. Dès lors qu’aucune possession n’est mécanique -autrement cela se saurait et la personne qui jouerait une telle comédie, car ç’en est une, serait ridiculiséee par l’assemblée des participants et des assistants-, on ne distingue pas, d’un côté, une prophétie profane et, de l’autre, une prophétie autorisée. Toute parole-même celle d’un enfant en situation de possédé- a un sens qui s’insère dans le contexte de la communauté par sa finalité révélatrice d’un problème humain. En ce sens, elle n’admet pas de d’énonciation vague, ni non plus une autre qui serait ciblée en tant qu’elle serait chargée de signification spécifique. Le jinn de la théurgie parle d’une seule voix à toute l’assemblée, par la bouche d’emprunt de l’un des siens.

Ainsi, lorsqu’il s’agit de maux futurs potentiellement graves, c’est-à-dire susceptibles de générer des troubles sérieux dans la communauté, le chef de celle-ci est personnellement invité à entendre cette parole qui est toujours publique. En revanche, dans la perspective où quelque personne maligne préparerait une action mortifère contre la bio-psyché d’un membre de la communauté, elle sera directement désignée par la prophétie et, éventuellement, condamnée à s’acquitter d’une certaine amende pour réparer l’action maléfique engagée.
Ce mariage salutaire de ces deux entités antinomiques prépare le terrain à une séance de danse qui peut, suivant les soirées, durer bien longtemps, parfois toute la nuit, parfois plusieurs nuits successives. La danse du serviteur médusé est codifiée selon la volonté ou les pratiques de cette sorte de théurgie. Il s’agit notamment du Tougali ou du Djandjou. On habille le danseur d’un vêtement très ample dont on se sert aussi pour poser les objets théurgiques après l’immolation des victimes. Il est, dès lors, livré à lui-même, plutôt à son monde enchanté et il tourne sur lui de plus en plus vite comme une toupie à laquelle un joueur vient de donner une forte impulsion. Le mouvement des pieds est toujours le même : tout en ayant une bonne adhérence au sol, les deux pieds s’entrecroisent l’un à la suite de l’autre, presque au même emplacement ; en même temps, tout le corps tourne sur lui-même dans le même sens, de la droite vers la gauche. Il peut s’arrêter un instant, marquer une pause, et repartir soit dans le même sens, soit dans le sens opposé, de gauche à droite.
La personne en transe occupe tout l’espace de danse jusqu’au retrait du dieu qui le possède. En son absence, les enfants3, les adolescents, les jeunes gens, filles et garçons, s’alignent en cercle et dansent doucement en suivant le même mouvement de pas et de sens (de la droite vers la gauche). Ce cercle de danse tranquille peut durer aussi longtemps que l’orchestre exécute un morceau. Cependant, il advient parfois que quelque personne rompe ce rythme régulier, codifié, rigide pour improviser des pas de danse singuliers en face de la calebasse sphérique posée sur un tas de pagnes ou de chiffons. Le joueur instaure ainsi un dialogue entre lui et le danseur, comme cela est répandu chez les Lyéla.
La danse lyel, dans laquelle on recherche essentiellement la beauté de la gestuelle, est très complexe. En raison de son caractère physique, elle exige une dépense d’énergie extraordinaire. Elle est pratiquée indifféremment par les femmes, les hommes et, surtout, les jeunes générations, filles ou garçons. Il s’agit, chaque fois, de chercher à être le meilleur dans une quelconque assemblée où il y a un orchestre. C’est pourquoi, au lendemain de l’indépendance de l’ex-Haute Volta (Burkina Faso), on avait institué un concours du meilleur danseur dans chaque groupe ethnique où l’art de la danse était sophistiqué. Cette institution dura, chez les Lyéla du moins, jusqu’à la révolution de Thomas Sankara en 1983. Des jeunes parcouraient de nombreux centres administratifs du Lyolo pour aller en compétition et remporter des trophées, voire parfois séduire sa ou ses futures épouses. Cette émulation les conduisait à plus d’ingéniosité dans la gestuelle, l’improvisation et la complexité des pas, la fantaisie dans les sauts, l’innovation dans les mouvements au sol.
Cependant, le danseur lyel est d’autant meilleur que le musicien qui conduit la danse l’est aussi, en l’occurrence, le joueur du kwelé ou tambour sur coupe, ou celui qui tape sur une demie calebasse sphérique posée au sol sur un tas de pagnes ou de chiffons. Dans les deux cas, il doit y avoir une harmonie parfaite entre l’instrumentiste et le danseur. Le premier est extrêmement vigilant en portant toute son attention sur le moindre geste du danseur. Comme chacun danse à tour de rôle devant le musicien, pendant que l’instrumentiste observe le danseur, celui-ci prépare dans sa tête la meilleure fantaisie ou improvisation possible pour séduire à la fois le public, se faire admirer ou applaudir plus que les autres concurrents, et le musicien qui met ainsi en valeur ses propres talents.
Dans cette complicité extraordinaire, le danseur joue avec tout son corps et le musicien explore toutes les subtilités de résonance, de tonalité, de battement pour les adapter parfaitement aux mouvements du corps du danseur. En effet, celui-ci peut utiliser sa tête et son cou pour créer des mouvements dansants ; la gestuelle des mains et des bras pour improviser ; le buste pour créer la surprise. Néanmoins, le danseur lyel est surtout extraordinairement inventif au niveau des membres inférieurs jusqu’aux orteils. Il est capable de danser sur la plante des pieds en inventant une diversité de mouvements, tout comme sur la pointe des orteils qui lui donnent, là aussi, l’occasion de pas de danse, de gestuelles aux nuances infinies de variétés, de finesse et d’habileté. Tout cela confère au danseur lyel une grâce, une souplesse, un rythme inventif, un vrai régal pour le spectateur. Il se fait plaisir dans son art. La virtuosité du joueur de tambour sur coupe, jointe au talent de tout l’orchestre et aux éloges dithyrambiques du principal joueur de flûte-sifflet incitent le danseur à ressentir une plénitude émotionnelle qui confine à l’extase dionysiaque ; plénitude de la jouissance de soi-même, devenue pure esthète dans l’art de la danse. Le dialogue instauré entre le musicien et les danseurs apparaît comme une complicité fusionnelle marquée par le seul plaisir esthétique.
Le danseur est un séducteur et le musicien aussi : musique, poésie gestuelle, danse sont, en définitive, un tout dans le temps du spectacle. Chez les Lyéla, la danse est recherchée et pratiquée pour sa beauté et l’infini champ d’inventivité qu’elle permet. La danse est l’art dans lequel l’excellence est synonyme de liberté absolue, l’espace d’une anomalie permise puisque le danseur, selon l’attente des spectateurs, ose rivaliser avec d’autres concurrents en cherchant à être le meilleur possible sans rien craindre, hormis des actes de crapulerie (jeteur de mauvais sorts par pure jalousie). Il se livre tout entier à une recherche de perfection expressive, plastique dans le champ de l’art profane ou cultuel.
Ainsi, qu’il s’agisse de rassemblements profanes comme les multiples formes de festivités où les individualités donnent libre cours à une création artistique au niveau de la danse, ou de célébrations populaires religieuses, la finalité est la même : maintenir et nourrir le tissu social. Ils contribuent, à leur manière, aux liens de socialisation lyel par-delà la réalité communautaire clanique. Par la fréquence et les lieux de ces manifestations culturelles dans divers villages du Lyolo, la cohésion des kwala se maintient.
Cependant, malgré leur importance sur laquelle Emmanuel Bayili et Blaise Bayili ont beaucoup insisté en tant que facteurs de communion, d’élaboration d’une certaine identité de cet ensemble de clans, il semble que la permanence des formes de pouvoirs de ces derniers, de leur équilibre même, doive être cherchée ailleurs. En effet, du point de vue de la structure visible (les formes de pouvoirs existant telles que nous pensons l’avoir montré), les diverses figures d’autorité s’articulent d’autant mieux qu’il y a un respect de chacune, en sa souveraineté, de la part des unes et des autres. Les diverses réunions publiques profanes ou religieuses participent de l’« harmonie » et du bon fonctionnement de cette structure visible. Mais cette dernière est réglée, de façon sous-jacente, par la structure invisible, déjà présente à travers et dans les cérémonies cultuelles publiques, c’est-à-dire toutes les fêtes religieuses. En dernier ressort, comme nous tâcherons de le démontrer, à partir du socle du kwala qui se fonde sur l’autel de terre, c’est la structure invisible, sous la conduite des kialé, qui est la clef du maintien des pouvoirs chez les Lyéla, tout autant que de la cohésion sociale.
Déjà, dès 1984, nous concluions notre article (« Anthropos ») sur l’exercice du pouvoir chez cet ensemble de clans, en insistant sur le respect de la « souveraineté » de chaque figure de pouvoir. Mais, nous n’avions pas encore décelé le fondement de la cohésion sociale de ces hommes. Nous écrivions alors ceci : « la société lyéla se présente avec une image contraire à ce que l’on a pu dire jusqu’ici, à savoir une société anarchique. Certes, ils n’ont jamais eu de rois ni d’empereurs. Et les tentatives du Larlé-Naba pour créer une chefferie à l’image de la société des Mossi afin de mieux dominer la population des Lyéla, ont échoué ; tout comme celle des colons. La création de la province de Réo, avec à sa tête un prince, n’a pas tenu longtemps devant les exigences de cette population qui a toujours aspiré à une forme de pouvoir traditionnel non autoritaire ni contraignante.
La société lyéla est structurée de telle manière qu’elle parvient à maintenir encore aujourd’hui une certaine cohésion et un certain équilibre malgré les vicissitudes de la civilisation moderne. Elle le doit en partie semble-t-il, à cette manière de concevoir l’autorité. En effet aucun des chefs mentionnés plus haut n’outrepasse ses droits. Il rend justice pour toutes les affaires tombant sous son autorité. Chaque chef est comme limité par l’extension du pouvoir des autres. Lorsqu’il y a un problème concernant exclusivement l’autel de terre, le chef du village tâche de ne pas s’y mêler. Il en est de même pour toute affaire relative à l’autorité politique. Quant au chef de kwala, il n’agit jamais en dehors des histoires uniquement claniques. Aucun n’est au-dessus du pouvoir des autres ». [p.440].
En définitive, l’organisation des pouvoirs, chez les Lyéla, repose sur une architectonique qui semble, en apparence, exclure toute forme de hiérarchie à visage de contrainte, de soumission à quelque autorité qui aurait le statut de supériorité. Il n’y a donc pas de hiérarchie de pouvoir. L’architectonique, c’est-à-dire la structure, voire la structuration du pouvoir voulu par les Lyéla est essentiellement horizontale.
Faut-il parler d’un détenteur du pouvoir chez les Lyéla ? Le pouvoir, tel que nous l’avons défini pour en spécifier son sens chez ce peuple, n’est pas quelque chose que l’on conquiert par un quelconque moyen moral ou physique. Il n’est pas non plus délégué ni transféré par une personne morale à un groupe d’individus ou à un parti qui doit l’exercer en son nom comme on le voit sous diverses figures dans les Régimes politiques démocratiques ou républicains. Enfin, il n’est pas le fait d’une famille institutionnelle qui, en vertu d’un droit du sang, est la seule habilitée à l’exercer de père en fils, telle que la royauté. La chefferie de terre semble avoir, à quelques nuances près, un tel visage dès lors que l’autel de terre ne pouvant se déplacer dans l’espace, on a convenu que le plus ancien, dans la génération des pères, soit un membre de la cour devant laquelle il a été édifié et/ou installé. Mais le sacrificateur peut être désigné dans une autre concession pour cet office s’il remplit la condition de primus inter pares. Nous avons montré, à cet effet, un exemple avec la succession de la chefferie de l’autel de terre à Goundi où certains d’entre ses sacrificateurs avaient été destitués de leur fonction pour des raisons que nous n’avions pas su expliquer. De même, la chefferie de kwala échoit à tout individu, membre de ce clan, si son âge le lui permet.
Donc, on ne détient pas un pouvoir chez les Lyéla. Le chef n’est rien d’autre qu’un ministre ; et un ministre, selon Le Robert, dérive du latin minister qui qualifie « le serviteur… le prêtre d’un Dieu… L’agent, l’intermédiaire ». Ainsi, dans la religion judéo-chrétienne, les agents ecclésiastiques (Pape, Cardinaux, Evêques, Prêtres…) sont des serviteurs humains à la fois de Dieu et de leur religion. Chez les Lyéla, un chef de quelque autel sacré que ce soit est avant tout un sacrificateur. En vertu de cet office, on lui accorde une autorité morale de conseiller. Il ne peut agir de son propre chef, d’autant plus qu’il est entouré de conseillers qui surveillent ses faits et gestes. Il doit toujours agir au nom de et pour la communauté toute entière, celle d’un kwala ou celle d’un terroir-village. Il a bien plus de devoirs que de droits. En tant qu’individu, il n’est au-dessus de personne. On lui doit seulement du respect comme on en témoigne à toute personne âgée en raison du caractère vénérable de son âge. Comme particulier et comme sacrificateur, s’il enfreint les Nia (Testaments oraux), règles ou lois relatives à l’autel du kwala ou du terroir-villageois, il connaîtra le même sort d’annihilation de sa substance vitale au même titre que tout autre membre, tant d’un clan quelconque que de la communauté villageoise. A ce titre, qu’on se rappelle le sort d’un chef du kwala Négalo de Batondo. Bien qu’il fût lui-même sorcier gardien des traditions (Nia), on le contraignit à la mort suite à un manquement volontaire au respect de celle-ci.
Il faut donc admettre l’existence d’une autre instance qui contient, voire contraint moralement, physiquement, métaphysiquement à la fois les divers ministres et les communautés sous leurs diverses formes, clanique ou villageoise. C’est cette instance cachée, diluée, diffuse même, invisible, toujours imperceptible, voire insensible à un regard étranger, à une étude rapide, en raison de la structure visible qui l’occulte, que nous nous attacherons à dévoiler. (p.p.364-374).

1 Ce récit est, dans sa forme, fidèle aux autres sur lesquels nous nous sommes appuyés pour rédiger notre article précité. Tous les éléments y sont : la rencontre hasardeuse, le jour de la sortie des génies sylvestres, la cachette dans un arbre, le suivi de la scène de bout en bout ; bref, l’instruction ou l’apprentissage d’une science et, ici, d’un savoir-faire, uniquement par le voir. Ce qui change des deux précédents récits, ce sont les personnages principaux : la femme et les femmes génies. Mais ceci n’est pas étonnant puisqu’il s’agit d’une tâche féminine. Les Lyéla restent fidèles à l’idée que les arts, oeuvres de la culture humaine, proviennent de l’espace sylvestre et des êtres qui l’habitent.
2 Vurbal, pluriel, vura, « prêtre-devin, membre d’une association à rites d’initiation secrète », telle est la définition qu’en donne le Père François-Joseph Nicolas (1953).
3 Les enfants apprennent, dès l’âge de quatre à sept ans, à faire des pas de danse en imitant les plus âgés, à jouer avec tout leur corps, ce qui explique leur aisance ultérieure à se mouler dans toute sorte de rythme.